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11/04/2002 | SUISSE | N°4C.383/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 avril 2002, 4C.383/2001


«/2»

4C.383/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Jean-François Marti, avocat à Genève,

et

A.________, demandeur et intimé, représenté par Me Baudoin
Dunand, avocat à Genève;

(dol; délai d'invalida

tion)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 16 octobre 1989, A.________, médecin d'ori-
...

«/2»

4C.383/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 avril 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Jean-François Marti, avocat à Genève,

et

A.________, demandeur et intimé, représenté par Me Baudoin
Dunand, avocat à Genève;

(dol; délai d'invalidation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 16 octobre 1989, A.________, médecin d'ori-
gine libanaise domicilié à Abidjan (Côte d'Ivoire), a ouvert
un compte no. ... auprès de la succursale genevoise de la
X.________ S.A. à Zurich. Il a chargé la banque d'effectuer
avec ses avoirs des placements fiduciaires sous forme de
dépôts à terme. Il n'était pas question d'opérer, sans son
accord, des virements sur des comptes de tiers ou de lui ac-
corder des prêts. Le courrier destiné au client était con-
servé "banque restante".

Le compte était géré par un employé de la banque,
B.________, en qui le client avait toute confiance.

Deux fois par année, B.________ se rendait à Abidjan
pour renseigner le client sur l'évolution de son compte et
lui faire approuver la position du relevé.

B.- En décembre 1994, B.________ s'est rendu à
Abidjan et a présenté au client l'état de ses avoirs au 9 dé-
cembre 1994, qui accusait une baisse de plus de 1'000'000 FF
par rapport au relevé qui avait été présenté le 24 mai 1994.
A cette occasion, B.________ a fait signer au client une dé-
claration d'acceptation de l'état du compte, ainsi qu'une
déclaration datée du 28 novembre 1994 confirmant deux ordres
téléphoniques relatifs à deux virements de 520'000 FF et
540'000 FF donnés respectivement les 5 et 20 décembre 1994
avec l'indication: "Trsf.Nr 60176 et 60613".

Le client a affirmé par la suite qu'il avait signé
ces documents sans les lire, mais qu'il s'était enquis de la
baisse de ses avoirs. Il a été retenu (arrêt attaqué p. 21)
que B.________ lui a dit que pour acheter des dollars, il

fallait mettre en garantie 1'000'000 FF qui lui seraient res-
titués par la suite. Ignorant les pratiques bancaires, le
client a cru ces explications.

C.- Le 25 juillet 1995, la banque a informé
A.________ que B.________ avait quitté l'établissement et
que
son compte serait dorénavant géré par C.________.

Par la suite, la banque a informé A.________ que son
compte présentait, au 1er juin 1995, un crédit de 254'000
fr.
provenant, semble-t-il, d'un prélèvement effectué sans droit
par B.________ sur le compte d'un autre client dont il s'oc-
cupait.

Le 7 février 1996, A.________ a adressé une télé-
copie à la banque expliquant que s'il avait "signé des pa-
piers autorisant M. B.________ a gérer son compte", c'était
pour "le faire fructifier et non le manipuler" de telle
façon
que l'on pouvait "penser que M. B.________ avait agi de
façon
malhonnête vis-à-vis de ses clients qui lui ont fait confian-
ce". Il indiquait avoir relevé une diminution d'environ
1'000'000 FF de son compte courant, ajoutant que B.________
lui avait expliqué à ce propos qu'à "l'achat de dollars on
mettait en garantie 1'000'000 FF" qui seraient restitués par
la suite. Il avait cru ces explications. Il n'avait jamais
donné l'ordre de virer les montants de 520'000 FF et
540'000 FF à qui que ce soit, "surtout pour de si grosses
sommes", car il ne devait "rien à personne" et quand il don-
nait un ordre de virement "c'était toujours par écrit, signé
et daté de sa main". Il émettait le voeu de recevoir des pho-
tocopies de tous les documents qu'il avait signés et voulait
savoir à qui B.________ avait viré son argent, virements
qu'il n'avait pas demandé de faire.

Le 14 mars 1996, l'avocat français de A.________ a
écrit à la banque pour lui demander l'affectation précise
des

sommes de 520'000 FF et 540'000 FF prélevées en septembre
1994 sur le compte de son client qui ne se rappelait pas
avoir donné des ordres pour de telles opérations.

La banque a répondu, par courrier du 18 avril 1996,
qu'il était surprenant que A.________ ne se rappelle pas
avoir donné les ordres, puisqu'il avait signé des arrêtés de
compte prenant en considération ces deux débits.

Le 2 mai 1996, l'avocat a adressé au conseil de la
banque une lettre pour confirmer son souhait que cette der-
nière justifie, par la production d'écrits, les ordres que
A.________ était supposé avoir donnés pour les deux débits
de
1994.

Le 13 mai 1996, le conseil de la banque a communiqué
à l'avocat de A.________ les documents signés par son
client;
il ajoutait qu'il ne manquerait pas de le tenir au courant
de
la procédure pénale dirigée contre B.________, qui avait
pris
la fuite.

Par la suite, la banque a réclamé à A.________ les
254'000 fr. dont son compte aurait été crédité indûment et
le
client s'y est opposé en faisant valoir qu'il n'avait jamais
donné l'ordre de virer les 520'000 FF et 540'000 FF prélevés
sur son compte.

Le 20 novembre 1998, la banque a informé A.________
qu'elle conserverait les 254'000 fr. litigieux, parce
qu'elle
avait été condamnée par le juge civil à restituer cette
somme
au client qui en avait été débité à la suite d'un virement
indu effectué par B.________.

D.- En date du 18 mars 1999, A.________ a assigné la
banque devant le Tribunal de première instance du canton de
Genève lui réclamant, avec intérêt, la contre-valeur en

francs français de 254'000 fr. et, subsidiairement, un mon-
tant de 1'060'000 FF avec intérêts, correspondant aux deux
virements contestés de 520'000 FF et 540'000 FF. Il a mani-
festé la volonté de se prévaloir du caractère vicié de
l'approbation du solde de compte.

Il est apparu en cours de procédure que les deux vi-
rements de 520'000 FF et de 540'000 FF avaient été opérés
par
B.________ en faveur de deux autres clients de la banque,
ayant respectivement les numéros de compte ... et ... Aucun
lien entre A.________ et ces deux clients n'a été établi, de
sorte qu'il a été retenu que ces deux virements avaient été
effectués sans instruction par B.________. Il est apparu
également que ce gestionnaire s'était livré à diverses mani-
pulations entre les comptes de ses clients et qu'il s'était
employé notamment à masquer des prélèvements par des prêts
qui n'apparaissaient pas en tant que tels dans les documents.

Par jugement du 26 octobre 2000, le tribunal de pre-
mière instance a débouté A.________ de toutes ses conclu-
sions.

Statuant sur appel le 12 octobre 2001, la Chambre
civile de la Cour de justice a annulé ce jugement et
condamné
la banque à payer à A.________ 1'060'000 FF avec intérêts à
5% dès le 20 septembre 1994. En substance, la cour cantonale
a retenu que ce dernier avait été victime d'un dol de la
part
du gestionnaire de la banque, que sa signature sur les docu-
ments était donc viciée, qu'il avait invoqué le dol dès
qu'il
l'avait pu, compte tenu de la réticence de la banque à four-
nir des informations sur les destinataires des fonds et
qu'il
avait droit à réparation.

E.- X.________ S.A. recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Soutenant que le dol a été invoqué tardivement (cf.

art. 31 al. 1 et 2 CO), elle conclut à l'annulation de
l'arrêt attaqué et au déboutement de sa partie adverse.

L'intimé invite le Tribunal fédéral à rejeter le re-
cours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Il résulte des constatations cantonales - qui
lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
(art. 63 al. 2 OJ) - que l'intimé a noué avec la banque une
relation juridique complexe dans laquelle on discerne les
éléments caractéristiques d'un compte courant, d'un dépôt
ouvert, d'un mandat (au moins pour la gestion administrative
des placements) et d'une commission (pour effectuer des pla-
cements à titre fiduciaire) (cf. arrêt du Tribunal fédéral
du
15 mars 2001 reproduit in SJ 2001 I p. 525 consid. 2a; arrêt
du Tribunal fédéral du 29 octobre 1997 reproduit in SJ 1998
p. 198 consid. 6a).

b) Il ne ressort pas des constatations cantonales
que les parties seraient convenues que la banque mettrait
des
fonds à disposition du client pour qu'il se livre à des pla-
cements (cf. prêt de consommation: art. 312 CO); il faut
donc
en déduire que le client a lui-même alimenté son compte, que
ce soit par des versements en espèces ou par des virements;
les sommes ainsi portées au crédit du compte tenu par la ban-
que font l'objet d'un dépôt irrégulier (cf. art. 481 CO; ATF
127 III 553 consid. 2f; Guggenheim, Les contrats de la prati-
que bancaire suisse, 4ème éd., p. 151 s.).

La cour cantonale a constaté - d'une manière qui lie
le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63
al. 2 OJ) - que le gestionnaire employé par la banque avait

prélevé sur ce compte au total 1'060'000 FF pour les verser
au crédit de deux autres clients dont il s'occupait et qui
restent inconnus de l'intimé, agissant ainsi sans qu'aucune
instruction générale ou spéciale de l'intimé ne l'y autorise
et procédant manifestement à l'encontre des intérêts de ce
dernier. De tels transferts ne trouvent aucune justification
dans les rapports juridiques entre la banque et l'intimé;
ils
n'ont donc pas pour effet de libérer la banque de son obliga-
tion de restitution en vertu des règles sur le dépôt irrégu-
lier; la banque est donc redevable à l'égard de son client
de
la somme que celui-ci lui a confiée, dès lors que les trans-
ferts auxquels elle a procédé n'avaient pas de fondement
(ATF
127 III 553 consid. 2f et g).

c) La banque fait toutefois observer que les parties
avaient conclu un contrat de compte courant (sur cette
figure
juridique: cf. ATF 100 III 79; Engel, Traité des obligations
en droit suisse, 2ème éd., p. 773 ss).

Dans un compte courant, les prétentions et contre-
prétentions portées en compte s'éteignent par compensation
et
une nouvelle créance prend naissance à concurrence du solde
(cf. ATF 127 III 147 consid. 2a; 104 II 190 consid. 2a). Il
y
a novation lorsque le solde du compte a été arrêté et
reconnu
(art. 117 al. 2 CO).

La cour cantonale a constaté que l'intimé avait, en
décembre 1994 à Abidjan, signé l'état de ses avoirs au 9 dé-
cembre 1994 et ainsi reconnu le solde du compte courant; en
cette même occasion, il a également signé le document
relatif
aux transferts litigieux qui avaient été opérés en septembre
1994.

d) La novation suppose cependant une cause valable
(ATF 127 III 147 consid. 2a; 104 II 190 consid. 3a). Certes,
la reconnaissance du solde vaut renonciation à invoquer les

exceptions et objections connues (ATF 127 III 147 consid.
2a;
104 II 190 consid. 3a; Guggenheim, op. cit., p. 480 s.); il
n'est cependant pas exclu de démontrer que le solde reconnu
était faux et que la reconnaissance est affectée d'un vice
du
consentement (cf. ATF 127 III 147 consid. 2b; 104 II 190 con-
sid. 3a; Laurent Etter, Le contrat de compte courant, thèse
Lausanne, 1994, p. 219).

L'intimé fait valoir que les signatures qu'il a ap-
posées sur les documents qui lui ont été présentés en décem-
bre 1994 ne le lient pas, parce que son consentement a été
obtenu par un dol.

e) La cour cantonale a retenu que le gestionnaire de
la banque avait astucieusement masqué ses opérations fraudu-
leuses et qu'il avait donné des renseignements mensongers
sur
les causes du découvert (arrêt attaqué p. 21). L'état de
fait
contenu dans l'arrêt cantonal semble un peu contradictoire:
si le gestionnaire a dû donner des explications mensongères
sur les raisons du découvert, c'est que celui-ci n'avait pas
été efficacement masqué. Il est probable que la fuite du ges-
tionnaire et l'extrême réticence de la banque à fournir des
informations (en raison du secret bancaire) ont contribué à
rendre particulièrement difficile l'établissement des faits.
Il n'empêche que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en
réforme, doit raisonner sur la base des faits contenus dans
la décision attaquée (art. 63 al. 2 OJ).

Il faut tout d'abord constater que l'employé de la
banque s'est efforcé de rendre la situation particulièrement
confuse. Les documents qu'il a présentés à la signature ne
permettent absolument pas de comprendre que les deux
montants
litigieux (au total 1'060'000 FF) sont transférés à des
tiers. Le client pouvait tout aussi bien s'imaginer qu'ils
étaient transférés pour effectuer un placement ou pour cons-
tituer la garantie dont on lui a parlé. L'importance de ces

transferts était masquée par un apport de 1'000'000 FF, qui
semblait contrebalancer l'opération, mais qui provenait en
réalité d'un achat effectué grâce à un prêt accordé sur le
compte en francs suisses, qui n'apparaissait pas en tant que
prêt sur les documents présentés. Ces diverses inscriptions
rendaient la situation complètement opaque pour une personne
qui, comme l'intimé, n'a aucune connaissance en matière de
pratique bancaire.

Lorsque le client s'est étonné que le solde ait di-
minué, l'employé de la banque lui a donné des explications
mensongères au sujet d'une garantie qui aurait été
constituée
et qui devait ensuite lui être restituée.

De ces circonstances, la cour cantonale a déduit en
fait que l'intimé avait signé sans comprendre, faisant con-
fiance à l'employé de la banque.

Le dol est une tromperie intentionnelle qui déter-
mine la dupe, dans l'erreur, à accomplir un acte juridique
(cf. Von Tuhr/Peter, Allgemeiner
Teil des schweizerischen
Obligationenrechts, tome I, 3ème éd., p. 320; Engel, op.
cit., p. 349; Schmidlin, Commentaire bernois, n° 16 art. 28
CO). Le plus souvent, la tromperie résulte d'un comportement
actif: l'auteur affirme un fait faux, présente une vision
tronquée de la réalité ou conforte la dupe dans son erreur
préexistante; la tromperie peut aussi résulter d'une simple
abstention (dissimulation de la réalité), lorsque l'auteur
avait l'obligation juridique de renseigner (cf. ATF 117 II
218 consid. 6a; 116 II 431 consid. 3a). Il faut imputer à
une
personne morale la tromperie commise par son organe (art. 55
al. 2 CC) ou par ses auxiliaires (art. 101 al. 1 CO; ATF 108
II 419).

Il n'est pas nécessaire que la tromperie provoque
une erreur essentielle (art. 28 al. 1 CO). Il suffit que
l'on

doive admettre que la dupe, sans l'erreur, n'aurait pas
passé
l'acte juridique ou ne l'aurait pas passé aux mêmes condi-
tions (arrêt non publié du 17 décembre 1991 4C.281/1990,
consid. 2a).

En l'espèce, il a été retenu en fait que l'auxi-
liaire de la banque a dissimulé la réalité (à savoir que les
deux versements litigieux étaient destinés à des tiers et
que
l'achat compensatoire de francs français avait été réalisé
grâce à un prêt) et il a affirmé des faits faux (à savoir
qu'une garantie de 1'000'000 FF avait été constituée pour
opérer en dollars). Ces diverses formes de tromperie ont em-
pêché l'intimé de comprendre la situation réelle et on peut
être convaincu qu'il n'aurait pas signé s'il avait su qu'une
somme de 1'060'000 FF avait été transférée sans son ordre à
des tiers qu'il ne connaissait même pas.

En admettant en pareilles circonstances que l'intimé
avait signé les documents, en décembre 1994 à Abidjan, sous
l'effet d'un dol, la cour cantonale n'a pas violé le droit
fédéral (cf. art. 28 al. 1 CO).

f) En vertu de l'art. 31 CO, l'acte entaché d'un dol
est tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point
a laissé s'écouler une année sans déclarer à l'autre sa réso-
lution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu'elle a
payé (al. 1); le délai court dès que le dol a été découvert
(al. 2).

Pour que le délai d'invalidation commence à courir,
il ne suffit pas que l'intéressé ait des doutes; il faut
qu'il ait connaissance non seulement de son erreur, mais en-
core du fait que celle-ci a été causée par la tromperie in-
tentionnelle d'autrui (ATF 108 II 102 consid. 2a p. 105;
arrêt du Tribunal fédéral du 24 novembre 1987 reproduit in
SJ
1988 p. 486 s. consid. 2a).

Selon les constatations qui lient le Tribunal fédé-
ral (cf. art. 63 al. 2 OJ), l'intimé n'avait aucune raison
de
mettre en doute la probité de l'employé de la banque avant
d'apprendre, par une communication du 25 juillet 1995, qu'il
avait quitté l'établissement. Or, moins d'une année plus
tard, l'intimé, par une télécopie du 7 février 1996, a clai-
rement émis l'hypothèse que l'employé avait agi de façon mal-
honnête vis-à-vis des clients et il a manifesté la volonté
de
remettre en cause les deux versements de 520'000 FF et
540'000 FF qu'il contestait, alors même qu'il ne pouvait lui
échapper qu'il avait signé entre-temps le relevé de compte.
Il a ainsi évoqué l'hypothèse d'un dol (dont il n'avait pas
de preuves à l'époque) et la volonté de revenir sur sa signa-
ture et de remettre en cause les deux virements, qui, après
réexamen, lui paraissaient douteux. On ne saurait dire à cet
égard qu'il a tardé à réagir.

Il était essentiel pour lui, afin d'écarter l'hypo-
thèse d'un accord qu'il aurait oublié, de savoir ce qui
avait
été fait de l'argent prélevé sur le compte. Or, ce n'est
qu'en cours de procédure que la banque a révélé que les
fonds
avaient été transférés en faveur de deux autres de ses
clients dont s'occupait l'employé indélicat. Bien que l'avo-
cat de l'intimé ait demandé à la banque quelle avait été
l'affectation précise des deux montants prélevés, aucune ré-
ponse satisfaisante n'a été donnée à cette question avant
l'ouverture de l'action. L'intimé n'était donc pas vraiment
au clair sur ce qui s'était passé lorsqu'il a déposé sa de-
mande, le 18 mars 1999, dans laquelle il invoque clairement
le caractère vicié de son approbation des documents. On ne
saurait donc dire que l'invalidation des signatures pour
cause de dol a été invoquée tardivement.

Certes, l'intimé a reçu de la banque, par courrier
du 13 mai 1996, les documents qu'il avait signés; il était
cependant nécessaire, pour qu'il ait une connaissance cer-

taine du dol, qu'il sache quelle avait été l'affectation des
deux prélèvements contestés. La banque ne lui a fourni
aucune
explication claire à ce sujet avant la déclaration d'invali-
dation, de sorte que celle-ci ne peut être taxée de tardive.
Dans la mesure où la recourante voudrait s'écarter des cons-
tatations cantonales sur ce que l'intimé savait ou voulait,
il n'est pas possible d'en tenir compte (cf. ATF 118 II 58
consid. 3a; 113 II 25 consid. 1a).

L'approbation des documents présentés en décembre
1994 ayant été valablement invalidée pour cause de dol, il
n'y a pas eu de novation dans le compte courant et la banque
reste débitrice, en vertu du dépôt irrégulier, des montants
que son client lui a confiés et dont elle a disposé sans
droit. Que la banque ait été elle-même victime, sur le plan
interne, des agissements de l'employé qu'elle avait préposé
à
la gestion de ce compte n'y change rien.

La condamnation de la recourante ne viole donc pas
le droit fédéral et le recours doit être rejeté.

2.- Les frais et dépens seront mis à la charge de la
recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 6'000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 7'500 fr. à titre de dépens;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 11 avril 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.383/2001
Date de la décision : 11/04/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-11;4c.383.2001 ?
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