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04/04/2002 | SUISSE | N°C.20/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 avril 2002, C.20/02


«AZA 7»
C 20/02
C 21/02
C 22/02 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Ursprung et Frésard.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 4 avril 2002

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Luc Epiney,
avocat, route de l'Hôpital 4, 3960 Sierre,

contre

Caisse publique cantonale valaisanne de chômage, place du
Midi 40, 1951 Sion, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

A.- A.________ a demandé à b

énéficier des indemnités
de chômage dès le 1er septembre 1994. Du 1er décembre 1994
au 30 novembre 1995, elle a annoncé réaliser des gain...

«AZA 7»
C 20/02
C 21/02
C 22/02 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Ursprung et Frésard.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 4 avril 2002

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Luc Epiney,
avocat, route de l'Hôpital 4, 3960 Sierre,

contre

Caisse publique cantonale valaisanne de chômage, place du
Midi 40, 1951 Sion, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion

A.- A.________ a demandé à bénéficier des indemnités
de chômage dès le 1er septembre 1994. Du 1er décembre 1994
au 30 novembre 1995, elle a annoncé réaliser des gains
intermédiaires en travaillant en qualité de secrétaire-
réceptionniste à l'hôtel X.________. Selon les attestations
de gain intermédiaire, elle a travaillé à mi-temps
(21 heures par rapport à un horaire hebdomadaire de travail
à plein temps de 42 heures) pour un salaire mensuel de
1700 fr.

A partir du 1er juin 1996, elle a de nouveau fait
valoir un droit à l'indemnité de chômage. Du 1er juin 1996
au 31 août 1996, elle a travaillé, comme précédemment, au
service de l'établissement précité, en annonçant un gain
intermédiaire de 1700 fr. également.
De septembre jusqu'à fin novembre 1996, l'assurée a
séjourné à l'étranger. Du 6 décembre 1996 au 15 avril 1997,
elle a travaillé à 80 pour cent, toujours au service du
même établissement. Elle n'a plus perçu d'indemnités de
chômage.
Le 15 mars 1997, l'employeur a informé la salariée que
son horaire de travail serait réduit à partir du même jour.
Aussi bien l'employée s'est-elle de nouveau annoncée à
l'assurance-chômage, en avril 1997. La Caisse publique
cantonale valaisanne de chômage (ci-après : la caisse) a
rendu une décision, le 16 mai 1997, par laquelle elle a
statué qu'aucune indemnité ne pouvait être versée à
l'assurée pour la période du 16 avril au 30 avril 1997,
attendu que le salaire payé par l'employeur était supérieur
à l'indemnité de chômage due pour la même période.
L'assurée a de nouveau bénéficié d'indemnités compen-
satoires, en raison des gains intermédiaires (1700 fr. par
mois), qu'elle a annoncés entre mai 1997 et avril 1998. Le
8 juin 1998, la caisse a rendu une décision par laquelle
elle a nié le droit à l'indemnité compensatoire au motif
que le droit à la compensation était limité à une période
de 12 mois. Elle a précisé que l'indemnité continuerait à
être versée à l'assurée après déduction du revenu réalisé,
pour autant que toutes les conditions du droit à l'indem-
nité fussent réunies. L'assurée a continué à travailler au
service de l'hôtel X.________, en déclarant, par l'inter-
médiaire de son employeur, un salaire mensuel inchangé de
1700 fr., pour 21 heures de travail. Un quatrième
délai-cadre d'indemnisation lui a été ouvert dès le
16 avril 1999.

B.- A la suite d'un appel téléphonique de l'office
régional de placement du 22 juillet 1999, A.________ a
écrit le même jour à cet office pour lui confirmer «(son)
travail à plein temps pour les mois de juillet et août»;
l'assurée précisait que les heures supplémentaires accom-
plies durant ces deux mois seraient «rattrapées» durant la
basse saison. Le 7 septembre 1999, probablement à la suite
d'une demande de la caisse, l'assurée a envoyé à celle-ci
ses «fiches horaires» depuis le mois de mai 1996.
Le 24 septembre 1999, la caisse a écrit à l'assurée
pour l'informer qu'elle avait réexaminé son dossier et
qu'il apparaissait que, d'un commun accord avec l'emplo-
yeur, l'employée avait déclaré des gains intermédiaires
réguliers pour une activité à 50 pour cent, alors qu'elle
travaillait selon un rythme saisonnier avec des périodes
durant lesquelles elle était occupée à 100 pour cent. La
caisse invitait en conséquence l'assurée à lui communiquer
un relevé exact des heures effectivement travaillées dès le
mois de décembre 1994. L'assurée a répondu, le 27 septembre
1999, que les fiches d'horaire de travail pour l'année 1995
n'avaient pas été conservées par l'employeur.
Le 8 novembre 1999, la caisse a rendu une décision par
laquelle elle a nié, avec effet rétroactif, le droit à
l'indemnité pour les périodes du 1er décembre 1994 au
30 novembre 1995 et du 1er mai 1997 au 30 juin 1997. Cette
décision était motivée par le fait que l'assurée n'avait
pas été en mesure de fournir un relevé des heures accom-
plies pour les périodes susmentionnées. Par conséquent, son
activité n'était pas contrôlable de telle sorte qu'il y
avait lieu de considérer qu'elle avait eu un emploi à
100 pour cent et, en conséquence, qu'elle n'avait subi
aucune perte de travail.
Par une deuxième décision du même jour, la caisse a
prononcé à l'endroit de l'assurée une suspension du droit à
l'indemnité pour une durée de 31 jours dès le 1er septembre
1999 au motif qu'elle avait fourni à la caisse de fausses
informations en ce qui concerne son horaire de travail.

Par une troisième décision, du 9 novembre 1999, la
caisse a exigé de l'assurée la restitution d'un montant de
16 523 fr. 35.

C.- A.________ a recouru contre ces trois décisions. A
l'appui de son recours, elle a notamment produit ses fiches
de salaire pour les années 1994 à 1999, ainsi que des
certificats de salaire de l'employeur pour les périodes
1995/1996 et 1997/1998.
La Commission cantonale valaisanne de recours en ma-
tière de chômage a rejeté les recours par trois jugements
rendus le 8 novembre 2001.

D.- Par des mémoires séparés et agissant par le même
mandataire, A.________ interjette recours de droit
administratif contre ces trois jugements, dont elle re-
quiert l'annulation.
La caisse et la commission de recours ont conclu au
rejet des recours. Quant au Secrétariat d'Etat à l'économie
(seco), il ne s'est pas prononcé à leur sujet.

Considérant en droit :

1.- Les recours sont formés par la même personne,
contre trois jugements rendus par la même autorité dans le
même complexe de fait. Il se justifie de joindre les causes
et de statuer par un seul arrêt (ATF 127 V 33 consid. 1,
123 II 20 consid. 1).

2.- Dans ses écritures, la recourante reproche en
substance aux premiers juges de n'avoir pas tenu compte des
moyens de preuve qu'elle a proposés en procédure cantonale
(décomptes des heures travaillées depuis le mois de mai
1996, fiches de salaire; attestations de salaire pour ses
déclarations fiscales). Implicitement tout au moins, elle
se prévaut d'une violation de son droit d'être entendue.

a) aa) Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,
le droit d'être entendu comprend le droit pour l'intéressé
de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une
décision ne soit prise touchant sa situation juridique, le
droit de produire des preuves pertinentes, de prendre con-
naissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à
ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'admi-
nistration des preuves essentielles ou à tout le moins de
s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 127 I 56 consid. 2b,
122 V 158 consid. 1a; Andreas Auer/Giorgio Malin-
verni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse,
vol. II, p. 613 sv.).

bb) Par ailleurs, en vertu des art. 35 al. 1 et 61
al. 2 PA (applicables par le renvoi de l'art. 1er al. 3
PA), les juridictions cantonales de dernière instance com-
pétentes en matière d'assurances sociales sont tenues de
motiver les décisions qu'elles rendent. Dans le domaine de
l'assurance-chômage, cette obligation est rappelée à
l'art. 103 al. 6 LACI, qui, précisément, renvoie à
l'art. 1er al. 3 PA lorsqu'il s'agit d'une procédure devant
l'autorité cantonale de dernière instance. Selon la juris-
prudence (arrêt P. du 27 mars 2001 [H 249/00]), cette
réglementation a la même portée que le droit d'obtenir une
décision motivée qui a été déduit du droit d'être entendu
garanti à l'art. 4 aCst., aujourd'hui formalisé à l'art. 29
al. 2 Cst. En d'autres termes, le juge des assurances so-
ciales doit motiver ses décisions, mais il n'a toutefois
pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits,
ou moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il
peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire,
peuvent être tenus pour pertinents. Il suffit, de ce point
de vue, que les parties puissent se rendre compte de la
portée de la décision prise à leur égard et, le cas
échéant, recourir contre celle-ci en connaissance de cause
(ATF 126 I 102 consid. 2b, 124 V 181 consid. 1a, 123 I 34
consid. 2c).

b) aa) En l'espèce, les trois jugements attaqués se
trouvent dans une étroite relation d'interdépendance, en ce
sens que la demande de restitution et la suspension du
droit à l'indemnité découlent du fait que la caisse, dans
l'une de ses décisions, a nié rétroactivement le droit de
l'assurée aux indemnités de chômage.
Le jugement attaqué, relatif à ce dernier aspect du
litige, retient ce qui suit :

«En l'espèce, l'assurée a annoncé par les attestations de
gains intermédiaires avoir travaillé à 50% auprès de l'hô-
tel X.________ du 1er décembre 1994 au 30 novembre 1995 et
du 1er mai 1997 au 30 juin 1997. Suite à un contrôle de la
Caisse, au mois de septembre 1999, l'assurée n'a pas été en
mesure de fournir le décompte des heures de travail effec-
tuées durant les périodes susmentionnées.
Par conséquent, la Caisse a considéré que son activité
n'était pas suffisamment contrôlable et a prononcé une
décision de refus du droit à l'indemnité pour les périodes
incriminées. Selon les directives de l'OFDE, l'activité
dont l'horaire de travail n'est pas contrôlable sera répu-
tée activité à plein temps (Bulletins AC 98/1 fiche 44).
Comme l'a relevé très justement la Caisse, les pièces dépo-
sées lors du recours ne sauraient infirmer la décision
prise, car l'assurée a admis que les attestations de gains
intermédiaires, formellement signées par l'employeur, ne
correspondaient pas à la réalité. Dès lors, il y a de sé-
rieux doutes de la valeur probante des fiches personnelles
de salaires, des déclarations d'impôts. La Commission est
d'avis que la décision de la Caisse s'avère bien fondée et
qu'elle doit dès lors être confirmée.»

bb) Sur le vu de ces considérants, il apparaît tout
d'abord que la juridiction cantonale n'a procédé à aucune
appréciation des preuves proposées par la recourante,
qu'elle a écartées d'emblée, en en mettant en doute la
valeur probante. Elle ne s'est fondée sur aucune circons-
tance bien concrète pour qualifier de douteuses ces preu-
ves. En indiquant que l'assurée avait admis que les attes-
tations de gains intermédiaires ne correspondaient pas à la
réalité, les premiers juges se réfèrent probablement aux
déclarations de l'intéressée du 22 juillet 1999, selon
lesquelles elle travaillerait à plein temps au cours des
mois de juillet et août 1999 et que les heures supplémen-
taires accomplies à cette occasion seraient compensées

durant les mois de basse saison. Mais cet élément, à lui
seul, ne permet pas de tirer des conclusions - en tout cas
pas définitives - sur la situation qui prévalait en 1994,
1995 et 1997. Il ne s'agit pas d'une circonstance qui jus-
tifie que l'on rejette sans les discuter - et en bloc -
l'ensemble des preuves proposées par la recourante.

cc) Par ailleurs, sur le fond, la motivation des pre-
miers juges est insuffisante. Pour ce qui est du droit à
l'indemnité durant les périodes litigieuses, elle se résume
à des affirmations qui ne constituent pas une démonstration
de l'absence de ce droit. Cette motivation méritait d'être
étayée par des faits précis de nature à établir que, durant
les périodes en cause, l'activité n'était pas suffisamment
contrôlable, contrairement à ce qui ressortait, en particu-
lier, des déclarations de la recourante et des attestations
de gains intermédiaires fournies par son employeur. On peut
d'ailleurs se demander si ce dernier n'aurait pas dû être
entendu en procédure cantonale. Le fait que l'assurée n'a
pas été en mesure de fournir le décompte d'heures de tra-
vail pour les périodes du 1er décembre 1994 au 30 décembre
1995 et du 1er mai 1997 au 30 juin 1997 n'est pas en soi un
élément qui suffit pour admettre qu'elle était réputée tra-
vailler à plein temps : il est rare qu'un salarié, quel que
soit son secteur d'activité, établisse - et surtout conser-
ve des années durant - les relevés exacts de ses heures de
travail.
Cette absence de véritable motivation empêche non
seulement la recourante de critiquer valablement les déci-
sions attaquées, mais aussi le Tribunal fédéral des assu-
rances de se prononcer sur le litige.
Par ailleurs, ni la décision administrative ni le
jugement relatifs à la restitution des prestations qui
auraient été versées indûment ne font mention de la période
à laquelle cette restitution se rapporte. Ce jugement indi-
que, sans autres précisions, qu'il s'agit des prestations
touchées par l'assurée depuis le 1er décembre 1994. La

recourante part de l'idée qu'il s'agit des prestations
accordées - et prétendument versées à tort - de décembre
1994 à juillet 1999. Il paraît toutefois ressortir d'un
décompte de la caisse daté du 9 novembre 1996 que le
montant soumis à restitution s'élèverait durant cette
période à 21 030 fr. 10 (et non 16 523 fr. 35). On ne
discerne au demeurant pas les motifs pour lesquels,
apparemment, la restitution porterait sur une période plus
étendue que la période pour laquelle le droit de l'assurée
a été nié (1er décembre 1994 au 30 novembre 1995 et 1er mai
1997 au 30 juin 1997).
La tâche de l'administration ou d'une autorité canto-
nale de recours ne se limite pas à constituer un dossier
dans lequel le Tribunal fédéral des assurances devrait, en
cas de recours, rechercher les éléments déterminants pour
pouvoir
statuer (cf. ATF 123 II 54 consid. 6). L'établisse-
ment des faits déterminants suppose au contraire que le
juge de première instance présente ceux-ci de manière aussi
fidèle et précise que possible, le cas échéant en démêlant
les résultats de la procédure probatoire et en portant à
leur sujet une appréciation (arrêt P., déjà mentionné).
Cette exigence s'impose tout particulièrement quand l'af-
faire est - comme en l'espèce - relativement complexe et
que les faits sont contestés par l'administrée avec de
nombreuses pièces à l'appui.

3.- Indépendamment de la violation du droit d'être
entendue de la recourante en ce qui concerne l'appréciation
des preuves - droit de nature formelle et dont la violation
entraîne l'annulation des jugements attaqués -, le Tribunal
fédéral des assurances n'est pas en mesure de se prononcer
sur les questions litigieuses.
La cause doit ainsi être renvoyée à l'autorité canto-
nale pour qu'elle statue à nouveau, en procédant à une
appréciation des preuves proposées par la recourante et, si
nécessaire, en complétant l'instruction du cas, puis pour
qu'elle statue à nouveau.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Les causes C 20/02, C 21/02 et C 22/02 sont jointes.

II. Les jugements de la Commission cantonale valaisanne de
recours en matière d'assurance-chômage du 8 novembre
2001 sont annulés.

III. La cause est renvoyée à ladite commission pour nouvel-
le décision au sens des motifs.

IV. Il n'est pas perçu de frais de justice.

V. La Caisse publique cantonale valaisanne de chômage
versera à la recourante la somme de 4000 fr. (y com-
pris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour l'instance fédérale.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale valaisanne de recours en matière
de chômage ainsi qu'au Secrétariat d'Etat à l'écono-
mie.

Lucerne, le 4 avril 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.20/02
Date de la décision : 04/04/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-04;c.20.02 ?
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