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25/04/2002 | SUISSE | N°2P.269/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2002, 2P.269/2001


{T 0/2}
2P.269/2001/svc

Arrêt du 25 avril 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Yersin, Merkli,
greffier Addy.

Association Suisse des Thérapeutes de la Psychomotricité,
H.________,
F.________,
V.________,
recourants, tous les quatre représentés par Me Jean-François Dumoulin,
avocat, Grand-Chêne 4 et 8, case postale 3648,
1002 Lausanne,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal,
1014 Lausanne.

art. 29 et 9 Cst.


(recours de droit public pour déni de justice)
Faits:

A.
Dans une séance du 22 novembre 1995, le Conseil d'Etat du ca...

{T 0/2}
2P.269/2001/svc

Arrêt du 25 avril 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Yersin, Merkli,
greffier Addy.

Association Suisse des Thérapeutes de la Psychomotricité,
H.________,
F.________,
V.________,
recourants, tous les quatre représentés par Me Jean-François Dumoulin,
avocat, Grand-Chêne 4 et 8, case postale 3648,
1002 Lausanne,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal,
1014 Lausanne.

art. 29 et 9 Cst.

(recours de droit public pour déni de justice)
Faits:

A.
Dans une séance du 22 novembre 1995, le Conseil d'Etat du canton de
Vaud
(ci-après: le Conseil d'Etat) a décidé de charger la Commission
d'évaluation
des fonctions (ci-après: la Commission) de se déterminer au sujet de
la
fonction de thérapeute de la psychomotricité. Cette décision faisait
suite à
une proposition du 17 novembre 1995 émanant du Département de la
prévoyance
sociale et des assurances, Service de l'enseignement spécialisé
(ci-après: le
Département), qui constatait que la fonction de thérapeute de la
psychomotricité, rangée depuis sa création en 1986 en classe de
salaire
17-20, par analogie avec le traitement des logopédistes non licenciés,
n'avait depuis lors plus été réévaluée, au contraire des fonctions,
très
proches, de logopédiste et de psychologue.

B.
Par la suite, en dépit des nombreuses démarches entreprises auprès des
autorités cantonales compétentes par l'Association suisse des
thérapeutes de
la psychomotricité, section vaudoise (ci-après: l'Association), la
fonction
en cause n'a pas été réévaluée par la Commission. Le Département a
expliqué
ce retard par le fait que la procédure de classification avait été
suspendue
en raison de la réforme en cours du statut de la fonction publique, en
indiquant toutefois que le dossier serait traité dès que la Commission
pourrait reprendre son activité (cf. lettres des 25 mars et 10
octobre 1997).
Egalement interpellé, le Service du personnel de l'Etat de Vaud
(ci-après: le
Service du personnel) a précisé qu'un projet global de nouvelle
évaluation
des fonctions était prévu au sein de l'administration cantonale; or,
la
fonction de thérapeute de la psychomotricité serait englobée dans ce
projet,
pour lequel un calendrier serait prochainement établi par le Conseil
d'Etat
(lettre du 1er mars 2000).

Après un échange de correspondances, le Service du personnel a
finalement
informé l'Association que le Conseil d'Etat avait décidé, en juin
2001, de ne
pas procéder à la réévaluation de certaines fonctions qui, comme
celle de
thérapeute de la psychomotricité, ne l'avaient pas été depuis
plusieurs
années, ceci afin de poursuivre le projet "Description des emplois et
classification des fonctions" destiné à établir une nouvelle grille
des
fonctions à l'Etat de Vaud; un réexamen ultérieur de la situation
n'était
toutefois pas exclu, mais aucune garantie ne pouvait être donnée à ce
sujet
(lettre du Service du personnel du 3 octobre 2001).

C.
Dans un recours de droit public formé en commun, l'Association ainsi
que
H.________, F.________ et V.________, qui travaillent tous trois en
qualité
de thérapeutes de la motricité, la première au service de l'Etat de
Vaud
depuis le 1er septembre 2001, les deux autres pour le compte de
fondations du
"secteur para-public", demandent au Tribunal fédéral d'ordonner au
Conseil
d'Etat de mettre en oeuvre sa décision du 22 novembre 1995 et de
charger la
Commission "de se déterminer quant à (leur) fonction". Ils invoquent
la
violation du principe de la célérité, du droit à la protection de la
bonne
foi ainsi que de l'interdiction du comportement contradictoire.

Le Conseil d'Etat conclut principalement à l'irrecevabilité du
recours et, à
titre subsidiaire, à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 IV 148 consid. 1a p. 151; 127 I 92
consid. 1 p.
93; 127 II 198 consid. 2 p. 201 et les références).

2.
Recevable contre une décision ou un arrêté cantonal pour violation
des droits
constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ), le
recours de
droit public au Tribunal fédéral ne peut tendre, en règle générale,
qu'à
l'annulation de la décision attaquée (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5;
126 III
534 consid. 1c p. 536; 126 II 377 consid. 8c p. 395 et la
jurisprudence
citée). Toutefois, le Tribunal fédéral admet qu'il peut formellement
obliger
une autorité cantonale à rendre une décision en cas de déni de
justice,
c'est-à-dire lorsqu'une telle autorité refuse de statuer ou reporte
outre
mesure sa décision (Philippe Gerber, La nature cassatoire du recours
de droit
public, thèse Genève 1997, p. 238 et les références).

Est de ce chef recevable, sans que cela ne préjuge de son bien-fondé,
la
conclusion des recourants tendant à ce que le Tribunal fédéral
ordonne au
Conseil d'Etat de mettre en oeuvre sa décision du 22 novembre 1995.

3.
3.1Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert
uniquement à
celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels
et
juridiquement protégés. Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt
général,
ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait, est en revanche
irrecevable
(ATF 126 I 43 consid. 1a p. 44; cf. également ATF 126 I 81 consid. 3b
p. 85).
Sont des intérêts personnels et juridiquement protégés ceux qui
découlent
d'une règle de droit fédéral ou cantonal ou directement d'une garantie
constitutionnelle spécifique, pour autant que les intérêts en cause
relèvent
du domaine que couvre ce droit fondamental (ATF 123 I 41 consid. 5b
p. 42-43;
122 I 44 consid. 2b et 3b/bb p. 45-47; 121 I 267 consid. 2 p. 268-269
et les
références citées).

En outre, une association qui n'est pas elle-même directement touchée
par
l'acte entrepris peut également agir par la voie du recours de droit
public
en vue de sauvegarder les intérêts de ses membres lorsqu'elle a la
personnalité juridique et que la défense des intérêts de ceux-ci
figure parmi
ses buts statutaires. Ses membres doivent toutefois être
personnellement
touchés par l'acte litigieux, du moins en majorité ou en grand nombre
(ATF
125 I 369 consid. 1a p. 372; 124 I 145 consid. 1c p. 149; 123 I 221
consid.
I/2 p. 224-225 et les références citées).

3.2 En l'espèce, les recourants ne se prévalent d'aucune disposition
légale
de droit cantonal qui leur conférerait le droit d'exiger du Conseil
d'Etat
qu'il reclasse la fonction de thérapeute de la psychomotricité ou même
seulement qu'il charge la Commission d'évaluer cette fonction.

On ne voit d'ailleurs pas qu'un tel droit existe dans la législation
cantonale, la loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le statut général des
fonctions
publiques cantonales prévoyant seulement que le Conseil d'Etat classe
les
fonctions - ce qu'il a fait, en 1986, pour la fonction de thérapeute
de la
psychomotricité - en tenant compte, en particulier, de la nature et de
l'étendue des attributions, des responsabilités qu'elles impliquent
et des
connaissances qu'elles supposent (cf. art. 50 al. 1 et 2 de la loi
cantonale
précitée).

3.3 Le droit à la protection de la bonne foi invoqué par les
recourants peut
constituer, à l'instar des violations de droits de procédure
équivalant à un
déni de justice formel, une garantie constitutionnelle spécifique
propre à
ouvrir la voie du recours de droit public (cf. Walter Kälin, Das
Verfahren
der Staatsrechtlichen Beschwerde, Berne 1994, p. 245 et les références
citées). Garanti à l'art. 9 Cst., ce droit présuppose toutefois que
l'administration ait, dans une situation concrète et individuelle,
fait une
promesse ou adopté un comportement de nature à éveiller, chez
l'administré,
une attente ou une espérance légitime et que, sur la foi de cette
promesse ou
en raison de cette attente ou espérance légitime, l'administré ait
ensuite
pris des dispositions préjudiciables à ses intérêts (cf. ATF 127 I 31
consid.
3a p. 36; 126 II 377 consid. 3a p. 387; 124 II 265 consid. 4a p. 269
s. et
les références citées).

3.3.1 En l'espèce, il est douteux qu'en décidant, le 22 novembre
1995, de
charger la Commission d'examiner la fonction de thérapeute de la
psychomotricité, le Conseil d'Etat soit intervenu, à l'égard des
recourants,
dans une situation concrète et individuelle. Acte administratif à
usage
purement interne, cette décision ne leur était en effet pas
directement
destinée; les recourants n'en ont d'ailleurs appris l'existence que
vers le
mois de mars 1997, soit près d'une année et demie plus tard, comme
l'atteste
la lettre de l'Association du 17 mars 1997 au Département (cf. ATF
125 I 267
consid. 4c p. 274 s.)

Quoi qu'il en soit, lorsque le Conseil d'Etat a pris sa décision,
H.________
n'était pas encore au service de l'Etat de Vaud, n'ayant été engagée
que le
1er septembre 2001; elle ne saurait donc prétendre que cette décision
aurait
été prise, à son égard, dans une situation concrète et individuelle,
et
encore moins qu'elle l'aurait, d'une manière ou d'une autre, décidée
à des
actes préjudiciables à ses intérêts. Il n'en va pas différemment pour
les
deux autres recourants, F.________ et V.________: employés, selon
leurs
propres termes, par des fondations du "secteur para-public" depuis
une date
indéterminée, ils ne sont pas directement concernés par la décision du
Conseil d'Etat, du moins pas dans une mesure qui ferait apparaître
cette
décision, en ce qui les concerne, comme un acte de caractère
individuel et
concret; à cet égard, le fait que leur traitement soit, pour partie,
déterminé par référence à l'échelle des traitements des fonctions
publiques
cantonales (cf. ch. 241.1, pièce X), ne suffit pas pour les placer,
vis-à-vis
du Conseil d'Etat, dans un rapport de droit administratif qui serait
générateur de droits et d'obligations.

Quant à l'Association, bien que ses statuts poursuivent notamment pour
objectif la défense des intérêts économiques et professionnels de ses
membres
(cf. art. 2 lettre a des statuts du 1er janvier 1996), elle ne
démontre pas
que la majorité de ceux-ci ou du moins un grand nombre seraient
personnellement touchés par la prétendue violation du droit à la
protection
de la bonne foi, l'intimée ayant du reste prétendu, sans être
contestée, que
seule une personne était employée par l'Etat de Vaud en qualité de
thérapeute
de la psychomotricité.

3.3.2 Au demeurant, la décision du 22 novembre 1995 est par trop
imprécise et
indéterminée pour qu'elle soit de nature à engager le Conseil d'Etat à
l'égard des recourants. Non seulement, en effet, elle ne mentionne
aucune
date butoir pour l'attribution du mandat dévolu à la Commission et
pour sa
réalisation, mais encore, elle ne contient aucun engagement au sujet
d'un
éventuel reclassement de la fonction de thérapeute de la
psychomotricité;
indépendamment du résultat de la procédure d'évaluation et des
conclusions de
la Commission, le Conseil d'Etat était donc libre - et le reste
encore -
quant à la décision de procéder, ou non, à un reclassement de la
fonction en
cause et, le cas échéant, quant aux modalités d'un tel reclassement.
En
l'absence d'engagement de sa part, le choix que le Conseil d'Etat a
finalement fait, en juin 2001, de ne pas réévaluer, du moins dans
l'immédiat,
la fonction de thérapeute de la psychomotricité ainsi que d'autres
fonctions,
n'est ainsi pas de nature à trahir la confiance des recourants, même
si ce
choix intervient sans qu'un mandat d'évaluation n'ait été confié et
mené à
bien par la Commission.

En d'autres termes, les recourants ne pouvaient raisonnablement pas
voir,
dans la décision du 22 novembre 1995 ou les prises de position
ultérieures du
Conseil d'Etat, l'engagement ou la promesse que leur fonction serait
réévaluée; ils pouvaient tout au plus interpréter ces manifestations
comme
une simple déclaration d'intention dont ils ne sauraient toutefois
tirer
avantage sous l'angle du droit à la protection de la bonne foi (pour
comp.
ATF 123 II 385 consid. 10 p. 400 s.; voir aussi Walter Kälin, loc.
cit., p.
129 s. et les nombreux exemples de décisions cantonales dépourvues de
force
obligatoire et donc non attaquables sous l'angle de l'art. 84 OJ: de
telles
décisions, parce qu'elles ne lient pas les autorités cantonales, ne
sont
également pas propres à inspirer un sentiment légitime de confiance
digne
d'être protégé).

3.3.3 En toute hypothèse, même s'il fallait admettre que la décision
du
Conseil d'Etat - et, plus largement, la position qu'il a adoptée
postérieurement à cette décision au travers de ses échanges de
correspondances - était propre à susciter, chez les recourants,
l'espérance
que leur fonction serait examinée par la Commission puis reclassée,
on peine
à voir quelles dispositions préjudiciables à leurs intérêts les
intéressés
auraient prises dans l'attente de cette procédure. A cet égard,
l'argument
selon lequel le comportement du Conseil d'Etat les aurait incités à
renoncer
à exiger par la voie judiciaire les "réajustements financiers
auxquels (ils)
ont droit", ne convainc pas. En effet, à aucun moment le Conseil
d'Etat ne
les a dissuadés, à proprement parler, de saisir la justice pour faire
valoir
d'éventuels droits, de sorte que cette prétendue renonciation

procède, en
réalité, de leur seule volonté. D'ailleurs, bien qu'ils soient à ce
jour
clairement informés du fait que leur fonction ne sera pas évaluée -
ni même
reclassée - dans un proche avenir, ils n'ont entrepris aucune démarche
judiciaire en vue d'obtenir la réparation financière du dommage qu'ils
prétendent avoir subi; cela suffit, si besoin était, à démontrer que
leur
inaction n'est pas imputable au comportement du Conseil d'Etat.

Par conséquent, les recourants ne peuvent exciper du droit à la
protection de
la bonne foi un intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ.

3.4 Les autres droits constitutionnels invoqués par les recourants ne
leur
sont pas d'un plus grand secours. Tel qu'allégué, le reproche selon
lequel
l'Etat de Vaud aurait eu un comportement contradictoire se confond en
effet
avec le principe du droit à la protection de la bonne foi. Quant à la
prétendue violation du principe de la célérité (cf. art. 29 al. 1
Cst.), elle
ne peut être invoquée, comme toute violation d'une garantie de
procédure, que
si celui qui s'en prévaut avait la qualité de partie dans la procédure
(judiciaire ou administrative) cantonale (cf. ATF 119 Ia 4 consid. 1
p. 5,
119 Ib 305 consid. 3; 118 Ia 234 consid. 1a et les arrêts cités;
Walter
Kälin, loc. cit., p. 242 s.); or, tel n'est justement pas le cas des
recourants, en l'absence de droit de leur part d'obtenir du Conseil
d'Etat
qu'il confie le mandat d'évaluation de leur fonction à la Commission.
Enfin,
le moyen tiré de l'inégalité de traitement ne répond pas aux
exigences de
motivation posées à l'art. 90 OJ (cf. ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76
et les
arrêts cités).

Vu le défaut d'intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 88 OJ,
les
recourants n'ont pas la qualité pour recourir et le recours doit être
déclaré
irrecevable.

Succombant, les recourants supporteront les frais de justice (art.
156 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants et au Conseil
d'Etat
du canton de Vaud.

Lausanne, le 25 avril 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.269/2001
Date de la décision : 25/04/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-25;2p.269.2001 ?
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