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08/04/2002 | SUISSE | N°P.55/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 avril 2002, P.55/01


«AZA 7»
P 55/01 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 8 avril 2002

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Me Olivier Chapuis,
avocat, avenue de la Gare 49, 2800 Delémont,

contre

Caisse de compensation du canton du Jura, rue Bel-Air 3,
2350 Saignelégier, intimée,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- M.________, a été mis au bénéfice

, depuis le
1er avril 1999, d'une rente entière d'invalidité, à
laquelle s'est substituée, depuis le 1er août 1999, une
rente AVS o...

«AZA 7»
P 55/01 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 8 avril 2002

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Me Olivier Chapuis,
avocat, avenue de la Gare 49, 2800 Delémont,

contre

Caisse de compensation du canton du Jura, rue Bel-Air 3,
2350 Saignelégier, intimée,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- M.________, a été mis au bénéfice, depuis le
1er avril 1999, d'une rente entière d'invalidité, à
laquelle s'est substituée, depuis le 1er août 1999, une
rente AVS ordinaire. Ensuite d'un premier refus, signifié
par la Caisse de compensation du canton du Jura (ci-après :
la caisse) par décision du 23 mai 2000, l'assuré a présenté
une nouvelle demande de prestation complémentaire le 3 jan-

vier 2001. Par décision du 16 mars 2001, la caisse en a
derechef refusé l'octroi au motif que les revenus détermi-
nants excédaient les dépenses reconnues. Cette décision
tenait, en particulier, compte d'une part de fortune de
150 670 fr. au titre de son dessaisissement.

B.- Par jugement du 25 juillet 2001, le Tribunal can-
tonal de la République et canton du Jura a rejeté le re-
cours formé contre cette décision par l'assuré.

C.- Ce dernier interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement. Il conclut, sous suite de frais et
dépens, à son annulation et à l'octroi d'une prestation
complémentaire dès le 1er janvier 2001; il requiert, par
ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire.
La caisse conclut au rejet du recours. L'Office fédé-
ral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales régissant le droit aux prestations
complémentaires et, en particulier celles relatives à
l'évaluation des revenus déterminants, si bien qu'il suffit
d'y renvoyer sur ce point.

2.- a) En substance, les premiers juges ont retenu que
l'assuré, en date du 14 juillet 1999, avait vendu à son
fils A.________, pour un prix de 555 000 fr., deux immeu-
bles dont la valeur officielle - qui équivaut par ailleurs
à la valeur déterminante pour les répartitions intercanto-
nales - était de 700 670 fr. Ils ont admis que la différen-
ce entre la valeur officielle et le prix de vente consti-
tuait, après déduction d'un montant de 10 000 fr. conformé-
ment à l'art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI, une part de fortune
dont l'assuré s'était dessaisi et dont il convenait de

tenir compte dans le calcul de ses revenus déterminants,
conformément à l'art. 3c al. 1 let. c et g LPC.

b) Pour sa part, le recourant objecte, en bref, que la
valeur officielle des immeubles dans le canton du Jura est
notoirement excessive. Il relève, à cet égard, que selon
l'exécutif cantonal lui-même, à l'appui d'un projet de
révision des critères et coefficients d'estimation des va-
leurs officielles, le rapport entre la valeur officielle et
le prix de vente des maisons familiales vendues entre 1997
et 2000 se situe en moyenne à 81,6 % en 1997 et 86,65 % en
2000. Il soutient ainsi que la contre-prestation de
l'acquisition des immeubles versée par A.________ était
adéquate, ce qui exclurait que l'aliénation puisse être
considérée comme un dessaisissement de fortune.

3.- Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral des
assurances a jugé que la règle de l'art. 17 al. 6 OPC-
AVS/AI, qui est conforme à la loi et à la constitution,
doit permettre, dans les cantons qui en font application,
de pallier les difficultés liées à l'estimation de la va-
leur vénale. Il a notamment relevé, dans ce contexte, que
cette règle ne peut s'accorder avec la reconnaissance à
l'assuré de la faculté de faire réexaminer par la caisse la
valeur de répartition intercantonale et d'en obtenir, le
cas échéant, la correction lorsque la valeur vénale en di-
verge (arrêt non publié K., du 13 décembre 2001, P 31/01 et
les références au commentaire de l'OFAS des modifications
de l'OPC au 1er janvier 1999, VSI 1998, pp. 279 s.). Il a
cependant laissé ouvert le point de savoir si et dans quel-
le mesure des exceptions à l'application de la valeur de
répartition pouvaient être admises en rappelant que,
s'agissant de l'estimation à la valeur fiscale (art. 17
al. 1 OPC-AVS/AI), il avait réservé à de nombreuses re-
prises dans sa jurisprudence, les cas dans lesquels son
application conduirait à une évaluation abusive ou à un
résultat choquant (cf. ATF 113 V 194 consid. 5b; arrêts non

publiés B du 7 janvier 1991, P 13/89 et H, du 14 juillet
1993, P 21/93).

4.- a) Les parties s'accordent à reconnaître que, dans
le canton du Jura, la valeur de répartition intercantonale
correspond à 100 % de la valeur fiscale cantonale pour la
période 1999/2000, ce qui représente la valeur officielle,
selon la législation cantonale topique, si bien que valeurs
de répartition intercantonale et officielle coïncident. On
ne voit dès lors pas quels motifs justifieraient, dans un
tel cas, de ne pas retenir à l'égard de l'estimation fondée
sur la valeur de répartition, les mêmes réserves que celles
admises par la cour de céans dans sa jurisprudence en rela-
tion avec la valeur officielle. Une telle différence de
traitement se justifie au demeurant d'autant moins que la
valeur de répartition correspond à l'ancienne valeur de
l'impôt fédéral (Commentaire de l'OFAS, VSI 1998 p. 280).

b) Il est constant que la valeur de répartition inter-
cantonale, soit la valeur officielle, est plus élevée que
le prix auquel le recourant a aliéné les deux immeubles
dont il était propriétaire à son fils ([700 670 -
555 000] / 700 670 = 20,79 %). Toutefois, le seul fait que
les valeurs de répartition intercantonales, respectivement
les valeurs officielles, sont, dans le canton du Jura plus
élevées que les prix de vente atteints par les immeubles
aliénés entre les années 1997 et 2000 (le rapport s'élevant
en moyenne en 1999, soit au moment où le recourant a aliéné
ses deux immeubles, à 85,35 %), et que cette situation a
incité le gouvernement cantonal à proposer une modification
de la législation cantonale, ne permet pas encore de dé-
duire que, en l'espèce, la prise en compte de la valeur de
répartition soit abusive ou conduise à un résultat cho-
quant.
Par la force des choses, il existe presque toujours
une différence entre la valeur vénale des biens et leur
valeur officielle - sous réserve de l'hypothèse exception-

nelle où la première a été stipulée par référence à la
seconde. Une telle différence est, en effet, inhérente à
tout processus d'estimation. En règle générale, lorsqu'il
n'a pas été procédé depuis plusieurs années à une estima-
tion officielle, cette dernière est moins élevée que la
valeur vénale, le marché immobilier présentant, selon le
cours ordinaire des choses, une tendance à la hausse sur le
long terme. Cette évolution est ainsi, dans la règle, favo-
rable à l'assuré en ce sens que la plus-value acquise par
l'immeuble au fil du temps et révélée par l'estimation à la
valeur vénale, demeure sans incidence sur le droit aux
prestations complémentaires, lorsque, pour le calcul de ces
dernières, la valeur de répartition est déterminante. Le
seul fait qu'en raison de l'évolution du marché ou d'une
dépréciation de l'immeuble, cette évolution se produise
exceptionnellement en sens inverse, ne justifie cependant
pas en lui-même le recours à une autre méthode d'évaluation
(cf. arrêt précité non publié K., du 13 décembre 2001, con-
sid. 3a). Il convient, par ailleurs, de relever que, le
plus souvent, les prix fixés lors de transactions immobi-
lières entre personnes apparentées, comme en l'espèce, ne
sont pas représentatifs de la valeur effective des biens en
cause sur le marché libre, raison pour laquelle de telles
transactions ne sont précisément pas prises en compte par
les données statistiques auxquelles se réfère le recourant
(cf. Message du Gouvernement jurassien au Parlement concer-
nant l'initiative populaire cantonale «Pour des valeurs of-
ficielles et locatives équitables et une fiscalité foncière
raisonnable et incitative», p. 3). Partant, le seul fait
que, en l'espèce, les valeurs officielles sont statistique-
ment plus élevées que les valeurs vénales sur le marché en
cause ne permet pas encore d'établir que le recours aux
premières soit abusif ou conduise à un résultat choquant.

c) Les circonstances du cas d'espèce ne sont, de toute
évidence, pas comparables à celles qui prévalaient dans
l'arrêt P 21/93 précité, où, en raison d'une moins-value

importante de l'immeuble, l'estimation selon les critères
fiscaux fédéraux conduisait à une valeur plus de deux fois
supérieure à la valeur vénale estimée par un expert indé-
pendant. La cour de céans a certes admis dans l'arrêt
P 13/89, également précité, que la valeur déterminée selon
les directives de l'administration fiscale fédérale, qui
était de 10 % plus élevée que le prix de vente effectif
payé par l'assuré, ne pouvait être prise en compte comme
telle. Il a cependant rappelé, dans ce contexte, que la
Cour de céans n'a pas pour mission de poser des règles
absolues qui, le cas échéant, conduiraient à instaurer de
nouvelles formes de schématisme, si bien que l'on ne sau-
rait déduire de cette jurisprudence que, en elle-même, une
différence de 10 % entre une valeur d'estimation fiscale et
le prix de vente d'un immeuble constituerait un critère
général permettant de justifier dans tous les cas que l'on
s'écarte de la méthode d'estimation choisie par le législa-
teur délégué. Si la cour de céans a certes, par ailleurs,
considéré comme sensible une différence de 20 % entre les
valeurs d'estimation fédérale et cantonale, il s'agissait,
dans ce cas, de déterminer laquelle de deux méthodes d'éva-
luation, dont l'une était désignée comme subsidiaire à
l'autre par l'art. 17 al. 2 OPC-AVS/AI (dans sa teneur en
vigueur jusqu'au 31 décembre 1998; RO 1998 2582), devait
être appliquée, et non d'écarter l'application d'une métho-
de d'évaluation prévue par l'ordonnance au motif que son
application serait abusive ou aboutirait à un résultat cho-
quant (ATF 113 V 190 ss). Enfin, le recourant ne peut rien
déduire en sa faveur de l'arrêt publié aux ATF 122 V 394
(cf. également VSI 1997 138), où il ne s'agissait pas non
plus d'examiner si le résultat de l'évaluation selon le
critère topique était abusif ou choquant, mais bien si la
contre-prestation, sous la forme de la constitution d'un
usufruit en faveur de l'aliénateur, demeurait en rapport

d'adéquation avec la prestation principale, soit le trans-
fert de propriété de l'immeuble grevé.
On doit ainsi constater que le recourant ne démontre
pas concrètement en quoi, en l'espèce, l'application de la
valeur de répartition intercantonale serait abusive ou
aboutirait à un résultat choquant. Les seules circonstances
qu'il évoque, soit, en particulier, le fait que, obéré, il
aurait été contraint de vendre ses immeubles afin d'éviter
la faillite et la circonstance qu'une banque a accepté de
financer la transaction à concurrence de la part la plus
importante du prix de cette dernière ne permettent pas
d'aboutir à une autre solution.

5.- Dans un second moyen, le recourant soutient qu'il
doit être tenu compte, dans l'évaluation de l'un des deux
immeubles, du droit d'habitation viager concédé à son ex-
épouse par convention sur effets accessoires du divorce du
10 août 1993. Il se borne, sur ce point, à prétendre que la
valeur officielle, révisée pour la dernière fois en 1997,
ne tient pas compte des droits d'habitation grevant les
immeubles. Cette affirmation est toutefois contredite par
l'art. 43 al. 1 et 2 de la Loi jurassienne d'impôt du
26 mai 1988 (RSJU 641.11), aux termes desquels la valeur
des immeubles et des forces hydrauliques, fixée par une
procédure d'évaluation officielle, se détermine en fonction
de la valeur vénale et de la valeur de rendement. L'art. 4
du Décret concernant la révision générale des valeurs offi-
cielles d'immeubles et de forces hydrauliques du 23 mars
1994 (RSJU 641.543.1) précise encore, au demeurant, que les
droits, charges et servitudes qui se rattachent à l'immeu-
ble sont pris en considération.

6.- Le recourant a requis le bénéfice de l'assistance
judiciaire. Justifiant d'un revenu annuel de 9900 fr. et
d'une fortune attestée comme nulle par l'autorité commu-
nale, il doit être considéré comme étant dans le besoin au
sens de l'art. 152 al. 1 OJ. La complexité des questions

juridiques et de fait soulevées dans le cas d'espèce jus-
tifiant, par ailleurs, le recours à un conseil et ses con-
clusions n'apparaissant pas d'emblée vouées à l'échec, il
peut prétendre la désignation d'un conseil d'office
(art. 152 al. 2 OJ). Le requérant est rendu attentif au
fait qu'il devra rembourser la caisse du tribunal s'il
devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 152
al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires
de Me Olivier Chapuis sont fixés à 2025 fr. (plus la
taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale
et seront supportés par la caisse du tribunal.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Chambre des assurances, ainsi qu'à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 8 avril 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.55/01
Date de la décision : 08/04/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-08;p.55.01 ?
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