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17/04/2002 | SUISSE | N°1P.535/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 avril 2002, 1P.535/2001


{T 1/2}
1P.535/2001/col

Séance du 17 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Féraud, Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Kurz.

Michel Rossetti, 1206 Genève,
recourant, représenté par Me Gregory J. Connor, avocat, rue du Rhône
100,
1204 Genève,

contre

Comité de citoyens et citoyennes pour un choix démocratique et
raisonnable de
stade, case postale 2003, 1211 Genève 2

,
intimé,
Grand Conseil du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964, 1211 Gen...

{T 1/2}
1P.535/2001/col

Séance du 17 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Féraud, Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Kurz.

Michel Rossetti, 1206 Genève,
recourant, représenté par Me Gregory J. Connor, avocat, rue du Rhône
100,
1204 Genève,

contre

Comité de citoyens et citoyennes pour un choix démocratique et
raisonnable de
stade, case postale 2003, 1211 Genève 2,
intimé,
Grand Conseil du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964, 1211 Genève 3.

art. 85 lit. a OJ; validité de l'initiative populaire IN 118 "Pour un
projet
de stade raisonnable"

(recours de droit public contre la décision du Grand Conseil du
canton de
Genève du 15 juin 2001)

Faits:

A.
Le 26 avril 1996, le Grand Conseil genevois a adopté une loi ouvrant
un
crédit de 20 millions de francs pour subventionner notamment la
reconstruction du stade de football des Charmilles. La loi prévoit la
création d'une fondation d'économie mixte chargée d'établir le projet
et de
recevoir les biens-fonds à titre non onéreux.

La reconstruction d'un stade de 25000 places aux Charmilles s'est
révélée
impossible, car elle nécessitait un débordement sur les rues
avoisinantes. Le
22 janvier 1997, le Conseil d'Etat genevois a estimé que le site de la
Praille devait être préféré, en raison des possibilités d'accès
(autoroute,
transports publics et CFF). Il s'agit d'un périmètre d'une superficie
de
98000 m2, propriété pour l'essentiel de la Ville de Genève et pour
partie des
CFF, sur le territoire de la Ville de Lancy, dans le secteur compris
entre la
route des Jeunes et les voies CFF, alors situé en zone ferroviaire et
industrielle. Le 19 juin 1997, la loi de 1996 a été modifiée et le
crédit a
été affecté à l'étude et à la construction d'un nouveau stade de
football sur
le site de la Praille. Conformément à la loi de 1996, la Fondation
du Stade
de Genève a été créée le 29 février 1998, chargée de la maîtrise de
l'ouvrage
et de la recherche du financement.

Le 13 juillet 1998, le Conseil d'Etat a soumis au Grand Conseil un
projet de
loi portant sur la création d'une zone de développement 3 affectée à
des
activités commerciales et administratives à la route des Jeunes,
selon le
plan n° 28950-67. Selon l'exposé des motifs à l'appui de cette loi,
le projet
de stade avait fait l'objet d'un concours; un centre commercial, dont
la
gestion était confiée à Jelmoli - Au Grand Passage Innovation SA,
serait
construit au nord du site, avec un parking d'environ 1000 places et
un hôtel.
Un bâtiment de liaison (billetterie, boutique, guichet de banque)
était prévu
au centre du site. Evalué à 68 millions de francs, le projet serait
financé
par l'Etat de Genève (17 millions), la Ville de Genève (1 million) le
Crédit
Suisse (20 millions) et Jelmoli (30 millions). L'aménagement du
périmètre
devrait faire l'objet d'un plan localisé de quartier. La capacité du
stade
était en outre étendue à 30000 places pour répondre aux exigences de
l'Union
des associations européennes de football (UEFA), moyennant un surcoût
de 13
millions de francs, soit 81 millions de francs au total. En
contrepartie, les
terrains occupés par le stade des Charmilles seraient cédés à la
Ville de
Genève, pour y créer un parc public. Le degré de sensibilité III était
attribué au site de la Praille. La loi a été adoptée le 27 mai 1999,
sans
faire l'objet d'un référendum ou d'un recours au Tribunal
administratif.

Le plan localisé de quartier n° 28962-67 (PLQ) a été mis à l'enquête
au mois
de mars 1999, après le dépôt d'un premier rapport d'impact. Il
définit les
périmètres occupés respectivement par le stade, le secteur
administratif et
commercial et le centre commercial, ainsi que les espaces et accès
piétonniers. Il comporte également des coupes définissant la hauteur
et la
forme des bâtiments, en particulier du stade, de forme ovoïde et
semi-enterré. Il prévoit d'autres aménagements, tel le quai CFF
destiné aux
manifestations exceptionnelles, une piste cyclable et
l'arborisation. Il est
assorti de diverses prescriptions, sous forme de "notes", en
particulier la
limitation du stade à 30000 places assises. Ce plan a donné lieu à
quatre
oppositions, qui ont été écartées par le Conseil d'Etat le 8
septembre 1999.
Les recours formés auprès du Tribunal administratif genevois ont été
liquidés
par un arrêt d'irrecevabilité et par des transactions. Le second
rapport
d'impact a été déposé le 6 décembre 1999. Les autorisations de
démolir ont
été accordées les 19 janvier et 29 juin 2000. Elles sont devenues
définitives, et le chantier de démolition a été ouvert le 22 mars
2000.

B.
Le 7 mars 2000, une initiative populaire IN 118, intitulée "Pour un
projet de
stade raisonnable" a été lancée. Publiée le 13 mars suivant dans la
Feuille
d'Avis Officielle, elle prévoit la modification de la loi du 26 avril
1996,
dans sa version du 19 juin 1997, par la réduction de la subvention à
15
millions de francs, pour un stade de 15000 places, avec comme
conditions la
renonciation au centre commercial (art. 1), le transfert gratuit du
stade des
Charmilles à une collectivité publique et la mise en conformité de la
gare de
la Praille aux exigences de l'ordonnance fédérale sur la protection
contre
les accidents majeurs (art. 2). Le plan financier, soumis à
l'approbation du
Grand Conseil, prévoit que l'exploitant prend en charge, en fonds
propres,
10% du prix de revient, ainsi que les frais d'exploitation, les frais
financiers et les frais d'entretien (art. 3). L'initiative prévoit
aussi
l'abrogation de la loi du 27 mai 1999 et le reclassement en zone
ferroviaire
du terrain ayant appartenu aux CFF et affecté au centre commercial
(art. 9).

C.
Le 5 octobre 2000, le Département genevois de l'aménagement, de
l'équipement
et du Logement (DAEL) a autorisé la construction du stade, avec
bâtiment de
liaison, hôtel et halte ferroviaire, ainsi que du centre commercial
et des
aménagements routiers. Le coût de la construction était alors évalué
à 86
millions de francs, répartis entre l'Etat de Genève (20 millions), la
Ville
de Genève (3 millions), la Ville de Lancy (3 millions), la
Confédération (5
millions), le Crédit Suisse (20 millions), Jelmoli (31 millions),
ainsi que
par une souscription publique (4 millions).

Divers recours ont été déposés, notamment par le "Comité de citoyens
et
citoyennes pour un choix démocratique et raisonnable de stade",
auprès de la
Commission cantonale de recours en matière de constructions, sans
effet
suspensif. Les travaux ont débuté le 20 novembre 2000. Le 27 mars
2001, les
recours ont été déclarés irrecevables, faute de légitimation active.
Le
comité a recouru auprès du Tribunal administratif genevois, qui a
rendu un
prononcé d'irrecevabilité, pour les mêmes motifs. Cet arrêt a fait
l'objet
d'un recours de droit administratif auprès du Tribunal fédéral.

D.
Le 6 avril 2001, le Conseil d'Etat a déposé son rapport, concluant à
la
validité de l'IN 118, mais invitant le Grand Conseil à la rejeter.
L'initiative respectait les exigences d'unité de matière, de forme et
de
genre. Elle présentait un risque d'atteinte à la compétence exclusive
du
Conseil d'Etat en matière d'autorisation de construire, dans la
mesure où le
dossier de plans devait accompagner le plan financier soumis à
approbation.
Pour le surplus, l'initiative présentait des problèmes
d'exécutabilité: la
réduction de la subvention et les nouvelles conditions posées au
versement de
celle-ci se heurtaient aux droits acquis, et la renonciation au centre
commercial impliquait la révocation d'une autorisation déjà
partiellement
utilisée. La réduction du stade à 15000 places nécessitait de
reprendre
entièrement le projet. L'initiative exposerait l'Etat à payer des
dédommagements importants. En proposant une modification de la loi
alors
qu'ils auraient pu s'y opposer à plusieurs reprises, les initiants
poussaient
l'Etat à adopter un comportement contradictoire, à la limite de la
bonne foi.

E.
Le 15 juin 2001, le Grand Conseil a déclaré valide l'initiative IN
118.
Publiée dans la FAO du 20 juin 2001, sans motivation, cette décision
fait
l'objet d'un recours de droit public formé par Michel Rossetti,
citoyen
genevois. Celui-ci conclut à l'annulation de la décision du Grand
Conseil et
à l'invalidation de l'initiative. Il demande à pouvoir répliquer à la
motivation que l'autorité sera amenée à fournir dans sa réponse.
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.
Le recourant a répliqué.
Le comité d'initiative s'est déterminé le 1er mars 2002, sur les
questions
d'unité de la matière et de l'abus de droit soulevées dans le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des
recours de
droit public concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui
ont
trait aux élections et aux votations cantonales, quelles que soient
les
dispositions de la constitution cantonale et du droit fédéral
régissant la
matière.

1.1 Le recours institué par l'art. 85 let. a OJ permet au citoyen de
se
plaindre de ce qu'une initiative a été indûment soustraite au scrutin
populaire, notamment parce qu'elle a été déclarée totalement ou
partiellement
invalide par l'autorité cantonale chargée de cet examen, et quelle
que soit
la motivation de cette décision d'invalidation. La qualité pour
recourir dans
ce domaine appartient alors à toute personne à laquelle la législation
cantonale accorde l'exercice des droits politiques pour participer à
la
votation en cause, même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel
à
l'annulation de l'acte attaqué (ATF 121 I 138 consid. 1 p. 139, 357
consid.
2a p. 360).

1.2 En revanche, il n'y a pas a priori violation du droit de vote du
fait que
l'autorité déclare entièrement valide une initiative cantonale, et
décide par
conséquent de la soumettre au peuple. La violation des droits
politiques peut
certes résulter de l'inobservation des règles de l'unité de la
matière, de
l'exigence d'exécutabilité et d'un éventuel abus du droit
d'initiative, tels
qu'ils sont invoqués par le recourant, car ces différents principes
tendent
directement à protéger l'électorat en tant qu'organe de suffrage, en
assurant
notamment une formation correcte de la volonté des électeurs. Cela
est moins
évident s'agissant de la violation alléguée de la garantie de la
propriété,
de la liberté économique, ainsi que du droit cantonal sur les
constructions
ou sur l'aménagement du territoire. De tels griefs ne relèvent pas du
droit
de vote proprement dit, mais du respect du droit matériel, notamment
constitutionnel. Or, ce dernier est assuré par le recours de droit
public
pour violation des droits constitutionnels (art. 84 al. 1 let. a OJ),
qui
permet au particulier d'attaquer les mesures qui le lèsent
personnellement
dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 88 OJ). L'art. 85 let.
a OJ
constitue pour sa part une voie de droit spécifique d'un tout autre
genre,
permettant d'intervenir, en qualité de citoyen, pour sauvegarder un
intérêt
public. Etendre l'intervention du Tribunal fédéral, dans le cadre de
l'art.
85 let. a OJ, au contrôle de conformité au droit supérieur, forcerait
cette
juridiction à intervenir avant l'adoption de la norme, puis à
l'occasion d'un
contrôle abstrait, et enfin lors de décisions d'application; il en
résulterait une protection juridique manifestement excessive (ATF 114
Ia 267
consid. 3 p. 271-273, confirmant la pratique antérieure en dépit des
critiques de la doctrine).

1.3 La jurisprudence admet toutefois que la voie de l'art. 85 let. a
OJ est
ouverte lorsque l'autorité décide de présenter une initiative au vote
populaire, pour autant que le droit cantonal charge l'autorité
compétente de
vérifier d'office la conformité des initiatives aux règles
supérieures. Dans
ce cas, le citoyen dispose d'une prétention à ce que ce contrôle
obligatoire
soit effectué correctement et à ce que le corps électoral soit
dispensé de se
prononcer, le cas échéant, sur des dispositions qui paraissent
d'emblée
contraires au droit matériel supérieur (ATF 114 Ia 267 précité; cf.
Etienne
Grisel, Initiative et référendum populaires, Traité de la démocratie
semi-directe en droit suisse, Berne 1997 p. 145, pour qui une telle
dispense
découle directement des exigences de la démocratie, indépendamment du
droit
cantonal).

1.4 Selon l'art. 66 al. 3 de la constitution genevoise (Cst./GE), le
Grand
Conseil déclare partiellement nulle l'initiative dont une partie est
manifestement non conforme au droit si la ou les parties qui
subsistent sont
en elles-mêmes valides; à défaut, il déclare l'initiative nulle. Même
s'il ne
sanctionne que les violations évidentes du droit (par quoi il faut
entendre
non seulement le droit formel relatif à la recevabilité des
initiatives, mais
également le droit supérieur), le Grand Conseil est tenu d'effectuer
un
examen d'office.

1.5 Il en résulte que le présent recours est recevable tant en ce qui
concerne les griefs relatifs à son contenu possible, à l'unité de la
matière
et à l'abus du droit d'initiative que pour ce qui a trait au respect

du droit
supérieur, soit des droits fondamentaux, du droit fédéral (art. 21
LAT) et de
la législation genevoise; même si, sur ces derniers points, le
recours pour
violation des droits politiques tient le rôle de recours de droit
public, la
qualité pour agir ne dépend pas d'une atteinte personnelle à un
intérêt
juridiquement protégé.
Citoyen actif dans le canton de Genève, Michel Rossetti a donc
qualité pour
contester la validité de l'initiative IN 118.

2.
Le recourant soulève cinq griefs. Il fait valoir en premier lieu que
les
dispositions prévues par l'initiative ne seraient pas de la
compétence du
Grand Conseil puisqu'elles auraient pour effet la révocation des deux
autorisations de construire, actes de la compétence du DAEL;
l'abrogation de
la zone de développement 3 et le reclassement des terrains voués au
centre
commercial, voulus par l'initiative, supposeraient le dépôt d'un
avant-projet
par le DAEL, puis d'un projet par le Conseil d'Etat, le Grand
Conseil, qui
adopte finalement le projet de loi, ne disposant que d'un droit de
motion
dans ce domaine. Dans un deuxième grief, le recourant invoque la règle
d'unité de la matière, violée selon lui par le fait que l'initiative
prévoit
des mesures n'ayant aucun rapport intrinsèque, soit la réduction de la
capacité du stade, le transfert de l'ancien stade des Charmilles à une
collectivité publique, l'assainissement de la gare de la Praille et la
suppression du centre commercial. Le recourant conteste ensuite, dans
un
troisième grief, la conformité de l'initiative au droit supérieur,
soit en
particulier à la liberté économique (la révocation de l'autorisation
de
construire dont bénéficie Jelmoli constituerait une mesure de
politique
économique, serait dépourvue d'intérêt public prépondérant et
disproportionnée), la garantie de la propriété (la diminution de la
subvention accordée à la Fondation du Stade de Genève, et la
formulation de
conditions supplémentaires à son versement, ne reposeraient pas non
plus sur
un intérêt public et seraient disproportionnées; compte tenu des
délais de la
procédure parlementaire, les travaux seront achevés lorsque pourront
être
révoquées les autorisations de construire), l'art. 21 LAT
(l'initiative n'a
été déposée qu'une année après l'adoption du plan de zones, et
celui-ci a été
concrétisé par un PLQ, puis par le début des travaux), l'art. 101
Cst./GE
(qui attribue des compétences générales en faveur du Conseil d'Etat en
matière financière et d'autorisation de construire), ainsi que la
réglementation genevoise sur le droit des constructions (les
compétences du
DAEL en cette matière seraient violées). Le recourant soutient enfin,
dans un
dernier moyen, qu'il y aurait abus du droit d'initiative: il était
possible
aux initiants de demander le référendum, en tout cas à l'encontre des
lois du
19 juin 1997 et du 27 mai 1999.

3.
Les griefs relatifs à la compétence du Grand Conseil et à l'unité de
la
matière peuvent être écartés d'emblée.

3.1 Le recourant invoque l'art. 65 B Cst./GE. Il admet qu'une
initiative
populaire peut, en droit genevois, contenir des normes matériellement
de rang
administratif, pour autant toutefois que la législation cantonale soit
respectée, d'une part, et que l'acte en question soit de la
compétence du
pouvoir législatif, et non du gouvernement ou de l'administration. En
l'espèce, l'initiative aurait pour effet la révocation des
autorisations de
construire le stade et le centre commercial. Un tel acte contraire
serait de
la compétence exclusive de l'autorité qui a délivré les
autorisations, soit
le DAEL. Il en résulterait que l'art. 1, deuxième partie, de
l'initiative
serait nul, faute de compétence du Grand Conseil en matière
d'autorisation de
construire.

Le recourant perd de vue que si, selon lui, la révocation des
autorisations
de construire est une conséquence de l'initiative, elle ne figure
nullement
dans le texte de celle-ci. L'acte contraire que pourrait impliquer
l'acceptation de l'initiative n'est par conséquent pas automatique;
il ne
serait d'ailleurs pas effectué directement par le Grand Conseil, mais
éventuellement exécuté par les autorités administratives compétentes.

Le recourant argumente de manière similaire à propos de l'abrogation
de la
zone de développement prévue à l'art. 9 de l'initiative. Il y aurait
là aussi
un acte de nature administrative que le Grand Conseil ne pourrait pas
non
plus adopter par la simple voie du projet de loi: selon les art. 15A
et 16 de
la loi cantonale d'application de la LAT (LALAT), le Grand Conseil
devrait
préalablement s'exprimer par voie de motion (non soumise au
référendum),
l'avant-projet de loi étant établi par le DAEL, puis soumis à
l'enquête
publique. C'est manifestement cette procédure qu'ont voulu réserver
les
initiants en indiquant que l'abrogation de la zone de développement 3
aurait
lieu "conformément à la procédure de modification de zone requise à
cet
effet". L'acceptation de l'initiative n'aurait donc pas pour effet une
violation de la répartition des compétences dans ce domaine.

3.2 L'exigence d'unité de la matière figure à l'art. 66 al. 2
Cst./GE, selon
lequel il doit exister un "rapport intrinsèque" entre les diverses
parties
d'une initiative. Selon le recourant, l'initiative IN 118
préconiserait,
outre la réduction du stade de football, le transfert à titre gratuit
à une
collectivité publique du stade des Charmilles, situé en ville de
Genève dans
un tout autre secteur que le site de la Praille. L'assainissement de
la gare
de la Praille constituerait un objet totalement distinct, susceptible
de
faciliter la récolte de signatures auprès de ceux que le sort du stade
indiffère. En votation populaire, les partisans d'un assainissement
n'auraient d'autre choix que de condamner simultanément le projet de
stade.
Quant à la suppression du centre commercial, elle tiendrait à des
motifs de
politique économique (protéger le petit commerce) et de protection de
l'environnement (limiter les nuisances du trafic automobile).

L'unité de la matière est une notion relative, dont les exigences
doivent
être appréciées en fonction des circonstances concrètes (ATF 123 I 63
consid.
4 p. 70 ss). Une initiative se présentant comme un ensemble de
propositions
diverses, certes toutes orientées vers un même but (dans l'arrêt
précité, la
protection de l'emploi), mais recouvrant des domaines aussi divers
qu'une
politique économique, une réforme fiscale, le développement de la
formation,
la réduction du temps de travail, la réinsertion des sans-emploi,
etc., viole
la règle de l'unité de la matière (consid. 5, p. 73/74). En revanche,
une
initiative populaire peut mettre en oeuvre des moyens variés, pour
autant que
ceux-ci peuvent être rattachés sans artifice à l'idée centrale
défendue par
les initiants (ATF 125 I 227 consid. 3c p. 231).

Il en va ainsi dans le cas particulier. S'il y a une diversité de
moyens dans
les propositions de l'initiative, tous tendent à une modification du
projet
de construction sur le site de la Praille, lequel comprend déjà à
l'heure
actuelle plusieurs éléments différents comme le stade lui-même et le
centre
commercial. L'assainissement de la gare de la Praille et le transfert
du
stade des Charmilles constituent des conditions, posées à l'art. 2 de
l'initiative, à l'octroi de la subvention réduite prévue à l'art. 1.
L'initiative forme donc un tout suffisamment cohérent pour que
l'exigence
d'unité de la matière soit respectée. On ne se trouve donc nullement
dans
l'un des principaux cas où, selon la jurisprudence actuelle, l'unité
de
matière fait défaut, soit parce que l'initiative présente en réalité
un
programme politique général (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/74), soit
parce
qu'il n'y a pas de rapport suffisamment étroit entre les différentes
propositions que l'initiative contient, soit encore parce que les
différentes
clauses de l'initiative sont réunies de manière artificielle ou
subjective
(ATF 123 I 63 consid. 4d p. 73 et consid. 5 p. 73/74 ainsi que la
doctrine
citée). Au demeurant, l'électeur n'est nullement placé devant un
choix entre
la réalisation du stade initialement prévu et l'assainissement de la
gare de
la Praille, dès lors que ce dernier est de toute façon imposé par le
droit
fédéral. Le grief de défaut d'unité de la matière doit donc être
rejeté.

4.
De manière générale, une initiative populaire cantonale ne doit rien
contenir
qui viole le droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal,
fédéral ou
international (cf. ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118/119). L'autorité
appelée à
statuer sur la validité matérielle d'une initiative doit en
interpréter les
termes dans le sens le plus favorable aux initiants. Lorsque, à
l'aide des
méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une
interprétation
la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit
être
déclarée valable et être soumise au peuple. L'interprétation conforme
doit
permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité
(ATF 125
I 227 consid. 4a p. 231-232 et les arrêts cités).

4.1 Outre la réduction de la subvention et les nouvelles conditions
posées à
son octroi, l'initiative prévoit, en son art. 9, que la partie de la
zone de
développement 3 créée par la loi du 27 mai 1999 dans le but de
permettre des
activités commerciales et administratives ainsi que la construction
du stade
est abrogée conformément à la procédure applicable, et reclassée en
zone
ferroviaire pour répondre aux besoins futurs des CFF. Le recourant y
voit une
violation de l'art. 21 LAT, qui pose le principe de la stabilité des
plans.
Il relève que la loi du 27 mai 1999 est entrée en force et a été
concrétisée
par l'adoption du PLQ le 8 septembre 1999, puis par l'octroi des
autorisations de construire. Les motifs de révision, liés à la
réduction des
immissions, ne sauraient l'emporter sur l'exigence de stabilité.

4.2 Selon l'art. 21 LAT, les plans d'affectation ont force
obligatoire pour
chacun (al. 1). Ils font l'objet des adaptations nécessaires lorsque
les
circonstances se sont sensiblement modifiées (al. 2). Cette
disposition tend
à assurer à la planification une certaine stabilité, sans laquelle
les plans
d'aménagement ne peuvent remplir leurs fonctions (ATF 127 I 103
consid. 6b p.
105, 124 II 391 consid. 4b p. 96, 123 I 175 consid. 3a p. 182 et les
arrêts
cités). La stabilité des plans est un aspect du principe, plus
général, de la
sécurité du droit, qui doit permettre aux propriétaires fonciers,
comme aux
autorités chargées de mettre en oeuvre la planification, de compter
sur la
pérennité des plans d'affectation (ATF 120 Ia 227 consid. 2b p. 232).
Ceux-ci
doivent être révisés lorsque les circonstances déterminantes se sont
modifiées depuis leur adoption. Toutefois, plus le plan est d'adoption
récente et les modifications à apporter importantes, plus les motifs
qui
justifient cette modification doivent être impérieux (même arrêt, p.
233).
Les circonstances à prendre en considération peuvent être de fait ou
de droit
(ATF 127 I 103 consid. 6b p. 105); elles sont notamment les suivantes:
- la durée de validité du plan: pour autant que celui-ci satisfasse
aux
exigences de la LAT, sa stabilité doit en principe être assurée pour
quinze
ans au moins (art. 15 let. b LAT; ATF 119 Ib 138 consid. 4e p. 145).
Plus le
plan est récent, plus on peut compter sur sa stabilité. Lorsque le
plan
litigieux est en vigueur depuis quelques années seulement, il y a
lieu de
démontrer que les besoins pour les quinze années suivant son adoption
ont été
mal ou sous-estimés et que, sur les autres points déterminants, les
circonstances se sont sensiblement modifiées (ATF 120 Ia 227 consid.
2c p.
233). C'est seulement dans des circonstances exceptionnelles qu'un
plan
récent d'une année et demi pourrait être amené à subir, par la voie de
l'initiative populaire, une modification sous la forme d'un
déclassement
(arrêt du 4 décembre 2001 dans la cause S. contre commune de Meilen);
- le degré de précision et de réalisation du plan: l'adoption d'un
plan
d'équipement, d'un remaniement parcellaire ou l'investissement de
sommes
importantes dans l'équipement des terrains permettent aux
propriétaires de
tabler sur le maintien de l'affectation prévue; par ailleurs, lorsque
le plan
d'affectation a été mis en oeuvre par l'octroi d'autorisations de
construire,
sa stabilité doit également être garantie;
- l'étendue de la modification requise: des modifications mineures
peuvent
être autorisées lorsqu'elles n'impliquent pas un réexamen d'ensemble
de la
planification (ATF 124 II 391 consid. 4b p. 396);
- les motifs de modification: conformément à l'art. 21 al. 2 LAT, la
nécessité de rendre la planification conforme aux exigences de
l'aménagement
du territoire revêt une importance prépondérante. Ainsi, la
modification du
plan directeur, ou la réduction des zones à bâtir surdimentionnées
constituent des motifs de poids, de même que la réduction des
immissions
excessives, notamment par l'adoption d'un plan de mesures (art. 44a
LPE, 31ss
Opair; pour un rappel de ces critères, cf. Zen-Ruffinen/Guy-Ecabert,
Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001
pp.184-186, Haller/Karlen, Raumplanungs- Bau- und Umweltrecht, Vol.
1, 3ème
édition, Zurich 1999 p. 119 s.). En revanche, un simple changement
d'avis de
la population ou une modification du rapport
de force politique ne
constituent pas une modification sensible des circonstances au sens
de l'art.
21 al. 2 LAT (ATF 109 Ia 113 consid. 3 p. 115 et la jurisprudence
citée).

4.3 Le plan de zone n° 28950 dont les initiants proposent
l'abrogation a été
adopté le 27 mai 1999 par le Grand Conseil, sans faire l'objet d'une
demande
de référendum, ni d'un recours auprès du Tribunal administratif
cantonal.
Entré en force le 24 juillet suivant, il prévoit le passage en zone de
développement 3, affectée à des activités commerciales et
administratives
ainsi qu'à un stade de football, de l'ensemble du périmètre concerné
par le
projet. Dans son exposé des motifs, le Conseil d'Etat relève que la
reconstruction du stade des Charmilles s'est révélée impossible et
que le
site de la Praille était le plus adapté à ce projet. Un concours
avait été
lancé, portant sur les aspects architecturaux et financiers. Le
projet retenu
prévoit la création d'un stade de forme ovoïde et asymétrique,
semi-enterré,
dont la capacité avait été portée de 25'000 à 30'000 places pour
répondre aux
exigences de l'UEFA. Le projet prévoit expressément la création d'un
centre
commercial au nord du site, ainsi qu'une zone administrative au
centre. Le
financement prévu serait assuré par l'Etat de Genève, à hauteur de 17
millions de francs, par la Ville de Genève pour un million de francs,
par le
Crédit Suisse pour 20 millions et, pour 30 millions par Jelmoli,
désigné
comme exploitant du centre commercial. Le degré de sensibilité III a
en outre
été attribué au périmètre concerné. Par la suite, le PLQ n° 28962-67
a été
mis à l'enquête jusqu'au 13 juillet 1999. Il a suscité quatre
oppositions,
dont celles du WWF et de l'Association transports et environnement,
qui
n'étaient pas opposés au projet de stade et de centre commercial, mais
réclamaient une desserte suffisante par les transports publics, et un
complément dans ce sens au rapport d'impact. Les oppositions ont été
rejetées
le 8 septembre 1999. Une association de quartier a également recouru.
Ces
procédures ont abouti à des transactions et à un arrêt
d'irrecevabilité. La
seconde partie de l'étude d'impact a été déposée le 6 décembre 1999.
Les
autorisations de démolir ont été délivrées par le DAEL et sont
entrées en
force le 18 février 2000. Une demande tendant à reconsidérer l'arrêté
d'approbation du plan de quartier et une demande de prolongation du
délai
d'opposition ont été rejetées par le Conseil d'Etat le 12 avril 2000.
Après
que le Conseil d'Etat ait autorisé l'application des normes de la
zone de
développement, le DAEL a délivré les autorisations de construire le 5
octobre
2000; les recours formés contre ces décisions, dépourvus d'effet
suspensif,
ont été déclarés irrecevables faute de légitimation active des
recourants.
Ceux-ci ont formé un recours de droit administratif, encore pendant
au moment
où le présent recours de droit public a été déposé.

4.4 Il apparaît par conséquent que l'initiative a été déposée, et la
décision
du Grand Conseil sur sa validité rendue, respectivement, moins d'une
année et
deux ans après l'adoption du plan de zone. Outre qu'il s'agit là d'un
très
bref délai, le plan a été immédiatement suivi de mesures concrètes
d'exécution que sont le PLQ et les autorisations de construire. Les
investissements opérés sont par ailleurs considérables, de sorte que
seules
des circonstances exceptionnelles auraient pu permettre une telle
révision.
Force est de constater que de telles circonstances font défaut. Les
problèmes
liés à la protection de l'air et à la nécessité d'assainir la gare de
la
Praille ne sont guère nouveaux; ils ont été examinés, en particulier
dans le
cadre des études d'impact à l'appui du PLQ, puis des autorisations de
construire, et pouvaient déjà être invoqués à l'encontre du plan de
modification de zones.

Le Grand Conseil genevois prétend que la volonté manifestée par les
électeurs
de réduire la capacité du stade et de supprimer le centre commercial
constituerait une modification importante des circonstances
justifiant un
changement de planification. Il perd ainsi de vue que, lorsque le
droit
cantonal permet à des tiers, par le biais de l'initiative
législative, de
requérir une modification de la planification, cela ne saurait
toutefois
affaiblir la présomption de validité et de stabilité du plan
d'affectation,
car ces principes découlent du droit fédéral (ATF 120 Ia 227 consid.
2c in
fine p. 233 et 2e p. 234). L'abrogation du plan de zone ne serait en
définitive motivée que par un changement de volonté politique -
respectivement populaire -, ce qui ne constitue pas une modification
sensible
des circonstances au sens de l'art. 21 al. 2 LAT (ATF 111 II 326
consid.
1a/cc p. 327, 109 Ia 113 consid. 3 p. 114; cf. Tanquerel, Commentaire
de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Zurich 1999 n° 30 ad
art. 21
LAT, 32, 37-40 et les références citées; Hohl, Probleme des
Initiativrechts
auf dem Gebiet des Baurechts und der Raumplanung, thèse Zurich 1989,
p. 29 et
89).

4.5 Il en résulte que l'art. 9 de l'initiative doit être annulé, la
modification du plan de zone apparaissant contraire aux exigences de
stabilité découlant du droit fédéral. Par voie de conséquence, le plan
localisé de quartier doit également subsister, et les autorisations de
construire ne peuvent être mises en cause pour des motifs tenant à
l'aménagement du territoire. Il convient dès lors de se demander si,
en dépit
du maintien de la planification actuelle, le complexe de la Praille
pourrait
être redimentionné comme l'exige l'art. 1, deuxième partie, de
l'initiative.
Le gabarit du stade et sa capacité (30000 personnes) sont clairement
définis
dans le PLQ, de même que l'implantation du centre commercial, de
sorte que la
réduction du premier et la renonciation au second pourraient s'avérer
inconciliables avec les mesures d'aménagement adoptées jusque-là. La
question
peut demeurer indécise, car supposées compatibles avec les plans en
vigueur,
la réduction de la capacité d'accueil du stade et la renonciation au
centre
commercial n'apparaissent de toute façon plus réalisables.

5.
Selon la jurisprudence, une initiative populaire doit être invalidée
si son
objet est impossible (ATF 101 Ia 354 consid. 9 p. 365 et les arrêts
cités).
Il ne se justifie pas de demander au peuple de se prononcer sur un
sujet qui
n'est pas susceptible d'être exécuté. L'invalidation ne se justifie
toutefois
que dans les cas les plus évidents. L'obstacle à la réalisation doit
être
insurmontable: une difficulté relative est insuffisante, car c'est
avant tout
aux électeurs qu'il appartient d'évaluer les avantages et les
inconvénients
qui pourraient résulter de l'acceptation de l'initiative (ATF 99 Ia
406
consid. 4c p. 407, 94 I 120 consid. 4b p. 126 concernant des
initiatives
visant à interrompre des travaux de construction). Par ailleurs,
l'impossibilité doit ressortir clairement du texte de l'initiative; si
celle-ci peut être interprétée de telle manière que les voeux des
initiants
sont réalisables, elle doit être considérée comme valable (Grisel,
op. cit.
p. 254). L'impossibilité peut être matérielle ou juridique.
S'agissant des
initiatives tendant à la remise en cause de travaux, la jurisprudence
considère qu'il n'y a pas inexécutabilité du simple fait que
l'ouvrage est
déjà commencé (ATF 94 I 125), mais qu'il y a impossibilité matérielle
d'exécution lorsque l'ouvrage est en état d'achèvement (ATF 101 Ia 354
consid. 10 p. 367 ss).

5.1 Pour juger de cette question, il y a lieu, compte tenu de l'objet
et du
caractère de l'initiative, de se placer non pas au moment du dépôt de
l'initiative, mais, au plus tôt, au moment où l'autorité compétente
statue
sur sa recevabilité, voire au moment le plus proche possible de celui

l'initiative devrait être soumise au vote populaire (ATF 101 Ia 354
consid.
10 p. 369). Le droit d'initiative n'implique aucun effet suspensif,
de sorte
qu'il est possible qu'une initiative exécutable au moment de son dépôt
devienne impossible à réaliser au moment du scrutin, pour autant
toutefois
que ce dernier n'ait pas été retardé à dessein (Grisel, loc. cit.).
5.2 En l'espèce, les opposants au projet de stade et de centre
commercial
avaient la possibilité de recourir ou de lancer un référendum contre
la loi
du 27 mai 1999, ce qui eût permis d'éviter que l'avancement des
travaux ne
rende leur démarche irréalisable. Il ne pouvait en effet leur échapper
d'emblée que, compte tenu des délais de traitement des initiatives
populaires
et de l'absence d'effet suspensif, l'avancement des travaux pourrait
rendre
illusoire toute tentative de redimensionnement du projet. Or, sur le
vu du
calendrier établi par le Secrétariat du Grand Conseil, tel qu'il
figure
notamment en tête du rapport de la commission législative, la
décision du
Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et
l'opposition
éventuelle d'un contre-projet devait intervenir avant le mois de juin
2002,
l'adoption d'un éventuel contre-projet devant avoir lieu avant le
mois de
juin 2003. Compte tenu de ces délais, qui résultent des art. 67 A et
49 al. 3
let. b et c Cst./GE, une votation populaire ne pouvait donc pas être
envisagée avant 2003, soit approximativement au moment de
l'inauguration,
prévue au mois de juin 2003, voire plus tôt encore pour le centre
commercial.
Les ouvrages se trouveraient en voie d'achèvement, si ce n'est déjà
complètement réalisés, au moment de la votation populaire, ce qui
constitue
un cas d'impossibilité matérielle selon la jurisprudence précitée.

5.3 Il ressort de ce qui précède que l'initiative est partiellement
contraire
au droit fédéral en tant qu'elle tend à restaurer l'ancienne
planification
(art. 9), et qu'elle est par ailleurs irréalisable en tant qu'elle
vise à
réduire la capacité du stade et à supprimer le centre commercial
(art. 1
seconde partie). Il y a lieu dès lors de déterminer si les autres
dispositions de l'initiative pourraient être soumises, pour
elles-mêmes, au
peuple.

6.
Lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissible, la
partie
restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout
cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des
initiants
(ATF 125 I 227 consid. 4 p. 231, 124 I 107 consid. 5b p. 117, 121 I
334
consid. 2a p. 338 et la jurisprudence citée). En vertu du principe de
la
proportionnalité, l'invalidité d'une partie de l'initiative ne doit
entraîner
celle du tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé.

6.1 La loi que l'initiative tend à modifier est une loi de subvention.
Celle-ci est ramenée de 20 millions à 15 millions de francs (art. 1
et 8 ),
et assortie de conditions nouvelles: l'abandon de la construction du
centre
commercial, le transfert du stade des Charmilles à une collectivité
publique
et l'adaptation de la gare de la Praille aux exigences de l'OPAM. De
l'aveu
même des initiants, ces deux dernières conditions n'ont pas de
portée: le
transfert gratuit du stade des Charmilles était déjà considéré comme
acquis
bien avant le lancement de l'initiative, et cette exigence ne serait
qu'un
"maintien des conditions initiales". Quant à la mise en conformité de
la gare
de la Praille avec l'OPAM, l'art. 2 let. b de l'initiative n'a qu'une
portée
déclaratoire dès lors que le respect des prescriptions fédérales
s'impose de
toute manière. Les initiants admettent d'ailleurs, sur ce point
également,
que cette question était déjà résolue au moment du lancement de
l'initiative,
sur le vu des promesses faites par le Conseil d'Etat genevois de
n'autoriser
l'ouverture du complexe que si toutes les conditions de sécurité sont
satisfaites.

6.2 Si elle est certes envisageable nonobstant l'achèvement des
ouvrages, la
réduction de la subvention va de paire avec celle de la capacité du
stade, et
ne paraît pas pouvoir constituer un objet autonome aux yeux des
signataires
de l'initiative. Selon l'exposé figurant sur la formule de récolte des
signatures, les initiants considéraient un stade de 30000 places comme
surdimentionné, dénonçaient le fait que l'exploitant ne participe pas
au
financement et n'assume pas les risques, critiquaient la création
d'un centre
commercial sur le terrain des CFF et demandaient la mise en
conformité du
site avec l'OPAM. La réduction de la subvention ne fait pas l'objet
d'une
motivation particulière et n'apparaît dès lors que comme une
conséquence de
la réduction de la capacité du stade. La réduction de l'engagement de
l'Etat
paraît certes correspondre à la volonté des initiants, mais cette
seule
mesure n'a plus guère de sens si les projets de stade et de centre
commercial
doivent être achevés tels qu'initialement prévus. L'initiative se
trouve
ainsi privée de son objet essentiel et il est douteux que les
citoyens qui
ont soutenu l'initiative l'eussent également signée s'il s'était
uniquement
agi de réduire la subvention de l'Etat. Au contraire, limitée à cette
question, l'initiative se trouverait totalement dénaturée, de sorte
qu'elle
ne peut qu'être invalidée dans son ensemble (cf. ATF 119 Ia 154
consid. 9a p.
165-166 et les références citées).

7.
Les considérations qui précèdent inspirent également de sérieuses
réserves
sous l'angle de l'interdiction de l'abus de droit, applicable en
matière de
droits politiques (art. 2 CC, 5 al. 3 Cst.; Tanquerel, L'abus de
droit
en
droit public suisse, in: L'abus de droit, comparaisons
franco-suisses, Actes
du séminaire de Genève, mai 1998, Saint-Etienne 2001, p. 173-191,
174-175).

7.1 On ne saurait certes refuser de soumettre une initiative au
peuple qu'en
cas d'abus manifeste ou d'utilisation insensée des institutions
démocratiques
(ATF 113 Ia 156 consid. 1c p. 159; cf. ATF 123 I 63 consid. 6c p. 76,
s'agissant d'une initiative comportant une multitude de propositions
en
matière économique et sociale, sous un titre avantageux, dissuadant
les
citoyens d'étudier attentivement le texte proposé au moment de le
signer).
L'abus de droit pourrait aussi être admis, même lorsque le droit
cantonal
n'institue pas de délai d'attente, dans le cas d'une initiative
tentant de
remettre en cause un objet sur lequel les citoyens se sont déjà
clairement
prononcés, et ce à plusieurs reprises (ATF 99 Ia 402 consid. 4b p.
406).

7.2 En l'espèce, le projet de stade, largement rendu public, a été
débattu
par trois fois au Grand Conseil lors de l'adoption des lois de 1996,
1997 et
1999, soumises au référendum facultatif. Celui-ci n'a pas été
demandé, en
particulier contre la loi du 27 mai 1999, alors que les conditions
juridiques
et financières à la construction du stade et du centre commercial
étaient
déjà clairement fixées. En outre, l'initiative n'est pas sans
ambiguïtés,
quant aux moyens qu'elle met en oeuvre et quant à sa réelle
efficacité:
préconisant un redimensionnement du projet, elle modifie les
conditions
d'octroi de la subvention en instituant des conditions nouvelles qui,
pour
l'essentiel, ne dépendent pas du bénéficiaire de la subvention. Par
ailleurs,
elle comprend diverses dispositions (transfert gratuit du stade des
Charmilles et respect de l'OPAM) qui, de l'aveu même des initiants,
étaient
déjà prévues auparavant. Compte tenu de la lourdeur de la procédure
ayant
précédé l'octroi des autorisations de construire (adoption successive
de
trois lois, puis du PLQ mis à l'enquête, avec une double étude
d'impact), de
l'absence de toute circonstance nouvelle justifiant un réexamen de
l'ensemble
du projet (cf. consid. 4.4 ci-dessus), du peu de temps écoulé depuis
son
adoption et des problèmes d'exécutabilité qui se posaient d'emblée,
on peut
élever certains doutes sur la légitimité de la démarche des initiants.

L'annulation de l'ensemble de l'initiative, pour les motifs qui
précèdent,
dispense toutefois d'examiner plus avant la question de l'abus de
droit. Peut
également demeurer indécise la question de savoir si, en l'absence
d'un
intérêt public prépondérant dûment établi, une réduction de la
subvention
était admissible.

8.
Le recours de droit public doit par conséquent être admis. La
décision du
Grand Conseil du 15 juin 2001 est annulée. Conformément à la pratique
relative à l'art. 85 let. a OJ, il n'est pas perçu d'émolument
judiciaire.
L'Etat de Genève paiera au recourant une indemnité de dépens (art.
159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 15 al. 3 OJ, le Tribunal fédéral décide:

1.
Le recours de droit public est admis et la décision du 15 juin 2001
du Grand
Conseil de la République et canton de Genève est annulée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 5000 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Grand
Conseil du
canton de Genève.

Lausanne, le 17 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.535/2001
Date de la décision : 17/04/2002
1re cour de droit public

Analyses

Art. 85 let. a OJ; recevabilité de l'initiative cantonale "pour un projet de stade raisonnable". Recevabilité du recours dirigé contre une décision de validation (consid. 1). Respect des compétences cantonales, unité de la matière (consid. 3). La modification du plan d'affectation moins d'une année après son adoption viole l'art. 21 LAT (consid. 4). L'initiative est inexécutable en tant qu'elle remet en cause des travaux en voie d'achèvement (consid. 5). Le reste de l'initiative (réduction de la subvention cantonale) n'a pas de portée propre (consid. 6), de sorte que l'initiative doit être invalidée dans son ensemble.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-17;1p.535.2001 ?
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