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18/04/2002 | SUISSE | N°5C.96/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2002, 5C.96/2001


«/2»
5C.96/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

18 avril 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Raselli,
Mme Nordmann, M. Meyer et Mme Hohl, juges.
Greffier: M. Braconi.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Olivier Derivaz, avocat à Monthey,

et

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Michel
De Palma, avocat à Sion;

(divorce, c

ompétence ratione loci)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________ et dame X.__...

«/2»
5C.96/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

18 avril 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Raselli,
Mme Nordmann, M. Meyer et Mme Hohl, juges.
Greffier: M. Braconi.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Olivier Derivaz, avocat à Monthey,

et

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Michel
De Palma, avocat à Sion;

(divorce, compétence ratione loci)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________ et dame X.________, tous deux de
nationalité italienne, se sont mariés en 1960 en Sicile.

Par mémoire du 24 juin 1998, dame X.________ a saisi
le Juge II du district de Monthey d'une demande tendant au
divorce, au versement d'une pension alimentaire mensuelle de
1'000 fr. et d'une somme de 15'000 fr. à titre de réparation
du tort moral, ainsi qu'à l'attribution de la moitié de la
propriété des époux sise en Sicile.

Prenant acte du divorce prononcé le 13 mai 1998 par
le Tribunal de Milan à la demande du mari, dame X.________
a,
le 26 novembre suivant, renoncé à son action en divorce,
mais
maintenu ses autres chefs de conclusions, en complètement du
jugement italien sur les effets accessoires. X.________ a,
quant à lui, conclu à l'irrecevabilité de la demande pour
cause de litispendance, subsidiairement de chose jugée.

b) Le 20 janvier 1999, le Juge de district a rejeté
cet incident et admis, en application de l'art. 64 LDIP, sa
compétence pour compléter le jugement italien sur les effets
accessoires. Le 18 août suivant, la Cour de cassation civile
du Tribunal cantonal valaisan a partiellement accueilli le
pourvoi en nullité de X.________ et renvoyé l'affaire à l'au-
torité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des
considérants: elle a estimé, conformément à la jurisprudence
antérieure à l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur le
droit international privé, que le juge étranger du divorce
demeure compétent pour compléter le jugement, sauf si, dans
l'Etat concerné - en l'espèce l'Italie -, il n'existe aucune
juridiction devant laquelle une telle action pourrait être
introduite; le premier juge ne pouvait, dès lors, se
déclarer
compétent sans examiner au préalable cette question.

c) Le 18 octobre 1999, la cour de céans a déclaré
irrecevable le recours en réforme interjeté par dame
X.________ contre cet arrêt, celui-ci ne constituant pas une
décision incidente sur la compétence au sens de l'art. 49
al.
1 OJ.

B.- Dans sa nouvelle décision, du 28 février 2001,
le Juge de district a retenu que l'action en complément du
jugement de divorce pouvait être ouverte en Italie, de sorte
que la demande était irrecevable. Statuant le 10 avril 2001
sur le pourvoi en nullité déposé par dame X.________, la
Cour
de cassation civile du Tribunal cantonal valaisan l'a
déclaré
irrecevable.

C.- Dame X._________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral, concluant, principalement, à l'annulation
de cet arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale
pour nouvelle décision, subsidiairement à la constatation de
la compétence du Tribunal du district de Monthey pour complé-
ter le jugement de divorce; elle demande en outre le
bénéfice
de l'assistance judiciaire.

Le défendeur propose l'irrecevabilité du recours; il
sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 127 III 433 consid. 1
p. 434 et la jurisprudence citée dans ces arrêts).

a) La compétence des tribunaux suisses pour statuer
sur une action en complément d'un jugement de divorce rendu
à

l'étranger est régie par l'art. 64 al. 1 LDIP; elle
ressortit
ainsi au droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). L'action tendant,
comme en l'occurrence, au versement d'une pension
alimentaire
et d'une indemnité pour tort moral, ainsi qu'à la
liquidation
du régime matrimonial est une contestation civile de nature
pécuniaire (cf. ATF 112 II 289 consid. 1 p. 291); la valeur
litigieuse étant atteinte (art. 47 al. 1 OJ), le recours est
recevable sous l'angle de l'art. 46 OJ.

b) aa) En vertu de l'art. 48 al. 1 OJ, le recours en
réforme n'est ouvert qu'à l'encontre d'une décision finale,
à
savoir une décision par laquelle l'autorité cantonale statue
sur le fond ou s'y refuse pour un motif qui empêche définiti-
vement que la même prétention soit émise à nouveau entre les
mêmes parties (ATF 127 III 474 consid. 1a p. 475/476; 126
III
445 consid. 3b p. 446/447 et la jurisprudence citée); tel
est
le cas lorsque le juge cantonal nie sa compétence (ATF 115
II
237 consid. 1b p. 239 ss; critique: Poudret, Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, N. 1.2
ad
art. 49 OJ). Au demeurant, le recours serait aussi recevable
au regard de l'art. 49 OJ; dans la mesure où la recourante
se
plaint d'une violation de l'art. 64 al. 1 LDIP, elle dénonce
la transgression d'une prescription de droit fédéral sur la
compétence internationale (arrêt 4C.189/2001, du 1er février
2002, consid. 1b).

C'est à tort que l'intimé propose l'irrecevabilité
du recours en tirant argument de ce que l'autorité
inférieure
a déclaré «irrecevable» le pourvoi en nullité. La décision
attaquée doit être qualifiée d'après sa portée, et non selon
le libellé de son dispositif (Poudret, op. cit., N. 1.1.2 ad
art. 48 OJ et les références); or, l'arrêt entrepris a pour
effet d'exclure définitivement la compétence des tribunaux
suisses du domicile des époux (art. 59 LDIP) au profit des
juridictions italiennes. Le moyen tiré du caractère «extraor-
dinaire» du pourvoi en nullité (cf. Ducrot, Droit judiciaire

privé valaisan, p. 471) n'est pas mieux fondé; le Tribunal
fédéral a déjà jugé que, lorsque la cour de cassation
statue,
comme en l'espèce, avec plein pouvoir d'examen (cf. art. 228
al. 1 CPC/VS), son jugement constitue une décision finale au
sens de l'art. 48 al. 1 OJ (arrêt 4C.119/1999, du 2
septembre
1999, consid. 3).

bb) Conformément à l'art. 48 al. 3 OJ, le recours
dirigé contre la décision finale se rapporte aussi aux déci-
sions qui l'ont précédée; toutefois, font exception
notamment
les décisions incidentes quant à la compétence qui auraient
pu être déférées au Tribunal fédéral déjà antérieurement en
vertu de l'art. 49 OJ.

L'arrêt de renvoi de la Cour de cassation civile ne
tombe pas sous le coup de cette dernière norme (arrêt rendu
entre les parties dans la cause 5C.210/1999, du 18 octobre
1999, consid. 3). La nouvelle décision du Juge de district
ne
pouvait davantage faire l'objet d'un recours en réforme indé-
pendant; en plus d'être tardif, un tel recours n'eût pas été
dirigé contre une décision prise par l'une des juridictions
mentionnées à l'art. 48 al. 2 OJ (ATF 80 III 149 consid. 2a
p. 153; arrêt 4C.122/2001, du 15 mai 2001, consid. 2b).

Par conséquent, le présent recours se rapporte aussi
à la décision du Juge de district du 28 février 2001, qui
n'a
pas été remplacée par l'arrêt entrepris (cf. Pfammatter, Die
zivilprozessuale Nichtigkeitsklage in der Walliser ZPO,
thèse
Fribourg 1995, p. 167), et à l'arrêt du Tribunal cantonal du
18 août 1999; peu importe que la recourante n'ait pas
formulé
de conclusions (art. 55 al. 1 let. b OJ) à leur encontre (en
ce sens: ATF 26 II 758 consid. 1 p. 764; Poudret, op. cit.,
N. 4.1.3 ad art. 48 OJ; contra: Wurzburger, Les conditions
objectives du recours en réforme au Tribunal fédéral, thèse
Lausanne 1964, n° 294 et les citations; indécis: ATF 60 II
30
consid. 2 p. 33/34).

c) Déposé à temps, le recours est enfin recevable du
chef de l'art. 54 al. 1 OJ.

2.- a) La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 64 al. 1 LDIP; elle soutient que les tribunaux
suisses
du domicile étaient compétents pour statuer sur l'action en
complément du jugement de divorce, si bien qu'il n'y avait
pas lieu de s'interroger sur la compétence des juridictions
italiennes.

b) Aux termes de l'art. 64 al. 1 LDIP, les tribunaux
suisses sont compétents pour connaître d'une action en com-
plément d'un jugement de divorce ou de séparation de corps
s'ils ont prononcé ce jugement ou s'ils sont compétents en
vertu des art. 59 ou 60 LDIP; d'après l'art. 59 LDIP, sont
compétents pour connaître d'une action en divorce ou en sépa-
ration de corps les tribunaux suisses du domicile de l'époux
défendeur (let. a), ou les tribunaux suisses du domicile de
l'époux demandeur, si celui-ci réside en Suisse depuis une
année ou est suisse (let. b). Sous réserve des conventions
internationales (art. 1er al. 2 LDIP; cf. ATF 116 II 9), la
compétence du juge - suisse ou étranger - est exclusivement
régie par la LDIP (ATF 116 II 622 consid. 5b p. 624 et les
références). Le Tribunal fédéral en a déduit que le principe
de l'unité du jugement de divorce - sur lequel reposait la
pratique rendue sous l'ancien droit (ATF 112 II 289 consid.
2
p. 291; 107 II 13 consid. 2 p. 15/16 et les arrêts cités;
sur
ce point: Sturm, A propos de l'irrecevabilité de l'action en
complément d'un jugement étranger de divorce, in: Mél. Guy
Flattet, p. 539 ss et les citations) - ne fait pas obstacle
à
la compétence des juridictions suisses pour statuer sur une
action en complément d'un jugement de divorce étranger, dans
l'hypothèse où celles-ci auraient été habilitées, au regard
des art. 59/60 LDIP, à prononcer le divorce lui-même (arrêts
5C.194/1994, du 29 juin 1995, consid. 2a; 5C.173/2001, du 19
octobre 2001, consid. 2a, résumé in: FamPra 2002 p. 166); la

doctrine exprime le même avis (Bucher, Droit international
privé suisse, vol. II, n° 544/545; Candrian, Scheidung und
Trennung im internationalen Privatrecht der Schweiz, thèse
St-Gall 1994, p. 82; Dörig, Nachverfahren im zürcherischen
Ehescheidungsprozess, thèse Zurich 1987, p. 182; Dutoit, Com-
mentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3e éd., N.
2
ad art. 64 LDIP; Hasenböhler, Das Familien- und Erbrecht des
IPRG, in: BJM 1989 p. 241/242; Hinderling/Steck, Das schwei-
zerische Ehescheidungsrecht, 4e éd., p. 606; Jametti
Greiner,
in: Praxis Kommentar Scheidungsrecht, Anhang IPR, N. 56;
Schnyder, Das neue IPR-Gesetz, 2e éd. p. 62; Volken, in:
IPRG
Kommentar, N. 4 ss ad art. 64 LDIP).

En l'occurrence, il est constant que les conditions
posées par l'art. 59 LDIP sont réalisées tant à l'égard de
la
demanderesse (let. b) que du défendeur (let. a), de sorte
que
le Tribunal du district de Monthey était bien compétent pour
compléter le jugement de divorce italien. Il s'ensuit que le
recours est fondé.

3.- Vu ce qui précède, il est superflu d'examiner le
moyen pris de la violation de la force dérogatoire du droit
fédéral (cf. art. 49 al. 1 Cst.).

4.- En conclusion, il y a lieu d'admettre le présent
recours, d'annuler l'arrêt entrepris, la décision du Juge II
du district de Monthey du 28 février 2001 ainsi que l'arrêt
de la Cour de cassation civile du 18 août 1999 et de
déclarer
compétents les tribunaux suisses du domicile de la
recourante
pour connaître de la demande au fond. La cause est renvoyée
à
l'autorité inférieure pour nouvelle décision sur les frais
et
dépens des instances cantonales.

Les requêtes d'assistance judiciaire des parties
doivent, enfin, être accueillies (art. 152 al. 1 OJ); compte

tenu de la situation financière de l'intimé, il convient de
prévoir d'emblée l'indemnisation du conseil de la recourante
par la Caisse du tribunal de céans.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. a) Admet le recours et annule l'arrêt attaqué, la
décision prise le 28 février 2001 par le Juge II du district
de Monthey ainsi que l'arrêt rendu le 18 août 1999 par la
Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton du
Valais.

b) Déclare les tribunaux suisses du domicile de la
recourante compétents pour statuer sur l'action en
complément
du jugement de divorce.

2. Renvoie la cause à l'autorité inférieure pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale.

3. Admet la requête d'assistance judiciaire de la
recourante et lui désigne Me Olivier Derivaz comme avocat
d'office.

Admet la requête d'assistance judiciaire de l'intimé
et lui désigne Me Michel De Palma comme avocat d'office.

4. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la
charge de l'intimé, mais dit qu'il est provisoirement suppor-
té par la Caisse du Tribunal fédéral.

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
conseil de la recourante une indemnité de 2'000 fr. et au
conseil de l'intimé une indemnité de 1'000 fr. à titre d'ho-
noraires d'avocat d'office.

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribu-
nal cantonal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 18 avril 2002
BRA/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.96/2001
Date de la décision : 18/04/2002
2e cour civile

Analyses

Art. 64 al. 1 LDIP; compétence des tribunaux suisses pour compléter un jugement de divorce étranger. Sous l'empire de la loi actuelle, le principe de l'unité du jugement de divorce ne s'oppose pas à ce que les tribunaux suisses complètent un prononcé de divorce étranger, autant qu'ils sont compétents au regard des art. 59 ou 60 LDIP (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-18;5c.96.2001 ?
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