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18/04/2002 | SUISSE | N°I.409/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2002, I.409/01


«AZA 7»
I 409/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 18 avril 2002

dans la cause

V.________, recourant, représenté par Me Pierre Heinis,
avocat, rue de l'Hôpital 11, 2000 Neuchâtel,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- V.________ a exercé la pr

ofession de gérant-
vendeur dans un magasin de meubles. Le 28 octobre 1994, il
a été victime d'une chute, ensuite de laquelle il a ...

«AZA 7»
I 409/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 18 avril 2002

dans la cause

V.________, recourant, représenté par Me Pierre Heinis,
avocat, rue de l'Hôpital 11, 2000 Neuchâtel,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- V.________ a exercé la profession de gérant-
vendeur dans un magasin de meubles. Le 28 octobre 1994, il
a été victime d'une chute, ensuite de laquelle il a subi
une rupture partielle de la coiffe des rotateurs à droite.

La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'acci-
dents (CNA) a pris en charge le cas. Par décision du
12 juillet 1996, elle lui a alloué, à partir du 1er juillet
précédent, une rente d'invalidité fondée sur une incapacité
de gain de 50 %.
V.________ ayant requis l'octroi d'une rente de
l'assurance-invalidité, l'Office de l'assurance-invalidité
du canton de Neuchâtel a confié une expertise aux médecins
du service de rhumatologie et de médecine physique de
l'Hôpital X.________. Dans un rapport du 22 avril 1997, ces
médecins ont fait état d'une incapacité de travail de 30 %
dans l'activité habituelle de l'intéressé.
Informée des conclusions de cette expertise, la CNA a
rendu une nouvelle décision, le 12 décembre 1997, par la-
quelle la rente servie à l'assuré a été révisée à partir du
1er janvier 1998 en fonction d'une incapacité de gain
réduite de 30 %. Saisie d'une opposition, elle a annulé sa
décision et rétabli, à partir du 1er janvier 1998, le
versement d'une rente fondée sur une incapacité de gain de
50 % (décision sur opposition du 22 mai 1998). Elle s'est
fondée pour cela sur un rapport du docteur A.________,
médecin de sa division des accidents (du 12 mai 1998),
lequel avait exclu une amélioration de l'état de santé de
l'assuré postérieurement à l'octroi de la rente.
De son côté, par des décisions du 13 juillet 2000,
l'office AI a alloué à l'intéressé un quart de rente pour
la période du 1er février au 30 avril 1996 et une demi-ren-
te pour la période du 1er mai au 30 juin 1996.

B.- Saisi d'un recours de l'assuré qui concluait à
l'octroi d'une demi-rente depuis le 1er juillet 1996, le
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel l'a rejeté
par jugement du 23 mai 2001.

C.- V.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation, en

concluant, sous suite de dépens, au maintien, au-delà du
1er juillet 1996, de son droit à une demi-rente, subsi-
diairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale
pour instruction complémentaire et nouveau jugement.
L'office intimé conclut au rejet du recours. L'Office
fédéral des assurances sociales n'a pas présenté de déter-
mination.

Considérant en droit :

1.- Le jugement entrepris expose de manière exacte et
complète les dispositions légales et la jurisprudence ap-
plicables en l'occurrence. Il suffit donc d'y renvoyer.

2.- En l'espèce, l'assuré a obtenu de l'assurance-
accidents une rente fondée sur une incapacité de gain de
50 % à partir du 1er juillet 1996 (décision du 12 juillet
1996). Dans un premier temps, cette prestation a été
supprimée et remplacée par une rente fondée sur une
incapacité de gain de 30 % à partir du 1er janvier 1998
(décision du 12 décembre 1997), mais a finalement été
rétablie sans interruption (décision sur opposition du
22 mai 1998). Bien que l'intéressé fût donc au bénéfice
d'une demi-rente de l'assurance-accidents depuis le
1er juillet 1996, la juridiction cantonale s'est écartée de
l'évaluation de l'invalidité opérée par les organes de
cette assurance, pour confirmer celle de l'office AI qui
avait constaté l'existence d'une invalidité de 41 % du
1er février au 30 avril 1996 et de 50 % du 1er mai au
30 juin 1996, date à partir de laquelle l'invalidité
n'était plus suffisante pour ouvrir droit à une rente. Elle
a considéré que l'évaluation de l'assurance-accidents
reposait sur une interprétation pour le moins généreuse des
avis médicaux versés au dossier.

De son côté, le recourant fait valoir que l'office AI
n'avait aucune raison objective de s'écarter de l'évalua-
tion de la CNA, laquelle tenait compte des avis des
docteurs B.________, médecin traitant, et C.________,
médecin d'arrondissement de la CNA.

3.- a) Dans un arrêt ATF 126 V 288, le Tribunal fédé-
ral des assurances a précisé sa jurisprudence concernant la
coordination de l'évaluation de l'invalidité dans les dif-
férentes branches de l'assurance sociale. Il a notamment
confirmé le caractère uniforme de la notion d'invalidité
dans ces différentes branches (cf. art. 22 du projet de loi
fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales [LPGA] du 27 septembre 1990), ainsi que son effet
de coordination dans l'évaluation de l'invalidité. En re-
vanche, il a renoncé à la pratique consistant à accorder en
principe plus d'importance à l'évaluation effectuée par
l'un des assureurs sociaux, indépendamment des instruments
dont il dispose pour instruire le cas et de l'usage qu'il
en a fait dans un cas concret. Certes, il faut éviter que
des assureurs procèdent à des évaluations divergentes dans
un même cas. Mais même si un assureur ne peut en aucune
manière se contenter de reprendre, sans plus ample examen,
le taux d'invalidité fixé par un autre assureur, une éva-
luation entérinée par une décision entrée en force ne peut
pas rester simplement ignorée. Toutefois, il convient de
s'écarter d'une telle évaluation lorsqu'elle repose sur une
erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable (ATF
119 V 471 consid. 2b) ou encore lorsqu'elle résulte d'une
simple transaction conclue avec l'assuré (ATF 112 V 175 s.
consid. 2a). A ces motifs de divergence déjà reconnus anté-
rieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des mesu-
res d'instruction extrêmement limitées et superficielles,
ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou enta-
chée d'inobjectivité (ATF 126 V 293 s. consid. 2d). Dans
l'arrêt ATF 119 V 468, le Tribunal fédéral des assurances
avait considéré comme insoutenable une appréciation des

organes de l'assurance-invalidité, au motif qu'elle s'écar-
tait largement de l'évaluation de l'assureur-accidents,
laquelle reposait sur des conclusions médicales convaincan-
tes concernant la capacité de travail et l'activité exigi-
ble, ainsi que sur une comparaison des revenus correctement
effectuée (ATF 119 V 474 consid. 4a).

b) En l'espèce, la CNA a fixé le taux d'invalidité de
l'assuré à 50 % dès le 1er juillet 1996, compte tenu du
fait que l'intéressé ne pouvait travailler qu'à 50 % dans
sa profession. Elle s'est fondée pour cela sur un rapport
du docteur C.________, médecin d'arrondissement (du 31 mai
1996). Cette appréciation médicale était motivée par le
fait que l'assuré a de la peine à monter aux échelles, à
travailler en position assise ou en sollicitation alternée
et qu'il ne peut soulever ni porter de lourdes charges. En
revanche, l'intéressé est pleinement apte à demeurer en
permanence sur les jambes, à marcher en terrain inégal, à
s'agenouiller, à se baisser et à monter les escaliers. Dans
son rapport du 12 mai 1998, établi dans le cadre de la pro-
cédure d'opposition contre la décision de révision de la
rente du 12 décembre 1997, le docteur A.________ a indiqué,
compte tenu des lésions objectives somme toute discrètes,
qu'une capacité résiduelle de travail de 70 % paraît davan-
tage correspondre à la réalité qu'un taux de 50 %, et cela
déjà au moment de l'octroi de la rente en 1996. Au demeu-
rant, l'intéressé est pleinement capable d'exercer une
activité manuelle légère ne nécessitant pas la manipulation
de charges à l'aide du bras droit tendu ni une activité
répétitive de la main droite au-dessus de la tête.
Ces appréciations médicales sont de nature à mettre en
cause le bien-fondé de l'évaluation de l'invalidité effec-
tuée par l'assureur-accidents. En effet, non seulement
celle-ci repose sur une estimation généreuse de l'inca-
pacité de travail dans l'activité habituelle de l'assuré,
mais encore elle méconnaît le principe selon lequel il
appartient au premier chef à l'assuré d'atténuer le mieux

possible les conséquences de son invalidité (ATF 113 V 28
consid. 4a et les références), ce qui se traduit par la
prise en compte, dans l'évaluation de l'invalidité, du
revenu d'invalide réalisable dans une activité raisonna-
blement exigible (art. 18 al. 2 LAA). Or, en l'espèce, il
ressort des avis médicaux précités que la capacité rési-
duelle de travail de l'intéressé pourrait être mieux mise
en valeur dans une activité légère ne nécessitant pas le
port de lourdes charges ni des manipulations d'objets à
l'aide de la main droite dans des positions pénibles. Il
s'ensuit que l'évaluation de l'assureur-accidents n'est pas
convaincante et que l'office AI était ainsi fondé à s'en
écarter.

4.- a) Par les décisions litigieuses du 13 juillet
2000, l'office intimé a alloué au recourant un quart de
rente pour la période du 1er février au 30 avril 1996 et
une demi-rente pour la période du 1er mai au 30 juin 1996.
Le recourant conteste la suppression de son droit à la
demi-rente à partir du 1er juillet 1996. Le bien-fondé de
la décision d'octroi, à titre rétroactif, d'une rente
limitée dans le temps doit dès lors être examiné à la
lumière des conditions de révision du droit à la rente (ATF
125 V 418 consid. 2d et les références).
Selon la jurisprudence, tout changement important des
circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité,
donc le droit à la rente, peut donner lieu à une révision
de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est
produit doit être tranché en comparant les faits tels
qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de
rente et les circonstances régnant à l'époque de la déci-
sion litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence;
voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

b) En l'espèce, il s'agit d'examiner si l'invalidité
du recourant s'est modifiée entre le 1er mai 1996, date du

début du droit à une demi-rente, et le 30 juin suivant,
date de la suppression de cette prestation.
A l'appui de sa décision litigieuse par laquelle il a
accordé à l'assuré une demi-rente d'invalidité, l'office
intimé s'est fondé sur un rapport du 11 mars 1996, du
docteur B.________, médecin traitant de l'assuré. Selon ce
praticien, il existait une incapacité de travail de 50 %
depuis le 19 février 1996, en raison d'une augmentation de
la limitation de la mobilité de l'épaule droite et des
douleurs résiduelles lors d'efforts et de mouvements
forcés. Cet avis était fondé sur un rapport des médecins de
la Clinique Y.________ (du 8 mars 1996). Cependant,
l'office AI a considéré que le droit à la demi-rente devait
être supprimé après le 30 juin 1996, motif pris que «depuis
lors» l'état de santé de l'assuré était «stabilisé» et
l'incapacité de travail réduite de 30 % dans l'activité
professionnelle habituelle. Il a invoqué pour cela l'avis
des médecins du service de rhumatologie et de médecine
physique de l'Hôpital X.________, lesquels ont fait état
d'une incapacité de travail de 30 % dans l'activité
habituelle de l'intéressé (rapport d'expertise du 22 avril
1997).
Cet avis médical ne fait toutefois état d'aucune amé-
lioration de l'état de santé par rapport à la période
examinée par le docteur B.________, de sorte qu'on ne
comprend pas pourquoi l'office intimé a considéré que
l'invalidité s'était modifiée de manière à justifier la
suppression de la demi-rente après le 30 juin 1996. Par
ailleurs, la Cour de céans ne saurait confirmer la décision
de révision rendue à tort pour le motif substitué que la
décision d'octroi d'une demi-rente est sans nul doute
erronée et que sa rectification revêt une importance
notable (ATF 110 V 296, 106 V 87 consid. 1, 105 V 201
consid. 1 et les arrêts cités). S'il estimait que les
conclusions des médecins du service de rhumatologie
l'emportaient sur l'avis du docteur B.________, l'office AI
devait en effet nier tout droit à une rente pour l'ensemble
de la période considérée.

c) La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être
entendu l'obligation pour l'autorité de motiver sa déci-
sion, afin que l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer
utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse
exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il
suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les
motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa
décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre
compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connais-
sance de cause. En revanche, il y a violation du droit
d'être entendu si l'autorité ne satisfait pas à son devoir
minimum d'examiner et traiter les problèmes pertinents (ATF
126 I 102 s. consid. 2b, 122 IV 14 s. consid. 2c et les
arrêts cités).
En l'espèce, dans la mesure où, sur le vu de la déci-
sion administrative litigieuse du 13 juillet 2000, il n'est
pas possible de savoir pourquoi une demi-rente temporaire a
été allouée au recourant ni pourquoi son terme a été fixé
au 30 juin 1996, l'intéressé n'était pas en mesure d'atta-
quer cet acte administratif en connaissance de cause. Du
moment que ce vice n'a pas été réparé dans le jugement
attaqué (cf. à ce sujet ATF 124 V 183 consid. 4a, 392 con-
sid. 5a et les références), la violation du droit d'être
entendu consacrée par la décision administrative litigieuse
commande l'annulation de cette dernière (ATF 124 V 183
consid. 4a, 122 II 469 consid. 4a et les arrêts cités). La
cause doit
dès lors être renvoyée à l'office intimé pour
qu'il rende une nouvelle décision en observant son obliga-
tion d'indiquer les motifs sur lesquels il se fonde.

5.- Le recourant, qui obtient gain de cause, est re-
présenté par un avocat. Il a droit à une indemnité de dé-
pens pour l'ensemble de la procédure (art. 159 al. 3 en
liaison avec l'art. 135 OJ; art. 85 al. 2 let. f LAVS en
relation avec l'art. 69 LAI).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
23 mai 2001 et les décisions de l'Office de l'assuran-
ce-invalidité du canton de Neuchâtel du 13 juillet
2000 sont annulés, la cause étant renvoyée audit
office pour qu'il statue à nouveau en procédant
conformément aux considérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'office intimé versera au recourant la somme de
3000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 avril 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.409/01
Date de la décision : 18/04/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-18;i.409.01 ?
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