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17/04/2002 | SUISSE | N°2P.147/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 avril 2002, 2P.147/2001


{T 0/2}
2P.147/2001 /viz

Arrêt du 17 avril 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffier Langone.

Z. ________, recourant, représenté par Me Raymond de Morawitz,
avocat, rue de
la Synagogue 41, 1204 Genève,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève, représenté par Me Bernard Ziegler,
avocat, Cour des Bastions 14, case postale 18, 1211 Genève 12,

art. 12 Cst. (arrêté relatif à l'aide financ

ière aux étrangers non
titulaires
d'une autorisation de séjour régulière)

(recours de droit public contre l'arrê...

{T 0/2}
2P.147/2001 /viz

Arrêt du 17 avril 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffier Langone.

Z. ________, recourant, représenté par Me Raymond de Morawitz,
avocat, rue de
la Synagogue 41, 1204 Genève,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève, représenté par Me Bernard Ziegler,
avocat, Cour des Bastions 14, case postale 18, 1211 Genève 12,

art. 12 Cst. (arrêté relatif à l'aide financière aux étrangers non
titulaires
d'une autorisation de séjour régulière)

(recours de droit public contre l'arrêté du Conseil d'Etat
du canton de Genève du 2 mai 2001)
Faits:

A.
Dans le canton de Genève, les prestations d'assistance publique sont
régies
par la loi du 19 septembre 1980 sur l'assistance publique (ci-après:
LAP/GE).
L'art. 1 al. 2 LAP/GE dispose que l'assistance publique est destinée
à venir
en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou qui sont
dépourvues
des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et
personnels
indispensables. Selon l'art. 2 LAP/GE, le champ d'application de la
loi
s'étend aux personnes séjournant dans le canton. L'art. 27 LAP/GE
prévoit que
le Conseil d'État édicte les règlements d'application de la loi.

Le 2 mai 2001, le Conseil d'Etat du canton de Genève a adopté l'arrêté
relatif à l'aide financière aux étrangers non titulaires d'une
autorisation
de séjour régulière (ci-après: arrêté du 2 mai 2001 ou arrêté
attaqué), dont
les art. 1 et 2 ont la teneur suivante:
"Art. 1 Principe
1. L'Hospice général peut verser aux personnes sans autorisation de
séjour
une aide assurant les conditions minimales d'existence, selon le
présent
arrêté.

2. Sont exclues de toute aide financière les personnes dont la
demande
d'asile a été définitivement rejetée et qui se sont soustraites à
l'exécution
du renvoi qui leur a été signifié par les autorités compétentes.

Art. 2 Conditions
1. Toute personne sans autorisation de séjour qui demande une aide à
l'Hospice général doit s'annoncer immédiatement à l'Office cantonal
de la
population (OCP).

2. Sur présentation d'une attestation de l'OCP, une aide peut être
accordée
pour une durée maximale de 30 jours au sens des articles 3 et 4 du
présent
arrêté.

3. L'OCP prononce, dans ce délai de 30 jours:
- soit un renvoi;
- soit une entrée en matière sur l'octroi d'une autorisation de
séjour.

4. Lorsque l'OCP entre en matière sur l'octroi d'une autorisation de
séjour,
l'Hospice général peut accorder une aide financière.

5. Lorsqu'un renvoi est prononcé, l'Hospice général peut accorder
une aide
jusqu'à ce que celui-ci soit exécutoire.

6. Lorsque l'intéressé a recouru contre la décision négative de
l'OCP auprès
de la Commission cantonale de recours de police des étrangers (CCRPE)
et que
celle-ci l'a autorisé à séjourner en Suisse jusqu'à droit jugé sur le
recours, l'Hospice général peut poursuivre l'aide jusqu'à décision
exécutoire
de la CCRPE, mais au plus durant 45 jours, en application de
l'article 17A du
règlement d'application des dispositions sur le séjour et
l'établissement des
étrangers (F 2 10.03)."
Cet arrêté n'a pas été publié dans la Feuille d'avis officiel du
canton de
Genève. En revanche, la modification du 25 avril 2001 de l'art. 17A du
règlement d'application des dispositions sur le séjour et
l'établissement des
étrangers du 8 février 1989, mentionné à l'art. 2 ch. 6 de l'arrêté
précité
du 2 mai 2001, a fait l'objet d'une publication en date du 2 mai 2001
et est
entré en vigueur le lendemain. Il prévoit ce qui suit:
"Art. 17A Délai de traitement (nouveau)
1. La commission cantonale de recours de police des étrangers
instruit les
recours de police des étrangers dont elle est saisie avec toute la
diligence
requise pour que les recourants soient fixés rapidement sur leur
droit de
séjourner en Suisse. Elle impartit à cette fin de brefs délais à
l'autorité
cantonale de police des étrangers pour produire ses observations sur
le
recours ou fournir d'éventuels éléments complémentaires.

2. Pour les recours tendant à l'obtention initiale d'une
autorisation de
séjour en faveur de personnes à la charge de l'assistance publique,
l'autorité cantonale de police des étrangers doit produire ses
observations
dans les quinze jours à compter du dépôt du recours. La commission
cantonale
de recours de police des étrangers a ensuite trente jours pour
statuer".

B.
Z.________, né en 1965, originaire de la République démocratique du
Congo, a
pris résidence à Genève le 14 janvier 2001, au domicile d'une amie
qu'il a
l'intention d'épouser. Le 29 mars 2001, l'Office cantonal de la
population du
canton de Genève a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour
et lui a
fixé un délai de départ au 29 mai 2001. Le 25 avril 2001, il a
interjeté
recours contre cette décision auprès de la Commission cantonale de
recours de
police des étrangers, procédure qui a été rayée du rôle le 18
septembre 2001.
Dès le 1er mai 2001, l'intéressé s'est vu accorder par l'Hospice
général une
aide financière de 521 fr. par mois, frais complémentaires non
compris, au
titre de prestations d'assistance.

C.
Agissant le 1er juin 2001 par la voie du recours de droit public,
Z.________
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler
les
art. 1 al. 2 et 2 al. 1 et d'annuler partiellement l'art. 2 al. 2, 5
et 6 de
l'arrêté du Conseil d'État du 2 mai 2001 relatif à l'aide financière
aux
étrangers non titulaires d'une autorisation de séjour régulière. Il
soutient
essentiellement que ces dispositions seraient contraires à l'art. 12
Cst.

Le Conseil d'État conclut principalement à l'irrecevabilité du
recours et,
subsidiairement, à son rejet.

Les parties ont confirmé leurs conclusions lors d'un second échange
d'écritures.

D.
Le 11 juin 2001, l'Hospice général a décidé de mettre fin à l'aide
financière
accordée à Z.________ avec effet au 30 juin 2001, en se fondant sur
l'art. 2
al. 6 de l'arrêté du 2 mai 2001.
Saisi d'une réclamation, le président du conseil d'administration de
l'Hospice général a, le 9 juillet 2001, confirmé la décision du 11
juin 2001.
Z.________ a porté sa cause devant le Tribunal administratif du
canton de
Genève qui, par arrêt du 4 décembre 2001, a admis le recours, annulé
les
décisions précitées du 11 juin et du 9 juillet 2001 et constaté la
nullité de
l'art. 2 al. 6 de l'arrêté du 2 mai 2001 pour cause
d'inconstitutionnalité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1; 127 II 198 consid. 2;
127 III 41
consid. 2a et les arrêts cités).

2.
2.1Au regard de l'art. 84 OJ, la voie du recours de droit public n'est
ouverte que si l'acte attaqué émane d'une autorité cantonale agissant
en
vertu de la puissance publique et qui affecte d'une façon quelconque
la
situation de l'individu, en lui imposant une obligation de faire, de
s'abstenir ou de tolérer, ou qui règle d'une autre manière
obligatoire ses
rapports avec l'État, soit sous la forme d'un arrêté de portée
générale, soit
sous celle d'une décision particulière (ATF 125 I 119 consid. 2a p.
121; 121
I 42 consid. 2a p. 45, 173 consid. 2a et les arrêts cités).

2.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que l'arrêté attaqué n'a
pas été
publié dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève selon
les formes
prescrites par le droit cantonal (cf. loi genevoise du 8 décembre
1956 sur la
forme, la publication et la promulgation des actes officiels et son
règlement
d'application du 15 janvier 1957). Il s'ensuit qu'il n'a pas pu entrer
valablement en vigueur et qu'il n'est pas applicable en tant qu'acte
législatif. En effet, la publication officielle des actes législatifs
constitue, sous réserve de cas particuliers non réalisés en l'espèce,
une
condition nécessaire pour qu'ils soient applicables et qu'ils
acquièrent un
caractère juridiquement contraignant pour les administrés (cf. ATF
120 Ia 1
consid. 4 p. 7 ss; 107 Ib 81 consid. 3a p. 84; 105 Ib 348 consid. 16a
p. 375;
104 Ia 167 ss et les références citées).

2.3 Contrairement à l'avis du recourant, l'arrêté attaqué ne saurait
donc
constituer un arrêté de portée générale valable au sens de l'art. 84
al. 1 OJ
pouvant fonder, pour les citoyens, des droits ou des obligations.
L'arrêté
incriminé peut tout au plus être interprété comme une ordonnance
administrative interne destinée à l'Hospice général chargé d'assurer
une
pratique administrative uniforme quant à l'octroi de l'aide
financière aux
étrangers non titulaires d'une autorisation de séjour régulière. Or
une
ordonnance administrative cantonale ne peut être exceptionnellement
attaquée
par la voie du recours de droit public que lorsqu'elle déploie des
effets
externes touchant au moins indirectement la position juridique des
administrés et que son application ne peut pas se traduire dans une
décision
formelle contre laquelle l'individu concerné pourrait recourir de
manière
efficace et raisonnable pour violation éventuelle de ses droits
fondamentaux
(ATF 105 Ia 349 consid. 2a; cf. aussi ATF 122 Ia 44 consid. 2a; 114
Ia 452
consid. 1a; Archives 63 p. 587 ss).

2.4 En l'occurrence, l'arrêté attaqué ne se borne pas à régler
l'organisation
de l'activité de l'administration mais détermine, à l'intention des
fonctionnaires concernés, comment les dispositions de la loi
genevoise sur
l'assistance publique doivent être interprétées et appliquées à
l'égard des
étrangers non titulaires d'une autorisation de séjour. Il a donc des
effets
réflexes sur la position juridique de ceux-ci. En revanche, la seconde
exigence posée par la jurisprudence précitée n'est pas remplie, car
l'application de l'arrêté attaqué peut donner lieu à des décisions
formelles
susceptibles de recours ordinaire. La preuve en est que le recourant
- qui
s'est vu retirer toute aide financière à partir du 30 juin 2001 sur
la base
de l'arrêté attaqué selon décision du 11 juin 2001, confirmée sur
réclamation
le 9 juillet 2001 - a pu recourir (du reste avec succès) contre cette
dernière décision en dénonçant une violation de ses droits
constitutionnels.
Par arrêt du 4 décembre 2001, le Tribunal administratif a en effet
constaté
la nullité de l'art. 2 al. 6 de l'arrêté du 2 mai 2001 et annulé la
décision
prise sur la base de celui-ci. En tant qu'il concerne l'art. 2 al. 6
de
l'arrêté en cause, le présent recours de droit public formé le 1er
juin 2001
est de ce fait également devenu sans objet. Et l'Hospice général ne va
certainement plus appliquer une disposition que la plus haute
juridiction
administrative cantonale a expressément déclarée inconstitutionnelle,
partant
nulle. Ainsi donc, il ne subsiste plus d'intérêt juridiquement
protégé à
former un recours de droit public pour faire constater
l'inconstitutionnalité
de l'arrêté attaqué. A cet égard, on peut relever en passant que
l'arrêté du
2 mai 2001 semble réglementer exclusivement les prestations en espèces
allouées au titre d'assistance publique, sans faire allusion aux
prestations
en nature. Or, si le droit d'obtenir de l'aide dans les situations de
détresse tel que garanti par l'art. 12 Cst. depuis le 1er janvier
2000 -
découlant auparavant du droit constitutionnel non écrit à des
conditions
minimales d'existence (ATF 121 I 367 ss) - n'assure pas
nécessairement un
revenu minimum, il garantit normalement au moins la couverture des
besoins
humains élémentaires, comme la nourriture, l'habillement et le
logement sous
la forme de prestations en nature (arrêt précité, consid. 2b et c p.
371 et
373). Cela étant, il ressort de l'arrêt du Tribunal administratif du 4
décembre 2001 que, le 25 juin 2001, le président du conseil
d'administration
de l'Hospice général avait restitué l'effet suspensif à la
réclamation formée
contre la décision du 11 juin 2001 déclarée exécutoire nonobstant
réclamation, si bien que l'intéressé a continué à toucher, à titre
provisoire, une aide financière. Etant donné que la protection
juridique des
justiciables apparaît ici comme pleinement et efficacement assurée,
il n'y a
pas lieu d'ouvrir la voie du recours de droit public. La possibilité
de
recourir sur le plan cantonal contre les décisions négatives prises en
application de l'arrêté du 2 mai 2001 apparaît comme suffisante.
Dans ces conditions, la voie du recours de droit public n'est pas
ouverte
pour attaquer directement devant le Tribunal fédéral l'arrêté attaqué.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. La
requête
d'assistance judiciaire totale (art. 152 al. 1 et 2 OJ) doit
néanmoins être
admise, les conditions de l'art. 152 al. 1 et 2 OJ étant réalisées. Le
mandataire du recourant doit ainsi être nommé avocat d'office. Pour le
surplus, il convient de statuer sans frais et de pas allouer de
dépens au
Conseil d'Etat (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Me Raymond de Morawitz, avocat à Genève, est désigné comme avocat
d'office du
recourant et une indemnité de 1250 fr. lui est versée à titre
d'honoraires
par la Caisse du Tribunal fédéral.

4.
Il n'est
pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties.

Lausanne, le 17 avril 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.147/2001
Date de la décision : 17/04/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-17;2p.147.2001 ?
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