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09/04/2002 | SUISSE | N°4C.54/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2002, 4C.54/2001


«/2»

4C.54/2001

Ie C O U R C I V I L E
**************************

9 avril 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz
et M. Favre, juges. Greffière: Mme Michellod.
__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me Mauro
Poggia, avocat à Genève,

et

B.________ et la Masse en faillite X.________ S.A.,
défendeurs et intimés, représentés par Me Gérard de Cerjat,
avocat à Genève;

(c

onclusion d'un contrat de courtage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1997, Y._______...

«/2»

4C.54/2001

Ie C O U R C I V I L E
**************************

9 avril 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz
et M. Favre, juges. Greffière: Mme Michellod.
__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me Mauro
Poggia, avocat à Genève,

et

B.________ et la Masse en faillite X.________ S.A.,
défendeurs et intimés, représentés par Me Gérard de Cerjat,
avocat à Genève;

(conclusion d'un contrat de courtage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1997, Y.________ Sàrl en France, dont le
directeur est C.________, a envoyé à diverses agences immo-
bilières en Suisse romande une télécopie indiquant qu'elle
cherchait à acquérir un établissement public à Genève ou à
Lausanne. Parmi les destinataires de cet envoi figurait
l'entreprise individuelle de A.________.

En août 1997, D.________ a appris de B.________ que
celui-ci souhaitait vendre la brasserie "Z.________", qui ap-
partenait à la société X.________ S.A. à Genève et dont
B.________ était l'unique administrateur. Selon D.________,
B.________ ne lui a pas formellement demandé à cette
occasion
de trouver un acheteur.

En août 1997, A.________ a envoyé à D.________ la
télécopie qu'il avait reçue de Y.________ Sàrl. En décembre
1997 ou janvier 1998, D.________ et dame E.________,
représentant tous deux l'entreprise de A.________, ont
déjeuné avec B.________; savoir s'ils ont évoqué en cette
occasion l'éventualité d'une vente du "Z.________" a donné
lieu à des déclarations contradictoires. En janvier 1998,
D.________ a présenté C.________ à B.________. C.________
lui
a posé des questions sur le "Z.________" et il a visité les
cuisines en présence de D.________ et dame E.________. Par
la
suite, C.________ a discuté directement de cette affaire
avec
B.________.

C.________ a fait savoir à dame E.________ qu'il ne
voulait pas payer de commission. Il l'a dit également à
B.________ qui n'était, lui non plus, pas disposé à payer
une
commission. A fin juin 1998, C.________ a informé dame
E.________ que le prix de vente du "Z.________" avait été

fixé à 800'000 fr., ajoutant que B.________ paierait la
commission. Le 9 juillet 1998, A.________ a envoyé à
B.________ une facture d'honoraires de 42'600 fr. En août
1998, dame E.________ a appris de B.________ qu'il ne
voulait
pas la payer.

Le 18 décembre 1998, un contrat de mandat a été
conclu entre Y.________ Sàrl et X.________ S.A. pour des
prestations en rapport avec le changement du "Z.________" en
un nouveau restaurant, pour des honoraires de 100'000 fr. A
la même date a été conclu le contrat de cession de bail et
de
vente du "Z.________" entre B.________, X.________ S.A. et
Y.________ Sàrl. Ce contrat ne contient aucune disposition
concernant des frais de courtage alors que le projet indi-
quait que X.________ S.A. s'engageait à payer les frais
d'agent; B.________ avait cependant demandé la suppression
de
cette clause.

B.- Par acte du 28 juin 1999, A.________ a déposé
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève
une demande en paiement dirigée contre B.________ et
X.________ S.A., leur réclamant, à titre de salaire de
courtier, la somme de 42'600 fr. - augmentée en cours
d'instance à 47'925 fr. - avec intérêts à 5% l'an dès le 28
juin 1999.

B.________ et X.________ S.A. se sont opposés à la
demande, en faisant valoir qu'ils n'avaient jamais mandaté
A.________ en vue de la vente du "Z.________".

Par jugement du 22 mai 2000, le Tribunal de pre-
mière instance a rejeté la demande avec suite de dépens.

Saisie d'un appel du demandeur, la Chambre civile
de la Cour de justice a, par arrêt du 21 décembre 2000,

confirmé le jugement attaqué avec suite de dépens. La cour
cantonale a considéré qu'il ne ressortait pas des preuves
administrées que B.________ ou X.________ S.A. avaient donné
à A.________ le mandat de trouver un acheteur, de servir
d'intermédiaire ou de négocier le contrat en vue de la vente
de l'établissement public en question; elle a considéré
qu'il
n'était pas davantage établi que B.________ ou X.________
S.A. avaient accepté le principe de payer une commission à
A.________.

C.- A.________ a déposé un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Soutenant qu'un contrat de courtage avait
été conclu, il a demandé que l'arrêt attaqué soit annulé
avec
suite de dépens et a repris ses conclusions sur le fond,
sollicitant subsidiairement le renvoi de la cause à la cour
cantonale.

En cours de procédure devant le Tribunal fédéral,
la société X.________ S.A. est tombée en faillite. La masse
en faillite a manifesté la volonté de continuer le procès.

L'intimé B.________ a conclu à l'irrecevabilité,
subsidiairement au rejet du recours et à la confirmation de
l'arrêt attaqué, avec suite de frais et dépens.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté par la partie qui a succombé dans ses
conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final
rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supé-
rieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46
OJ),
le recours en réforme est recevable, puisqu'il a été formé
en

temps utile (art. 54 al. 1 et 32 al. 2 OJ) dans les formes
requises (art. 55 OJ).

2.- a) La question litigieuse est de savoir si un
contrat de courtage a été conclu entre les parties.

Le contrat est parfait lorsque les parties ont,
réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur
volonté (art. 1 al. 1 CO). La conclusion du contrat n'est
subordonnée à l'observation d'une forme particulière que si
une disposition spéciale de la loi le prévoit (art. 11 al. 1
CO) ou si les parties en sont convenues (art. 16 al. 1 CO).
Lorsqu'aucune forme particulière n'est prescrite, la manifes-
tation de volonté peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2
CO). Le contrat n'est conclu que lorsque les parties se sont
mises d'accord sur tous les points essentiels (cf. art. 2
al.
1 CO).

Le courtage est un contrat par lequel le courtier
est chargé, moyennant un salaire, soit d'indiquer à l'autre
partie l'occasion de conclure une convention, soit de lui
servir d'intermédiaire pour la négociation d'un contrat
(art.
412 al. 1 CO).

En l'absence d'une disposition spéciale, la conclu-
sion du contrat de courtage n'est soumise à aucune exigence
de forme (Guhl/Koller/Schnyder/Druey, Das Schweizerische
Obligationenrecht, 9ème éd., Zurich 2000, p. 568 n° 17;
Engel, Contrats de droit suisse, 2ème éd., Berne 2000, p.
522; Tercier, Les contrats spéciaux, 2ème éd., Zurich 1995,
n° 4314; Caterina Ammann, Commentaire bâlois, art. 412 CO n°
5; Hofstetter, Schweizerisches Privatrecht, VII/2, p. 126).
Selon les constatations cantonales qui lient le Tribunal
fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ),
les
parties n'ont pas prévu une forme particulière. Par consé-

quent, la conclusion du contrat de courtage peut résulter,
en
l'absence d'une déclaration expresse, d'actes concluants
(arrêt du Tribunal fédéral 4C.66/1992 du 29 septembre 1992
publié in SJ 1993 p. 189 consid. 2b p. 193; ATF 72 II 84
consid. 1).

Le seul fait de laisser agir le courtier ne conduit
pas nécessairement à admettre la conclusion d'un contrat par
actes concluants; il faut que l'attitude du courtier soit
suffisamment nette pour que l'absence d'opposition puisse
être interprétée comme la volonté de conclure un contrat de
courtage; étant donné l'insistance de certains courtiers
professionnels, on ne saurait admettre facilement que le
silence vaut acceptation (arrêt du Tribunal fédéral
4C.66/1992 précité; ATF 72 II 84 consid. 1). Cette juris-
prudence restrictive est approuvée par la doctrine
(Guhl/Koller/Schnyder/Druey, op. cit., p. 568 n° 17; Engel,
op. cit., p. 522; Hofstetter, op. cit., p. 126) et il n'y a
pas lieu d'y revenir.

Il incombe au courtier qui réclame un salaire de
prouver les circonstances permettant de constater
l'existence
d'un accord des parties (art. 8 CC; Engel, op. cit., p. 523;
Ammann, op. cit., art. 412 CO n° 5).

Il faut que l'on puisse déduire des circonstances
que les parties se sont mises d'accord sur les points essen-
tiels d'un contrat de courtage (art. 1 al. 1 et 2 al. 1 CO).
Il est donc nécessaire que la partie ait conscience du fait
que le courtier a agi pour elle, et non pas pour l'autre
partie à la négociation; en cas de situation confuse, il
appartient au courtier d'apporter en temps utile les éclair-
cissements nécessaires, afin de pouvoir établir lequel des
cocontractants a accepté par actes concluants de le mettre
en
oeuvre (arrêt du Tribunal fédéral du 3 novembre 1992,
4C.228/1992 consid. 1b; cf. également:

Guhl/Koller/Schnyder/Druey, op. cit., p. 568 n° 17, Ammann,
op. cit., art. 412 CO n° 5; Hofstetter, op. cit., p. 126).
Bien entendu, il doit résulter des circonstances que le
courtier est chargé d'une activité relevant de ce contrat, à
savoir indiquer le nom d'un intéressé, le présenter ou mener
les pourparlers (cf. Ammann, op. cit., art. 412 CO n° 1).

Le caractère onéreux du contrat fait également
partie des éléments essentiels (ATF 124 III 481 consid. 3a);
il faut donc que l'on puisse déduire des circonstances que
le
mandant s'est engagé envers le courtier à lui verser un
salaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.66/1992 précité); il
n'est en revanche pas nécessaire que le montant de la rémuné-
ration soit fixé puisque l'art. 414 CO permet sur ce point
de
suppléer à un accord des parties (cf. ATF 117 II 286 consid.
5a p. 289).

b) Pour déterminer si les intimés ont confié par
actes concluants une mission de courtage au recourant en
acceptant de le rémunérer pour cela, il faut procéder à une
interprétation de leurs déclarations et de leur comportement.

Pour dire si un contrat a été conclu ou non, le
juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune
et
réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions
ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir (art.
18 al. 1 CO; ATF 127 III 444 consid. 1b). S'il y parvient,
il
s'agit d'une constatation de fait qui ne peut être remise en
cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 consid. 3c
p. 29).

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être
établie ou si elle est divergente, le juge interprétera les
déclarations faites selon la théorie de la confiance; il
doit
donc rechercher comment une déclaration ou une attitude
pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble

des circonstances (cf. ATF 127 III 444 consid. 1b). Le prin-
cipe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens
objectif de son comportement, même si celui-ci ne correspond
pas à sa volonté intime (ATF 127 III 279 consid. 2c/ee p.
287
et les références doctrinales). L'application du principe de
la confiance est une question de droit que le Tribunal fédé-
ral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement
(ATF 127 III 248 consid. 3a p. 253). Pour trancher cette
question de droit, il faut cependant se fonder sur le
contenu
de la manifestation de volonté et sur les circonstances,
lesquelles relèvent du fait (ATF 126 III 375 consid. 2e/aa
p.
379).

c) En l'espèce, la cour cantonale n'a pas constaté
chez les parties de volonté commune. Il est donc nécessaire,
pour déterminer si un contrat a été conclu, d'interpréter
leurs déclarations et attitudes selon le principe de la
confiance.

Le recourant a objectivement exercé une activité de
courtier en mettant les futurs cocontractants en présence.
La
question litigieuse est de savoir si l'on peut déduire des
déclarations ou des attitudes des intimés qu'ils lui ont
confié cette mission et accepté de le rémunérer.

Selon les constatations cantonales, le futur
vendeur avait informé le recourant qu'il souhaitait vendre
son établissement public mais il ne lui avait pas formelle-
ment demandé de chercher un acquéreur. Ainsi, lorsque le
représentant du recourant a mis les futurs cocontractants en
présence, les intimés pouvaient parfaitement s'imaginer que
le courtier professionnel était mis en oeuvre par
l'acheteur.
Il ne ressort pas de l'état de fait cantonal que le courtier
ait apporté en temps utile les éclaircissements nécessaires
ou que les intimés aient fait une déclaration ou adopté une
attitude dont on puisse inférer qu'ils confiaient une
mission

au recourant. Ce n'est qu'après l'activité du courtier (la
mise en présence des futurs cocontractants) que la question
de sa rémunération a été posée; nul n'a alors manifesté,
d'une manière ou d'une autre, la volonté d'assumer cette
charge.

Il incombait au courtier, dans son propre intérêt,
de clarifier la situation avant d'exercer son activité. La
prudence eût commandé de faire signer un contrat à la partie
par laquelle il s'estimait mandaté. S'il est vrai que la
forme écrite n'était pas exigée, le courtier aurait dû au
moins s'assurer d'un accord verbal qui puisse être prouvé en
justice. En réalité, il a laissé s'instaurer une situation
parfaitement confuse et doit aujourd'hui assumer l'échec de
la preuve qui lui incombait.

Sur la base de l'état de fait déterminant, on ne
peut pas constater que les intimés aient confié une quelcon-
que mission au recourant, qui, dans leur esprit, pouvait
tout
aussi bien apparaître comme mandaté par la société
acheteuse.
Il n'apparaît pas davantage que les intimés aient jamais,
d'une manière
ou d'une autre, manifesté la volonté de rému-
nérer le recourant. La cour cantonale n'a donc pas violé le
droit fédéral en constatant, selon le principe de la
confiance, que les déclarations et l'attitude des intimés ne
permettaient pas de déduire une volonté de conclure un
contrat de courtage avec le recourant. La conclusion d'un
contrat ayant été déniée à juste titre, la prétention du
recourant est dépourvue de tout fondement et son rejet ne
saurait violer le droit fédéral.

3.- Les frais et dépens doivent être mis à la
charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al.
1
OJ).

Par ces motifs

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimés,
créanciers solidaires, une indemnité globale de 2'500 fr. à
titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève.

__________________

Lausanne, le 9 avril 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.54/2001
Date de la décision : 09/04/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-09;4c.54.2001 ?
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