La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2002 | SUISSE | N°1A.40/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 avril 2002, 1A.40/2002


{T 0/2}
1A.40/2002/dxc

Arrêt du 5 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

C. ________ Holding Company Limited,
F.________ Limited,
M.________ Investments Limited,
D.________ Design Limited,
recourantes,
toutes les quatre représentées par Me Mohamed Mardam Bey, rue
Charles-Bonnet
2, 1206 Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genè

ve, Leonardo Malfanti, case
postale 3344,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four...

{T 0/2}
1A.40/2002/dxc

Arrêt du 5 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

C. ________ Holding Company Limited,
F.________ Limited,
M.________ Investments Limited,
D.________ Design Limited,
recourantes,
toutes les quatre représentées par Me Mohamed Mardam Bey, rue
Charles-Bonnet
2, 1206 Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, Leonardo Malfanti, case
postale 3344,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Belgique

(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du canton de Genève du 9 janvier 2002)

Faits:

A.
Le 5 janvier 2001, le Ministère de la justice du Royaume de Belgique a
adressé à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral)
une
demande d'entraide judiciaire, établie le 18 décembre 2000 par Jaak
Lambrecht, Juge d'instruction du Tribunal de première instance de
Bruges.
Cette demande, fondée sur la Convention européenne d'entraide
judiciaire en
matière pénale, conclue à Strasbourg le 20 avril 1959, entrée en
vigueur le
20 mars 1967 pour la Suisse et le 11 novembre 1975 pour la Belgique
(CEEJ; RS
0.351.1), était présentée pour les besoins de la procédure ouverte
contre le
ressortissant belge S.________, prévenu d'escroquerie. Selon l'exposé
des
faits joint à la demande, rédigé en néerlandais et accompagné d'une
traduction française, S.________, se présentant comme un des
partenaires
d'une société texane dénommée P.________ B.________ & Associates
Inc., aurait
amené les époux X.________, parties civiles, à lui confier des fonds,
en vue
de la réalisation d'investissements immobiliers au Texas. Il
ressortait de
l'enquête que P.________ B.________ & Associates Inc. se trouvait en
relation
avec une société de Gibraltar dénommée M.________ Investments
(ci-après:
M.________). Celle-ci acquérait des terrains au Texas, qu'elle mettait
ensuite à disposition d'investisseurs, par lots d'un prix de 100'000
USD
l'unité. La vente de ces terrains, après leur mise en valeur, pouvait
produire une plus-value de 500 % dans les trois à cinq ans. Les
plaignants
s'étaient portés acquéreurs de six lots, par l'entremise de
S.________.
Celui-ci avait caché le fait que les terrains n'étaient pas acquis par
P.________ B.________ & Associates Inc. directement, mais par
M.________, qui
les revendait à P.________ B.________ & Associates Inc. en réalisant
à chaque
fois un bénéfice très important, correspondant à la différence entre
le prix
de vente, surfait, et le prix réel. Le bénéfice était reversé à
M.________,
ainsi qu'à une société de Jersey dénommée F.________. M.________ et
F.________ étaient contrôlées par S.________, P.________, B.________
et le
ressortissant suisse W.________. Ce système délictueux, mis en oeuvre
à très
grande échelle, aurait produit un bénéfice total de 15 millions USD.
Le Juge
Lambrecht soupçonnait S.________ d'avoir acheminé une partie du butin
sur des
comptes ouverts en Suisse, soit en son nom ou de membres de sa
famille, soit
au nom de sociétés ou de tiers impliqués dans l'affaire. La demande
tendait
notamment à la saisie et à l'identification des titulaires du compte
n°________ ouvert auprès de la banque A.________ à Genève, ainsi que
des
comptes détenus ou contrôlés par S.________, quatre tierces
personnes, et par
les sociétés C.________ Holdings S.A. (ci-après: C.________),
J.________
Estate et M.________, toutes domiciliées à Genève auprès de
W.________.

Le 22 janvier 2001, l'Office fédéral a confié l'exécution de la
demande au
Juge d'instruction du canton de Genève. Celui-ci a rendu, le 13
février 2001,
une décision d'entrée en matière, ordonnant la saisie de la
documentation
requise auprès de la banque A.________ et de la banque E.________ à
Genève,
ainsi que le blocage des comptes en question.

Le 23 mars 2001, la banque A.________ a remis au Juge d'instruction la
documentation relative aux comptes suivants:
1) n°________ ,dont M.________ est la titulaire et P.________ l'ayant
droit;
2) n°________, dont C.________ est la titulaire et S.________ l'ayant
droit;
3) n°________, dont F.________ est la titulaire et P.________ l'ayant
droit;
4) n°________, dont la société D.________ Design Ltd (ci-après:
D.________)
est la titulaire et S.________ l'ayant droit.

Le 27 août 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision de clôture
portant sur la transmission de la documentation remise par la banque
A.________. Après avoir considéré que la condition de la double
incrimination
était remplie et le principe de la proportionnalité respecté, le Juge
d'instruction a rappelé le principe de la spécialité.

Le 9 janvier 2002, la Chambre d'accusation du canton de Genève a
rejeté le
recours formé par C.________, F.________, M.________ et D.________
contre la
décision du 27 août 2001, qu'elle a confirmée.

B.
Agissant conjointement par la voie du recours de droit administratif,
C.________ Holding Company Ltd, F.________ Ltd, M.________
Investments Ltd et
D.________ Design Ltd demandent principalement au Tribunal fédéral
d'annuler
la décision du 9 janvier 2002 et de constater l'irrecevabilité de la
demande
d'entraide, subsidiairement d'annuler la décision du 9 janvier 2002 et
d'inviter l'Etat requérant à compléter la demande. Encore plus
subsidiairement, elles requièrent le retrait de certaines pièces de la
documentation à transmettre. Elles invoquent les art. 14 CEEJ et 28
et 64
EIMP, ainsi que le principe de la proportionnalité.

La Chambre d'accusation et le Juge d'instruction se réfèrent à leurs
décisions. L'Office fédéral propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'entraide entre la Belgique et la Suisse est régie par la CEEJ.
Les
dispositions de ce traité l'emportent sur le droit autonome qui régit
la
matière, soit en l'occurrence l'EIMP et l'OEIMP. Celles-ci restent
toutefois
applicables aux questions non réglées, explicitement ou
implicitement, par le
droit conventionnel, et lorsque cette loi est plus favorable à
l'entraide que
la Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2
p. 142;
120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib
269
consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Est réservée l'exigence du
respect
des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat
requérant et
la saisie de comptes bancaires (cf. art. 25 al. 1 EIMP).

1.3 Au regard de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art.
9a let.
a OEIMP, les recourantes ont qualité pour agir contre la décision
confirmant
la transmission de la documentation relative aux comptes dont elles
sont les
titulaires (ATF 127 II 198 consid. 2d p. 205; 126 II 258 consid.
2d/aa p.
260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362, et les arrêts cités).

1.4 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid.
1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les
arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour
accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269
consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés
sans être
toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier
d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des
dispositions
applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119
Ib 56
consid. 1d p. 59). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide
en
matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits
évoqués dans
la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont
présentés, ils
constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits
décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou
contradictions
évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa p.
501; 118
Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c p. 88, et les
arrêts
cités). Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée émane d'une
autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans
la
décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont
été établis au mépris des règles essentielles de la procédure (art.
105 al. 2
OJ; ATF 123 II 134 consid. 1e p. 137; 113 Ib 257 consid. 3d p. 266;
112 Ib
576 consid. 3 p. 585).

2.
Selon les recourantes, l'exposé des faits joint à la demande serait
inexact,
incomplet et incohérent.

2.1 La demande d'entraide doit indiquer: l'organe dont elle émane et
le cas
échéant, l'autorité pénale compétente (art. 14 al. 1 let. a CEEJ et
28 al. 2
let. a EIMP); son objet et ses motifs (art. 14 al. 1 let. b CEEJ et
28 al. 2
let. b EIMP); la qualification juridique des faits (art. 14 al. 2
CEEJ et 28
al. 2 let. c EIMP); la désignation aussi précise et complète que
possible de
la personne poursuivie (art. 14 al. 1 let. c CEEJ et 28 al. 2 let. d
EIMP).
Les indications fournies à ce titre doivent simplement suffire pour
vérifier
que la demande n'est pas d'emblée inadmissible (ATF 116 Ib 96 consid.
3a p.
101; 115 Ib 68 consid. 3b/aa p. 77). Lorsque la demande tend, comme en
l'espèce, à la remise de documents bancaires, l'Etat requérant ne
peut se
borner à communiquer une liste des personnes recherchées et des
sommes qui
auraient été détournées; il lui faut joindre à la demande des éléments
permettant de déterminer, de manière minimale, que les comptes en
question
auraient été utilisés dans le déroulement des opérations délictueuses
poursuivies dans l'Etat requérant (arrêt 1A.211/1992 du 29 juin 1993).

2.2 Les recourantes tiennent l'exposé des faits joint à la demande
pour
incomplet. Elles se réfèrent sur ce point à la plainte pénale déposée
à
Genève contre W.________, administrateur de M.________ et F.________,
dans un
complexe de fait analogue, mettant en cause P.________ B.________ &
Associates Inc. en relation avec l'achat de terrains au Texas. Le 23
mai
2000, le Procureur général du canton de Genève avait classé cette
plainte,
faute de compétence des autorités genevoises pour en connaître et
pour défaut
de prévention à raison du caractère lacunaire de la plainte. Le 2
novembre
2000, la Chambre d'accusation a rejeté le recours formé contre ce
classement,
qu'elle a confirmé.

L'argument n'est pas déterminant. La procédure d'entraide, de nature
administrative, ne constitue pas le prolongement, sur le territoire
de l'Etat
requis, de la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant. Quant à
son
contenu, la demande d'entraide n'est pas soumise à des exigences aussi
strictes qu'une plainte destinée à mettre en mouvement l'action
pénale.
L'entraide judiciaire a pour but de permettre aux autorités de l'Etat
requérant de rassembler des éléments de preuve, à charge et à
décharge,
qu'elles ne peuvent recueillir directement elles-mêmes, sauf à violer
la
souveraineté de l'Etat requis. Celui-ci ne doit pas considérer la
demande à
la même aune qu'une plainte pénale qui lui serait directement
adressée, mais
simplement vérifier, de manière minimale, que la démarche de l'Etat
requérant
n'est pas abusive. A suivre les recourantes, l'octroi de l'entraide
serait
subordonné à la condition que la plainte formée en Belgique par les
époux
X.________ eût été recevable si elle avait été présentée au Procureur
général
du canton de Genève, ce qui est hors de propos.

2.3 Selon les recourantes, la demande ne permettrait pas d'établir
que le
plaignant ait subi un préjudice, ni de déterminer le montant de
celui-ci.

La demande évalue le préjudice des époux X.________ à 600'000 USD
(exposé des
faits, ch. 1). Plus loin, le Juge Lambrecht a indiqué que les
plaignants ont
investi des fonds dans six lots offerts par P.________ B.________ &
Associates Inc., pour un montant total de 746'454,70 USD. De ce
montant,
426'615 USD auraient été remboursés « dans la première période », le
solde
s'élevant ainsi à 319'839,70 USD. Le Juge Lambrecht a ajouté: « Ce
montant et
le préjudice subi par les plaignants s'élèvent entre temps à 636'988
USD le
21.03.99, une somme approuvée par S.________ »(exposé des faits, ch.
3).
Considéré isolément, ce passage est difficilement compréhensible, car
on ne
discerne pas, au premier abord, de quels éléments se compose le
dommage de
636'988 USD, arrêté au 21 mars 1999, ni la nature et la portée de la
confirmation donnée par S.________ sur ce point. Pour saisir le sens
de la
demande - laquelle aurait sans doute mérité d'être plus explicite à
cet égard
- il faut replacer l'élément mis en exergue par les recourantes dans
son
contexte. La demande indique clairement que S.________ aurait fait
miroiter
aux investisseurs la possibilité de réaliser un bénéfice faramineux,
de
l'ordre de 500 % dans un intervalle de trois à cinq ans. Alors que les
investisseurs croyaient
acquérir les terrains en question directement
de
P.________ B.________ & Associates Inc. au prix du marché, P.________
B.________ & Associates Inc. faisait simplement office
d'intermédiaire avec
M.________, laquelle vendait les terrains aux investisseurs, via
P.________
B.________ & Associates Inc., à des prix totalement surfaits. Cette
technique
dite du « flipping », dont la demande donne des exemples éloquents
(ch. 4 de
la demande), aurait permis à M.________ de réaliser des bénéfices
substantiels, partagés avec P.________ B.________ & Associates Inc. et
S.________. P.________ B.________ & Associates Inc., soit pour elle
les
investisseurs, était devenue propriétaire de terrains totalement
surévalués,
partant irréalisables sur le marché. La différence entre le prix réel
et le
prix surfait payé par les investisseurs (de l'ordre du double),
constituait
le profit de M.________ et P.________ B.________ & Associates Inc.
(dominées
par les mêmes personnes) et le montant de la perte subie par les
investisseurs. Ainsi compris, l'exposé des faits joint à la demande
peut
encore être tenu pour suffisant au regard des exigences des art. 14
CEEJ et
28 EIMP.

2.4 Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, il existe un
lien
suffisant entre les faits décrits dans la demande et les comptes
saisis.
P.________, l'un des associés de P.________ B.________ & Associates
Inc., est
l'ayant droit des comptes détenus par M.________ et F.________ (nos 1
et 3).
S.________ est l'ayant droit des comptes détenus par C.________ et
D.________
(nos 2 et 4). C.________, J.________ et M.________ sont domiciliées
auprès de
R.________ S.A. (ci-après: R.________), soit chez W.________. Ces
éléments,
cités pour la plupart dans la demande elle-même, suffisent pour
justifier la
saisie de la documentation relative à ces comptes, et le blocage de
ceux-ci,
afin de vérifier si, comme le soupçonnent les autorités de l'Etat
requérant,
une partie du produit des infractions reprochées à S.________ aurait
été
virée sur ces comptes.

2.5 Il importe peu que les époux X.________ soient les seuls
investisseurs à
avoir déposé plainte contre S.________ ou qu'ils soient mus par le
dépit de
n'avoir pas réalisé le profit substantiel escompté, comme l'affirment
les
recourantes. Le nombre de plaignants et leur motivation profonde
n'est pas
déterminant pour apprécier la validité de la demande. De même, il est
sans
importance que celle-ci ne précise pas que S.________ est également
poursuivi
pour abus de confiance et faux dans les titres. On ne voit pas en
quoi une
telle omission pourrait accréditer la thèse, défendue par les
recourantes,
selon laquelle le véritable objectif des autorités de l'Etat
requérant serait
de dévoiler un délit fiscal. Le principe de la spécialité, rappelé
dans la
décision de clôture, empêche au demeurant l'Etat requérant d'utiliser
les
documents remis par la Suisse dans le cadre de l'entraide pour la
répression
de délits fiscaux, pour autant que ceux-ci ne soient pas assimilables
à des
escroqueries fiscales en droit suisse (art. 2 let. a CEEJ et 3 al. 3
EIMP;
cf. ATF 125 II 250).
Le grief est ainsi mal fondé, ce qui prive la conclusion subsidiaire
du
recours de son objet.

3.
Sous l'angle de la double incrimination, les recourantes contestent
que la
condition de l'astuce, constitutive de l'escroquerie au sens de
l'art. 146
CP, soit remplie en l'espèce.

3.1 La remise de documents bancaires et la saisie d'avoirs placés sur
des
comptes bancaires constituent des mesures de contrainte au sens de
l'art. 63
al. 2 let. c et d EIMP, qui ne peuvent être ordonnées, selon l'art.
64 al. 1
EIMP, que si l'état de fait exposé dans la demande correspond aux
éléments
objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. L'examen de
la
punissabilité selon le droit suisse comprend, par analogie avec
l'art. 35 al.
2 EIMP applicable en matière d'extradition, les éléments constitutifs
objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières
du
droit suisse en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II
184
consid. 4b p. 186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib 448
consid. 3a
p. 451, et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les
faits
incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même
qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de
punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils
soient
réprimés dans les deux Etats comme des délits donnant lieu
ordinairement à la
coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117
Ib 337
consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les arrêts cités).

3.2
3.2.1L'escroquerie se définit, en droit suisse, comme le fait de
celui qui,
dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un
enrichissement
illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des
affirmations
fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou exploite
l'erreur
dans laquelle se trouve une personne et détermine de la sorte la
victime à
des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un
tiers
(art. 146 ch. 1 CP). L'astuce au sens de cette disposition est
réalisée non
seulement lorsque l'auteur utilise un édifice de mensonges, des
manoeuvres
frauduleuses ou une mise en scène, mais aussi lorsqu'il fait de
fausses
déclarations dont la vérification ne serait possible qu'au prix d'un
effort
particulier ou ne pourrait raisonnablement être exigée, ou encore
lorsque
l'auteur dissuade la victime de les contrôler, voire prévoit, d'après
les
rapports de confiance particuliers qui le lient à la victime, que
celle-ci ne
les vérifiera pas (ATF 126 IV 165 consid. 2a p. 171/172; 122 IV 146
consid.
3a p. 426/427; 120 IV 122 consid. 6a/bb p. 132/133, 186 consid. 1a p.
187/188; 119 IV 30 consid. 3a p. 34/35, et les arrêts cités).
L'astuce n'est
cependant pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum
d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on
pouvait
attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait
escroquerie, que
la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et de la plus
grande
prudence possibles; le point déterminant n'est pas de savoir si elle
fait
tout ce qui était en son pouvoir pour éviter d'être trompée (ATF 126
IV 165
consid. 2a p. 171/172; 122 IV 246 consid. 3a p. 247/248; arrêt
6S.504/2001 du
25 octobre 2001, destiné à la publication, consid. 3a; arrêt
6S.346/1999 du
30 novembre 1999, reproduit in: SJ 2000 I p. 234). Pour apprécier si
l'auteur
a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre les mesures de
précaution
élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne
raisonnable et expérimentée aurait réagi à sa place; il faut au
contraire
prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle
que
l'auteur la connaît et l'exploite (ATF 120 IV 186 consid. 1a p. 188).
Que la
victime ait investi dans des opérations spéculatives par appât d'un
profit
considérable et immédiat ne signifie pas nécessairement qu'elle ait
ainsi
implicitement accepté d'être trompée, à raison du risque même
déraisonnable
qu'elle a pris (arrêt 6P.172/2000 du 14 mai 2001, consid. 8).

3.2.2 Selon l'exposé des faits joint à la demande, les auteurs de
l'escroquerie poursuivie auraient agi de la manière suivante:
M.________
aurait acquis des bien-fonds au Texas, puis les aurait revendu
(généralement
pour un montant équivalent au double du prix d'achat) à P.________
B.________
& Associates Inc. (société dominée par les mêmes personnes physiques
que
celles contrôlant M.________); S.________, agissant comme
intermédiaire pour
P.________ B.________ & Associates Inc., aurait proposé aux victimes
d'acquérir des parts des lots offerts par P.________ B.________ &
Associates
Inc. à la vente, en leur faisant miroiter une plus-value de l'ordre
de 500 %
pour une période de trois à cinq ans; S.________ et P.________
B.________ &
Associates Inc. auraient caché aux acquéreurs le fait que les lots
n'étaient
pas acquis directement par celle-ci, mais auprès de M.________; au
bout du
compte, les acquéreurs auraient acheté les lots pour un prix surfait,
correspondant au bénéfice empoché au passage tant par M.________,
lors de la
vente à P.________ B.________ & Associates Inc., que par celle-ci,
lors de la
revente aux victimes. Ce mode opératoire implique la mise en oeuvre
d'une
machination, consistant à cacher l'existence et l'intervention de
M.________,
ainsi que l'identité des ayants droit de celle-ci. Cette construction
peut, à
première vue, être qualifiée d'astucieuse, parce qu'elle repose sur la
dissimulation d'un fait déterminant: la participation de M.________
comme
intermédiaire a pour effet de faire augmenter artificiellement le
prix des
lots, sans aucune autre raison que celle d'amener les acquéreurs à
payer un
prix surfait. Quant aux victimes, domiciliées en Europe, elles se
trouvaient
de fait dans l'impossibilité de déjouer le traquenard tendu, par
exemple en
vérifiant la valeur vénale des terrains en question. On ne pouvait en
tout
cas pas attendre d'un médecin belge, ignorant du marché immobilier
texan,
qu'il puisse éventer le piège. Une personne prudente aurait sans
doute dû se
méfier de promesses de profits à ce point considérables. Mais son seul
attrait d'un gain immense, rapide et facile, ne suffit pas, selon la
jurisprudence qui vient d'être rappelée, à la rendre coresponsable du
dommage
subi.
Il importe peu, à cet égard, que S.________ n'était pas un organe de
P.________ B.________ & Associates Inc., mais seulement un courtier,
car,
selon l'exposé des faits joint à la demande, les autorités de l'Etat
requérant le soupçonnent d'avoir été de mèche avec P.________
B.________ &
Associates Inc., jouant le rôle de rabatteur. Il n'est pas davantage
déterminant que les contrats de souscription ne contenaient, en
eux-mêmes,
aucune indication fausse ou de nature à tromper les cocontractants;
l'astuce
consistait précisément à cacher un élément essentiel de la
transaction.
Enfin, le dommage subi par les investisseurs est double: ils ont payé
un prix
surfait des terrains qui ne valent pas la moitié de ce qu'ils ont
payé; sans
même parler d'un bénéfice, ils n'ont aucune perspective de retrouver
leur
mise de départ. Qu'ils cherchent par ailleurs à limiter leurs pertes
en
tentant de se défaire des lots litigieux au meilleur prix, n'est rien
que de
très normal.

4. Les recourantes invoquent le principe de la proportionnalité.

4.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les
mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité.
L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la
découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat
requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont
nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans
l'Etat
requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de
poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui
permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des
preuves
déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne
saurait sur
ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat
chargé de
l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que
si les
actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et
manifestement
impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande
apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve
(ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251
consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi
l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées
et
d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241
consid.
3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68,
et les
arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la demande
selon le
sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une
interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les
conditions
à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite
aussi une
éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid, 3a p. 243).
Sur
cette base peuvent aussi être transmis des renseignements et des
documents
non mentionnés dans la demande (arrêt non publié D. du 7 décembre
1998,
consid. 5). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière
claire
et précise, en quoi les documents et informations à transmettre
excéderaient
le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la
procédure
étrangère (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c
p.
371/372). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds
d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de
toutes les
transactions opérées au nom des sociétés et des comptes impliqués dans
l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c p. 244).

4.2 Dans un premier moyen développé sous l'angle du défaut de
motivation de
la demande (cf. consid. 2 ci-dessus), les recourantes font valoir que
la
documentation bancaire saisie serait inutile à l'enquête en cours, le
montant
du prix des lots vendus
ayant été viré directement sur les comptes de
P.________ B.________ & Associates Inc. aux Etats-Unis. Cet argument
ne vaut
rien. Les autorités belges soupçonnent S.________ d'avoir fait virer
sa part
du butin, par l'entremise de M.________ et de F.________, sur les
comptes
saisis. En d'autres termes, ces comptes n'auraient pas servi au flux
des
paiements effectués en faveur de P.________ B.________ & Associates
Inc.,
mais au reflux du partage des bénéfices des opérations délictueuses
dont
S.________ est soupçonné.

4.3 Dans un deuxième moyen, les recourantes s'opposent à la
transmission de
pièces dévoilant l'identité de clients d'une société R.________.

4.3.1 La référence à des tiers non impliqués est hors de propos,
puisque la
disposition y relative (l'art. 10 EIMP dans sa teneur originale) a été
abrogée lors de la révision du 4 octobre 1996.

4.3.2 Même si les recourantes ne l'indiquent pas de manière précise
dans
l'acte de recours, il faut admettre qu'elles se réfèrent aux pièces 2
à 7 du
bordereau joint au recours cantonal. Il convient de prendre acte de
ce que,
sous l'angle du principe de la proportionnalité, l'objet du litige se
limite
à ces seules pièces.

Le 14 avril 1994, R.________ s'est adressée à la banque E.________
(devenue
la banque A.________ dans l'intervalle), pour demander l'annulation
des
pouvoirs de gérance délégués à la société J.________ S.A. La banque a
retourné à R.________ une liste des sociétés concernées, parmi
lesquelles
figuraient les recourantes C.________ et F.________, mais aussi
vingt-trois
autres sociétés. Le 16 mai 1995, R.________ a donné à des tiers des
pouvoirs
de gérance sur un certain nombre de comptes, dont les nos 1, 2 et 3,
mais
aussi ceux de dix-sept autres personnes physiques ou morales, qui ne
sont pas
citées dans la demande d'entraide, sous réserve de P.________. La
Chambre
d'accusation a estimé que la transmission de ces documents pouvait
être utile
dans la mesure où ils concernaient J.________. Il est possible que
sur ce
point, la Chambre d'accusation ait confondu J.________ S.A. et
J.________
Estate, seule cette dernière étant citée dans la demande. Cette
confusion
n'est cependant pas décisive. La demande met en évidence le rôle
qu'aurait
joué W.________, dirigeant de R.________, comme comparse de
S.________,
P.________ et B.________; elle cite expressément J.________ Estate
comme
l'une des sociétés dont les comptes doivent être saisis. Il est dès
lors
conforme au principe de l'« utilité potentielle », qui vient d'être
rappelé,
de signaler aux autorités de l'Etat requérant tous les liens pouvant
exister
entre W.________, R.________, J.________ Estate et J.________ S.A. Au
demeurant, les renseignements dont la communication est contestée sont
d'importance mineure: ils indiquent tout au plus quels comptes gérait
R.________ et les noms de leurs titulaires. La transmission d'autres
informations à leur sujet nécessiterait la présentation d'une demande
complémentaire.

5. Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la
charge des
recourantes (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens
(art. 159
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument de 5000 fr. est mis à la charge des recourantes. Il
n'est pas
alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourantes, au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève,
ainsi
qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires
internationales,
Section de l'entraide judiciaire internationale (B 124735 GOP).

Lausanne, le 5 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.40/2002
Date de la décision : 05/04/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-05;1a.40.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award