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28/03/2002 | SUISSE | N°1A.122/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2002, 1A.122/2001


{T 0/2}
1A.122/2001/col

Arrêt du 28 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

L.________, recourant, représenté par Me Paul Gully-Hart, avocat,
Etude
Schellenberg Wittmer, cours de Rive 10, case postale 3054, 1211
Genève 3,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3,
Cour de justice du can

ton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire...

{T 0/2}
1A.122/2001/col

Arrêt du 28 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

L.________, recourant, représenté par Me Paul Gully-Hart, avocat,
Etude
Schellenberg Wittmer, cours de Rive 10, case postale 3054, 1211
Genève 3,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec l'Ukraine

(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du canton de Genève du 17 mai 2001)

Faits:

A.
Le Procureur général de la République d'Ukraine conduit, depuis 1997,
des
procédures pénales à l'encontre des ressortissants ukrainiens
S.________,
P.________, K.________ et L.________, prévenus de corruption, d'abus
de
fonction et de détournement de fonds. Pour les besoins de ces
enquêtes, la
République d'Ukraine a présenté à la Suisse plusieurs dizaines de
demandes
d'entraide, tendant notamment à la remise de documents concernant les
comptes
ouverts auprès des banques suisses, sur lesquels les prévenus
auraient fait
acheminer le produit des délits mis à leur charge.

L. ________ est détenu aux Etats-Unis d'Amérique depuis 1999.

Les décisions rendues par les autorités d'exécution et de recours ont
donné
lieu au prononcé de nombreux arrêts (cf. notamment ceux rendus les 8
avril
1999, 25 juin 1999, 24 décembre 1999, 17 avril 2000 et 19 septembre
2000).

B.
Le 20 juin 1999, la République d'Ukraine a présenté une nouvelle
demande
complémentaire, tendant notamment à la transmission de la
documentation
relative au compte n°xxx ouvert auprès du Crédit Lyonnais à Zurich.

Le 13 février 2001, le Juge d'instruction du canton de Genève, auquel
l'Office fédéral de la police avait délégué l'exécution de la
demande, a
ordonné la transmission de la documentation réclamée.

Le 17 mai 2001, la Chambre d'accusation du canton de Genève a rejeté,
dans la
mesure où il était recevable, le recours formé par L.________ contre
cette
décision.

C.

Agissant par la voie du recours de droit administratif, L.________
demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 17 mai
2001. A
titre préalable, il demande que le Département fédéral des affaires
étrangères soit invité à se déterminer sur la situation politique et
institutionnelle dans l'Etat requérant et que l'Office fédéral soit
invité à
intervenir auprès de celui-ci pour expliquer les raisons de la
transmission à
un tiers de renseignements fournis par la Suisse. Le recourant
invoque l'art.
2 EIMP et le principe de la spécialité.

La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instruction
conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la justice (qui a
repris
dans l'intervalle les tâches autrefois dévolues à l'Office fédéral de
la
police en matière de coopération judiciaire internationale) propose
de ne pas
entrer en matière et de prendre des sanctions disciplinaires à
l'encontre du
recourant.

Invité à répliquer, celui-ci a maintenu ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La Confédération suisse et la République d'Ukraine sont toutes
deux
parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière
pénale
(CEEJ; RS 0.351.1), conclue à Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en
vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 9 juin 1998 pour
l'Ukraine. Les
dispositions de ce traité l'emportent sur le droit autonome qui régit
la
matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière
pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution
(OEIMP; RS 351.11). Celles-ci sont applicables aux questions non
réglées,
explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et
lorsque le
droit interne est plus favorable à l'entraide que la Convention (ATF
123 II
134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120
consid. 1a p.
122/123, 189 consid. 2a p. 191/192, et les arrêts cités). Est réservé
le
respect des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat
requérant et
la saisie de comptes bancaires (cf. art. 25 al. 1 EIMP).

1.3 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision
sont
recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid.
1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les
arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour
accorder
l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269
consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés
sans être
toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier
d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des
dispositions
applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119
Ib 56
consid. 1d p. 59).

2.
Le recourant se prévaut de l'art. 2 EIMP, à teneur duquel la demande
d'entraide est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure à
l'étranger n'est pas conforme aux principes fixés par la CEDH ou le
Pacte ONU
II.

2.1 L'art. 2 EIMP a pour but d'éviter que la Suisse ne prête son
concours,
par le biais de l'entraide judiciaire ou de l'extradition, à des
procédures
qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de
protection
minimal correspondant à celui offert par le droit des Etats
démocratiques,
défini en particulier par la CEDH ou le Pacte ONU II, ou qui
heurteraient des
normes reconnues comme appartenant à l'ordre public international
(ATF 125 II
356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6a p. 166/167, 511 consid.
5a p.
517, 595 consid. 5c p. 608; 122 II 140 consid. 5a p. 142). La Suisse
elle-même contreviendrait à ses obligations internationales en
coopérant avec
un Etat où il existe des motifs sérieux de penser qu'un risque de
traitement
contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace l'intéressé (ATF 125 II
356
consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6a p. 167, 511 consid. 5a p.
517; 121
II 296 consid. 3b p. 298/299).

L'examen des conditions posées par l'art. 2 EIMP implique un jugement
de
valeur sur les affaires internes de l'Etat requérant, en particulier
sur son
régime politique, sur ses institutions, sur sa conception des droits
fondamentaux et leur respect effectif, et sur l'indépendance et
l'impartialité du pouvoir judiciaire (ATF 125 II 356 consid. 8a p.
364; 123
II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517; 111 Ib 138 consid. 4
p. 142;
122 II 373 consid. 2a p. 376/377 et 109 Ib 317 consid. 16c p. 337/338,
concernant l'application de l'art. 3 al. 2 CEExtr.). Le juge de la
coopération doit faire preuve à cet égard d'une prudence
particulière. Il ne
suffit pas que la personne accusée dans le procès pénal ouvert dans
l'Etat
requérant se prétende menacée du fait d'une situation
politico-juridique
spéciale; il lui appartient de rendre vraisemblable l'existence d'un
risque
sérieux et objectif d'une grave violation des droits de l'homme dans
l'Etat
requérant, susceptible de la toucher de manière concrète (ATF 125 II
356
consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p.
517; 122
II 373 consid. 2a p. 377; 112 Ib 215 consid. 7 p. 224; 109 Ib 64
consid.
5b/aa p. 73; 108 Ib 408 consid. 8b/aa p. 412). La personne accusée
dans la
procédure pénale ouverte à l'étranger a qualité pour soulever le
grief tiré
de l'art. 2 EIMP (ATF 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362; cf. ATF 115 Ib
68
consid. 6 p. 86/87).

2.2 Dans son arrêt du 24 décembre 1999 (procédure 1A.252/1999)
concernant le
recourant, le Tribunal fédéral avait considéré que celui-ci n'avait
pas
démontré être exposé à un risque sérieux d'une grave violation des
droits de
l'homme dans l'Etat requérant, de nature à le toucher de manière
concrète. Le
recourant se trouvant à cette époque placé en détention aux
Etats-Unis, en
vue de son extradition à la Suisse, et une réextradition à l'Ukraine
n'entrant pas en ligne de compte à ce stade, il était prématuré de se
livrer
à des raisonnements hypothétiques sur le sort futur du recourant, de
sorte
que le Tribunal fédéral a pu se dispenser, en l'état, d'examiner le
grief
tiré de l'art. 2 EIMP (arrêt du 24 décembre 1999, consid. 2b).

Dans un arrêt ultérieur du 19 septembre 2000 (procédure 1A.212/2000)
concernant le recourant, le Tribunal fédéral avait considéré que
celui-ci
était habilité à soulever le grief tiré de l'art. 2 let. a EIMP, en
tant
qu'il entendait se plaindre d'une violation redoutée de l'art. 6
CEDH. Sa
détention aux Etats-Unis n'y faisait pas obstacle, dans la mesure où
il
pouvait faire l'objet d'un jugement contumacial en Ukraine (arrêt du
19
septembre 2000, consid. 3a/cc et 5b). Sur le fond, et tout en
soulignant le
caractère préoccupant de la situation des droits de l'homme en
Ukraine, le
Tribunal fédéral avait écarté le grief, notamment en raison du fait
que les
organes du Conseil de l'Europe n'avaient pas pris de mesures à
l'encontre de
l'Ukraine (arrêt précité, consid. 5b).
La Chambre d'accusation a estimé que l'évolution de la situation
intérieure
de l'Ukraine ne commandait pas d'adopter une solution différente de
celle
retenue par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 19 septembre 2000,
faute
pour le recourant d'avoir démontré l'existence d'un risque concret,
sérieux
et direct d'une violation de la CEDH à son égard. Le recourant
conteste cette
appréciation, en se référant aux développements récents de la
situation en
Ukraine.

2.3 Celle-ci a retenu à plusieurs reprises l'attention des organes du
Conseil
de l'Europe.

Dans sa Résolution n°1179 et sa Recommandation n°1395 du 27 janvier
1999,
l'Assemblée parlementaire, tout en soulignant le fait que l'Ukraine
avait,
depuis son adhésion au Conseil de l'Europe, adopté un certain nombre
de
Conventions (dont la CEDH), a déploré de la part de l'Ukraine de
nombreux
manquements à ses obligations d'Etat membre. Cela concernait
notamment une
insuffisante séparation des pouvoirs (ch. 3 de la Résolution n°1179).
L'Assemblée parlementaire a décidé que faute de progrès substantiels à
enregistrer jusqu'à sa session de juin 1999, elle envisagerait de
priver la
délégation ukrainienne à l'Assemblée parlementaire de ses pouvoirs et
de
recommander au Comité des Ministres la suspension du droit de
représentation
de l'Ukraine (ch. 15 de la Résolution n°1179).

Dans sa Résolution n°1194 et sa Recommandation n°1416 du 24 juin 1999,
l'Assemblée parlementaire a pris note des quelques progrès réalisés,
même
s'ils restaient insuffisants au regard des exigences posées dans la
Résolution n°1179. Elle a décidé de déclencher, dès l'ouverture de la
session
ordinaire de l'an 2000, la procédure de suspension du droit de la
délégation
ukrainienne de faire des propositions de recommandations, de
résolution et de
directives au sens de l'art. 23 du règlement de l'Assemblée, ainsi
que du
droit de vote au sein de celle-ci, à moins que des progrès
substantiels au
sens de la Résolution n°1179 ne soient intervenus dans l'intervalle
(ch. 4 de
la Résolution n°1194).

Dans sa Résolution n°1244 et sa Recommandation n°1513 du 26 avril
2001,
l'Assemblée parlementaire, se référant à ses Résolutions et
Recommandations
antérieures et rappelant l'engagement des autorités ukrainiennes à
définir
une politique de protection des droits de l'homme et à réformer le
système
judiciaire, a regretté que l'Ukraine n'ait pas pris toutes les mesures
nécessaires pour se conformer notamment à la Résolution n°1194.
L'Assemblée
parlementaire a décidé que si des progrès substantiels au sens de
cette
Résolution n'étaient pas enregistrés d'ici à l'ouverture de la
session de
juin 2001, elle envisagerait de prendre des sanctions contre la
délégation
ukrainienne (ch. 9 de la Résolution n°1244). Elle a invité le Comité
des
Ministres à prendre dûment en compte sa position, en envisageant,
dans les
mêmes conditions, de suspendre l'Ukraine de son droit de
représentation (ch.
10 de la Résolution n°1244 et de la Recommandation n°1513).
Contrairement à
ce qu'avait proposé sa commission chargée de suivre l'évolution de la
situation en Ukraine, selon un communiqué du 6 avril 2001 dont se
prévaut le
recourant , l'Assemblée parlementaire n'a pas voulu proposer d'exclure
l'Ukraine du Conseil de l'Europe.

Répondant le 25 septembre 2000 aux Recommandations n°1395, 1416 et
1451, le
Comité des Ministres a fait part à l'Assemblée parlementaire des
démarches
qu'il avait entreprises à l'égard des autorités ukrainiennes et des
engagements de celles-ci. Il en a fait de même, les 26 juin et 21
septembre
2001, s'agissant de la Recommandation n°1513.

Il apparaît ainsi que les organes du Conseil de l'Europe suivent de
manière
extrêmement attentive l'évolution de la situation institutionnelle en
Ukraine, ainsi que celle des droits de l'homme, et qu'ils ont entamé
des
démarches multiples, précises
et sérieuses, pour amener les autorités
ukrainiennes à entreprendre les réformes nécessaires pour rendre les
institutions de cet Etat conformes aux normes du Conseil de l'Europe.
Cela
concerne notamment l'adoption de nouvelles lois dans le domaine de la
justice
pénale, en vue d'assurer une complète indépendance du pouvoir
judiciaire
vis-à-vis des autres pouvoirs et spécialement de l'exécutif. Les
atermoiements des autorités ukrainiennes, hautement regrettables,
n'ont
toutefois pas conduit l'Assemblée parlementaire et le Comité des
Ministres à
prendre des sanctions, de quelle que sorte que ce soit, à l'encontre
de
l'Ukraine, comme les textes régissant le Conseil de l'Europe et ses
organes
permettraient de le faire. La situation politique de l'Ukraine reste
troublée
par la lutte pour le pouvoir qui met aux prises différentes factions,
parfois
de manière violente, comme le montre, par exemple, le meurtre, dans
des
circonstances non élucidées, du journaliste Gueorgui Gongadze en
novembre
2000. Les organes du Conseil de l'Europe ont malgré cela estimé que
les
réformes engagées, sans doute de manière trop lente et timorée,
représentaient toutefois des progrès, certes insuffisants, qui
justifiaient
de ne pas rompre les liens avec l'Ukraine, mais au contraire de
persévérer
dans une politique, faite à la fois de soutien et de pression,
destinée à
faire accomplir aux institutions ukrainiennes les changements
décisifs encore
nécessaires. Comme indiqué dans l'arrêt du 19 septembre 2000 (consid.
5b/cc),
il n'appartient pas au Tribunal fédéral, dans ces circonstances, de
porter
sur la situation interne de l'Ukraine une appréciation différente de
celle
des organes du Conseil de l'Europe.

En outre, comme le relève la Chambre d'accusation, le recourant fait
à ce
propos des considérations générales qui ne sont pas de nature à
démontrer, de
manière sérieuse et précise, en quoi la procédure ouverte contre lui
en
Ukraine serait conduite en violation de l'art. 6 CEDH, s'agissant,
notamment,
de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Le grief tiré de l'art. 2 let. a EIMP doit ainsi être rejeté, en tant
qu'il
est recevable.

3.
Le recourant se plaint d'une violation du principe de la spécialité.

3.1 Selon l'art. 67 al. 1 EIMP et la réserve faite par la Suisse à
l'art. 2
let. b CEEJ, les renseignements transmis ne peuvent, dans l'Etat
requérant,
ni être utilisés aux fins d'investigation, ni être produits comme
moyens de
preuve dans une procédure pénale visant une infraction pour laquelle
l'entraide est exclue, soit notamment pour la répression d'infractions
politiques, militaires ou fiscales (art. 3 EIMP et 2 let. a CEEJ; ATF
126 II
316 consid. 2b p. 319; 125 II 258 consid. 7a/aa p. 260/261; 124 II 184
consid. 4b p. 187, et les arrêts cités). Il va de soi que les Etats
liés par
la CEEJ se conforment à leurs engagements internationaux, tels le
respect de
la règle de la spécialité, sans qu'il soit nécessaire de le leur faire
préciser dans une déclaration expresse (ATF 115 Ib 373 consid. 8 p.
377; 107
Ib 64 consid. 4b p. 272, et les arrêts cités). L'Etat requérant est
réputé
observer fidèlement et scrupuleusement les obligations que le traité
met à sa
charge (ATF 118 Ib 547 consid. 6b p. 561; 110 Ib 392 consid. 5b p.
394/395;
107 Ib 264 consid. 4b p. 272; 104 Ia 49 consid. 5b p. 56-60); même une
violation du traité sur ce point ne saurait renverser cette
présomption (ATF
110 Ib 392 consid. 5c p. 395; 109 Ib 317 consid. 14b p. 333; 107 Ib
264
consid. 4b p. 272).

Comme cela ressort du texte de l'art. 67 al. 1 EIMP, le principe de la
spécialité doit être compris en ce sens qu'il s'oppose à
l'utilisation à des
fins pénales des renseignements demandés, lorsque l'entraide est
exclue (ATF
126 II 316 consid. 2b p. 319; 125 II 258 consid. 7a/aa p. 260/261;
124 II 184
consid. 4b p. 187; 122 II 134 consid. 7c/bb p. 138). En revanche, le
principe
de la spécialité n'empêche pas l'Etat requérant d'utiliser, avec
l'accord de
l'Office fédéral (art. 67 al. 2 EIMP), les renseignements fournis par
la
Suisse pour les besoins d'une procédure civile ultérieure, notamment
lorsqu'il s'agit de dédommager la victime (ATF 125 II 258 consid.
7a/aa p.
260/261; 122 II 134 consid. consid. 7c/cc et dd p. 139).

3.2 A l'appui de son grief, le recourant fait valoir que le Ministère
public
ukrainien aurait confié à un homme d'affaires américain dénommé
Y.________ la
mission d'ouvrir aux Etats-Unis une action civile en vue de récupérer
les
biens immobiliers pouvant appartenir au recourant et aux sociétés
qu'il
domine. Devant la Cour fédérale pour le district septentrional de
Californie,
Lambert aurait produit des pièces - notamment des documents bancaires
-
fournies par la Suisse à l'Ukraine par la voie de l'entraide
judiciaire. Or,
selon le recourant, l'Etat requérant n'aurait pas demandé à l'Office
fédéral
son accord pour cette démarche, à laquelle, pour sa part, la Chambre
d'accusation n'a rien trouvé à redire.

Il ressort des documents produits par le recourant dans la procédure
cantonale - notamment des copies de courriers adressés par le
Ministère
public ukrainien à Lambert - que ce dernier a reçu le mandat de
récupérer,
par la voie du procès civil, les montants investis aux Etats-Unis et
qui
proviendraient, selon l'Etat requérant, des fonds détournés par le
recourant.
Celui-ci ne conteste pas sérieusement qu'il s'agit là de démarches
civiles -
auxquelles le principe de la spécialité ne s'oppose pas - en vue de
dédommager les victimes des délits à raison desquels la procédure
pénale en
Ukraine est ouverte. Que l'Etat requérant, plutôt que d'agir
lui-même, ait
utilisé les services d'un tiers n'est pas déterminant à cet égard, pas
davantage le fait que la rétribution de Lambert soit fixée sur la
base d'une
quote-part de 12% du montant total recouvré. Il s'agit là de choix qui
concernent exclusivement les autorités de l'Etat requérant et n'ont
aucune
portée quant au respect du principe de la spécialité. Pour le
surplus, le
recourant affirme, sans le démontrer, que les pièces produites par
Lambert
dans le procès civil ouvert aux Etats-Unis auraient été fournies par
la
Suisse à l'Ukraine dans le cadre de l'entraide judiciaire. Or, il
n'est pas
exclu que ces documents aient été portés à la connaissance des
autorités
ukrainiennes au terme de leurs propres investigations. Même à
supposer le
contraire et que les autorités ukrainiennes aient agi sans l'accord de
l'Office fédéral, on peut présumer que celui-ci aurait de toute
manière
consenti à une telle utilisation, les démarches engagées aux
Etats-Unis
n'apparaissant manifestement pas abusives (cf. ATF 122 II 134 consid.
7b p.
137). Enfin, si le recourant estimait que le principe de la
spécialité était
violé pour ce qui concerne des documents remis aux autorités
ukrainiennes
dans le cadre de procédures d'entraide antérieures, il devait
adresser une
dénonciation en ce sens à l'Office fédéral. Il ne pouvait se
contenter de
soulever un tel grief dans le cadre de recours dirigés contre la
transmission
de documents par rapport auxquels le principe de la spécialité -
rappelé par
le Juge d'instruction dans sa décision du 13 février 2001 - n'est pas
en jeu.
Le grief devant être écarté, les conclusions préalables du recours
n'ont plus
d'objet.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge
du
recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art.
159
OJ). En l'état, il ne se justifie pas de prendre des sanctions
disciplinaires
à l'égard du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi
qu'à
l'Office fédéral de la justice (B 95375/10).

Lausanne, le 28 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.122/2001
Date de la décision : 28/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-28;1a.122.2001 ?
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