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03/04/2002 | SUISSE | N°1P.50/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 avril 2002, 1P.50/2002


{T 0/2}
1P.50/2002/col

Arrêt du 3 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Féraud, Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

X.________, légalement représenté par sa mère Y.________, recourant,
représenté par Me Yasmine Djabri, avocate, rue du Clos 5-7, 1207
Genève,

contre

Z.________, intimé, représenté par Me Salomé Paravicini, avocate,
cours des
Bastion

s 15, 1205 Genève,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
C...

{T 0/2}
1P.50/2002/col

Arrêt du 3 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Féraud, Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

X.________, légalement représenté par sa mère Y.________, recourant,
représenté par Me Yasmine Djabri, avocate, rue du Clos 5-7, 1207
Genève,

contre

Z.________, intimé, représenté par Me Salomé Paravicini, avocate,
cours des
Bastions 15, 1205 Genève,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3108, 1211 Genève 3,
Cour correctionnelle sans jury du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1,
case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst. et 6 § 2 CEDH; procédure pénale

(recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du
canton de
Genève du 31 août 2001 et contre l'arrêt de la Cour correctionnelle
sans jury
du canton de Genève du 18 décembre 2001)
Faits:

A.
Le 11 juillet 1997, A.________, né le 26 mars 1976, a déposé plainte
contre
son oncle, Z.________, pour infractions à l'art. 189 aCP. Il exposait
avoir
fait l'objet, avec son frère aîné X.________, d'actes d'ordre sexuel
entre
l'âge de six et douze ans, de la part de son oncle et de son père,
B.________, décédé le 6 juin 1988. Ces derniers les auraient
contraints à
visionner en pleine nuit des films pornographiques dans la cave de
leur
immeuble, à l'insu de leur mère et des autres membres de la famille;
ils se
seraient masturbés à plusieurs reprises devant eux, les contraignant
à en
faire de même; Z.________ aurait en outre obligé son frère X.________,
atteint de trisomie, à lui faire une fellation; il l'aurait aussi
humilié en
raison de son handicap, puis battu à plusieurs reprises pour qu'il se
soumette à ses désirs. A.________ déclarait n'avoir pris conscience
de ces
faits que depuis son hospitalisation le 15 juin 1997 à la Clinique
psychiatrique de Belle-Idée, à Chêne-Bourg, à la suite d'une
tentative de
suicide.
Ces accusations ont été corroborées par X.________ lors d'un
entretien que ce
dernier a eu le 16 septembre 1997 en présence de sa mère, Y.________,
et de
S.________, directeur du foyer dans lequel il était placé. A cette
occasion,
le jeune homme aurait notamment déclaré que Z.________ lui touchait «
son
machin » à la cave, en désignant son sexe, et qu'il y avait des films
qu'il
n'avait pas envie de regarder. S.________ a indiqué que X.________
n'avait
jamais fait allusion auparavant à des problèmes sexuels qu'il aurait
eus avec
son père ou avec son oncle. A l'audience de jugement, il a précisé
que le
jeune homme avait répondu librement aux questions qui lui étaient
posées,
ajoutant qu'il n'avait pas eu l'impression que X.________ inventait
ce qu'il
disait et qu'il ne pensait pas que l'on aurait pu lui faire apprendre
une
leçon. Y.________ a déclaré pour sa part ne s'être rendue compte de
rien,
alors même qu'elle dormait tous les soirs à la maison, ajoutant que
son mari
devait agir tard dans la nuit, durant son sommeil. Elle a précisé
qu'avisé
des accusations portées contre lui, Z.________ s'était rendu à la
Clinique
Belle-Idée pour rendre visite à son neveu et qu'il avait déclaré
avoir « fait
cela pour rire et pour leur éducation ». Ces propos ont été confirmés
par le
plaignant.

Z. ________ a contesté les faits qui lui étaient reprochés,
reconnaissant
uniquement avoir visionné des films pornographiques avec le père de
ses
neveux dans la cave en l'absence de ces derniers et s'être livré à
des jeux
sexuels avec des jeunes femmes. Il a nié avoir tenu les propos qu'on
lui
prête lors de la visite faite à son neveu, à la clinique.

C. ________, le frère cadet de A.________, a déclaré que son père
venait
plusieurs fois par semaine la nuit dans sa chambre à coucher pour le
caresser
sous son training et qu'il faisait alors semblant de dormir. Il a
indiqué que
son oncle ne l'avait jamais touché et qu'il n'était jamais descendu à
la
cave. Il a également précisé que ses deux frères lui proposaient des
jeux à
connotation sexuelle et que ces agissements avaient cessé avec le
décès de
leur père. Il a toutefois constaté à une reprise que son frère
X.________
avait peur de se rendre à la cave.
Le Docteur R.________, médecin psychiatre à la Clinique Belle-Idée, a
reçu
les confidences de A.________ lors de son hospitalisation en juin
1997. Le
jeune homme, qui avait déjà séjourné en clinique à quatre reprises
parce
qu'il développait des idées paranoïaques et délirantes liées à l'abus
d'alcool, lui aurait alors indiqué par bribes successives que son père
l'avait abusé sexuellement, qu'il l'obligeait à pratiquer des jeux
sexuels
avec son frère, auxquels son oncle participait de temps à autre. Il
montrait
alors une émotion intense et disait en pleurant que sa vie était
foutue.
Selon , médecin à la Clinique Belle-Idée, A.________ lui aurait
confié avoir
été victime, ainsi que ses deux autres frères, d'abus sexuels pendant
son
enfance de la part de son père et d'un de ses oncles. Il parlait de
mises en
scène dans lesquelles ils devaient se mettre nus dans un lit et
procéder à
des attouchements entre eux. A.________ était alors partagé entre
l'admiration qu'il portait à son père et à son oncle, d'une part, et
le
dégoût que ceux-ci lui inspiraient en raison des actes commis. Selon
ce
praticien, les troubles de la personnalité dont souffrait le jeune
homme
étaient le résultat de ce conflit. V.________, assistante sociale à la
Clinique Belle-Idée, a suivi A.________ pendant quatre à six mois.
Elle a
précisé que l'obsession du jeune homme portait essentiellement sur
les actes
que son frère X.________ avait dû subir et qu'il avait connu une
période
agressive contre sa mère, à qui il reprochait de ne rien avoir
remarqué. Le
jeune homme n'aurait pas voulu parler de ces faits avant, car son
père était
bien considéré dans son village et son oncle faisait partie de la
police.

O. ________, qui était l'amie de Z.________ de 1978 à 1985,
G.________, la
compagne du prévenu, le frère de ce dernier, E.________, et ses
soeurs,
F.________ et H.________, n'ont jamais rien constaté d'anormal dans le
comportement du prévenu vis-à-vis de ses neveux.
La soeur cadette de X.________, I.________, a déclaré que son frère
A.________ venait souvent dormir dans son lit, à partir de Noël 1987
et
jusqu'au décès de son père, mais qu'il ne lui avait jamais fait de
confidences en relation avec les faits dénoncés; elle a précisé
n'avoir
jamais constaté chez son frère X.________ un comportement hors norme
ni, du
vivant de son père, d'autres faits pouvant être utiles à la
procédure; elle a
toutefois surpris une conversation entre X.________ et sa mère dans
laquelle
celui-ci déclarait avoir été tiré à la cave, puis avoir dû sucer
Z.________
et qu'il n'avait pas aimé. Dans une lettre produite à l'audience de
jugement,
J.________, un ami de A.________, a notamment rapporté que ce dernier
lui
avait indiqué que son frère X.________ parlait du sexe de son père et
simulait par geste l'acte de la masturbation. A.________ aurait
également
évoqué un film qu'il aurait été contraint de voir dans la cave en
compagnie
de son père et de son oncle, sans toutefois fournir plus de
précisions.

X. ________ a fait l'objet d'une expertise de crédibilité confiée au
Docteur
T.________, médecin assistant au Département de psychiatrie des
Hôpitaux
universitaires de Genève. Au terme de son rapport établi le 7 juillet
1998,
l'expert relève que les déclarations de l'expertisé ne sont pas en
contradiction avec celles de son frère A.________, même si elles sont
floues
et peu détaillées; elle souligne qu'elles ne sont que partiellement
crédibles, compte tenu de l'état psychique dépressif dans lequel se
trouvait
leur auteur. Interrogée par le Juge d'instruction en charge du
dossier, elle
n'a pu exclure que les faits rapportés par X.________ aient été
antérieurement entendus par lui, puis constitués en tant que
souvenirs, non
sans ajouter que les paroles sur le sujet étaient prononcées
douloureusement
et avec une charge émotive réelle. A l'audience de jugement, elle a
précisé
que le jeune homme était partiellement crédible parce qu'elle n'avait
pas pu
recueillir les propos que celui-ci avait tenus au cours de la
procédure
pénale; elle a également estimé que X.________ n'avait pas pu
apprendre une
leçon, associant à une manivelle de caméra un mouvement rotatif que
celui-ci
avait fait avec sa main lors de sa première entrevue. L'expertise de
crédibilité de A.________ n'a pas pu avoir lieu en raison du suicide
du jeune
homme survenu le 4 février 1998. Y.________ a déposé plainte pour le
compte
de son fils X.________ le 18 mars 1998 et s'est constituée partie
civile.
Au cours de l'instruction, Z.________ a produit une lettre datée du 28
novembre 1997, émanant de les époux M.________, dans laquelle ces
derniers
faisaient valoir que les actes imputés à feu B.________ et à son frère
étaient impossibles et qu'ils s'étaient déroulés uniquement dans la
tête de
A.________. M.________ a déclaré que cette lettre différait
partiellement de
celle que le prévenu lui avait remise pour signature. Selon le rapport
d'expertise graphologique établi le 17 juin 1998 par N.________,
conseiller
en criminalistique auprès du pouvoir judiciaire, la signature apposée
au bas
de cette lettre ne correspond pas à celle de M.________. L'expert a
confirmé
les conclusions de son rapport à l'audience de jugement.

B.
Par arrêt du 15 décembre 2000, la Cour correctionnelle du canton de
Genève
(ci-après: la Cour correctionnelle), siégeant sans le concours du
jury, a
reconnu Z.________ coupable d'attentat à la pudeur d'une personne
inconsciente ou incapable de résistance (art. 189 aCP), au préjudice
de son
neveu X.________, et de faux dans les titres (art. 251 CP), et l'a
condamné à
la peine de trois ans, trois mois et vingt-cinq jours de réclusion,
les
droits de la partie civile étant réservés pour le surplus.
Cette autorité a considéré que Z.________ avait commis les actes
d'ordre
sexuel qui lui étaient reprochés en se fondant sur les déclarations
concordantes des victimes, que plusieurs témoignages venaient
corroborer,
estimant inconcevable que A.________ ait pu se faire l'auteur d'une
dénonciation mensongère, impliquant son frère trisomique. Elle a
également
retenu que Z.________ s'était rendu coupable de faux dans les titres
en
imitant la signature des époux M.________ sur la lettre du 28
novembre 1997
et en remettant celle-ci au Juge d'instruction pour améliorer sa
position
dans la procédure pénale.
Contre cet arrêt, Z.________ a interjeté un pourvoi que la Cour de
cassation
du canton de Genève (ci-après: la Cour de cassation ou la cour
cantonale) a
partiellement admis; en conséquence, elle a acquitté l'accusé de la
prévention d'infractions à l'art. 189 aCP, a annulé l'arrêt attaqué
et a
renvoyé la cause à la Cour correctionnelle afin qu'elle fixe une
peine pour
infraction à l'art. 251 CP. Elle a estimé en substance que si
l'établissement
des faits pris isolément échappait au grief d'arbitraire, une lecture
attentive du dossier laissait planer un doute que les premiers juges
auraient
dû constater et qui auraient dû les amener à acquitter le prévenu de
l'accusation d'attentat à la pudeur d'une personne inconsciente ou
incapable
de résistance. X.________ a formé contre cet arrêt, rendu le 31 août
2001, un
recours de droit public que le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable
en
application de l'art. 87 al. 2 OJ au terme d'un arrêt rendu le 5
novembre
2001.
Statuant à nouveau le 18 décembre 2001, la Cour correctionnelle a
condamné
Z.________ à la peine de trois mois d'emprisonnement, avec sursis
pendant
trois ans, pour faux dans les titres.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler les arrêts de la Cour correctionnelle du 18
décembre 2001 et de la Cour de cassation du 31 août 2001 et de
confirmer
l'arrêt rendu par la Cour correctionnelle le 15 décembre 2000.
Invoquant
l'art. 9 Cst., il reproche à la cour cantonale d'avoir substitué
indûment son
appréciation à celle de l'autorité inférieure et d'avoir fait une
application
arbitraire du principe « in dubio pro reo » en acquittant son oncle,
au
bénéfice du doute, de la prévention fondée sur l'art. 189 aCP. Il
requiert
l'assistance judiciaire.
La Cour de cassation se réfère à son arrêt. Le Procureur général du
canton de
Genève conclut à l'admission du recours. Z.________ propose de le
rejeter,
dans la mesure où il est recevable; il requiert l'assistance
judiciaire. La
Cour correctionnelle n'a pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 148
consid. 1a
p. 151, 166 consid. 1 p. 168 et les arrêts cités).

1.1 Seul le recours de droit public est ouvert pour se plaindre d'une
appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui
en
découlent, à l'exclusion du pourvoi en nullité auprès de la Cour de
cassation
pénale du Tribunal fédéral (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Il en va
de même

du grief tiré de la violation de la présomption d'innocence,
consacrée aux
art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH, et de son corollaire la maxime « in
dubio
pro reo » (ATF 120 Ia 31 consid. 2b p. 35/36).

1.2 Selon une jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par
une
infraction n'a en principe pas la qualité, au sens de l'art. 88 OJ,
pour
former un recours de droit public contre une décision de classement
de la
procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est
pas lésé
dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de
ne pas
poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97
consid.
1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255); un tel intérêt est cependant
reconnu
à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique,
selon les art. 2 al. 1 et 8 al. 1 let. c de la loi fédérale sur
l'aide aux
victimes d'infractions (LAVI). Le Tribunal fédéral examine librement
si une
personne est une victime au sens de cette disposition (ATF 122 IV 71
consid.
3a p. 76; 120 Ia 157 consid. 2d p. 162 et les arrêts cités). En
l'espèce, le
recourant est directement touché dans son intégrité sexuelle par les
faits
dénoncés, indépendamment de leur réalité, de sorte qu'il a la qualité
de
victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Il était partie à la procédure
cantonale en qualité de partie civile et l'acquittement prononcé par
la Cour
de cassation est de nature à influencer le jugement de ses prétentions
civiles. Les conditions posées par l'art. 8 al. 1 let. c LAVI sont
donc
réalisées. Le recourant dispose ainsi des mêmes droits que l'inculpé
et peut
remettre en cause la constatation des faits et l'appréciation des
preuves par
la voie du recours de droit public (ATF 120 Ia 157 consid. 2c p. 162).

1.3 Le recours est par ailleurs recevable au regard de l'art. 86 al.
1 OJ en
tant qu'il est formé contre l'arrêt de la Cour de cassation du 31
août 2001,
pour les raisons évoquées dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 5
novembre 2001
(1P.628/2001; voir aussi, ATF 117 Ia 251 consid. 1b p. 254/255). En
revanche,
il est irrecevable, sous l'angle de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, en
tant qu'il
est dirigé contre l'arrêt de la Cour correctionnelle du 18 décembre
2001, en
l'absence de toute motivation en relation avec la conclusion en
annulation de
cette décision. Il en va de même de la conclusion tendant à ce que le
Tribunal fédéral confirme l'arrêt rendu par la Cour correctionnelle
le 15
décembre 2000 (cf. ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 127 III 279 consid.
1b p.
282).
Sous ces réserves, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours.

2.
Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant reproche à la cour cantonale
d'avoir
substitué indûment son appréciation à celle de l'autorité inférieure
et
d'avoir fait une application arbitraire du principe « in dubio pro
reo » en
acquittant son oncle de la prévention fondée sur l'art. 189 aCP, au
bénéfice
du doute.

2.1 Saisi d'un recours de droit public pour violation de
l'interdiction de
l'arbitraire ancrée à l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral n'annule la
décision
attaquée que si elle méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique
clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le
sentiment de la
justice ou de l'équité. En d'autres termes, le Tribunal fédéral ne
s'écarte
de la solution retenue en dernière instance cantonale - en ce qui
concerne
notamment l'appréciation des preuves - que si elle est insoutenable,
en
contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été
adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit
pas que
la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il
qu'elle soit
arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41, 54
consid. 2b p.
56 et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, la Cour de cassation cantonale a, elle
aussi, revu
sous l'angle de l'arbitraire l'appréciation des preuves à laquelle
s'est
livrée la Cour correctionnelle, la maxime « in dubio pro reo »
n'ayant pas
une portée plus étendue dans ce cadre (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 2e
p. 31;
118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Elle s'est ainsi référée à la
jurisprudence du
Tribunal fédéral, selon laquelle la présomption d'innocence interdit
au juge
de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la
culpabilité. Ce faisant, elle n'a pas outrepassé le rôle qui lui est
dévolu
en tant qu'autorité de recours contre les jugements de la Cour
correctionnelle (cf. SJ 1992 p. 225 consid. 4c/bb p. 230/231; Jacques
Droin,
Le pouvoir d'examen de la Cour genevoise de cassation à la lumière
d'arrêts
récents, in Etudes en l'honneur de Dominique Poncet, Genève 1997, p.
34). Des
doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne
suffisent
cependant pas à exclure une condamnation; la présomption d'innocence
n'est
donc invoquée avec succès que s'il apparaît, à l'issue d'une
appréciation
exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, que le juge aurait dû
éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur la culpabilité de
l'intéressé (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p.
87; 120
Ia 31 consid. 2 p. 33). Il ne s'ensuit pas, pour le Tribunal fédéral,
l'obligation de se limiter à examiner sous l'angle de l'arbitraire si
l'autorité cantonale de recours est elle-même tombée dans
l'arbitraire; ce
mode de faire réduirait pratiquement à néant le rôle assigné dans ce
domaine
au juge constitutionnel. Il appartient bien plutôt à celui-ci de
revoir sans
réserve l'usage que l'autorité cantonale de recours a fait de son
pouvoir
d'examen limité en matière d'appréciation des preuves (ATF 125 I 492
consid.
1a/cc p. 494; 111 Ia 353 consid. 1b p. 355).

2.2 La Cour de cassation a estimé que si l'établissement des faits
pris
isolément échappait au grief d'arbitraire, une lecture attentive du
dossier
laissait planer un doute que les premiers juges auraient dû constater
et qui
aurait dû les amener à acquitter le prévenu du chef d'accusation
d'attentat à
la pudeur d'une personne inconsciente ou incapable de résistance.
Elle a vu
un premier élément de doute dans les incertitudes qu'éveillait la
fragilité
des dénonciations et de leurs auteurs, découlant des circonstances
tragiques
ayant empêché l'exécution de l'expertise de crédibilité de A.________
et du
rapport d'expertise qui conclut au caractère partiellement crédible
des
déclarations de son frère X.________. Elle a également vu d'autres
facteurs
de doute dans l'éloignement dans le temps des infractions dénoncées,
qui
n'aurait pas permis de récolter beaucoup de témoignages fiables, dans
le fait
que personne n'avait rien remarqué alors même que le recourant criait
et se
débattait dès qu'il reconnaissait l'entrée de la cave, et dans
l'absence de
crainte et d'hostilité, que A.________ affirmait ressentir à l'égard
de son
oncle, transparaissant sur la cassette visionnée par la Cour
correctionnelle
et sur le mot qu'il a accroché à la porte de son oncle.
Il est exact que A.________ souffrait de troubles psychiques, qui
l'ont amené
à séjourner à plusieurs reprises à la Clinique Belle-Idée; sa dernière
hospitalisation faisait cependant suite à une tentative de suicide et
non à
des délires paranoïaques consécutifs à une alcoolisation excessive;
en outre,
la mère de A.________ et les médecins qui ont recueilli ses
confidences n'ont
émis aucune réserve sur sa sincérité et la crédibilité de ces propos
en
raison de son état de santé psychique. Le jeune homme a d'ailleurs
confirmé
ses déclarations à la police, puis devant le Juge d'instruction après
sa
sortie de clinique, de sorte qu'elles ne sauraient en principe être
remises
en doute en raison des troubles de la personnalité dont il souffrait.
De
même, pour regrettable qu'elle soit, l'absence d'une expertise de
crédibilité
de A.________ ne permet pas encore de dénier toute crédibilité aux
accusations portées à l'encontre de son oncle; celles-ci devaient au
contraire être appréciées en relation avec les autres éléments du
dossier,
dont en particulier les avis des praticiens, qui ont recueilli les
déclarations de A.________ et qui se sont tous déclarés convaincus de
la
sincérité du plaignant, ainsi que le témoignage de C.________, qui a
confirmé
la réalité des attouchements dont son frère prétendait avoir été la
victime
de la part de son père.
Il est également exact que le Docteur T.________ a conclu à une
crédibilité
partielle du recourant; elle est cependant parvenue à cette
conclusion parce
qu'elle n'avait pas été en mesure de recueillir elle-même les propos
tenus
par l'expertisé au cours de la procédure, en raison notamment de
l'état
psychique dépressif dans lequel ce dernier se trouvait alors et qui
l'empêchait de répondre aux questions posées; or, dans le même temps,
elle
reconnaissait que X.________ ne disposait pas des capacités
intellectuelles
nécessaires pour inventer les propos tenus au cours de la procédure
ou pour
apprendre une leçon, ce que confirme d'ailleurs le responsable du
foyer dans
lequel le jeune homme était placé. Dans ces conditions, la Cour de
cassation
a accordé aux conclusions de l'expert un poids qu'elles n'avaient pas
au
regard notamment des déclarations que le recourant a faites lors de
l'entretien avec S.________, puis à sa mère au cours de la discussion
à
laquelle I.________ a assisté, et qui corroboraient les accusations
faites
par A.________.
Quant à l'éloignement dans le temps des faits dénoncés, il rend
certes plus
délicate une reconstitution fidèle des événements de la part des
témoins; il
ne suffit cependant pas en soi à jeter de manière générale un doute
fondé sur
les déclarations de A.________, de son frère X.________ ou des autres
témoins, à charge ou à décharge, en particulier lorsque les souvenirs
des
personnes concernées portent sur des faits précis et concrets. Le
fait que ni
l'ex-amie, ni la compagne ni les frères et soeurs de l'intimé n'aient
rien
constaté d'anormal dans le comportement de ce dernier vis-à-vis de
ses neveux
n'est pas surprenant puisque les actes incriminés se seraient
déroulés en
pleine nuit au domicile familial. Les premiers juges pouvaient donc
sans
arbitraire leur préférer les déclarations des victimes et des autres
témoins
portant sur des faits concrets. Il est en revanche plus surprenant que
Y.________ et les autres frères et soeurs du recourant n'aient rien
remarqué,
alors même qu'ils dormaient sous le même toit. A.________ n'a
cependant
jamais allégué que les actes reprochés à son oncle se seraient
produits de
manière régulière; par ailleurs, s'il a indiqué que X.________ se
débattait
et criait, il a précisé que son frère agissait ainsi seulement au
moment où
il reconnaissait l'entrée de la cave, ce qui peut expliquer le fait
que sa
mère et ses autres frères et soeurs, dont les chambres se trouvaient à
l'étage, n'aient rien entendu. De ce point de vue, le doute que cette
circonstance pouvait peut-être susciter est marginal par rapport aux
autres
éléments à charge relevés par la Cour correctionnelle.
Enfin, contrairement à ce que retient l'autorité intimée, les juges de
première instance n'ont pas écarté les aveux allégués de Z.________
tenus
devant sa belle-soeur et son neveu lors de la visite qu'il a faite à
ce
dernier à la Clinique Belle-Idée, ou la déposition écrite de
J.________
produite à l'audience, mais ils ont estimé inutile de se prononcer à
leur
propos, vu la conviction de culpabilité résultant des autres éléments
retenus.

2.3 En définitive, la Cour de cassation s'est écartée de manière
arbitraire
de l'arrêt de la Cour correctionnelle du 15 décembre 2000 en
admettant, sur
la base des éléments évoqués ci-dessus, que les premiers juges
auraient dû
éprouver un doute sur la culpabilité de l'intimé quant à la prévention
d'infractions à l'art. 189 aCP et en acquittant celui-ci de ce chef.

3.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours,
dans la
mesure où il est recevable, et à l'annulation de l'arrêt de la Cour de
cassation du 31 août 2001. Les conditions de l'art. 152 OJ étant
réunies, il
y a lieu de faire droit à la demande d'assistance judiciaire formulée
par
l'intimé et de statuer sans frais. Me Salomé Paravicini sera désignée
comme
avocate d'office de Z.________ pour la présente procédure et une
indemnité
lui sera versée à titre d'honoraires, à la charge de la caisse du
Tribunal
fédéral. Ce dernier versera une indemnité de dépens au recourant qui
obtient
gain de cause avec l'assistance d'une avocate (art. 159 al. 1 OJ).
L'allocation de dépens rend sans objet la demande d'assistance
judiciaire
présentée par X.________. Cela étant, au cas où les dépens ne
pourraient pas
être recouvrés (cf. art. 152 al. 2 OJ), la rémunération de Me Yasmine
Djabri
pourrait faire l'objet ultérieurement d'une décision distincte du
Tribunal
fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, et l'arrêt
rendu le
31 août 2001 par la Cour de cassation du canton de Genève est annulé.

2.
La demande d'assistance judiciaire présentée par l'intimé est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Salomé Paravicini est désignée comme avocate d'office de l'intimé
et une
indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer
par la
caisse du Tribunal
fédéral.

5.
Il est alloué au recourant une somme de 1'500 fr. à titre de dépens,
à la
charge de l'intimé.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
ainsi
qu'au Procureur général, à la Cour de cassation et à la Cour
correctionnelle
sans jury du canton de Genève.

Lausanne, le 3 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.50/2002
Date de la décision : 03/04/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-04-03;1p.50.2002 ?
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