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28/03/2002 | SUISSE | N°C.325/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2002, C.325/00


«AZA 7»
C 325/00 Tn

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Meyer, Lustenberger,
Ferrari et Ursprung. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 28 mars 2002

dans la cause

F.________, recourant,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caro-
line 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- A la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral des
assurances du 22 mars 1999 (C 240/98), la Caisse publique
cantona

le vaudoise de chômage (la caisse de chômage) a fixé
à 30 804 fr. 60, par décision du 20 mai 1999, le montant
des indemnités perç...

«AZA 7»
C 325/00 Tn

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Meyer, Lustenberger,
Ferrari et Ursprung. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 28 mars 2002

dans la cause

F.________, recourant,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue Caro-
line 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- A la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral des
assurances du 22 mars 1999 (C 240/98), la Caisse publique
cantonale vaudoise de chômage (la caisse de chômage) a fixé
à 30 804 fr. 60, par décision du 20 mai 1999, le montant
des indemnités perçues à tort que F.________ devait lui
restituer.
F.________ a déféré cette décision au Service de l'em-
ploi du canton de Vaud, première instance cantonale de
recours en matière d'assurance-chômage (le service de l'em-

ploi). Il a conclu à la libération de son obligation de
rembourser, en soutenant que les indemnités indûment tou-
chées ne se montaient qu'à 23 813 fr. 20.
Par décision du 17 avril 2000, le service de l'emploi
a admis partiellement le recours en ce sens qu'il a ramené
la somme à restituer à 30 354 fr. 50.

B.- F.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Vaud, en concluant à
son annulation. Par ordonnance du 15 mai 2000, le Tribunal
administratif a invité le service de l'emploi à déposer sa
réponse jusqu'au 6 juin 2000.
Dans une décision rectificative du 16 mai 2000, noti-
fiée aux parties ainsi qu'au Tribunal administratif, le
service de l'emploi a annulé sa décision du 17 avril 2000,
dit que le montant à restituer s'élevait à 30 804 fr. 60,
et rejeté en conséquence le recours formé contre la déci-
sion du 20 mai 1999. F.________ a recouru contre cette
nouvelle décision en concluant à son annulation.
Par jugement 28 août 2000, la juridiction cantonale a
rejeté les recours et confirmé la décision rectificative du
16 mai 2000.

C.- F.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande l'annulation.
La caisse de chômage intimée s'en remet à justice. Le
service de l'emploi et le Secrétariat d'Etat à l'économie
ne se sont pas déterminés.

Considérant en droit :

1.- Dans la procédure de recours concernant l'octroi
ou le refus de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen
du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à la
violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'oppor-

tunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas
lié par l'état de fait constaté par la juridiction infé-
rieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).
Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié par
les motifs que les parties invoquent (art. 114 al. 1 en
corrélation avec l'art. 132 OJ), il examine d'office si le
jugement attaqué viole des normes de droit public fédéral
ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a
OJ). Il peut ainsi admettre ou rejeter un recours sans
égard aux griefs soulevés par le recourant ou aux raisons
retenues par le premier juge (ATF 125 V 500 consid. 1,
124 V 340 consid. 1b et les références).

2.- Le Tribunal administratif a retenu (consid. 1c de
son jugement) que le service de l'emploi avait rendu sa
décision du 17 avril 2000 en qualité d'autorité (adminis-
trative) intimée, et non pas en tant qu'autorité de recours
de première instance appelée à examiner la légalité d'une
décision en restitution de prestations prise par la caisse
de chômage. Il a en conséquence considéré que le recours
interjeté contre la décision 17 avril 2000 n'avait pas
d'effet dévolutif, de sorte que le service de l'emploi
était habilité à revoir sa décision, ainsi qu'il l'a fait
le 16 mai 2000.
Pour sa part, le recourant soutient qu'il n'a pas eu
la possibilité de s'exprimer sur les fondements justifiant
la décision rectificative du 16 mai 2000. Il se plaint
ainsi d'une violation de son droit d'être entendu, dans la
mesure où sa situation a été péjorée sans qu'il ait pu
retirer son recours.

3.- Pour plusieurs motifs, le point de vue du Tribunal
administratif apparaît discutable.

a) Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité
qui a rendu la décision initiale conserve sa qualité de
partie tout au long de la procédure de recours, même dans
les cantons où il existe - de façon compatible avec
l'art. 101 let. b LACI - plusieurs instances de recours en
assurance-chômage (ATF 126 V 404 consid. 2a, 114 V 230,
105 V 188 consid. 1; Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Pro-
zessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, n. 784 et
ss pp. 151-152; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Ver-
waltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., n. 523 et ss
pp. 189-190; Kölz/Bosshart/Röhl, Kommentar zum Verwaltungs-
rechtspflegegesetz des Kantons Zürich, 2e éd., p. 241,
n. 26 ad § 13; Häner, Die Beteiligten im Verwaltungsver-
fahren und Verwaltungsprozess, n. 280 p. 155; d'un autre
avis : Merkli/Aeschlimann/Herzog, Kommentar zum Gesetz über
die Verwaltungsrechtspflege des Kantons Bern, pp. 132-133,
n. 26-28 ad art. 12 al. 3 LPJA-BE). En conséquence, l'ins-
tance intermédiaire cantonale de recours ne prend en prin-
cipe pas la place de l'autorité qui a rendu la décision
dans la suite de la procédure (cf. arrêt R. du 29 janvier
2001, C 342/99).
Dans le cas particulier, l'autorité qui a rendu la
décision litigieuse est la Caisse publique cantonale vau-
doise de chômage. De son côté, le service de l'emploi est
l'autorité de recours de première instance contre les déci-
sions des offices du travail, des offices régionaux de pla-
cement et des caisses de chômage (art. 56 al. 3 de la loi
vaudoise du 25 septembre 1996 sur l'emploi et l'aide aux
chômeurs, RS-VD 8.1 D). Or il paraît pour le moins douteux
que le service de l'emploi puisse être considéré comme
l'autorité intimée devant le tribunal administratif, car
cela équivaudrait à admettre en réalité un changement de
partie non prévu ou autorisé par le droit fédéral ou canto-
nal.

b) Par ailleurs, on peut se demander si véritablement,
l'autorité intermédiaire de recours doit être comprise com-

me une autorité au sens de l'art. 52 al. 2 de la loi
cantonale vaudoise du 18 décembre 1989 sur la juridiction
et la procédure administratives (RS-VD 1.5 LJPA) au vu du
message du Conseil d'Etat du canton de Vaud (Bulletin du
Grand Conseil, février 1996, p. 4474) et de l'absence vou-
lue alors par le législateur d'autorité intermédiaire de
recours.

c) Enfin, on peut se demander sérieusement si une
autorité cantonale de recours de première instance est en
droit de procéder à un nouvel examen de sa décision, de
façon analogue à ce que prévoient les art. 58 PA et 52
al. 2 LJPA-VD pour une administration, lorsque cette déci-
sion sur recours est à son tour déférée à l'autorité canto-
nale de recours de seconde instance. Cette question revient
à déterminer si le recours interjeté contre la décision du
17 avril 2000 avait ou non un effet dévolutif.
Un recours a un effet dévolutif lorsque l'autorité de
recours peut revoir les divers aspects de l'acte attaqué,
sans que son auteur ait la faculté de le modifier. En prin-
cipe, le recours administratif et le recours de droit admi-
nistratif ont un effet dévolutif (Grisel, Traité de droit
administratif, p. 920; à propos de ce principe de droit
fédéral et de ses exceptions, voir également ATF
127 V 231 ss consid. 2b).
Les cantons ont adopté à ce sujet des solutions diffé-
rentes (cf. Bovay, Procédure administrative, n. 1720
p. 400), lesquelles ont été commentées - notamment - par
Boinay (La procédure administrative et constitutionnelle du
canton du Jura, p. 268, n. 2 ad art. 134 al. 1 CPA-JU),
Schaer (Juridiction administrative neuchâteloise, p. 166,
ad art. 39 LPJA-NE) et Merkli/Aeschlimann/Herzog (op. cit.,
p. 489, n. 7 ad art. 71 LPJA-BE).
La réponse à ces questions, qui se résument finalement
à celle de savoir si le service de l'emploi avait ou non en
l'espèce qualité pour rendre une décision «rectificative»,

peut cependant demeurer indécise, car le recours doit être
admis pour un autre motif.

4.- a) Aux termes de l'art. 52 al. 2 LJPA-VD,
l'autorité intimée peut, pendant la procédure de recours,
rapporter ou modifier sa décision. Le recourant est alors
invité à dire s'il retire, maintient ou modifie son
recours.
Le principe consacré par cette disposition se retrouve
à l'art. 62 al. 3 PA. Selon la jurisprudence rendue à ce
sujet, de même qu'à propos de l'art. 132 let. c OJ, l'auto-
rité de recours qui envisage de réformer la décision entre-
prise au détriment de la partie recourante doit non seule-
ment l'inviter à s'exprimer sur cette éventualité mais
également la rendre expressément attentive à la possibilité
de retirer son recours afin d'obvier à une péjoration de sa
situation (ATF 122 V 167-168 consid. 2 et les références).
En l'occurrence, le bien-fondé de la décision rectifi-
cative du 16 mai 2000 a été confirmé dans le jugement can-
tonal entrepris si bien que le recourant devrait désormais
restituer une somme de 30 804 fr. 60 au lieu de
30 354 fr. 50. Or, en violation du droit d'être entendu et
de la disposition particulière de l'art. 52 al. 2 LJPA-VD,
il ne lui a jamais été donné l'occasion de se déterminer
sur une décision «rectificative» rendue à son détriment, de
même qu'il ne lui a pas été donné la possibilité de retirer
son recours. Dans ces conditions, le jugement s'avère con-
traire au droit fédéral.
Il incombera à la juridiction cantonale à qui la cause
est renvoyée d'interpeller à nouveau le recourant, en lui
donnant en particulier expressément l'occasion de retirer
son recours.

b) On arriverait, selon toute vraisemblance, au même
résultat en considérant que, selon sa jurisprudence cons-
tante, le Tribunal administratif du canton de Vaud n'est
pas habilité à modifier une décision attaquée dans un sens

défavorable au recourant en l'absence d'une disposition
expresse de la loi (RDAF 1995 p. 387 consid. 5). A cette
occasion, la juridiction cantonale avait précisé que la
règle inverse qui permet la «reformatio in pejus», ne pré-
vaut, au bénéfice d'une base légale, qu'en matière fiscale.
Comme la solution que le Tribunal administratif a
adoptée aboutit à une reformatio in pejus, on peut se de-
mander si elle est encore conforme au principe évoqué ci-
dessus en raison de l'application générale de la LJPA-VD
aux recours interjetés contre les décisions administratives
(art. 1er al. 1 LJPA-VD). Cette question qui relève
cependant en partie du droit cantonal peut être laissée
ouverte, vu le sort du recours.

5.- Le recourant soutient encore que le jugement atta-
qué viole l'art. 95 LACI, dès lors que le Tribunal adminis-
tratif a refusé de reconnaître que le droit de la caisse de
chômage de demander la restitution des indemnités de chô-
mage afférentes à la période s'étendant d'avril 1993 à
octobre 1994 était atteint par la péremption quinquennale.
Il ressort pourtant du dispositif de l'arrêt du
22 mars 1999 (ch. I), qui lie tant les autorités inférieu-
res que la Cour de céans (ATF 117 V 241-242 consid. 2a, DTA
1995 n° 23 p. 136 consid. 1a et les références), que la
caisse de chômage est en droit de demander la restitution
des indemnités de chômage pour la période antérieure au
6 juillet 1994. Il en va du reste de même pour la période
postérieure à cette date, puisque la caisse a statué le
6 juillet 1995, soit dans le délai d'une année prévu par
l'art. 95 al. 4 LACI (ATF 122 V 275 consid. 5a, DTA 2001
n° 10 pp. 92-93 consid. 2 et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis. Le jugement du Tribunal
administratif du canton de Vaud du 28 août 2000 est
annulé, la cause étant renvoyée à la juridiction
cantonale pour nouveau jugement dans le sens des
considérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud, au Service de
l'emploi du canton de Vaud, ainsi qu'au Secrétariat
d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 28 mars 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.325/00
Date de la décision : 28/03/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-28;c.325.00 ?
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