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08/04/2002 | SUISSE | N°6P.22/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 avril 2002, 6P.22/2002


«/2»
6P.22/2002/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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8 avril 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Angéloz.
___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Y.________, représenté par Me Grégoire Rey, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 14 décembre 2001 par la Cour de cassa-
tion genevoise dans la cause qui oppose le

recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(art. 9, 29 al. 2, 32 al. 1 Cst. et art. 6 ch. 2;
arbitrair...

«/2»
6P.22/2002/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

8 avril 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Angéloz.
___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Y.________, représenté par Me Grégoire Rey, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 14 décembre 2001 par la Cour de cassa-
tion genevoise dans la cause qui oppose le recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(art. 9, 29 al. 2, 32 al. 1 Cst. et art. 6 ch. 2;
arbitraire, droit d'être entendu, présomption
d'innocence)

Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1980, X.________ a créé à Genève la société
N.________ SA, dont le but était la gestion de fortune.
Y.________ est devenu actionnaire et administrateur de
cette société depuis le 24 janvier 1990. Dès 1987, il
s'était associé avec X.________ et Z.________, consti-
tuant la société G.________ SA, dont ils étaient tous
trois actionnaires et administrateurs et qui a donné man-
dat à N.________ SA de gérer conjointement les avoirs
confiés par les clients.

X.________, Y.________ et Z.________ recevaient les
avoirs des clients sous forme d'une remise de fonds, via
des garanties bancaires en faveur de N.________ SA et
G.________ SA. Les avoirs n'étaient pas déposés sur des
comptes individualisés, mais confondus dans les comptes
ouverts par les deux sociétés auprès de banques, dont la
banque M.________ à Zürich. La gestion des comptes était
censée s'effectuer grâce à un programme informatique
traitant d'opérations spéculatives sur devises.

Dès 1989, N.________ SA et G.________ SA ont essuyé
des pertes de change importantes. A la fin 1990, les so-
ciétés se trouvaient en état de grave surendettement. Les
opérations de change étaient généralement fictives et
systématiquement déficitaires.

Y.________ et ses associés ont caché cette situa-
tion à leurs clients, qui reçurent dès lors des relevés
falsifiés dans le but d'éviter qu'ils ne découvrent le

désastre et ne réclament le remboursement de leurs
avoirs. Les clients ont ainsi été induits à renouveler
leurs placements en main de N.________ SA et G.________
SA.

Pour éviter de prendre les mesures qui s'imposaient
et masquer les pertes des deux sociétés, les associés ont
en outre comptabilisé les débits consécutifs à ces pertes
dans les livres d'une société N.________ Company Ltd,
créée dans les îles vierges britanniques, dont les comp-
tes n'étaient pas remis au contrôleur des comptes des so-
ciétés suisses. Ces dernières comptabilisaient une
créance envers N.________ Company Ltd, en cachant le fait
qu'en réalité cette créance n'avait aucune valeur en rai-
son de la situation financière de cette société, qui n'a
jamais détenu quelque actif que ce soit.

Y.________ a persisté avec ses deux associés à at-
tirer de nouveaux clients en vantant faussement des per-
formances qui n'existaient pas et en taisant la déconfi-
ture du groupe. Les avoirs ainsi nouvellement confiés par
des clients dans l'erreur ont servi exclusivement à ga-
rantir les dettes des sociétés, à couvrir leurs frais de
fonctionnement, à rembourser les quelques clients qui en
ont fait la demande et à alimenter les dépenses largement
somptuaires de X.________.

En 1993, la banque M.________ a mis le groupe en
demeure de rembourser les encours. Les administrateurs
ont alors sollicité et obtenu un prêt de la banque
A.________, aux Bahamas. Ce prêt n'étant consenti que
contre remise en garantie par N.________ SA et G.________
SA d'un montant correspondant à l'intégralité du prêt,
X.________ a établi 21 fausses déclarations de clients de

N.________ SA et G.________ SA, selon lesquelles ceux-ci
donnaient leur accord pour que les avoirs soient mobili-
sés aux fins de garantie du prêt accordé par la banque
A.________.

N'ayant pas été intégralement remboursée, la banque
M.________ a fait appel, en décembre 1993, aux garanties
émises par les clients de N.________ SA et G.________ SA,
de sorte que les avoirs de ceux-ci confiés à ces deux so-
ciétés ont été utilisés pour amortir la dette de
N.________ Company Ltd envers la banque M.________.

La déconfiture des sociétés a été mise à jour en
1994. Il s'est notamment avéré que les déficits attei-
gnaient, au 31 décembre 1993, 84 millions de francs pour
N.________ SA et 70 millions de francs pour G.________ SA
et que X.________ avait prélevé 19 millions de francs sur
les actifs des sociétés pour assurer son propre train de
vie et financer d'autres activités sans rapport avec le
but social. Le dommage résultant de la déconfiture a été
évalué à 120 millions de francs.

B.- Par arrêt du 16 février 2001, la Cour d'assises
de Genève a notamment condamné Y.________, pour escroque-
ries commises par métier et gestions fautives, à la peine
de 2 ans de réclusion. Se fondant sur divers témoignages,
en particulier ceux de B.________, C.________, D.________
et E.________ ainsi que sur les déclarations des experts
entendus durant la procédure, elle a retenu que
Y.________ était manifestement au courant de tout ce qui
se déroulait dans les sociétés et en particulier des per-
tes de N.________ SA, qu'il avait pris part aux décisions

et que, comme chacun des associés, il savait ce que fai-
saient les autres, dont il avalisait l'attitude en ne
réagissant pas. Elle a considéré que, par son comporte-
ment, il s'était notamment rendu coupable, en qualité de
coauteur, d'escroqueries dans les 38 cas retenus dans les
réquisitions.

Contre cet arrêt, Y.________ a interjeté un pourvoi
en cassation, qui a été écarté par arrêt du 14 décembre
2001 de la Cour de cassation genevoise.

C.- Y.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Se plaignant d'une violation de son
droit d'être entendu, d'arbitraire dans l'appréciation
des preuves et d'une violation de la présomption d'inno-
cence, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en
sollicitant l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
qui sont invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 con-
sid. 1b p. 495 et les arrêts cités). Le recourant, sous
peine d'irrecevabilité, doit donc non seulement indiquer
quels sont les droits d'ordre constitutionnel qui, selon
lui, auraient été violés, mais démontrer en quoi consiste
cette violation (cf. ATF 110 Ia 1 consid. 2a).

2.- Le recourant reproche à l'autorité cantonale de
n'avoir pas indiqué sur quels éléments elle se basait
pour retenir le fait, dont elle a déduit qu'il avait par-
ticipé aux escroqueries commises au préjudice des clients
de N.________ SA, qu'il avait pris part aux décisions es-
sentielles concernant cette société, en violation de son
droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.

a) Le droit à une décision motivée est une compo-
sante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2
Cst. (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102). Il correspond à
l'obligation du juge de motiver sa décision de manière à
ce que son destinataire puisse la comprendre et l'atta-
quer utilement s'il y a lieu et à ce que l'autorité de
recours puisse exercer son contrôle (ATF 126 I 97 con-
sid. 2b p. 102). Il suffit, pour répondre à ces exigen-
ces, que le juge mentionne, au moins brièvement, les mo-
tifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa déci-
sion, de sorte que l'intéressé puisse se rendre compte de
la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de
cause; il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter
tous les arguments invoqués par les parties et il peut
passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à
l'évidence non établi ou sans pertinence (ATF 126 I 97
consid. 2b p. 102 s.; 124 II 146 consid. 2a p. 149; 124 V
180 consid. 1a p. 181; 123 I 31 consid. 2c p. 34; 123 II
175 consid. 6c p. 183 s.; 122 IV 8 consid. 2c p. 14 s.).

b) L'autorité cantonale a clairement expliqué ce
qui la conduisait à admettre que le recourant a partici-
pé, comme coauteur, aux escroqueries commises au préju-
dice des clients de N.________ SA et a notamment exposé
sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir

qu'il avait participé aux décisions essentielles concer-
nant cette société, à savoir divers témoignages, qu'elle
a expressément mentionnés, et les déclarations des ex-
perts entendus en cours de procédure. Elle a donc motivé
sa décision sur le point contesté et cette motivation est
suffisante; à la lecture de l'arrêt attaqué, le recourant
pouvait comprendre sans difficulté sur quels éléments
l'autorité cantonale s'était fondée pour retenir le fait
contesté. Le grief est par conséquent infondé.

3.- Le recourant soutient que le fait qu'il a pris
part aux décisions essentielles concernant les clients de
N.________ SA a été retenu en violation de la présomption
d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst et 6
ch. 2 CEDH, et en violation de l'interdiction de l'arbi-
traire, prohibée par l'art. 9 Cst.

a) La présomption d'innocence, garantie expressé-
ment par l'art. 6 ch. 2 CEDH et par l'art. 32 al. 1 Cst.,
ainsi que le principe "in dubio pro reo", qui en est le
corollaire, concernent tant le fardeau de la preuve que
l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c
p. 36). En tant que règles sur le fardeau de la preuve,
ces principes signifient, au stade du jugement, que le
fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le
doute doit profiter à l'accusé (ATF 120 Ia 31 consid. 2c
p. 37); comme règles de l'appréciation des preuves, ils
sont violés lorsque le juge, qui s'est déclaré convaincu,
aurait dû éprouver des doutes quant à la culpabilité de
l'accusé au vu des éléments de preuve qui lui étaient
soumis (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fé-
déral examine librement si ces principes ont été violés

en tant que règle sur le fardeau de la preuve, mais il
n'examine que sous l'angle de l'arbitraire la question de
savoir si le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-
dire celle de l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31
consid. 2e p. 38).

En l'espèce, le recourant fait valoir que le fait
contesté n'est établi par aucun élément du dossier. Ainsi
formulé, le grief revient clairement à se plaindre d'une
violation de la présomption d'innocence en tant que règle
de l'appréciation des preuves, de sorte que la cognition
du Tribunal fédéral est limitée à l'arbitraire. Le grief
se confond par conséquent avec celui d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves, également invoqué par le re-
courant, qui ne présente d'ailleurs pas d'argumentation
distincte à l'appui de l'un et l'autre grief.

b) Comme déjà relevé, l'autorité cantonale a indi-
qué sur quels éléments de preuve elle se basait pour re-
tenir le fait contesté (cf. supra, consid. 2b). Or le re-
courant n'établit nullement qu'il était arbitraire (sur
cette notion: cf. ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I
161 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée) de dé-
duire ce fait des éléments de preuve sur lesquels s'est
fondée l'autorité cantonale pour l'admettre. Sa motiva-
tion se réduit à l'affirmation que le dossier ne contient
aucun élément allant dans ce sens. Le grief est par con-
séquent irrecevable, faute de motivation qui satisfasse
un tant soit peu aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ (cf. supra, consid. 1).

4.- Le recours doit ainsi être rejeté dans la me-
sure où il est recevable.

Comme il était d'emblée dépourvu de chances de suc-
cès, l'assistance judiciaire ne saurait être accordée
(art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe, sup-
portera les frais (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 800 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général du canton de Ge-
nève et à la Cour de cassation genevoise.
______________

Lausanne, le 8 avril 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.22/2002
Date de la décision : 08/04/2002
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-08;6p.22.2002 ?
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