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25/04/2002 | SUISSE | N°4P.26/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2002, 4P.26/2002


«/2»

4P.26/2002

Ie C O U R C I V I L E
**************************

25 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ SA, représentée par Me Eric C. Stampfli, avocat
à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 12 novembre 2001 par la Cour d'appel des
prud'hommes du canton de Genève dans la cause qui oppose le
recourant à A.____

____ et à la Caisse de chômage du SIT,
à Genève, intervenante.

(arbitraire dans l'appréciation des preuves;
déni de justic...

«/2»

4P.26/2002

Ie C O U R C I V I L E
**************************

25 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ SA, représentée par Me Eric C. Stampfli, avocat
à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 12 novembre 2001 par la Cour d'appel des
prud'hommes du canton de Genève dans la cause qui oppose le
recourant à A.________ et à la Caisse de chômage du SIT,
à Genève, intervenante.

(arbitraire dans l'appréciation des preuves;
déni de justice)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________ a été engagé dès le 1er octobre 1998 en
qualité de moniteur dans un établissement de fitness à
Genève par Y.________ SA.

Le contrat signé par les parties contient une clause
signifiant - selon une interprétation non litigieuse - que
l'employeur s'engageait à conclure une assurance permettant
le paiement intégral du salaire en cas de maladie.

Dans le courant du mois d'octobre 1999, cet établisse-
ment de fitness a été repris par Z.________ SA, devenue par
la suite X.________ SA.

Selon les explications données par cette société, le
précédent exploitant avait résilié, pour la date de la
remise, les contrats d'assurance qu'il avait conclus avec
W.________. Dans le courant du mois d'octobre 1999, la re-
prenante est entrée en contact avec la société d'assurances
K.________ en vue de contracter une assurance collective
perte de gain en cas de maladie. Cette société a recueilli
diverses informations et les documents d'assurance ont été
établis en date du 24 mars 2000; ils prévoient que la cou-
verture d'assurance est donnée dès le 1er janvier 2000.

Le salarié a été totalement incapable de travailler
pour cause de maladie du 18 novembre 1999 jusqu'au 21 mai
2000. Son cas a été exclu de l'assurance conclue avec
K.________.

Ayant appris que l'assureur ne couvrirait pas la perte
de gain du moniteur de sport, l'employeur a cessé de lui

verser son salaire. Par courrier du 25 mai 2000, il a dé-
claré résilier le contrat de travail pour le 31 mai 2000.

B.- Le 16 juin 2000, le travailleur a déposé devant la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève une demande
en paiement, réclamant à son ancien employeur 23'380 fr.90
avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mars 2000, à titre de
salaires pour la période du 1er mars au 31 juillet 2000 et à
titre d'indemnités pour les vacances.

La Caisse de chômage du SIT est intervenue dans la
procédure, faisant valoir la subrogation légale pour des
indemnités versées au travailleur en ce qui concerne les
mois de juin et juillet 2000, à savoir 5'967 fr.

Par jugement du 24 janvier 2001, le Tribunal des
prud'hommes a condamné la défenderesse à payer au demandeur
la somme brute de 23'380 fr.90 avec intérêts à 5% l'an dès
le 31 mars 2000, sous déduction de la somme nette de
5'967 fr. à verser à la Caisse de chômage du SIT.

Saisie par la défenderesse, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt
du 12 novembre 2001, a confirmé le jugement précité. Sur les
deux points qui demeurent litigieux, la cour cantonale a
considéré que la défenderesse n'avait pas apporté la preuve
qu'elle avait payé le salaire du mois de mars 2000 et
qu'elle devait être tenue pour responsable de l'absence de
la couverture d'assurance due contractuellement à l'employé.

C.- Parallèlement à un recours en réforme, la défen-
deresse (qui a changé de raison sociale entre-temps) in-
terjette un recours de droit public au Tribunal fédéral.
Invoquant un déni de justice formel et l'arbitraire dans
l'appréciation des preuves, elle conclut à l'annulation de
l'arrêt attaqué.

Le demandeur propose la confirmation de l'arrêt
attaqué.

La cour cantonale se réfère à ses considérants.

La caisse de chômage n'a pas déposé d'observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Conformément à la règle générale, le recours de
droit public sera examiné en premier lieu (art. 57 al.
5 OJ).

2.- a) La décision attaquée, qui est finale, n'est
susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral
ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque la vio-
lation directe d'un droit d'ordre constitutionnel, de sorte
que la règle de la subsidiarité du recours de droit public
est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche,
si la recourante soulève une question relevant de l'applica-
tion du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce
qu'il pourrait faire l'objet d'un recours en réforme (art.
43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III
524 consid. 1c, 534 consid. 1b; 125 I 492 consid. 1b).

3.- a) En l'espèce, la recourante, invoquant l'art. 29
al. 1 Cst., se plaint d'un déni de justice formel.

Le déni de justice formel suppose qu'une autorité se
refuse à rendre une décision, alors qu'elle y est obligée
(ATF 124 V 130 consid. 4; 107 Ib 160 consid. 3b).

En l'occurrence, la cour cantonale a statué sur l'en-
semble des conclusions prises devant elle et on ne voit pas
en quoi consisterait le déni de justice formel.

Il est possible que la recourante ait songé plutôt au
droit à une décision motivée. Cette garantie n'est cependant
pas issue de l'art. 29 al. 1 Cst. invoqué par la recourante,
mais découle du droit d'être entendu prévu par l'art. 29 al.
2 Cst. (cf. ATF 126 I 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c;
124 II 146 consid. 2a; 124 V 180 consid. 1a). Les exigences
de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ n'étant pas réa-
lisées (cf. ATF 110 II 1 consid. 2a), il n'y a pas lieu
d'entrer en matière sur ce point. Au demeurant, l'arrêt
attaqué est suffisamment explicite pour que l'on puisse com-
prendre les motifs qui ont dicté la décision des juges sur
les deux questions litigieuses. En l'absence d'un quelconque
document probant, la cour cantonale n'a pas pu se convaincre
que le salaire du mois de mars 2000 ait été payé (arrêt
attaqué p. 10 ch. 7). Par ailleurs, il a été retenu que
l'employeur aurait dû "faire le nécessaire auparavant" et
qu'il devait donc être tenu pour responsable de la lacune
survenue dans la couverture d'assurance (arrêt attaqué p. 10
ch. 6).

b) La recourante invoque par ailleurs l'arbitraire dans
l'appréciation des preuves.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par
l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle
serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement

insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec
la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou
un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle
heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité; pour qu'une décision soit annulée en raison de son
caractère arbitraire, il ne suffit pas que la motivation
formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 con-
sid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a; 124 I
247 consid. 5).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves et de l'établissement des faits, la décision est
arbitraire si le juge n'a manifestement pas compris le sens
et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison
sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à mo-
difier la décision attaquée ou encore si, sur la base des
éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables.

aa) S'il est vrai que la cour cantonale n'a pas repro-
duit expressément le témoignage et la lettre qui sont invo-
qués par la recourante, elle a néanmoins retenu un état de
fait qui ne s'écarte pas de ce qui ressort de ces deux
moyens de preuve. Elle a admis (p. 2 let. B) que l'employeur
avait entrepris des démarches auprès de la société d'assu-
rances à l'époque où elle a repris le fitness et que la
société d'assurances a pris des mesures pour évaluer le
risque. Les précisions que voudrait apporter la recourante
ne conduisent pas à s'écarter fondamentalement de ces
données et sont donc impropres à faire apparaître la déci-
sion attaquée comme arbitraire dans son résultat. Savoir si,
dans ces circonstances, il faut retenir que la recourante a
établi ne pas avoir commis de faute au sens de l'art. 97

al. 1 CO est une question de droit fédéral, qui ne peut être
examinée que dans le cadre du recours en réforme déposé
parallèlement (art. 84 al. 2 OJ).

bb) Que l'employeur ait affirmé, dans une lettre du
25 mai 2000, qu'il avait versé cinq mois de salaire (sans
préciser de quels mois il retournait) est impropre à en
apporter la preuve. Il ne s'agit en effet que d'un allégué
du débiteur.

Que le représentant de l'employeur, entendu en qualité
de témoin, ait déclaré que le salaire avait été payé "à sa
connaissance" ne permet pas non plus une conclusion défini-
tive. En effet, ce témoin n'a pas affirmé qu'il se souvenait
avoir remis la somme au travailleur, avoir signé un ordre de
virement ou avoir vu un tel document. En employant la formu-
le "à ma connaissance", il a introduit un élément d'incerti-
tude, qui ne permet pas de constater que son affirmation re-
pose sur des bases sérieuses.

Que le travailleur se soit plaint, dans une lettre du
27 avril 2000, que son salaire ne lui était "dorénavant"
plus versé peut aussi s'expliquer par le fait qu'il avait
constaté le non-paiement du salaire de mars 2000 et demandé
des explications à ce sujet, parvenant à la conclusion que
sa rémunération ne lui serait désormais plus versée. Cette
phrase ne permet donc aucune conclusion décisive.

On sait en revanche que l'employé ne travaillait pas en
mars 2000 et ceci pour cause de maladie. Dans ces circons-
tances, on imagine mal que le salaire lui ait été remis de
la main à la main sans aucune quittance. On doit raisonna-
blement penser que le salaire, s'il a été payé, a fait
l'objet d'un virement. Il est dès lors très troublant que
l'employeur soit dans l'incapacité de fournir le moindre
document à ce sujet. En concluant dans ces circonstances
qu'il subsistait un doute irréductible, la cour cantonale
n'a pas apprécié les preuves arbitrairement.

Le recours doit donc être rejeté.

4.- La procédure est gratuite, puisque la valeur liti-
gieuse, selon la prétention du demandeur à l'ouverture de
l'action (ATF 100 II 358 consid. a) ne dépasse pas 30'000
fr. (art. 343 al. 2 et 3 CO). La gratuité de la procédure
vaut pour tous les degrés de juridiction, y compris pour la
procédure devant le Tribunal fédéral et notamment le recours
de droit public (ATF 98 Ia 561 consid. 6a et les arrêts
cités).

Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnités de dépens aux
intimés, qui n'ont pas recouru aux services d'un avocat et
ne font pas valoir de frais particuliers (art. 159 al. 1 OJ;
cf. ATF 115 II 30 consid. 5c).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire;

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties et
à la Cour d'appel des prud'hommes du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 25 avril 2002
VIZ
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.26/2002
Date de la décision : 25/04/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-25;4p.26.2002 ?
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