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28/03/2002 | SUISSE | N°4C.86/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2002, 4C.86/2001


«/2»

4C.86/2001

Ie C O U R C I V I L E
**************************

28 mars 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges.
Greffière: Mme Michellod.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me Irène
Wettstein Martin, avocate à Vevey,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Pierre-Dominique Schupp, avocat à Lausanne;



(art. 336a CO)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) La défenderesse X._______...

«/2»

4C.86/2001

Ie C O U R C I V I L E
**************************

28 mars 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges.
Greffière: Mme Michellod.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me Irène
Wettstein Martin, avocate à Vevey,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Pierre-Dominique Schupp, avocat à Lausanne;

(art. 336a CO)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) La défenderesse X.________ S.A., ancien-
nement Z.________ S.A., gère comme entrepreneur postal huit
lignes de bus PTT. A.________ a été employé pendant plus de
quinze ans par la défenderesse. Il est membre du syndicat
Z.________ et du comité élargi de cette section depuis 1985.

b) Tout au long de son engagement au service de la
défenderesse, A.________ n'a cessé de revendiquer le respect
de ses droits, et, si nécessaire, s'est fait assister d'un
syndicat. Cette attitude n'était pas appréciée de la défen-
deresse et il a rapidement été considéré comme un élément
perturbateur par les chefs de service.

Comme membre de Z.________, il s'est fait le
porte-parole de ses collègues qui, comme ceux des autres
compagnies de chemin de fer, s'adressaient à lui pour se
plaindre de leurs conditions de travail et de leur chef de
service. A.________ en référait alors directement avec le
chef de service concerné, ou, lorsqu'il n'obtenait pas
satisfaction, transmettait la plainte à Z.________ qui la
reprenait pour son compte. Contrairement à ce qu'affirmait
la
défenderesse, il n'a pas été retenu que le demandeur ait eu
une attitude quérulente et procédurière. Par ailleurs, il a
été établi que c'était à juste titre que A.________ faisait
valoir le non-respect des prescriptions sur la durée du
travail ou celles relatives à la sécurité, que les chefs de
service avaient tendance à ne pas respecter.

Il a également été établi que la défenderesse cher-
chait à tout prix un prétexte pour se défaire du demandeur
et
que les chefs de service voulaient se débarrasser de cet
employé gênant. Pour ces chefs, les employés devaient se

taire et s'exécuter. Il est d'ailleurs arrivé à plusieurs
reprises que, sur la base de rapports des chefs de service,
la direction de la défenderesse adresse des avertissements
et
des blâmes sévères à ses employés de manière injustifiée;
ces
employés subissaient ainsi de fortes pressions de la part de
certains chefs de service. A.________ a également fait
l'objet de toute sorte de reproches, dont certains se sont
avérés discutables voire mal fondés.

c) Le 28 novembre 1997, la défenderesse a signifié
à A.________ son licenciement pour le 28 février 1998 par
ces
lignes:

"Nous avons reçu le 27 octobre 1997 une plainte
écrite à votre encontre de la part d'une maman d'un
jeune écolier que vous transportez sur la ligne
... En effet, vous ne vous êtes pas arrêté au point
d'arrêt officiel, mais après le carrefour de la
BCV, ce qui a eu pour effet d'imposer au jeune
écolier de traverser le carrefour, avec les dangers
que cela implique, pour pouvoir monter dans votre
véhicule. Ensuite, le 6 octobre, vous avez accosté
la maman en disant que vous aviez fait courir son
fils car il n'attendait pas au bord de la route.

Force nous est de constater que les multiples
lettres et avertissements oraux que nous vous avons
adressés n'ont pas eu l'effet escompté et que votre
comportement général n'est pas compatible avec ce
que nous attendons de nos agents.

Pour mémoire, et sans être exhaustifs, nous vous
rappelons diverses interventions écrites à votre
égard: 19.07.91, lettre avec sévère avertissement;
25.06.93, lettre d'avertissement suite à une panne
d'essence; 22.11.93, lettre pour responsabilité
suite à des dégâts au bus; 30.04.96, sévère blâme
avec menace de licenciement.

Outre ces interventions écrites, nous avons eu à
plusieurs reprises des entretiens oraux pour solu-
tionner des situations conflictuelles. Par exemple,
le 25.07.91, séance avec les responsables du bureau
de poste le 19.11.94, séance après une réclamation
écrite d'un parent d'élève ou encore séances pour
régler des problèmes relationnels avec vos collè-
gues de travail.

Au vu des éléments précédents, nous avons décidé de
mettre fin à votre contrat de travail pour le 28
février 1998, en respectant les délais légaux
prévus par l'art. 335c du CO".

d) Le 19 décembre 1997, A.________ a fait opposi-
tion au congé, le considérant comme abusif. La défenderesse
a
répondu qu'elle maintenait le licenciement.

Selon un certificat médical établi le 11 février
1998, A.________ a été incapable de travailler du 3 au 16
février. Il présentait "un état anxio-dépressif important et
même inquiétant à la suite de l'annonce de son futur licen-
ciement".

e) Depuis le 1er avril 1998, A.________ bénéficie
d'indemnités de chômage.

B.- Le 5 mars 1998, A.________ a ouvert action
contre X.________ S.A., concluant à ce qu'ils soient
condamnés à lui verser la somme de 35'435 fr. plus intérêts
à
5% l'an dès le 31 (recte: 30) novembre 1997.

Par jugement du 10 avril 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a condamné la défenderesse à
verser
au demandeur la somme de 17'717, 70 fr., avec intérêts à 5%
l'an dès le 1er avril 1998.

En substance, la Cour civile a considéré que la
résiliation du contrat de travail qui liait les parties
était
soumise aux règles du Code des obligations, que le demandeur
avait fait opposition au congé dans le délai prévu par
l'art.
336b al. 1 CO et qu'il avait ensuite agi en justice dans les
180 jours après la fin du contrat, conformément à l'art.
336b
al. 2 CO.

La Cour civile a estimé que le demandeur avait
apporté des indices suffisants pour démontrer que les motifs
invoqués par la défenderesse n'étaient pas ceux qui avaient
réellement présidé à sa décision de licenciement. L'ensemble
des circonstances a conduit la Cour civile a considérer,
avec
une très grande vraisemblance, que la défenderesse avait
licencié le demandeur parce qu'il faisait valoir réguliè-
rement ses droits ainsi que ceux de ses collègues en sa
qualité de membre de Z.________. Le congé donné le 28 novem-
bre 1997 violait donc l'art. 336 al. 1 let. d et al. 2 let.
a
i.f. CO. A titre d'indemnité pour congé abusif, la Cour ci-
vile a condamné la défenderesse à verser au demandeur un mon-
tant équivalant à trois mois de salaire brut; elle a refusé
à
A.________ toute indemnité supplémentaire pour tort moral.

C.- La défenderesse a déposé un recours en nullité
auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois
contre le jugement du 10 avril 2000. Elle se plaignait d'une
appréciation arbitraire des preuves et, subsidiairement,
d'une violation des règles de procédure cantonales.

Par arrêt du 13 juin 2001, la Chambre des recours a
confirmé le jugement du 10 avril 2000.

De son côté, A.________ a formé un recours en ré-
forme au Tribunal fédéral contre le jugement du 10 avril
2000. Il a conclu à sa réforme en ce sens que la
défenderesse
est condamnée à lui verser la somme de 35'435 fr. avec inté-
rêts à 5% l'an dès le 31 (recte: 30) novembre 1997. Invitée
à
déposer une réponse, la défenderesse a conclu au rejet du
recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le demandeur estime qu'une indemnité corres-
pondant à trois mois de salaire est insuffisante et viole
l'art. 336a CO.

a) La partie qui résilie abusivement le contrat
doit verser à l'autre une indemnité (art. 336a al. 1 CO).
Celle-ci est fixée par le juge, compte tenu de toutes les
circonstances; toutefois, elle ne peut dépasser le montant
correspondant à six mois de salaire du travailleur. Sont
réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un
autre titre (art. 336a al. 2 CO).

L'indemnité prévue à l'art. 336a CO a une double
finalité, punitive et réparatrice, quand bien même elle ne
consiste pas en des dommages-intérêts au sens classique, car
elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun
dommage; revêtant un caractère sui generis, elle s'apparente
à la peine conventionnelle.

Le juge fixe l'indemnité en équité en fonction de
toutes les circonstances (art. 4 CC); il doit notamment
tenir
compte de la gravité de la faute de l'employeur, d'une éven-
tuelle faute concomitante du travailleur, de la manière dont
s'est déroulée la résiliation, de la gravité de l'atteinte à
la personnalité du travailleur licencié, de la durée des
rapports de travail, de leur étroitesse, des effets écono-
miques du licenciement, de l'âge du travailleur, d'éven-
tuelles difficultés de réinsertion dans vie économique et de
la situation économique des parties (ATF 123 III 246 consid.
6a p. 255, 391 consid. 3 et les arrêts cités).

Le montant de l'indemnité est fixé librement par le
juge; le pouvoir d'appréciation qui est reconnu de la sorte
à

l'autorité cantonale conduit le Tribunal fédéral à ne pas
substituer sa propre appréciation à celle de l'instance infé-
rieure. Il n'interviendra que si la décision s'écarte sans
raison sérieuse des règles établies par la doctrine et la
jurisprudence en matière de libre appréciation ou s'appuie
sur des faits qui, en l'occurrence, ne devaient jouer aucun
rôle ou encore ne tient, au contraire, pas compte d'éléments
qui auraient absolument dû être pris en considération; le
Tribunal fédéral sanctionnera, en outre, les décisions
rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles
aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une
iniquité choquante (ATF 121 III 64 consid. 3c et les réfé-
rences).

b) La Cour civile a estimé qu'en l'espèce, la faute
de l'employeur était grave; en effet, il n'était pas admis-
sible de renvoyer quelqu'un parce qu'il demandait le respect
des prescriptions régissant les rapports de travail ou parce
qu'il se faisait le porte-parole de ses collègues. En outre,
le licenciement était intervenu après plus de quinze ans
d'activité du demandeur pour le compte de la défenderesse et
d'une façon relativement humiliante: après lui avoir adressé
toute sorte de reproches, dont certains se sont avérés discu-
tables, voire mal fondés, la défenderesse avait pris le
prétexte d'une plainte d'un usager, sans même chercher à
avoir l'avis du demandeur sur le déroulement des événements.
La défenderesse avait en outre écarté la proposition du
demandeur de reprendre les relations contractuelles, sans
offrir d'espace de discussion. Enfin, le licenciement avait
eu des répercussions sur la santé du demandeur, provoquant
un
état anxio-dépressif, et des conséquences économiques
lourdes
puisqu'il s'était retrouvé au chômage. Quant à la situation
économique de la défenderesse, la Cour civile a relevé qu'il
s'agissait d'une société anonyme issue de la réunion de
quatre compagnies de chemin de fer, qui disposait donc d'un
budget important.

Sur la base de ces circonstances, la Cour civile a
arrêté le montant de l'indemnité à 17'717,70 fr., soit
l'équivalent de trois mois de salaire brut du demandeur.

c) Le demandeur ne conteste pas les circonstances
retenues par la Cour civile. Il s'étonne par contre qu'au vu
des élément retenus, elle ait limité l'indemnité à un
montant
correspondant à trois mois de salaire brut. Il cite deux
arrêts où le Tribunal fédéral a confirmé des indemnités équi-
valant à quatre et six mois de salaire (ATF 119 II 157, SJ
1999 I 277) et qu'il considère comme relativement proches de
son cas.

Le demandeur estime qu'en ce qui concerne l'aspect
punitif de l'indemnité, la Cour civile a négligé le fait que
l'affaire revêt un caractère d'exemple: d'une part la défen-
deresse est une entreprise postale soumise au respect de
règles particulières liées au service public, d'autre part,
le licenciement du demandeur vise l'activité militante et
syndicale. Vu les moyens financiers de la défenderesse, le
demandeur doute qu'une indemnité correspondant à trois mois
de salaire ait un quelconque effet dissuasif et incite la
défenderesse à revoir ses relations de subordination.

En ce qui concerne l'aspect réparateur de l'indem-
nité, le demandeur insiste sur le fait qu'il a été particu-
lièrement touché parce qu'il appartenait à un syndicat et
qu'il avait fait valoir à plusieurs reprises et de manière
fondée le respect de ses droits et de ceux de ses collègues;
pour cette raison également, il avait fait l'objet de pres-
sions, d'avertissements et de blâmes injustifiés. Une indem-
nité de trois mois de salaire était une maigre consolation
pour un employé qui s'était battu pour le respect du droit
des travailleurs.

d) Dans un arrêt du 30 juillet 1997, le Tribunal
fédéral a confirmé l'octroi d'une indemnité correspondant à
cinq mois de salaire à des employées d'un EMS licenciées
abusivement. Elles avaient alerté le service cantonal de la
santé publique au sujet de l'hygiène de l'EMS, avaient deman-
dé à leur employeur un contrat de travail écrit précisant
leurs conditions de travail et s'étaient plaintes de devoir
prendre tous leurs repas au home, ce qui entraînait une
déduction de 396 fr. par mois sur un salaire brut de moins
de
3'000 fr. L'indemnité a été fixée sur la base des éléments
suivants: faute grossière de l'employeur qui n'a pas hésité
à
licencier d'un coup six employées pour les punir d'avoir
fait
valoir de bonne foi des prétentions découlant du contrat de
travail, refus de tout dialogue par l'employeur et attitude

contradictoire et humiliante; décision de licenciement
brutale et autoritaire; recherche d'une solution à l'amiable
par les employées, aucune faute concomitante de leur part
(arrêt 4C.497/1996 du 30 juillet 1997, consid. 4).

Dans un arrêt du 12 août 1997, le Tribunal fédéral
a confirmé l'octroi d'une indemnité correspondant à trois
mois de salaire à une danseuse ayant été licenciée pour
avoir
pris la défense des intérêts de ses collègues en tant que
représentante du personnel. Le motif de ce licenciement
était
incontestablement choquant; l'employée avait cependant
coutume d'arriver en retard, les rapports de travail
n'avaient pas duré longtemps et ne devaient pas s'étendre
sur
une longue période; en outre, la résiliation n'avait pas été
faite de manière humiliante ni offensante (arrêt 4C.459/1996
du 12 août 1997).

Dans un arrêt du 8 janvier 1999, le Tribunal fédé-
ral a confirmé l'octroi d'une indemnité correspondant à six
mois de salaire à une caissière-vendeuse d'un grand magasin
ayant dénoncé à la direction les gestes déplacés de son chef
à son égard. Cette employée avait été licenciée quelques

jours après avoir envoyé sa lettre à la direction. L'indem-
nité pour congé abusif a été fixée à six mois de salaire en
raison des circonstances suivantes: les rapports de travail
avaient duré plus de quatre ans, aucune faute
professionnelle
ne pouvait être reprochée à l'employée, l'employeur n'était
pas intervenu pour faire cesser le comportement
répréhensible
du chef incriminé, le licenciement et les circonstances dans
lesquelles il s'était déroulé avaient eu de graves répercus-
sions sur la santé de l'employée et celle-ci n'avait pas
retrouvé d'emploi immédiatement (SJ 1999 I 277,
4C.310/1998).

Enfin le 4 juillet 2000, le Tribunal fédéral a
augmenté de deux à cinq mois de salaire l'indemnité due à
une
employée licenciée abusivement; la cour cantonale avait omis
de tenir compte de la situation économique de l'employeur,
de
l'incapacité de travail totale de l'employée quatre jours
après son licenciement et de la rente AI à 100% que celle-ci
a obtenu par la suite alors qu'elle n'avait pas souffert de
troubles similaires avant son licenciement et indépendamment
de celui-ci (arrêt 4C.463/1999 du 4 juillet 2000, consid.
9).

e) Au regard des arrêts susmentionnés, l'indemnité
allouée au demandeur apparaît très faible. En effet, ce
dernier travaillait depuis plus de quinze ans pour la défen-
deresse lorsqu'elle l'a licencié en raison de son engagement
de longue date pour le respect de ses droits et de ceux de
ses collègues; or il a été retenu que les chefs de service
de
la défenderesse avaient tendance à ne pas respecter le règle-
ment sur les rapports de service et les prescriptions concer-
nant la durée du travail ou la sécurité dans l'exploitation;
c'était donc à juste titre que le demandeur faisait valoir
le
non-respect de ces prescriptions, sans avoir eu au demeurant
d'attitude quérulente ou procédurière. Les chefs de service
de la défenderesse l'ont rapidement considéré comme un
élément perturbateur et il a fait l'objet de toute sorte de
reproches dont certains se sont avérés discutables voire mal

fondés. En outre, le licenciement s'est déroulé de manière
relativement humiliante; la défenderesse a pris pour
prétexte
la plainte d'un usager pour licencier le demandeur, sans lui
permettre de s'exprimer; elle n'a offert aucun espace de
discussion, se contentant de rejeter sa proposition de
reprendre les relations contractuelles.

La gravité de la faute de la défenderesse et sa
capacité financière importante justifiaient, sous l'angle
punitif de l'indemnité, de fixer celle-ci au maximum légal.

Par ailleurs, le licenciement a eu de sérieuses
répercussions sur la santé du demandeur qui a souffert en
février 1998 d'un état anxio-dépressif important et inquié-
tant à l'annonce de son futur licenciement. Il a aussi eu de
lourdes conséquences économiques puisque le demandeur s'est
retrouvé au chômage dès le 1er avril 1998. Etant donné la
grave atteinte à la personnalité du demandeur, la finalité
réparatrice de l'indemnité imposait également de fixer
celle-ci au maximum légal.

f) En limitant l'indemnité pour congé abusif à un
montant équivalant à trois mois de salaire, les juges canto-
naux ont fait preuve d'une rigueur excessive. Leur jugement
sera donc réformé et le demandeur se verra octroyer une
indemnité correspondant à six mois de salaire brut.

2.- La Cour civile a estimé que l'indemnité de
17'717,70 francs, qui comportait une fonction réparatrice,
était suffisante pour réparer le tort moral causé au deman-
deur. Elle a par conséquent exclu toute prétention que
celui-ci pourrait déduire de l'art. 49 CO.

a) Comme on l'a indiqué plus haut, l'indemnité
prévue à l'art. 336a CO vise non seulement la punition de

l'auteur du congé abusif, mais aussi la réparation du tort
moral subi par le travailleur licencié. Du fait de sa fina-
lité réparatrice, ladite indemnité ne laisse guère de place
à
l'application cumulative de l'art. 49 CO, car elle embrasse
toutes les atteintes à la personnalité du travailleur qui
découlent de la résiliation abusive du contrat.

Demeure réservée l'hypothèse dans laquelle une
telle atteinte serait à ce point grave qu'un montant corres-
pondant à six mois de salaire ne suffirait pas à la réparer.
Sous cette réserve, l'application de l'art. 49 CO, paral-
lèlement à l'art. 336a CO, ne saurait entrer en ligne de
compte que dans des circonstances exceptionnelles. On songe
ici, par exemple, à des reproches de type diffamatoire,
n'ayant aucun lien de connexité avec la relation de travail,
que l'employeur adresserait au travailleur à l'occasion de
son licenciement ou encore au dénigrement du second par le
premier vis-à-vis de tiers et notamment des employeurs
potentiels du travailleur congédié (SJ 1999 I p. 277 consid.
4a).

b) Rien de tel n'a été constaté dans le jugement
cantonal. L'atteinte à la personnalité du travailleur
décrite
par la Cour civile se rattache au motif du licenciement, à
ses modalités et à ses conséquences. Le demandeur s'écarte
des constatations cantonales lorsqu'il affirme que
l'atteinte
grave à sa santé psychique est une circonstance qui ne
relève
pas uniquement du licenciement en cause. Il a été constaté
que durant son engagement, le demandeur ne vivait pas dans
la
crainte de ses chefs de service ni de la direction de la
défenderesse.

Les conditions d'octroi d'une indemnité exception-
nelle fondée sur l'art. 49 CO n'étant pas réunies, le grief
sera rejeté.

3.- En instance cantonale, le demandeur sollicitait
des intérêts moratoires de 5% par an dès le 30 novembre
1997.
La Cour civile a fixé le "dies a quo" de ces intérêts au 1er
avril 1998 (cf. art. 339 al. 1 et 336c al. 2 CO).

En réforme, le demandeur persiste à solliciter des
intérêts moratoires à compter du 30 novembre 1997 sans toute-
fois indiquer en quoi le droit fédéral serait violé par le
"dies a quo" déterminé par la Cour civile. Faute de motiva-
tion, sa conclusion concernant les intérêts moratoires est
irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ).

4.- Seul le premier grief du demandeur étant fondé,
le recours sera partiellement admis.

La procédure fédérale a trait à un différend résul-
tant d'un contrat de travail; elle n'est cependant pas
gratuite puisque la valeur litigieuse déterminante, calculée
au moment du dépôt de la demande, dépassait le plafond de
30'000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO dans sa nouvelle
teneur
entrée en vigueur le 1er juin 2001 (RO 2001 p. 2048) et
applicable aux procédures déjà pendantes à cette date.

Le demandeur se voit allouer l'entier de ses
conclusions quant au capital, à savoir 35'435 fr. En revan-
che, la conclusion tendant à obtenir des intérêts moratoires
à compter du 30 novembre 1997 est irrecevable. Le demandeur
n'obtient donc que partiellement gain de cause.

La conclusion irrecevable correspond à un montant
de 590 fr. (4 mois d'intérêts à 5% l'an sur une somme de
35'435 fr.). Tout bien pesé, ce faible montant ne justifie
pas de mettre des frais à la charge du demandeur ni de
réduire les dépens auxquels il peut prétendre. Il appartien-
dra donc à la défenderesse, qui succombe, d'assumer les
frais

judiciaires et les dépens de la procédure fédérale (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

La cause sera retournée à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance
cantonale (art. 159 al. 6 OJ).

Par ces motifs

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours dans la mesure où
il est recevable;

2. Réforme le jugement cantonal en ce sens que la
défenderesse est condamnée à verser au demandeur la somme de
35'435 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 1998;

3. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la défenderesse;

4. Dit que la défenderesse versera au demandeur une
indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens;

5. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale;

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.

_________________

Lausanne, le 28 mars 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.86/2001
Date de la décision : 28/03/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-28;4c.86.2001 ?
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