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18/04/2002 | SUISSE | N°I.673/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2002, I.673/01


«AZA 7»
I 673/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 18 avril 2002

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Me Antoine Zen
Ruffinen, avocat, avenue Ritz 33, 1950 Sion,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étrange

r, Lausanne

A.- a) B.________, de nationalité italienne, a tra-
vaillé en qualité de régleur pour l'entreprise de cons-
tructio...

«AZA 7»
I 673/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 18 avril 2002

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Me Antoine Zen
Ruffinen, avocat, avenue Ritz 33, 1950 Sion,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) B.________, de nationalité italienne, a tra-
vaillé en qualité de régleur pour l'entreprise de cons-
truction X.________; il était titulaire d'un permis de
saisonnier. A la suite d'un accident survenu le 5 juin
1992, il a cessé son activité professionnelle et a été mis
au bénéfice d'une rente pour incapacité de gain de 70 % dès

le 1er septembre 1993 par la Caisse nationale suisse d'as-
surance en cas d'accidents (ci-après : CNA; décision du
12 avril 1994).
Par décision - entrée en force - du 24 octobre 1996,
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-
après : l'office AI) a accordé au prénommé, entre-temps
rentré dans son pays d'origine, une rente entière d'inva-
lidité, fondée sur un taux d'invalidité de 70 %, ainsi que
les rentes complémentaires pour son épouse et son fils, à
partir du 1er juin 1993.

b) Le 12 juillet 2000, l'office AI a reconsidéré sa
décision du 24 octobre 1996 et supprimé la rente rétro-
activement au 1er juin 1993, au motif que l'assuré ne
remplissait pas les conditions d'assurance au moment de la
survenance de l'invalidité, soit le 5 juin 1993, dès lors
qu'il ne séjournait plus en Suisse à cette date-là.

B.- L'assuré a déféré cette décision à la Commission
fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité pour les personnes résidant à
l'étranger (ci-après : la commission de recours) qui l'a
débouté par jugement du 4 septembre 2001.

C.- B.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande l'annulation,
avec suite de dépens. Il conclut au maintien de la rente
d'invalidité.
L'office AI conclut au rejet du recours. De son côté,
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas dé-
terminé.

Considérant en droit :

1.- a) Le litige porte sur le point de savoir si les
conditions d'une reconsidération de la décision du 24 octo-
bre 1996 étaient ou non remplies en l'occurrence, étant
entendu que l'hypothèse prévue à l'art. 41 LAI n'entre pas
en ligne de compte dans le cas particulier.

b) Selon un principe général du droit des assurances
sociales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
126 V 23 consid. 4b, 46 consid. 2b, 400 consid. 2b/aa et
les arrêts cités).

2.- a) Les premiers juges ont correctement exposé les
dispositions légales (art. 1 al. 1 let. a LAVS, art. 1er,
4 al. 2, 6 al. 1, 29 al. 1 let. a et b LAI) et conven-
tionnelles (art. 8 lit. b de la Convention relative à la
sécurité sociale entre la Suisse et l'Italie, du 14 septem-
bre 1962, [ci-après : la convention]) applicables au cas,
de sorte qu'il suffit de renvoyer au jugement attaqué.

b) On ajoutera que l'art. 8 let. a de la convention
prévoit que les ressortissants italiens non domiciliés en
Suisse qui ont dû abandonner leur activité dans ce pays à
la suite d'un accident ou d'une maladie et qui y demeurent
jusqu'à la réalisation du risque assuré sont considérés
comme étant assurés au sens de la législation suisse pour
l'octroi des prestations de l'assurance-invalidité. Ils
doivent acquitter les cotisations à l'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité comme s'ils avaient leur domicile
en Suisse.
Cette norme a été introduite dans la convention pour
améliorer notamment la situation des travailleurs saison-

niers de nationalité italienne qui ne peuvent en principe
se constituer un domicile au sens des art. 23 ss. CC (ATF
113 V 264 consid. 2b). Jusqu'alors, en effet, le travail-
leur saisonnier italien qui devait interrompre son activité
en Suisse pour cause de maladie ou d'accident et qui y
demeurait jusqu'à la survenance de l'invalidité ne pouvait
prétendre des prestations : il ne remplissait pas la clause
d'assurance exigée par la loi, du moment qu'il n'était pas
domicilié en Suisse et qu'il n'y exerçait plus aucune acti-
vité lucrative (Message du Conseil fédéral concernant un
deuxième Avenant à la Convention de sécurité sociale avec
l'Italie, du 29 octobre 1980, FF 1980 III 1205).

c) La question à résoudre est donc de savoir si le
recourant est demeuré en Suisse jusqu'à la survenance de
l'invalidité, auquel cas il serait considéré comme assuré
au sens du droit suisse. Le terme de «demeurer» au sens de
la disposition précitée est également employé dans d'autres
conventions. Le Tribunal fédéral des assurances, qui a eu
l'occasion de se prononcer sur l'interprétation de cette
notion dans le cadre de l'application de l'art. 8 let. f de
la Convention relative aux assurances sociales entre la
Suisse et la Yougoslavie, du 8 juin 1962, (ATF 119 V 98), a
considéré qu'elle devait être comprise dans le sens de
«séjourner habituellement» («sich gewöhnlich aufhalten»),
définition qui, en droit international des assurances
sociales, est aussi utilisée à maintes reprises pour expli-
quer le terme «résider» (ATF 119 V 108 consid. 6c). Ce qui
est déterminant pour le séjour habituel, c'est le séjour
effectif en Suisse et la volonté de prolonger celui-ci; en
outre, le centre de toutes les relations de l'intéressé
doit se trouver en Suisse (ATF 119 V 108 consid. 6c et les
arrêts cités). Cela ne signifie toutefois pas que l'assuré
doit séjourner de manière ininterrompue en Suisse jusqu'à
la survenance du cas d'assurance; il ne doit pas y avoir
d'interruption de longue durée (ATF 119 V 109 consid. 6d).
Par ailleurs, le séjour habituel ne doit pas être qualifié,

en ce sens que l'on ne saurait exiger en plus du séjour
effectif une autorisation délivrée par la police des étran-
gers (cf. ATF 118 V 86 consid. 4c).

3.- En l'espèce, le recourant, au bénéfice d'un permis
de saisonnier, a été victime d'un accident de travail, le
5 juin 1992, à la suite duquel il n'a plus été en mesure de
reprendre son activité de régleur auprès de l'entreprise de
construction X.________ SA. Comme l'ont retenu à juste
titre l'intimé et les premiers juges, l'invalidité est donc
survenue, dans l'hypothèse la plus favorable à l'intéressé
(cf. art. 29 al. 1 let. b LAI), au plus tôt le 5 juin 1993.

4.- En ce qui concerne la fin du séjour du recourant,
à l'instar de l'office AI, les premiers juges ont retenu
qu'il a définitivement quitté la Suisse au plus tard le
27 mai 1993, dès lors qu'il avait annoncé son intention de
rentrer en Italie ce jour-là lors d'un entretien avec le
secrétariat de la Commission de l'assurance-invalidité
(ci-après : secrétariat AI) la veille et indiqué sa nou-
velle adresse en Italie (rapport du secrétariat du 26 mai
1993). En conséquence, ils ont admis que B.________ n'était
pas assuré au moment de la survenance de l'invalidité, si
bien que la décision initiale de l'office intimé était
manifestement erronée.
Le recourant fait en revanche valoir que, contraire-
ment à ce qu'il avait dit à l'époque à l'administration, il
est encore demeuré en Suisse jusqu'au mois de septembre
1993 pour suivre son traitement médical.

5.- a) Il ressort du dossier que B.________ s'est
rendu chez le docteur A.________ à la fin du mois d'août et
au début du mois de septembre 1993; il a également consulté
le docteur C.________, le 6 septembre 1993. A cet égard, le
docteur A.________ atteste que B.________ a effectivement
été en traitement chez lui jusqu'au 7 septembre 1993, date
de la dernière consultation lors de laquelle celui-ci lui a

annoncé refuser l'intervention médicale proposée par le
docteur C.________ ainsi que son départ définitif de la
Suisse pour l'Italie (lettre du 17 mai 2000 au conseil du
recourant). Ces déclarations sont du reste confirmées par
une annotation du médecin, inscrite le 7 septembre 1993 sur
la fiche de traitement du patient, dont la teneur est :
«décide de ne rien faire pour l'instant. Retour en Italie».

Au regard de ces faits, on ne saurait d'emblée exclure
que le recourant a continué à séjourner en Suisse après le
27 mai 1993, malgré sa déclaration d'intention au secréta-
riat AI. Celle-ci ne saurait, contrairement à ce qu'ont
admis les premiers juges, suffire pour démontrer que
B.________ a réellement quitté la Suisse à cette date-là,
dans la mesure où il ne s'agit que d'une manifestation de
volonté de l'assuré et non d'un fait objectif. De même, le
rapport du docteur D.________, médecin de l'AI, du 25 avril
1996 contenant la mention manuscrite «a quitté la Suisse le
27.5.93» ne constitue pas non plus une preuve du départ du
recourant à l'étranger à ce moment-là, étant donné qu'il
n'est pas possible de vérifier sur quelle circonstance
repose cette constatation.

b) On ne saurait pas non plus se fonder, comme l'a
fait l'instance de recours pour admettre le départ du
recourant avant le 5 juin 1993, sur les indications du
contrôle des habitants de la municipalité de E.________ du
18 juillet 2000. Selon celles-ci, B.________ aurait cessé
de séjourner dans la commune de E.________ dès le 15 mars
1993, - date à laquelle expirait son permis «L» accordé
pour lui permettre de suivre un traitement médical -, alors
qu'il est établi que ce dernier a continué à demeurer en
Suisse postérieurement à cette date. En effet, après une
pause thérapeutique en Italie (certificat médical du 19 fé-
vrier 1993 du docteur A.________), il a déposé sa demande
de prestations AI au secrétariat AI le 23 avril 1993, a
suivi un traitement de physiothérapie à la Clinique médico-

chirurgicale Y.________ entre le 26 avril et le 7 mai 1993
ou s'est rendu à des consultations successives chez le
docteur A.________ les 7, 11 et 26 mai 1993. Il y a lieu de
relever par ailleurs que le dossier de l'office AI conte-
nait la copie d'une «demande de prolongation d'autorisation
de séjour et de travail» du 19 février 1993 pour suivre un
traitement médical en Suisse, signée par le recourant et
son ancien employeur (laquelle n'est jamais parvenue au
service des étrangers compétent). Cette demande, dont
l'administration avait connaissance en 1996, constituait
une circonstance objective permettant de penser que le
recourant avait l'intention de demeurer en Suisse jusqu'à
la fin de son traitement médical. Or, l'office AI aurait pu
chercher à savoir, au moment de sa décision initiale, si
l'autorisation de séjour de l'assuré avait effectivement
été prolongée ou non pour connaître la date exacte de son
départ de Suisse.
Enfin, il ressort de l'échange de correspondance entre
le recourant et la CNA que celle-ci lui écrivait encore à
son adresse à Sion le 1er juillet 1993, alors qu'une lettre
datée du 14 septembre 1993 lui était en revanche adressée à
son domicile en Italie. L'office AI, qui avait à disposi-
tion le dossier médical de la CNA (note du secrétariat AI
du 15 février 1994, complétée le 22 février 1996), pouvait
donc en déduire que le recourant n'avait plus l'intention
de demeurer en Suisse et ne s'était installé définitivement
en Italie qu'en septembre 1993.

c) Dans ces circonstances, il apparaît que la prolon-
gation du séjour du recourant en Suisse au-delà du 27 mai
1993 ne peut pas être exclue avec certitude. S'agissant
d'une question d'appréciation, on ne saurait dès lors
affirmer aujourd'hui que l'office intimé a rendu en 1996
une décision «manifestement erronée» lorsqu'il a accordé
une rente d'invalidité à l'assuré.

d) Partant, l'office AI n'était pas en droit de sup-
primer le droit à la rente du recourant.
Le recours de droit administratif se révèle ainsi bien
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 4 septembre
2001 de la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour
les personnes résidant à l'étranger et la décision du
12 juillet 2000 de l'Office AI pour les assurés rési-
dant à l'étranger sont annulés.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office AI versera au recourant la somme de 3000 fr.
à titre de dépens (y compris la taxe à la valeur
ajoutée) pour l'ensemble de la procédure.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité pour les person-
nes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 18 avril 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.673/01
Date de la décision : 18/04/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-18;i.673.01 ?
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