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18/04/2002 | SUISSE | N°1P.521/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2002, 1P.521/2001


{T 0/2}
1P.521/2001/dxc

Arrêt du 18 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Jomini.

X. ________,
recourante, représentée par Me Fabien Waelti, avocat, rue des
Eaux-Vives 49,
1207 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Président de la 2e Chambre du Tribunal de p

olice de Genève, place du
Bourg-de-Four 3, case postale 847, 1211 Genève 3.

procédure pénale; validité d'une opposition...

{T 0/2}
1P.521/2001/dxc

Arrêt du 18 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Jomini.

X. ________,
recourante, représentée par Me Fabien Waelti, avocat, rue des
Eaux-Vives 49,
1207 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Président de la 2e Chambre du Tribunal de police de Genève, place du
Bourg-de-Four 3, case postale 847, 1211 Genève 3.

procédure pénale; validité d'une opposition

(recours de droit public contre le jugement du Tribunal de police de
la
République et canton de Genève du 13 juillet 2001)
Faits:

A.
Entre le 5 décembre 1996 et le 12 janvier 1999, le Service des
contraventions
du canton de Genève (ci-après: le Service cantonal) a infligé à
X.________,
née le 22 octobre 1931, dix-sept amendes d'ordre, d'un montant total
de 4420
fr., pour diverses infractions à la LCR et à la LSEE.

X. ________ n'a pas payé ces amendes, dont le prononcé est entré en
force. Le
3 juin 1999, le Procureur général du canton de Genève a sommé
X.________ de
régler ce montant dans un délai de dix jours, en se réservant la
possibilité
de convertir ces amendes en arrêts, selon l'art. 49 ch. 3 CP. Dans le
délai
imparti, X.________ a demandé un étalement du paiement, que le
Procureur
général a accepté. En 1999, X.________ a payé à trois reprises le
montant
mensuel convenu de 200 fr.

Le 13 janvier 2000, le Procureur général a converti le montant de
4420 fr. en
quatre-vingt-dix jours d'arrêts. Cette décision indique la voie de
l'opposition ordinaire, de l'opposition hors délai et de l'opposition
extraordinaire à présenter au Tribunal de police (art. 375 ss CPP
gen.).

Le 18 janvier 2000, X.________ s'est adressée au Tribunal de police.
Sans
indiquer expressément former une opposition, elle a fait valoir que
les trois
versements effectués en 1999 n'avaient pas été déduits du montant
pris en
compte pour effectuer la conversion en arrêts, d'une part, et que,
d'autre
part, elle se trouvait depuis le mois d'octobre 2000 dans une
clinique pour y
recevoir un traitement de radiothérapie et de transfusions. Ces
circonstances
expliquaient son incapacité à se conformer aux termes de l'arrangement
convenu en juin 1999. Elle a offert de régler le solde à payer dans
le délai
d'un mois.

Ne tenant pas cette écriture comme une opposition au sens de l'art.
375A CPP
gen., le Tribunal de police l'a retournée au Ministère public.

Le 2 mars 2001, X.________ a été écrouée pour l'exécution de la
décision du
13 janvier 2000.

Le 14 mars 2001, X.________ est intervenue auprès du Procureur
général, par
l'entremise de son mandataire, en demandant son élargissement
immédiat. Elle
a allégué avoir, le 18 janvier 2000, fait opposition à la décision du
13
janvier 2000. En tant que de besoin, elle a déclaré confirmer son
opposition.
Sans se déterminer sur ces moyens, le Procureur général a ordonné la
relaxe
de X.________, eu égard à son âge et son état de santé, le 15 mars
2001.

Par jugement du 13 juillet 2001, le Tribunal de police du canton de
Genève a
considéré que l'écriture du 18 janvier 2000 ne pouvait être tenue
pour une
opposition à la décision du 13 janvier 2000; il a déclaré irrecevable
celle
formée le 14 mars 2001.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler le jugement du 13 juillet 2001. Elle
invoque les
art. 5, 9, 29, 30, 31 et 32 Cst., les art. 5, 6 et 13 CEDH, ainsi que
l'art.
2 du 7ème Protocole à cette Convention. Elle requiert en outre
l'assistance
judiciaire.

Le Tribunal de police se réfère au jugement attaqué. Le Procureur
général
conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La recourante reproche au Tribunal de police un formalisme excessif
pour
n'avoir pas considéré son écriture du 18 janvier 2000 comme une
opposition à
la décision du 13 janvier 2000.

1.1 Une application stricte des règles de procédure constitue un
formalisme
excessif, soit un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1
Cst.,
lorsqu'elle ne se justifie par aucun intérêt digne de protection,
devient une
fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable
l'application du
droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux
tribunaux (ATF
127 I 31 consid. 2a/bb p. 34; 125 I 166 consid. 3a p. 170; 121 II 177
consid.
2b/aa p. 179, et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine
librement si
l'on se trouve en présence d'une telle situation (ATF 127 I 31
consid. 2a/bb
p. 34; 125 I 166 consid. 3a p. 170; 117 Ia 126 consid. 5a p. 130, et
les
arrêts cités); il n'examine cependant que sous l'angle restreint de
l'arbitraire l'interprétation et l'application du droit cantonal
déterminant
(ATF 113 Ia 84 consid. 1 p. 87; 108 Ia 289 consid. 1 p. 290).

1.2 Aux termes de l'art. 49 ch. 3 CP, si le condamné n'a ni payé ni
racheté
l'amende, celle-ci sera convertie en arrêts par le juge (al. 1), qui
pourra,
dans le jugement ou par une décision ultérieure, exclure la conversion
lorsque le condamné lui aura apporté la preuve qu'il est, sans sa
faute, dans
l'impossibilité de payer l'amende (al. 2); un jour d'arrêts sera
compté pour
30 francs d'amende, la durée de ces arrêts ne pouvant toutefois
dépasser
trois mois (al. 3). A Genève, c'est le Procureur général qui prononce
la
conversion des amendes en arrêts (art. 375 al. 1 et 2 CPP gen.). Sa
décision,
sommairement motivée, est notifiée à la personne concernée; elle
mentionne la
voie de l'opposition, la forme et l'autorité judiciaire compétente;
elle
précise qu'elle deviendra exécutoire faute d'opposition (art. 375 al.
3 et 4
CPP gen.). Celle-ci doit être présentée au Tribunal de police dans un
délai
de quatorze jours dès la notification de la décision de conversion,
par une
déclaration écrite et non motivée (art. 375A CPP gen.).
1.3 L'écriture du 13 janvier 2000 n'est pas désignée expressément
comme une
opposition; la recourante n'utilise pas davantage à cet égard le verbe
s'opposer ou toute autre locution de même sens. Il restait à
examiner, comme
le Tribunal de police l'a indiqué lui-même, si du sens de cette
écriture il
fallait en déduire qu'elle équivalait à une opposition. Le Tribunal
de police
a répondu par la négative. Le premier point évoqué par la recourante,
portant
sur le fait que le Procureur général avait omis de déduire les
versements
effectués en 1999 était sans pertinence, le délai maximal de trois
mois fixé
à l'art. 49 ch. 3 al. 3 CP étant dépassé de toute manière. Pour le
surplus,
le Tribunal de police a estimé qu'en offrant de s'acquitter
intégralement du
solde du montant dû, la recourante avait implicitement renoncé à faire
opposition à la décision du 13 janvier 2000. En interprétant de la
sorte le
deuxième point de la lettre du 18 janvier 2000, le Tribunal de police
a donné
à celle-ci une portée qu'elle ne pouvait lui prêter. En attirant
l'attention
de l'autorité sur sa situation personnelle difficile, sa santé
déficiente et
son hospitalisation dès le mois d'octobre 2000, la recourante a fait
usage -
certes de manière implicite - de son droit de prouver d'avoir été
empêchée
sans sa faute de payer les amendes conformément aux accords passés
avec le
Service cantonal, comme l'art. 49 ch. 3 al. 2 CP lui permettait de le
faire.
En outre, en sollicitant la patience de l'autorité, la recourante lui
a
demandé de surseoir à l'exécution, démarche qu'il fallait comprendre,
dans
les termes d'une septuagénaire malade, isolée, sans défenseur et peu
rompue
aux subtilités de la langue, spécialement juridique, comme la volonté
manifeste de ne pas accepter la décision de conversion. Au demeurant,
il
était paradoxal de la part de la recourante de ne pas contester la
conversion, tout en se déclarant prête à payer le solde des amendes.
Si
l'autorité éprouvait quelque doute à cet égard, elle aurait dû
interpeller la
recourante pour dissiper toute équivoque quant à ses intentions
véritables.
Le Tribunal de police ne pouvait simplement prendre acte du courrier
du 18
janvier 2000 et le retourner au Ministère public, comme il l'a fait,
ceci
d'autant moins que l'opposition n'a pas à être motivée et que la
recourante
était exposée, en cas de défaut d'opposition, à une peine privative de
liberté de quatre-vingt-dix jours. En procédant comme il l'a fait, le
Tribunal de police a fait preuve de formalisme excessif.

2.
Le recours doit être admis pour ce motif et la décision attaquée
annulée sans
qu'il soit nécessaire, pour le surplus, d'examiner les autres griefs
soulevés
par la recourante. Il convient de statuer sans frais (art. 156 OJ) et
de
mettre à la charge de l'Etat de Genève une indemnité de 2500 fr. en
faveur de
la recourante, à titre de dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est admis et le jugement rendu le 13
juillet 2001
par le Tribunal de police de la République et canton de Genève est
annulé.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 2500 fr., à payer à X.________ à titre de dépens,
est mise à
la charge de l'Etat de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, au
Procureur général et au Tribunal de police de la République et canton
de
Genève.

Lausanne, le 18 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier e.r.:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.521/2001
Date de la décision : 18/04/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-18;1p.521.2001 ?
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