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24/04/2002 | SUISSE | N°H.231/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 avril 2002, H.231/01


«AZA 7»
H 231/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 24 avril 2002

dans la cause

X.________, recourante, représentée par Me Charles Guerry,
avocat, rue du Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Caisse de compensation du canton de Fribourg, Impasse de la
Colline 1, 1762 Givisiez, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Le 29 septembre 1998, X.________ a conclu avec
M.

________ un contrat portant sur l'exploitation de son
bar-restaurant pour une durée de deux ans. Aux termes de ce
contrat, le ...

«AZA 7»
H 231/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 24 avril 2002

dans la cause

X.________, recourante, représentée par Me Charles Guerry,
avocat, rue du Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Caisse de compensation du canton de Fribourg, Impasse de la
Colline 1, 1762 Givisiez, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Le 29 septembre 1998, X.________ a conclu avec
M.________ un contrat portant sur l'exploitation de son
bar-restaurant pour une durée de deux ans. Aux termes de ce
contrat, le prénommé devait notamment s'acquitter d'un
montant mensuel de 7000 fr. Le 28 septembre 1998,
M.________ a été inscrit au registre du commerce en qualité
d'exploitant d'un restaurant. La publication dans la
Feuille officielle suisse du commerce a eu lieu le 8 octo-
bre suivant.

Le 23 juin 1999, la Caisse de compensation du canton
de Fribourg (ci-après : la caisse) a informé le prénommé de
son affiliation dès le 1er septembre 1998. Par décision du
25 juin suivant, elle lui a réclamé des montants de
1947 fr. 60 et 5842 fr. 80, sommes représentant les cotisa-
tions dues en tant que personne exerçant une activité lu-
crative indépendante pour les périodes du 1er septembre au
31 décembre 1998, respectivement du 1er janvier au 31 dé-
cembre 1999.
M.________ a résilié le contrat passé avec X.________
avec effet au 31 juillet 1999.
Le 22 septembre 1999, la caisse a invité X.________ à
remplir un questionnaire d'affiliation en tant que société
occupant du personnel salarié. X.________ ayant refusé de
remplir ce questionnaire, la caisse l'a affiliée d'office à
partir du 1er janvier 1998. Par des décisions du 7 janvier
2000, elle a réclamé à X.________ des montants de
3963 fr. 10 et 7245 fr. 05, sommes représentant les
cotisations AVS/AI/APG/AC et allocations familiales de
droit cantonal - frais de gestion compris - dues sur les
salaires versés à M.________ et des collaborateurs pour les
périodes du 1er janvier au 31 décembre 1998, respectivement
du 1er janvier au 31 octobre 1999.

B.- X.________ a recouru contre ces décisions, dont
elle demandait implicitement l'annulation, devant le Tribu-
nal administratif du canton de Fribourg.
De son côté, par décision du 28 septembre 2000, la
caisse a annulé «pour la période du 1er septembre 1998 au
31 juillet 1999» sa décision de cotisations notifiée à
M.________ le 25 juin 1999 et a réclamé à ce dernier des
montants de 321 fr. 80 et 563 fr. 15, sommes représentant
les cotisations dues par le prénommé en tant que personne
exerçant une activité lucrative indépendante pour les pé-
riodes du 1er septembre au 31 décembre 1998, respectivement

du 1er janvier au 31 juillet 1999. Ces montants avaient été
calculés sur la base d'un revenu annuel net déterminant de
18 000 fr. en lieu et place du montant de 60 000 fr. pris
en compte dans la décision du 25 juin 1999.
Par jugement du 23 mai 2001, la juridiction cantonale
a partiellement admis le recours formé par X.________. Elle
a annulé les décisions notifiées à cette dernière le
7 janvier 2000 et a renvoyé la cause à la caisse pour nou-
velle décision après complément d'instruction au sens des
considérants. Elle a jugé, en résumé, que M.________ et le
personnel engagé pour l'exploitation du bar-restaurant
devaient être considérés comme des salariés de X.________.
Toutefois, comme par sa décision du 25 juin 1999, remplacée
par la décision du 28 septembre 2000, la caisse avait fixé
les cotisations dues par le prénommé en tant qu'assuré
exerçant une activité lucrative indépendante, elle ne
pouvait, par les décisions querellées du 7 janvier 2000,
modifier le statut de cotisant de l'intéressé qu'aux
conditions qui président à la reconsidération d'une
décision entrée en force. La caisse n'ayant pas examiné ces
conditions, la cause devait lui être renvoyée pour qu'elle
statue sur ce point «en ce qui concerne la part des
rémunérations fixées par décision passée en force».

C.- X.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation,
en concluant, sous suite de dépens, à ce qu'elle ne soit
pas assujettie aux régimes AVS/AI/APG/AC et allocations
familiales de droit cantonal.
La caisse intimée conclut implicitement au rejet du
recours. M.________ n'a pas fait usage de la faculté qui
lui a été offerte de se déterminer sur celui-ci en qualité
d'intéressé. L'Office fédéral des assurances sociales a
renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit :

1.- a) Le Tribunal fédéral des assurances ne peut
entrer en matière que dans la mesure où le litige concerne
des cotisations aux assurances sociales fédérales
(AVS/AI/APG/AC). Il n'y a donc pas lieu d'examiner dans la
présente procédure ce qu'il en est des cotisations au régi-
me cantonal des allocations familiales (consid. 1a non
publié de l'arrêt ATF 125 V 205; ATF 124 V 146 consid. 1 et
la référence).

b) Comme aucune prestation d'assurance n'est liti-
gieuse, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si le jugement de première instance viole le droit
fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus du pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été consta-
tés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a
et b et 105 al. 2 OJ).
Il faut en outre tenir compte de l'art. 114 al. 1 OJ,
selon lequel le Tribunal fédéral des assurances n'est pas
lié par les conclusions des parties en matière de contribu-
tions publiques, lorsque le litige porte sur la violation
du droit fédéral ou sur la constatation inexacte ou incom-
plète des faits.

2.- a) Chez une personne qui exerce une activité
lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend,
notamment, de la qualification du revenu touché dans un
certain laps de temps; il faut se demander si cette
rétribution est due pour une activité indépendante ou pour
une activité salariée (art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss RAVS).
Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire

déterminant toute rétribution pour un travail dépendant
effectué dans un temps déterminé ou indéterminé; quant au
revenu provenant d'une activité indépendante, il comprend
«tout revenu du travail autre que la rémunération pour un
travail accompli dans une situation dépendante» (art. 9
al. 1 LAVS).
Selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on a
affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou
salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juri-
dique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui
est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances
économiques. Les rapports de droit civil peuvent certes
fournir éventuellement quelques indices pour la qualifica-
tion en matière d'AVS, mais ne sont pas déterminants. Est
réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend
d'un employeur quant à l'organisation du travail et du
point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte
pas le risque économique couru par l'entrepreneur.
Ces principes ne conduisent cependant pas à eux seuls
à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les
manifestations de la vie économique revêtent en effet des
formes si diverses qu'il faut décider dans chaque cas par-
ticulier si l'on est en présence d'une activité dépendante
ou d'une activité indépendante en considérant toutes les
circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caracté-
ristiques appartenant à ces deux genres d'activité; pour
trancher la question, on se demandera quels éléments sont
prédominants dans le cas considéré (ATF 123 V 162 con-
sid. 1, 122 V 171 consid. 3a, 283 consid. 2a, 119 V 161
consid. 2 et les arrêts cités).

b) Dans un arrêt ATF 121 V 1, le Tribunal fédéral des
assurances a jugé qu'un changement de statut de cotisant,
impliquant la remise en cause de décisions de cotisations

antérieures passées en force, est soumis aux conditions qui
président à la révocation des décisions. Ainsi, un change-
ment rétroactif du statut d'un assuré quant aux cotisations
dues sur des mêmes revenus n'est possible que dans deux
éventualités : d'une part, lorsque la décision entrée en
force, sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas
prononcé quant au fond et selon laquelle certains revenus
ont été qualifiés comme provenant d'une activité indépen-
dante ou dépendante, est sans nul doute erronée et que sa
rectification revêt une importance notable, et, d'autre
part, lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de
nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une
appréciation juridique différente (ATF 121 V 4 s. con-
sid. 6).

3.- a) En l'espèce, par sa décision du 25 juin 1999,
la caisse a réclamé à M.________ des cotisations dues en
tant qu'assuré exerçant une activité lucrative indépendante
pour la période du 1er septembre 1998 au 31 décembre 1999.
Par une décision ultérieure, confirmant le statut d'indé-
pendant de l'intéressé, elle a ramené au 31 juillet 1999 la
période de cotisations et réduit le revenu net déterminant
à la base du calcul des cotisations à 18 000 fr. Or, par
les décisions litigieuses du 7 janvier 2000, l'administra-
tion a modifié le statut de l'intéressé quant aux cotisa-
tions dues sur les mêmes revenus, sans examiner les condi-
tions qui président à la révocation de décisions entrées en
force.
A juste titre, la juridiction cantonale a relevé cette
omission. Aussi a-t-elle renvoyé la cause à l'administra-
tion pour qu'elle examine si ces conditions étaient réali-
sées en ce qui concerne les revenus perçus par M.________,
tout en affirmant de manière péremptoire que, «sur le
principe», ceux-ci devaient être qualifiés de revenus
provenant d'une activité lucrative dépendante exercée au
service de X.________.

b) Ce point de vue est pour le moins contradictoire :
s'il appartenait bien à la caisse d'examiner si les condi-
tions d'une révocation de la décision qualifiant d'indé-
pendant le statut de cotisant de l'intéressé étaient
réalisées, c'est précisément dans le but de savoir si les
revenus en cause pouvaient, par une nouvelle décision, être
qualifiés de revenus provenant d'une activité lucrative
dépendante. C'est pourquoi la juridiction cantonale ne
pouvait qualifier d'emblée de dépendant le statut de coti-
sant de l'intéressé, avant que n'aient été examinées les
conditions d'une révocation de la décision consacrant le
statut de cotisant indépendant.

c) Au demeurant, il n'est pas nécessaire en l'occur-
rence de renvoyer la cause à l'administration pour nouvelle
décision, du moment que la question constituant l'objet du
renvoi peut être tranchée en l'état du dossier, ce que la
Cour de céans fera par économie de procédure.
La juridiction cantonale a constaté que le risque
économique encouru par M.________ était relativement
faible, puisque les locaux, des appareils et des installa-
tions, y compris des machines à sous et un distributeur de
cigarettes, étaient fournis par X.________. Ce risque était
d'autant plus limité que le contrat, aux termes duquel
l'intéressé devait s'acquitter d'un montant mensuel
de 7000 fr., était résiliable unilatéralement dans un très
bref délai de deux mois. Par ailleurs, M.________ dépendait
de X.________ dans l'organisation du travail et du point de
vue de l'économie de l'entreprise, dès lors qu'il n'était
pas libre de fixer le prix des boissons sans l'accord de
X.________ ni de renoncer à proposer une grande variété de
spécialités portugaises. Surtout, en s'engageant à ne pas
conclure de contrat avec des fournisseurs, ni à installer
des appareils électriques sans l'accord écrit de
X.________, l'assuré s'était obligé dans une mesure incom-
patible avec le statut d'un indépendant. Enfin, l'intéressé
n'était pas titulaire d'une patente de cafetier-restaura-
teur.

Ces éléments, sur lesquels la juridiction cantonale
s'est fondée pour qualifier de dépendante l'activité
exercée par l'assuré, ne sont toutefois pas prédominants au
point que la décision entrée en force fixant les cotisa-
tions dues sur une activité lucrative indépendante puisse
être considérée comme sans nul doute erronée. En effet, sur
le vu des faits constatés par la juridiction cantonale,
l'activité de l'assuré comprenait aussi de nombreuses
caractéristiques d'une activité indépendante : parmi ces
éléments, il faut surtout mentionner le fait que l'inté-
ressé ne semble pas avoir perçu de rémunération de
X.________, mais qu'il devait en revanche s'acquitter d'un
montant mensuel de 7000 fr. D'ailleurs, il s'est fait
inscrire au registre du commerce pour percevoir en espèces
sa prestation de sortie de la prévoyance professionnelle,
en vue de faire face au risque économique de son activité.
En outre, il a engagé du personnel qu'il a rémunéré person-
nellement.
Par ailleurs, ni des faits nouveaux ni de nouveaux
moyens de preuve susceptibles de conduire à une appré-
ciation juridique différente n'ont été découverts en
l'occurrence, de sorte que les conditions d'une révision ne
sont pas non plus réalisées.
Cela étant, la caisse n'était pas en droit, par les
décisions du 7 janvier 2000, de modifier le statut de
l'assuré quant aux cotisations dues sur les revenus pro-
venant de l'exploitation du bar-restaurant appartenant à
X.________.
Les décisions litigieuses concernent apparemment aussi
des salaires versés à des collaborateurs de l'assuré. Sur
le vu des constatations de la juridiction cantonale, qui
lient la Cour de céans (cf. consid. 1b), le personnel du
bar-restaurant était engagé et rémunéré par M.________.

C'est pourquoi X.________, qui ne versait aucune rémuné-

ration aux personnes concernées, ne peut être tenue de
s'acquitter de cotisations sur les revenus obtenus par les
intéressés (art. 12 al. 1 LAVS a contrario).
Vu ce qui précède, les décisions de la caisse intimée
du 7 janvier 2000 ne sont pas conformes au droit fédéral,
la caisse n'étant pas en droit de réclamer à la recourante
des cotisations sur les revenus obtenus par M.________ et
le personnel engagé pour l'exploitation du bar-restaurant.
Le recours se révèle dès lors bien fondé.

4.- Le litige ne concernant pas l'octroi de presta-
tions d'assurance, la procédure n'est pas gratuite
(art. 134 OJ a contrario). La caisse intimée, qui succombe,
supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 en relation
avec l'art. 135 OJ).
Par ailleurs, la recourante, qui obtient gain de
cause, est représentée par un avocat. Elle a droit à une
indemnité de dépens pour l'ensemble de la procédure
(art. 159 al. 3 en liaison avec l'art. 135 OJ; art. 85
al. 2 let. f LAVS).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
admis et le jugement du Tribunal administratif du
canton de Fribourg du 23 mai 2001, ainsi que les
décisions de la Caisse de compensation du canton de
Fribourg du 7 janvier 2000 sont annulés.

II. Les frais de justice, d'un montant de 1100 fr., sont
mis à la charge de la caisse intimée. L'avance de
frais versée par la recourante, d'un montant de
1100 fr., lui est restituée.

III. La caisse intimée versera à la recourante la somme de
4000 fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur la
valeur ajoutée) pour l'ensemble de la procédure.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, à M.________ et à l'Office fédé-
ral des assurances sociales.

Lucerne, le 24 avril 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.231/01
Date de la décision : 24/04/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-24;h.231.01 ?
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