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16/04/2002 | SUISSE | N°1A.48/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 avril 2002, 1A.48/2002


{T 0/2}
1A.48/2002/COL

Arrêt du 16 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

M.________,
recourant, représenté par Me Patrick Blaser, avocat, rue de
Jargonnant 2,
case postale 6045, 1211 Genève 6,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'

accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire internationale en matière...

{T 0/2}
1A.48/2002/COL

Arrêt du 16 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

M.________,
recourant, représenté par Me Patrick Blaser, avocat, rue de
Jargonnant 2,
case postale 6045, 1211 Genève 6,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le
Royaume-Uni

(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la
Chambre d'accusation du 17 janvier 2002)
Faits:

A.
Le 24 janvier 2001, le Ministère de l'Intérieur du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a remis à l'Office fédéral de la
justice
(ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide judiciaire fondée
sur la
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale,
conclue à
Strasbourg le 20 avril 1959, entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour
la Suisse
et le 27 novembre 1991 pour le Royaume-Uni (CEEJ; RS 0.351.1). La
demande
était présentée pour les besoins de la procédure ouverte par Norman
McFadyen,
Procureur pour la région de Lothian et des Borders, contre le
ressortissant
britannique F.________, poursuivi pour blanchissage d'argent. Selon
l'exposé
des faits joint à la demande, établi le 29 décembre 2000 par le
Procureur
McFadyen, le dénommé M.________, client de F.________, aurait
détourné un
montant total de 2'400'000 GBP au détriment de la société T.________,
en
faisant verser sur des comptes qu'il détenait des chèques établis
pour le
paiement de prestations de T.________. L'enquête avait permis
d'établir que
ces fonds avaient été virés sur des comptes ouverts au nom de
M.________ et
de tiers, puis acheminés sur le compte du cabinet d'avocats
X.________, dont
l'un des associés était F.________. Celui-ci avait, en janvier 1997,
fait
virer le montant de 2'400'000 GBP du compte de X.________ sur le
compte xxx
ouvert au nom de M.________ auprès du Credit suisse Private Banking à
Genève.
La demande tendait à la remise de la documentation relative à ce
compte dès
le 1er janvier 1997, ainsi qu'à l'audition comme témoins d'employés
du Crédit
suisse. Le Procureur McFadyen a indiqué que la demande était urgente
car,
selon le droit écossais, l'audience de jugement devait être ouverte
dans le
délai d'un an dès la mise en oeuvre de l'action pénale; en
l'occurrence, ce
délai expirait le 11 octobre 2001. En outre, l'acte d'accusation, la
liste
des témoins et les pièces à conviction devaient être remis aux
accusés un
mois avant l'audience de jugement.

Le 19 février 2001, l'Office fédéral a confié l'exécution de la
demande au
Juge d'instruction du canton de Genève. Le 5 mars 2001, celui-ci est
entré en
matière et a ordonné la saisie de la documentation réclamée.

Le 14 mars 2001, le Crédit suisse a remis au Juge d'instruction les
relevés
du compte n°xxx pour la période allant du 1er janvier 1997 au 14 mars
2001,
ainsi qu'une copie de l'avis de crédit du montant de 2'400'000 GBP,
effectué
le 13 janvier 1997.

Le 28 août 2001, le Juge d'instruction a entendu comme témoin
A.________,
employé du Crédit suisse chargé de la gestion du compte n°xxx.
Le 17 septembre 2001, le Juge d'instruction a clos la procédure
d'entraide et
ordonné la transmission de la documentation remise le 14 mars 2001 et
du
procès-verbal de l'audition du 28 août 2001.

Le 17 janvier 2002, la Chambre d'accusation du canton de Genève a
rejeté le
recours formé par M.________ contre les décisions des 5 mars et 17
septembre
2001.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, M.________
demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 17
janvier 2002.
A titre subsidiaire, il demande que ne soit transmise qu'une partie
des
pièces visées par la demande de clôture. Il invoque le principe de la
proportionnalité.

La Chambre d'accusation et le Juge d'instruction se réfèrent à la
décision
attaquée.

L'Office fédéral propose le rejet du recours, en produisant de
nouvelles
pièces au sujet desquelles le recourant a eu l'occasion de se
déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'entraide judiciaire pénale entre le Royaume-Uni et la
Confédération est
régie par la CEEJ. Les dispositions de ce traité l'emportent sur le
droit
autonome, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale en
matière
pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution
(OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent applicables aux questions non
réglées,
explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et
lorsque le
droit interne est plus favorable à l'entraide que la Convention (ATF
123 II
134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120
consid. 1a p.
122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib 269 consid. 1a p. 271, et
les
arrêts cités). Est réservé le respect des droits fondamentaux (ATF
123 II 595
consid. 7c p. 617).

1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat
requérant
(cf. art. 25 al. 1 EIMP).

1.3 Le recourant, titulaire du compte n°xxx, a qualité, au sens de
l'art. 80h
let. b EIMP mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, pour
recourir
contre la transmission de la documentation bancaire relative à ce
compte (ATF
127 II 198 consid 2d p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260; 125 II
356
consid. 3b/bb p. 362, et les arrêts cités).

1.4 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid.
1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les
arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour
accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269
consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés
sans être
toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier
d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des
dispositions
applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119
Ib 56
consid. 1d p. 59).

2.
Le recourant se prévaut du principe de la proportionnalité.

2.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les
mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité.
L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la
découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat
requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont
nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans
l'Etat
requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de
poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui
permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des
preuves
déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne
saurait sur
ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat
chargé de
l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que
si les
actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et
manifestement
impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande
apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve
(ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251
consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi
l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées
et
d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241
consid.
3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68,
et les
arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la demande
selon le
sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une
interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les
conditions
à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite
aussi une
éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid, 3a p. 243).
Il
incombe à la personne touchée de démontrer, de manière claire et
précise, en
quoi les documents et informations à transmettre excéderaient le
cadre de la
demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la procédure
étrangère (ATF
126 II 258 consid. 9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c p. 371/372).
Lorsque
la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine
délictueuse, il
convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions
opérées au
nom des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c
p. 244).

2.2 Dans un premier moyen, le recourant allègue que la demande serait
devenue
sans objet, le délai d'ouverture de l'audience de jugement ayant
expiré dans
l'intervalle.

Une demande d'entraide perd son objet lorsque l'Etat requérant retire
expressément la demande ou que la procédure étrangère a pris fin dans
l'intervalle par le prononcé d'un jugement entré en force (ATF 113 Ib
157
consid. 5a p. 166). Aucune de ces deux hypothèses n'est réalisée en
l'espèce.
Le recourant ne le prétend pas, au demeurant. Il fait cependant
valoir que le
délai indiqué par l'Etat requérant pour justifier le traitement
urgent de la
demande serait échu; il déduit ainsi de la demande elle-même que
celle-ci
serait privée de son objet depuis le 11 septembre 2001. A cet égard,
il est
incompréhensible qu'il ait fallu au Juge d'instruction près de sept
mois pour
traiter une demande simple, urgente de surcroît, en violation du
principe de
célérité ancré dans la loi (art. 17a EIMP). Pour le surplus, il
suffit de
constater, avec la Chambre d'accusation, que la demande n'a pas été
retirée
formellement, que la procédure pénale n'est pas terminée dans l'Etat
requérant et qu'il n'appartient pas à l'autorité suisse de rechercher
si le
délai indiqué dans la demande est péremptoire ou s'il s'agit
simplement d'un
délai d'ordre. Il n'est pas davantage nécessaire de s'interroger sur
les
conséquences attachées au dépassement de ce délai, ni sur la
possibilité
d'une prolongation éventuelle. Ces points peuvent rester indécis,
tout comme
celui de la recevabilité et du caractère décisif des pièces produites
par
l'Office fédéral dans sa réponse du 18 mars 2002.

2.3 Dans un deuxième moyen, le recourant estime que seuls devraient
être
transmis les documents relatifs au versement du 13 janvier 1997.

Comme le relève la Chambre d'accusation, la demande tend à la remise
du
relevé de toutes les opérations effectuées depuis le 1er janvier
1997, époque
de la commission des faits reprochés à F.________. Cette remise est
nécessaire pour déterminer le sort des fonds détournés. Peu importe
que d'un
point de vue comptable, un montant de 2'400'00 GBP soit encore
disponible sur
le compte n°xxx. Le juge du fond est intéressé à pouvoir suivre
précisément
le cheminement des fonds litigieux, depuis leur virement sur le
compte du
recourant, opération que seule la remise de l'intégralité des relevés
lui
permettra de faire.

3.
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge
du
recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art.
159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi
qu'à
l'Office fédéral de la justice (B 124 949).

Lausanne, le 16 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.48/2002
Date de la décision : 16/04/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-16;1a.48.2002 ?
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