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05/04/2002 | SUISSE | N°I.57/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 avril 2002, I.57/01


«AZA 7»
I 57/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Meyer, Lustenberger,
Ferrari et Ursprung. Greffier : M. Métral

Arrêt du 5 avril 2002

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

A.________, intimé, représenté par Me Olivier Carré,
avocat, avenue de la Gare 33, 1003 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________, originair

e du Kosovo, a travaillé
clandestinement en Suisse de mai 1984 à août 1994, en
qualité de carreleur et de maçon. Il a été incapab...

«AZA 7»
I 57/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Meyer, Lustenberger,
Ferrari et Ursprung. Greffier : M. Métral

Arrêt du 5 avril 2002

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

A.________, intimé, représenté par Me Olivier Carré,
avocat, avenue de la Gare 33, 1003 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________, originaire du Kosovo, a travaillé
clandestinement en Suisse de mai 1984 à août 1994, en
qualité de carreleur et de maçon. Il a été incapable de
travailler à partir du mois de juillet 1994, en raison de
douleurs lombaires, et a dû être opéré d'une hernie discale
le 2 septembre 1994, au Centre hospitalier X.________. Il
n'a pas repris le travail depuis lors et déposa une demande
de prestation de l'assurance-invalidité le 15 février 1995.
D'après un rapport rédigé le 2 août 1995 par le médecin

traitant de A.________, le docteur B.________, celui-ci
présentait une incapacité de travail totale en raison de
lombalgies sur hernie discale paramédiane L5-S1 gauche et
de lombalgies pour hernie discale à droite (L4-L5), avec
une nette participation psychogène (rapport du 2 août
1995).
Par décision du 18 avril 1997, l'Office de l'assu-
rance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'of-
fice AI) rejeta la demande de prestations de A.________, au
motif que ce dernier séjournait illégalement en Suisse.
Cette décision fut déférée au Tribunal des assurances du
canton de Vaud, qui l'annula par jugement du 16 octobre
1997. La juridiction cantonale considéra en effet que
A.________ était assuré au moment de la survenance de
l'invalidité, en dépit de sa situation illégale en Suisse,
de sorte qu'il pouvait en principe prétendre des presta-
tions de l'assurance-invalidité. Elle renvoya la cause à
l'office AI pour qu'il détermine les prestations dues à
A.________.

b) Le dossier de ce dernier fut notamment complété par
un rapport rédigé le 6 juin 1997 par le docteur C.________,
neurologue, faisant état d'un syndrome douloureux chronique
sans signe d'atteinte radiculaire, après cure de hernie
discale L5-S1 en 1994. L'office AI a également obtenu de
nouveaux rapport de la part du docteur B.________, décri-
vant notamment un état anxio-dépressif, avec des troubles
digestifs fonctionnels et des précordialgies itératives; le
médecin traitant préconisait une psychothérapie et décla-
rait son patient totalement incapable de travailler (rap-
ports des 5 et 17 novembre 1998). Pour sa part, l'assuré
produisit un jugement rendu le 30 octobre 1998, dans la
cause l'opposant à son ancien employeur, par le Tribunal
cantonal vaudois (Cour civile), qui cite largement une
expertise réalisée les 19 janvier et 11 mars 1998 par le
docteur C.________ et en résume les conclusions.

Par décision du 9 mars 2000, l'office AI refusa
d'allouer ses prestations à A.________, au motif que ce
dernier ne présentait pas d'atteinte à la santé justifiant
une incapacité de travail.

B.- A.________ interjeta un recours contre cette
décision, en produisant notamment un certificat médical
établi le 31 mars 2000 par son médecin traitant. Par
jugement du 31 octobre 2000, le Tribunal des assurances du
canton de Vaud annula la décision de l'office AI et lui
retourna la cause pour qu'il alloue une rente entière
d'invalidité à A.________.

C.- L'office AI interjette un recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation.
L'intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office
fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- L'office recourant soutient que la procédure menée
devant la juridiction cantonale était viciée, car cette
dernière ne l'a pas invité à se déterminer sur le jugement
du 30 octobre 1998 du Tribunal cantonal vaudois (Cour
civile); de même la juridiction cantonale aurait-elle dû
lui transmettre l'expertise réalisée par le docteur Regli.
Ce moyen n'est pas fondé, dès lors que, quoi qu'il en
dise, le recourant a eu tout loisir de se déterminer sur le
jugement cité, auquel A.________ s'était largement référé
dans ses écritures au Tribunal des assurances du canton
de Vaud. La juridiction cantonale l'a en effet invité, par
courrier des 26 avril et 28 juillet 2000 à se déterminer
sur le recours et la réplique déposés par A.________, en
lui offrant la possibilité de prendre connaissance du

dossier au greffe du tribunal. Son droit d'accéder au
dossier et de se déterminer sur son contenu (cf. ATF
126 I 10 consid. 2b, 16 consid. 2 a/aa et les arrêts cités)
n'a donc pas été violé.
Le recourant avait le droit d'obtenir l'administration
de preuves pertinentes et valablement offertes, ainsi que
celui d'y participer (cf. ATF 126 I 16 consid. 2 a/aa et
les arrêts cités). Ce droit lui permettait d'obtenir la
production de l'expertise litigieuse et de poser des
questions au docteur C.________, mais supposait qu'il en
fasse la demande. A défaut d'avoir présenté une telle
requête, il ne peut se prévaloir d'une violation de son
droit d'être entendu. Tout au plus peut-il contester
l'appréciation, par les premiers juges, de la valeur
probante du jugement du 30 octobre 1998 du Tribunal
cantonal vaudois (Cour civile), en tant qu'il rapporte le
contenu de l'expertise réalisée par le docteur C.________.

2.- L'office recourant conteste ensuite la qualité
d'assuré de l'intimé, en raison de l'illégalité de sa
présence en Suisse.
Par jugement du 16 octobre 1997, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a déjà statué sur cette
question. Or, son jugement est entré en force faute d'avoir
été entrepris par les parties dans le délai légal. Au
demeurant, les considérants des premiers juges sur la
qualité d'assuré de l'intimé sont pertinents si bien que
l'on peut se limiter à renvoyer à leurs considérants.

3.- Le recourant conteste enfin le taux d'invalidité
retenu par les premiers juges.

a) Le jugement entrepris expose correctement les
règles fixées aux art. 4 et 28 LAI, relatifs à la notion
d'invalidité, à l'échelonnement des rentes selon le taux

d'invalidité de l'assuré et à la manière d'évaluer ce taux,
de sorte qu'on peut y renvoyer.
On ajoutera que le juge des assurances sociales doit,
quelle que soit leur provenance, examiner l'ensemble des
moyens de preuve de manière objective et décider s'ils
permettent de trancher la question des droits litigieux de
manière sûre. Si tel n'est pas le cas, il doit mettre en
oeuvre une expertise ou renvoyer la cause à l'assureur
social pour instruction complémentaire (cf. ATF 122 V 162
consid. 1d). Avant de conférer pleine valeur probante à un
rapport médical, le juge s'assurera que les points liti-
gieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prend
également en considération les plaintes exprimées par la
personne examinée, qu'il a été établi en pleine connais-
sance de l'anamnèse, que la description du contexte médical
et l'appréciation de la situation médicale sont claires et
enfin que les conclusions de l'expert sont dûment motivées
(ATF 125 V 352 consid. 3a et la référence).

b) Les premiers juges se sont largement fondés sur
l'expertise des 19 janvier et 11 mars 1998 du docteur
C.________, dont ils n'avaient connaissance qu'au travers
de la relation qui en était faite dans le jugement du
30 octobre 1998 du Tribunal cantonal vaudois. Dans la
mesure où ce jugement ne reproduit que partiellement
l'expertise et résume les conclusions de l'expert, ce qui
implique une part d'interprétation, il ne revêt qu'une
valeur probante limitée. Au demeurant, contrairement à ce
qu'ont retenu les premiers juges, il ne ressort pas de
cette pièce que le docteur C.________ a exclu la possi-
bilité pour l'assuré de reprendre, à 50 %, une activité
professionnelle lui permettant de ménager son dos; si
l'expert semble se montrer, certes, dubitatif quant aux
possibilités pour l'assuré d'exercer une telle activité, ce

n'est pas tant à cause des limites imposées par son état de
santé, sur le plan physique, qu'en raison de sa longue
période d'inactivité.
Les premiers juges ne pouvaient pas davantage se
fonder sur les rapports établis par le médecin traitant de
l'assuré, qui n'ont eux aussi qu'une valeur probante limi-
tée, en raison de leur caractère sommaire. Ils ne permet-
tent en effet pas de déterminer dans quelle mesure le
docteur B.________ attribue l'incapacité de travail dont il
fait état à des atteintes à la santé physique de l'assuré,
à des troubles d'ordre psychique, ou à des facteurs socio-
culturels. Ce praticien avait constaté, en 1995 déjà, une
nette surcharge psychogène chez l'assuré (rapport du 2 août
1995) et fait état d'importants problèmes psychosomatiques
dans son rapport du 31 mars 2000.
Les moyens de preuves figurant au dossier ne permet-
tant pas de se prononcer en connaissance de cause, ni le
recourant, ni les premiers juges ne pouvaient statuer sur
l'invalidité de l'assuré, de sorte que le dossier doit être
complété. Vu les probables interactions entre les troubles
psychiques dont fait état le docteur B.________ et les at-
teintes à la santé physique de l'assuré, il convient de
faire procéder à une expertise pluridisciplinaire par un
neurologue et un psychiatre. Cette mesure d'instruction est
en effet la mieux appropriée pour déterminer quelles acti-
vités sont encore accessibles à l'assuré, compte tenu de
ses limites fonctionnelles, et dans quelle mesure son état
de santé psychique lui permet encore d'exercer de telles
activités. Aussi la cause sera-t-elle renvoyée au recourant
afin qu'il rende une nouvelle décision, après avoir mis en
oeuvre une expertise pluridisciplinaire. Il veillera à
mettre à disposition des experts qu'il mandatera un dossier
médical complet, comprenant également l'expertise des
19 janvier et 11 mars 1998 réalisée par le docteur
C.________.

4.- a) D'après l'art. 159 al. 6 OJ, le Tribunal
fédéral des assurances confirme, annule ou modifie, selon
le résultat du procès, la décision de la juridiction
cantonale qui a condamné l'une des parties aux dépens.
Le recours déposé par A.________ devant la juridiction
cantonale était bien fondé, dans la mesure où la cause sera
renvoyée à l'office AI pour instruction complémentaire et
nouvelle décision. L'assuré pouvait donc prétendre l'allo-
cation de dépens par les premiers juges (cf. ATF 110 V 57
consid. 3a; SVR IV 10 28 consid. 3), de sorte que le point
IV du dispositif du jugement entrepris, par lequel une
indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée à l'assuré pour
la procédure cantonale, doit être maintenu.

b) Pour la procédure fédérale, ni le recourant, qui
agit en qualité d'autorité (art. 159 al. 2 OJ), ni l'in-
timé, qui succombe (art. 159 al. 1 OJ), n'ont droit à des
dépens. La procédure est par ailleurs gratuite, le litige
portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance
(art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et les chiffres I à III du
jugement du 31 octobre 2000 du Tribunal des assurances
du canton de Vaud, ainsi que la décision du 9 mars
2000 de l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud sont annulés.

II. La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-
invalidité pour instruction complémentaire au sens des
considérants et nouvelle décision.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de
dépens.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 avril 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.57/01
Date de la décision : 05/04/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-05;i.57.01 ?
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