La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2002 | SUISSE | N°4P.82/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2002, 4P.82/2002


«/2»
4P.82/2002

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: Carruzzo.

_______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Louis Waltenspuhl, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 27 février 2002 par la Présidente de la
Cour de justice civile du canton de Genève;

(art. 9 et 29 al. 3 Cst.; procédure c

ivile genevoise;
assistance judiciaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X._____...

«/2»
4P.82/2002

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: Carruzzo.

_______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Louis Waltenspuhl, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 27 février 2002 par la Présidente de la
Cour de justice civile du canton de Genève;

(art. 9 et 29 al. 3 Cst.; procédure civile genevoise;
assistance judiciaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ a reçu un prêt de la banque
Y.________ de 9 950 000 fr., garanti par la remise de deux
cédules hypothécaires de 6 800 000 fr. et 3 500 000 fr. La
banque Y.________, qui a par la suite cédé sa créance à la
Fondation de valorisation de la banque Y.________, a intro-
duit une poursuite en réalisation de gage immobilier et ob-
tenu la mainlevée provisoire de l'opposition faite au com-
mandement de payer. En date du 4 décembre 2001, X.________ a
ouvert action en libération de dette, au motif qu'il
n'aurait
jamais acheté les immeubles, dont il est devenu
propriétaire,
au prix excessif auquel la banque Y.________ les avait exper-
tisés et surévalués, ce qui impliquait l'octroi du prêt men-
tionné ci-dessus. Les immeubles en question étaient en réali-
té d'une valeur très inférieure, de l'ordre de 3 975 000 fr.
Dans cette procédure, X.________ a conclu à la réduction de
sa dette d'un montant de 6 325 000 fr.

Ayant sollicité l'assistance juridique, X.________
était ainsi provisoirement dispensé du paiement des "frais
d'introduction" (avance de frais sous peine
d'irrecevabilité)
jusqu'à droit jugé sur la requête, étant précisé que cette
avance s'élève à plus de 44 000 fr. selon le Tribunal de pre-
mière instance, ou à environ 47 500 fr. d'après le recourant.

B.- Par décision du 10 décembre 2001, la Présidente
du Tribunal de première instance du canton de Genève a
refusé
le bénéfice de l'assistance juridique, parce que l'action en
libération de dette ne présentait pas de chances de succès.
Sur recours de X.________, la Présidente de la Cour de jus-
tice a confirmé cette décision, par substitution de motifs,
en retenant que la condition d'indigence n'était pas
remplie,

dès lors qu'après paiement des charges admissibles, le recou-
rant disposait encore de plus de 1000 fr. par mois, ce qui
lui permettait d'assumer les frais de sa défense. Cette déci-
sion a été notifiée le 1er mars 2002.

C.- Agissant le 20 mars 2002, par la voie du recours
de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'an-
nuler la décision entreprise avec suite de dépens et
requiert
l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.

L'autorité cantonale se réfère à sa décision.

Par ordonnance du 9 avril 2002, le Président de la
Ière Cour civile a accordé l'effet suspensif au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
128
II 13 consid. 1a; 46 consid. 2a et les arrêts cités). Le re-
fus de l'assistance judiciaire est une décision incidente
qui
cause un dommage irréparable. Dès lors, le recours de droit
public est immédiatement ouvert contre une telle décision
(art. 87 al. 2 OJ; ATF 125 I 161 consid. 1 et les arrêts ci-
tés).

2.- S'agissant du refus de l'assistance judiciaire,
le recourant peut se plaindre soit d'une application arbi-
traire des dispositions du droit cantonal, c'est-à-dire
d'une
violation de l'art. 9 Cst., soit du non-respect des
garanties
minimales découlant directement de l'art. 29 al. 3 Cst., qui
codifie la jurisprudence déduite de l'art. 4 aCst.

a) En l'espèce, le recourant invoque l'art. 9 Cst.
non pas à l'occasion d'une application insoutenable des nor-
mes du droit genevois régissant l'assistance juridique, mais
parce qu'il reproche à la Présidente de la Cour de justice
d'avoir constaté arbitrairement les faits, en omettant de
prendre en considération le montant des frais de procédure
qu'il devrait supporter. Cet élément était décisif à ses
yeux, pour savoir s'il se trouvait, concrètement, dans l'in-
digence, c'est-à-dire s'il remplissait l'une des conditions
cumulatives posées à l'octroi de l'assistance juridique.

Le recourant ne tire aucun moyen du droit cantonal
et ne cite en particulier pas l'art. 143A OJ/GE, ni le règle-
ment sur l'assistance juridique, du 18 mars 1996 (RAJ). Au
contraire, il se fonde directement sur l'art. 29 al. 3 Cst.,
grief que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 127 I
202 consid. 3a p. 205 et les arrêts cités). Le contrôle ne
portera donc que sur la seule garantie subsidiaire de
l'art. 29 al. 3 Cst. A cet égard, la protection conférée par
cette disposition est équivalente à celle prévue aux art. 2
et 3 RAJ.

b) Dans le cas présent, la Présidente de la Cour de
justice a rappelé la notion d'indigence selon la jurispru-
dence constante, récemment confirmée (ATF 127 I 202 con-
sid. 3b et les arrêts cités), pour retenir que cette condi-
tion n'était pas réalisée, dès lors que le requérant dispo-
sait d'un montant mensuel disponible supérieur à 1000 fr.,
situation non contestée dans le recours de droit public. Par
contre, le recourant fait valoir qu'il ne peut pas payer les
frais d'introduction de l'action en libération de dette dépo-
sée le 4 décembre 2001, portant sur une valeur litigieuse de
6 325 000 fr. et donnant lieu au paiement d'une avance de
44 000 fr. selon la Présidente du Tribunal de première ins-
tance, voire de 47 500 fr. d'après lui.

Il n'y a pas lieu de revenir en détail sur les con-
ditions du droit à l'assistance judiciaire en ce qui
concerne
la preuve du besoin financier, dans la mesure où l'autorité
cantonale s'est, sur le principe, référée à la jurisprudence
qu'elle a appliquée à partir des éléments contenus dans le
dossier. Il est exact que la décision entreprise ne traite
pas de la fortune du recourant, mais il ressort des pièces
cantonales que cette dernière consiste essentiellement dans
les deux immeubles pour lesquels la banque Y.________ a ac-
cordé le prêt faisant l'objet des mesures d'exécution forcée
et de l'action en libération de dette intentée par le recou-
rant. A cet égard, la position obérée de celui-ci démontre
qu'il ne pourrait recourir à l'emprunt pour réunir les fonds
nécessaires à soutenir son action en libération de dette
(ATF 120 Ia 179 consid. 3a p. 181; 119 Ia 11 consid. 5a p.
13
et les références). Sur ce point, la démarche de l'autorité
cantonale échappe à la critique.

c) En revanche, la décision attaquée méconnaît com-
plètement le montant de l'avance de frais à effectuer, ainsi
que l'obligation, pour le débiteur qui souhaite intenter une
action en libération de dette, d'agir dans le délai de 20
jours fixé à l'art. 83 al. 2 LP, échéance si brève qu'elle
ne
permet pas à l'intéressé de faire des économies en vue des
frais du procès (ATF 108 Ia 108 consid. 5b p. 109 et les ar-
rêts cités). Ainsi, pour se déterminer sur la notion d'indi-
gence, l'autorité cantonale devait apprécier l'ensemble des
circonstances existant au moment du dépôt de la requête, qui
comprennent notamment une estimation des frais de la procé-
dure envisagée (ATF 120 Ia 179 consid. 3a p. 181; 108 Ia 108
consid. 5b p. 109 et les arrêts cités; Piermarco Zen Ruffi-
nen, Article 4 Cst. féd.: Le point sur l'évolution de la ju-
risprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judi-
ciaire, in: Etudes en l'honneur de Jean-François Aubert,
Bâle
1996, p. 695), la mise à contribution des ressources finan-
cières d'un plaideur s'évaluant en fonction de la procédure

spécifique qu'il veut ou doit introduire, et non pas de ma-
nière abstraite.

En ignorant de la sorte les frais du procès, que la
partie requérant l'assistance juridique devait interjeter
dans le bref délai de l'art. 83 al. 2 LP, si elle s'y esti-
mait fondée, l'autorité cantonale n'a pas examiné l'ensemble
des circonstances; elle ne pouvait en conséquence pas se pro-
noncer sur les conditions de l'assistance juridique, en par-
ticulier sur le critère de l'indigence ou du besoin finan-
cier, ouvrant le droit à l'assistance judiciaire gratuite
(art. 29 al. 3 Cst.), ou à l'assistance juridique, selon la
terminologie cantonale (art. 143A de la loi genevoise sur
l'organisation judiciaire; art. 2 al. 1 RAJ). Comme l'autori-
té précédente a violé le standard minimum que représente la
garantie subsidiaire de l'art. 29 al. 3 Cst., que le
Tribunal
fédéral revoit librement (ATF 127 I 202 consid. 3a p. 205 et
les références), sa décision sera annulée.

d) Cela ne signifie pas que le recourant puisse né-
cessairement bénéficier de l'assistance juridique. Suite au
présent arrêt, la procédure est, en effet, replacée dans la
situation où elle se trouvait en instance cantonale, avant
le
prononcé de la décision du 27 février 2002. Pour examiner
l'ensemble des circonstances, la Présidente de la Cour de
justice devra, en cas de réalisation du critère du besoin fi-
nancier, aborder la cause sous l'angle des chances de
succès.
Appliquant le droit cantonal, elle pourra, le cas échéant,
si
les conditions du besoin financier et des chances de succès
sont réalisées, octroyer une assistance juridique partielle
(art. 4 al. 2 RAJ), par exemple sous la forme d'une dispense
de frais judiciaires, ce qu'admettent la jurisprudence et la
doctrine (arrêt 1P.438/1997 du 28 août 1997, consid. 3;
Christian Favre, L'assistance judiciaire gratuite en droit
suisse, thèse Lausanne 1989, p. 119).

3.- Vu l'issue de la procédure de recours, l'Etat de
Genève, qui n'aura pas à payer de frais judiciaires (art.
156
al. 2 OJ), devra verser des dépens au recourant (art. 159
al. 1 OJ). La demande d'assistance judiciaire devant le Tri-
bunal fédéral devient ainsi sans objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule la décision attaquée.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Dit que l'Etat de Genève versera au recourant une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens.

4. Dit que la demande d'assistance judiciaire pour
la procédure fédérale devient sans objet.

5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant et à la Présidente de la Cour de justice
civile du canton de Genève.
_____________

Lausanne, le 25 avril 2002
CAR/dxc

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.82/2002
Date de la décision : 25/04/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-25;4p.82.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award