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19/04/2002 | SUISSE | N°4C.27/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 avril 2002, 4C.27/2002


«/2»

4C.27/2002

Ie C O U R C I V I L E
****************************

19 avril 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, Mme Klett et
M. Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Patrick
Blaser, avocat à Genève,

et

1. X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par
Me Romain Félix, avocat à Genève,

2. Caisse cantonale g

enevoise de chômage, intervenante;

(contrat de travail; résiliation; convention de cessation
des
rapports de travail)

Vu les p...

«/2»

4C.27/2002

Ie C O U R C I V I L E
****************************

19 avril 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, Mme Klett et
M. Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Patrick
Blaser, avocat à Genève,

et

1. X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par
Me Romain Félix, avocat à Genève,

2. Caisse cantonale genevoise de chômage, intervenante;

(contrat de travail; résiliation; convention de cessation
des
rapports de travail)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 27 novembre 1996, X.________ S.A. a engagé
A.________ en qualité d'ingénieur système. Dès le 1er mars
2000, le salaire mensuel brut de ce dernier était de 6798
fr., versé treize fois l'an, augmenté d'un bonus de 6%,
moyennant certaines conditions. Le délai de congé était de
3 mois pour la fin d'un mois.

Le 15 août 2000, l'employeur a résilié le contrat
de travail pour le 30 novembre 2000. Le même jour, les in-
téressés ont signé une "convention de résiliation du contrat
de travail", rédigée par l'employeur; cet accord prévoyait
en
substance ce qui suit:

- Le contrat de travail était résilié à la demande de l'em-
ployeur à l'échéance du 30 novembre 2000, fixée d'un commun
accord.

- La société s'engageait à verser à l'ingénieur, en plus de
son salaire jusqu'au 30 novembre 2000, une indemnité équiva-
lant à 1 mois de salaire, susceptible d'être supprimée et
remboursée à X.________ S.A., "en cas de changement interne
dans les 6 mois".

- La libération de l'obligation de travailler, dès le 15
août
2000 et jusqu'à la fin des rapports de travail.

- L'autorisation de poursuivre le cours de perfectionnement
que le travailleur venait de commencer, en lieu et place de
"l'outplacement" qui lui avait été proposé.

- La renonciation, par l'employé, au paiement de 4,5 heures
supplémentaires, de 4 jours de vacances, et à toute préten-

tion postérieure éventuelle à l'égard de la société
découlant
du contrat de travail.

Le salarié est tombé gravement malade le 19 sep-
tembre 2000 et s'est trouvé en incapacité totale de travail
pour ce motif jusqu'au 31 décembre 2000.

Le 19 octobre 2000, l'employé licencié a demandé le
versement de son salaire au-delà du 30 novembre 2000 en
raison de son incapacité de travail qui prolongeait d'autant
le délai de congé. L'employeur s'y est opposé en se fondant
sur la "convention de résiliation".

B.- Le 19 décembre 2000, le travailleur a ouvert
action contre l'employeur devant le Tribunal des prud'hommes
de Genève. Ses conclusions tendaient au paiement de 6798 fr.
à titre de salaire mensuel brut jusqu'au 28 février 2001, de
1562 fr.80 comme indemnité pour 5 jours de vacances non
prises, ainsi qu'au versement de sa part de bonus pour
l'année 2000.

Après le dépôt de sa demande, le travailleur a re-
trouvé un emploi, le 8 janvier 2001, et la Caisse cantonale
genevoise de chômage (ci-après: CCGC) est intervenue dans la
procédure en concluant à ce que l'employeur lui paye la
somme
de 5197 fr.25, pour les indemnités versées du 1er décembre
2000 au 5 janvier 2001.

Par jugement du 29 mars 2001, le Tribunal des
prud'hommes a condamné l'employeur à verser au travailleur
la
somme brute de 8368 fr. sous déduction de la somme nette de
5197 fr.25 à payer à la CCGC, le tout avec intérêts. De
plus,
le tribunal a donné acte à l'employeur de ce qu'il reconnais-
sait devoir au demandeur la somme nette de
461 fr.75.

Statuant le 24 octobre 2001 sur appel de l'em-
ployeur, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes
du
canton de Genève a annulé le jugement de première instance,
sauf en ce qui concerne le paiement de 461 fr.75 pour le
bonus 2000.

C.- Le travailleur interjette un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 341 CO, il conclut
principalement à l'annulation de l'arrêt du 24 octobre 2001
et à la condamnation de l'employeur à lui verser la somme
brute de 8368 fr., subsidiairement au renvoi de la cause à
la
cour cantonale pour nouvelle décision au sens des
considérants.

La défenderesse propose le rejet du recours et la
confirmation de l'arrêt attaqué.

La cour cantonale se réfère à ses considérants.

La Caisse cantonale de chômage n'a pas été appelée à
procéder.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été cons-
tatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations re-
posant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III
248 consid. 2c p. 252; 126 III 59 consid. 2a et les arrêts

cités). Ces exceptions mises à part, il ne peut être
présenté
de griefs contre les constatations de fait; de même, la ju-
ridiction de réforme ne tiendra pas compte de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le re-
cours en réforme ne permet pas de remettre en cause l'appré-
ciation des preuves à laquelle l'autorité cantonale s'est
livrée (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

En l'espèce, le demandeur admet les faits tels
qu'ils sont exposés dans l'arrêt entrepris. En particulier,
il ne reprend pas l'argument soulevé en dernière instance
cantonale, selon lequel son ex-employeur aurait exigé qu'il
signe "dans les 10 minutes" la convention de résiliation
qu'il avait rédigée et à laquelle l'ancien employé avait
adhéré. Conformément aux principes rappelés ci-dessus,
l'état
de fait déterminant est celui arrêté souverainement par la
cour cantonale, le demandeur ne faisant au surplus pas
valoir
de moyens tirés d'un éventuel vice du consentement.

2.- Aux termes de l'art. 341 al. 1 CO, le travail-
leur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et
durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances ré-
sultant de dispositions impératives de la loi ou d'une con-
vention collective. Selon la jurisprudence, cette disposi-
tion, qui prohibe la renonciation unilatérale du
travailleur,
n'interdit pas aux parties de rompre en tout temps le
contrat
d'un commun accord, pour autant qu'elles ne cherchent pas,
par ce biais, à détourner une disposition impérative de la
loi, et ce malgré le caractère relativement impératif de
l'art. 336c CO (ATF 119 II 449 consid. 2a; 118 II 58 consid.
2b p. 61). L'accord entre les parties doit être interprété
restrictivement et ne peut constituer un contrat de résilia-
tion conventionnelle que dans des circonstances exception-
nelles, notamment lorsqu'est établie sans équivoque la volon-
té des intéressés de se départir du contrat (arrêt du Tri-

bunal fédéral du 8 janvier 1999, in SJ 1999 I p. 277 consid.
2c et les références).

Ainsi, l'art. 336c CO ne s'applique pas lorsque les
parties mettent fin au contrat de travail d'un commun
accord,
pour autant que ce dernier comporte des concessions récipro-
ques et qu'il s'agisse nettement d'un cas de transaction
(Aufhebungsvertrag; ATF 118 II 58 consid. 2b p. 61 déjà cité
et les références, notamment ATF 110 II 168 consid. 3b p.
171). En revanche, lorsque l'employeur résilie unilatérale-
ment le contrat et que les parties passent simultanément ou
postérieurement un accord régissant uniquement les modalités
de la fin du contrat, l'art. 336c CO reste applicable. L'ac-
ceptation de la résiliation par l'employé ne suffit pas à
elle seule pour déduire l'existence d'une résiliation conven-
tionnelle et par là même une volonté implicite du recourant
de renoncer à la protection accordée par les art. 336 ss CO.

3.- Dans le cas présent, le demandeur considère que
la convention ne comporte pas de véritables concessions
réciproques et qu'il a ainsi renoncé de manière excessive à
ses droits. Pour la défenderesse, cette renonciation est
licite, parce que la convention de résiliation contient
justement ces concessions, d'égale importance.

a) Dans la mesure où aucun vice du consentement
n'est invoqué ni ne découle du dossier, il n'y a pas lieu de
considérer dans l'acceptation de la résiliation unilatérale
notifiée par l'employeur une circonstance de nature à nier,
en principe, l'existence de la convention de résiliation, et
partant, la renonciation du travailleur à la protection
accordée par l'art. 336c al. 1 CO.

La seule question qui doit être résolue est celle
de savoir si la convention de résiliation du 15 août 2000
comporte suffisamment de concessions réciproques d'égale

valeur pour qu'elle corresponde à la notion de transaction,
exigée par la jurisprudence rappelée ci-dessus, dans la fi-
nalité de protection des travailleurs.

b) La Cour d'appel a estimé que les parties avaient
fait les concessions requises. Ainsi l'employeur avait
libéré
le demandeur de l'obligation de travailler pendant trois
mois
et demi jusqu'à la fin des rapports de travail, l'avait auto-
risé à poursuivre un cours de formation Microsoft en lieu et
place de l'"outplacement" prévu et avait offert une
indemnité
équivalant à un mois de salaire, assortie néanmoins d'une
condition de remboursement "en cas de changement interne
dans
les six mois". De son côté, le demandeur avait renoncé au
paiement de 4,5 heures supplémentaires (175 fr.50), de 4
jours de vacances (1250 fr.20), du bonus qui aurait été
versé
par la suite (461 fr.75) ainsi qu'à toute prétention pos-
térieure découlant du contrat de travail.

Le demandeur soutient que la renonciation est ex-
cessive et surtout non compensée par l'octroi d'avantages
que
n'offrirait pas l'employeur, de sorte qu'en application de
l'art. 336c al. 1 let. b et al. 2 2ème phrase CO le terme de
congé devait être reporté au 28 février 2001 et le salaire
être payé jusqu'à cette date, sous réserve de la limitation
au 8 janvier 2001, consécutive à la prise d'un nouvel emploi.

c) Pour examiner l'ampleur des concessions réci-
proques, il faut se placer à la date de la résiliation con-
ventionnelle, soit au 15 août 2000, sous réserve des événe-
ments imprévisibles pouvant survenir jusqu'à la fin du délai
de congé, et imputables à aucune des parties. Ainsi, l'em-
ployé avait droit au paiement de son salaire pendant le
délai
de congé, y compris en cas de report du terme du contrat de
travail, grâce à la protection accordée par l'art. 336c al.
1
let. b CO garantissant une prolongation de nonante jours en

cas d'incapacité de travail résultant d'une maladie non im-
putable à la faute de l'employé.

En cas de maladie, le demandeur pouvait théorique-
ment compter sur des prestations supplémentaires de l'em-
ployeur équivalant à trois mois de salaire, soit 20 394 fr.
bruts. A cela s'ajoute le paiement des heures
supplémentaires
(175 fr.50) et celui du bonus annuel 2000 de 461 fr.75. Par
contre, en raison de la libération de son obligation de tra-
vailler durant le délai de congé, dès le 15 août 2000, le
demandeur avait la possibilité de prendre les 4 jours de va-
cances auxquels il avait droit pendant ce dernier congé, et
cela même s'il est tombé malade et s'est trouvé en
incapacité
de travail dès le 19 septembre 2000, conformément à la juris-
prudence traitant de l'application de l'art. 329d al. 2 CO
en
cas de résiliation ordinaire du contrat de travail par l'em-
ployeur (ATF 106 II 152 consid. 2 p. 154). En conséquence,
les concessions faites par l'employé s'élèvent au maximum à
un montant total de l'ordre de 21 030 fr. [20 394 fr. + 175
fr. + 461 fr.].

De son côté, la défenderesse a libéré le demandeur
de son obligation de travailler pendant trois mois et demi
et
a proposé une indemnité conditionnelle équivalant à un mois
de salaire, étant précisé que la condition résolutoire impli-
quant le remboursement de cette somme ne s'est pas réalisée.
L'ensemble des prestations offertes par l'employeur s'élève
donc à 30 591 fr.; toutefois, vu le caractère conditionnel
de
l'indemnité et l'obligation de l'employeur d'accorder au tra-
vailleur le temps nécessaire pour chercher un autre emploi
après la dénonciation du contrat, en application de l'art.
329 al. 3 CO (Staehelin/Vischer, Commentaire zurichois, n°s
18 et 19 ad art. 329 CO), les prestations envisagées par
l'employeur apparaissent inférieures à 23 793 fr. Il en
découle ainsi que, lors de la signature de la convention de
résiliation du 15 août 2000, la concession la plus
importante

du travailleur concernait la renonciation au salaire
possible
en cas de maladie, hypothèse qui était purement aléatoire au
moment où l'accord est intervenu, le risque envisagé s'avé-
rant assez faible au vu de l'expérience.

Les concessions accordées de part et d'autre res-
pectent un certain équilibre, si bien qu'on est en présence
d'un cas de transaction, au sens de la jurisprudence (ATF
118
II 58 consid. 2b p. 61 déjà cité). Les estimations
effectuées
plus haut démontrent que les concessions de l'employeur sont
globalement un peu plus élevées que celles du demandeur, ce
sans tenir compte de l'indemnité équivalant à un mois de sa-
laire; à cet égard, on observera que cette dernière presta-
tion a été octroyée sous condition résolutoire, aucun
élément
du dossier ne permettant d'évaluer le risque de survenance

de
cette condition, supposant la restitution de l'indemnité; le
fait qu'elle ait été définitivement acquise au travailleur
permet, après coup, de considérer que le risque de devoir la
rembourser n'était pas très grand lors de la signature de la
convention de résiliation.

Enfin, la possibilité pour l'employé de poursuivre
un cours de formation chez Microsoft, d'une valeur
supérieure
au service de "outplacement" auquel il avait droit, et qu'il
a volontairement choisie, constitue un avantage par rapport
à
la situation légale et conventionnelle, de même que la libé-
ration de l'obligation de travailler (Tibère Adler, La cessa-
tion contractuelle des rapports de travail, in: Journée 1995
du droit du travail et de la sécurité sociale, p. 19), même
si, pratiquement, l'employé n'en a bénéficié que pendant un
mois avant de tomber malade.

En considérant que la convention de résiliation du
15 août 2000 avait impliqué des concessions réciproques
d'égale importance, la Cour d'appel n'a pas violé le droit

fédéral. Le recours doit dès lors être rejeté et l'arrêt en-
trepris confirmé.

4.- La valeur litigieuse de la présente cause étant
inférieure à 30'000 fr., la procédure est gratuite en appli-
cation de l'art. 343 al. 3 CO. Cette disposition ne dispense
pas la partie qui succombe de verser à la partie adverse une
indemnité à titre de dépens (ATF 115 II 30 consid. 5c, p.
42).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re.

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève (Cause n° C/30905/2000-5).

___________

Lausanne, le 19 avril 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.27/2002
Date de la décision : 19/04/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-19;4c.27.2002 ?
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