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25/03/2002 | SUISSE | N°4C.312/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 mars 2002, 4C.312/2001


«/2»

4C.312/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 mars 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffier: M. Carruzzo.
____________

Dans la cause civile pendante
entre

1. X.________, demandeur et recourant
principal, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à
Lausanne,

2. la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, à
Lausanne, intervenante,

et


Z.________, défenderesse et recourante par voie de jonction,
représentée par Me Eric Stoudmann, avocat à Lausanne;

(con...

«/2»

4C.312/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 mars 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffier: M. Carruzzo.
____________

Dans la cause civile pendante
entre

1. X.________, demandeur et recourant
principal, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à
Lausanne,

2. la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, à
Lausanne, intervenante,

et

Z.________, défenderesse et recourante par voie de jonction,
représentée par Me Eric Stoudmann, avocat à Lausanne;

(contrat de travail; résiliation; maladie; échéance contrac-
tuelle; interprétation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) En 1989, X.________ a été engagé en qualité
de secrétaire général par Z.________, une fédération
sportive
dont le siège se trouve à Lausanne.

Selon les statuts de Z.________, en vigueur à
l'époque, la nomination du Secrétaire général était de la
compétence du Bureau.

Le contrat conclu avec X.________, portant la date
du 20 avril 1989, est soumis au droit suisse. Il prévoit un
temps d'essai de six mois. Dès l'expiration du temps
d'essai,
le contrat est réputé conclu pour une durée de trois ans,
soit jusqu'au 31 décembre 1992. Avant l'expiration de la pé-
riode de trois ans, le contrat peut être résilié de part et
d'autre par lettre recommandée, moyennant préavis de six
mois, soit jusqu'au 30 juin 1992. Si aucune des parties ne
dénonce le contrat avant le 30 juin, il est tacitement renou-
velé pour une nouvelle période de trois ans. Dès le 1er jan-
vier 2001, le contrat est renouvelé pour une durée d'un an
et
peut alors être résilié de part et d'autre moyennant préavis
de six mois, soit jusqu'au 30 juin de chaque année.

Le contrat précise le montant du salaire brut
de X.________, ainsi que le montant de ses frais de représ-
entation. Par une clause spéciale, l'employeur garantissait
à
X.________ que son revenu net, déterminé par l'addition du
salaire brut et des frais de représentation sous déduction
des impôts et des cotisations sociales et d'assurances, ne
serait pas inférieur à 208 000 fr. par an. Il était convenu
également que le salaire brut et les frais de représentation
seraient indexés.

b) Z.________ a conclu un contrat, le 17 mars 1994,
avec la société B.________. Elle a chargé cette dernière de
négocier les droits de transmission radio et télévision pour
les épreuves relevant de Z.________.

Cette société a conduit Z.________ à conclure un
contrat, le 31 janvier 1995, avec une chaîne de télévision,
portant sur le droit exclusif à la transmission télévisée de
diverses épreuves dans différents pays.

Ce contrat mécontentait A.________, qui avait con-
clu, le 2 septembre 1993, un contrat de sponsoring avec
Z.________.

Des négociations ont été menées avec A.________;
elles ont abouti à un accord, signé le 9 mars 1995, qui
concédait notamment à cette dernière des droits exclusifs de
télévision.

Ce nouvel accord était incompatible avec le contrat
qui liait Z.________ à la chaîne de télévision.

Ces événements ont créé une situation de crise et
plusieurs fédérations nationales ont demandé que X.________
soit relevé de ses fonctions avec effet immédiat.

Lors d'une séance du Comité exécutif tenue le 28
avril 1995, la présidente a déclaré, en présence de
X.________, que le contrat du secrétaire général expirait à
la fin de l'année 1995, qu'il serait respecté jusqu'à cette
date, mais que l'intéressé était libéré de son obligation de
travailler afin de pouvoir rechercher un emploi.

Par télécopie du 5 mai 1995, l'avocat de Z.________
a confirmé à l'avocat de X.________ que celui-ci était in-

vité à cesser avec effet immédiat toute activité pour le
compte de Z.________.

Le 7 juin 1995, le Bureau de Z.________ s'est réuni
en séance extraordinaire à Lausanne. Il a décidé de ne pas
renouveler le contrat de travail à l'échéance du 31 décembre
1995, tout en dispensant X.________ de travailler jusquelà.
Le secrétaire général en a été informé par lettre
recommandée
datée du même jour.

Or, il a été établi par une expertise médicale
que X.________ était malade (atteint d'une leucémie à tri-
choleucocytes), le 7 juin 1995, et qu'il était alors incapa-
ble de travailler.

Après la période de maladie, l'avocat de Z.________
a répété, par lettre recommandée du 26 octobre 1995, que le
contrat était résilié, fixant cette fois l'échéance au
30 avril 1996.

B.- Par acte du 19 janvier 1996, X.________ a formé
devant les tribunaux vaudois une demande en paiement dirigée
contre Z.________, réclamant en dernier lieu à celle-ci une
somme en capital supérieure à 1 600 000 fr. Z.________ a con-
clu au déboutement du demandeur. La Caisse publique
cantonale
vaudoise de chômage est intervenue dans la procédure.

Par jugement du 15 novembre 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a condamné Z.________ à payer à
X.________, avec intérêts, les sommes de 118 166 fr.65 (sous
déduction des cotisations sociales et du montant alloué à
l'intervenante), de 4792 fr.55 et de 16 094 fr.70. Elle a
condamné Z.________ à payer à l'intervenante la somme de 18
674 fr.10 avec intérêts.

C.- Le demandeur a déposé un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme du jugement
attaqué
et reprend ses conclusions en paiement sur le fond.

La défenderesse propose le rejet du recours. Elle
interjette en outre un recours joint, concluant à son
entière
libération.

Le demandeur et l'intervenante concluent au rejet
du recours joint.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé par-
tiellement dans ses conclusions en paiement et dirigé contre
un jugement final rendu en dernière instance cantonale par
un
tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation
civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr.
(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe receva-
ble, puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 et
32 al. 2 OJ; art. 1 de la loi fédérale sur la supputation
des
délais comprenant un samedi; art. 38 al. 1 CPC vaud.) dans
les formes requises (art. 55 OJ).

b) Dans son mémoire de réponse, la défenderesse a
demandé, dans les formes requises, la réforme du jugement au
détriment du demandeur; le recours joint est donc également
recevable (cf. art. 59 al. 2 et 3 OJ).

c) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit
de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ) ou pour violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c, 126 III 189
consid. 2a, 370 consid. 5). Saisi d'un recours en réforme,
le

Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base
des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations repo-
sant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité canto-
nale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits perti-
nents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c, 126 III 59 consid. 2a). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de
celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127
III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs con-
tre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des con-
clusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs
qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation
juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 127 III 248 consid. 2c, 126 III 59 consid. 2a, 123 III
246 consid. 2).

2.- Pour traiter les questions litigieuses dans
l'ordre logique, il faut examiner en premier lieu le recours
joint, puisqu'il porte sur des points dont dépend la perti-
nence du grief principal soulevé par le recours en réforme.

a) Selon l'art. 2 al. 1 de la convention liant les
parties, "le contrat peut être résilié de part et d'autre
par
lettre recommandée". Les parties ont ainsi réservé la forme
écrite pour la résiliation du contrat de travail et elles
sont convenues d'un mode d'acheminement particulier (l'envoi
recommandé) de la lettre de résiliation.

La défenderesse soutient que l'exigence d'une let-
tre recommandée n'était prévue qu'à des fins probatoires et
que la validité de la résiliation n'en dépend pas.

b) aa) Il y a lieu de déterminer le sens et le but
de la prescription de forme réservée en l'occurrence par les
plaideurs. La protection déployée par la forme conventionnel-
le est fonction du but du contrat, lequel se définit par
l'interprétation de l'accord. A défaut de constatations rela-
tives à ce que les parties avaient en vue lors des pourpar-
lers et au moment de la conclusion du contrat, le but con-
tractuel sera déduit d'une interprétation normative au
regard
de l'ensemble des circonstances qui prévalaient alors (cf.
ATF 127 III 444 consid. 1b; 126 III 59 consid. 5b p. 68, 375
consid. 2e/aa p. 380).

L'art. 16 CO présume que la forme réservée est une
condition de la validité du contrat; cette présomption peut
être détruite par la preuve que la forme volontaire ne vise
qu'à faciliter l'administration des preuves. Il n'est pas
contesté que cette réglementation s'applique également aux
actes juridiques unilatéraux (Schmidlin, Commentaire
bernois,
n. 52 ss ad art. 16 CO; Schönenberger/Jäggi, Commentaire zu-
richois, n. 49 ss ad art. 16 CO; Schwenzer, Commentaire bâ-
lois, n. 8 ad art. 16 CO; Gauch/Schluep, Schweizerisches
Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 7e éd., vol. I., n. 609
s.). Il convient néanmoins de distinguer: en principe, la
forme réservée est solennelle lorsqu'elle a trait à l'exer-
cice de droits formateurs (Gestaltungserklärungen; cf. ATF
48
II 114), tels que la résiliation d'un contrat (ATF 95 II 43
consid. 2b p. 46); en revanche, elle n'a qu'une fonction de
preuve si elle concerne des déclarations qui ne produisent
pas de modification de la situation juridique
(rechtswahrende
und -konkretisierende Erklärungen (cf. Schmidlin, op. cit.,
n. 53 et 54 ad art. 16 CO). Ce point doit être tranché sur
la
base de l'interprétation du contrat de base auquel se ratta-

chent les déclarations unilatérales (Schönenberger/Jäggi,
op.
cit., n. 50 ad art. 16 CO).

bb) En l'espèce, la cour cantonale n'a pas détermi-
né la volonté réelle des parties. Elle a donc interprété la
clause litigieuse selon le principe de la confiance, ce que
le Tribunal fédéral peut librement réexaminer dans un
recours
en réforme (ATF 127 III 248 consid. 3a; 126 III 25 consid.
3c, 59 consid. 5a, 375 consid. 2e/aa; 125 III 305 consid. 2b
p. 308, 435 consid. 2a/aa).

La clause litigieuse prévoit que le contrat peut
être résilié "par lettre recommandée". En d'autres termes,
elle exige que la déclaration par laquelle s'exerce le droit
formateur que constitue la résiliation soit revêtue de la
forme écrite. Il en résulte a contrario que cette
déclaration
ne peut pas se faire oralement.

Qu'une clause soit textuellement claire n'exclut
pas a priori une interprétation (ATF 127 III 444 consid.
1b).
Il faut examiner s'il y a des raisons de penser qu'une
clause
devait être comprise d'une autre manière que son sens litté-
ral.

De telles circonstances n'existent pas en l'espèce.
On ne comprend pas pourquoi les parties auraient dit que la
résiliation devait intervenir par écrit, si cette exigence
était en définitive sans conséquences juridiques et que cha-
que partie pouvait librement s'en affranchir. Pour l'accom-
plissement d'un acte formateur, l'exigence conventionnelle
d'une forme particulière sert aussi bien l'intérêt de l'expé-
diteur que du destinataire, puisqu'elle tend à établir une
situation claire et dépourvue d'ambiguïté; elle doit être
présumée constituer une exigence de validité et cette pré-
somption n'a pas été renversée en l'espèce.

cc) En l'occurrence, la première déclaration de ré-
siliation a été faite lors d'une séance du Comité exécutif
tenue le 28 avril 1995; ne respectant pas la forme écrite ré-
servée dans le contrat, elle n'était donc pas valable.

Une deuxième résiliation a été adressée par téléco-
pie du 5 mai 1995 à l'avocat du demandeur. Indépendamment du
point de savoir si l'utilisation d'un tel procédé est
compatible ou non avec l'exigence de la forme écrite (cf.,
sur cette question, Schwenzer, op. cit., n. 14 ad art. 13 CO
avec de nombreuses références), il faut admettre, avec la
cour cantonale, que la déclaration y relative n'est pas
suffisamment univoque pour être retenue, dès lors qu'elle a
été suivie, quelques jours plus tard (le 24 mai 1995), d'une
lettre du conseil de la défenderesse dans laquelle il n'est
question que de la suspension à titre provisoire du
demandeur
jusqu'à ce que le Bureau se réunisse pour se prononcer sur
la
résiliation du contrat.

En définitive, c'est donc bien la lettre du 7 juin
1995 qui constitue la première résiliation formellement va-
lable du contrat de travail liant les parties. En tranchant
dans ce sens, la cour cantonale n'a pas violé les règles de
droit fédéral applicables.


Cela étant, point n'est besoin d'examiner ici quel-
le était la portée du mode d'acheminement de la lettre de ré-
siliation stipulé dans le contrat, car cette question ne
joue
pas de rôle en l'espèce (cf. à ce sujet, parmi d'autres,
Schmidlin, op. cit., n. 3 ad art. 16 CO).

c) La cour cantonale a retenu que le 7 juin 1995,
date de la résiliation de son contrat de travail, le deman-
deur était malade et incapable de travailler, ce qui
entraîne
la nullité du congé (art. 336c al. 1 let. b et al. 2 CO).

La défenderesse soutient que le travailleur était
néanmoins en état d'exercer son activité.

Déterminer l'état d'une personne à un moment donné
relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédé-
ral saisi d'un recours en réforme (Corboz, Le recours en ré-
forme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 61).

En procédant à une appréciation des preuves, la
cour cantonale est parvenue à la conviction que le travail-
leur était à cette époque malade, étant atteint d'une leucé-
mie à tricholeucocytes. Il résulte de ses considérants qu'el-
le a admis que les effets de cette maladie empêchaient le de-
mandeur de travailler. Le Tribunal fédéral est lié par les
constatations cantonales sur l'état du travailleur.

La défenderesse se trompe d'ailleurs sur le sens et
la portée de l'art. 336c al. 1 let. b CO. Cette disposition
a
été introduite non pas du fait que l'état du travailleur au
moment de la réception de la résiliation l'empêcherait de
chercher un autre emploi, mais parce qu'un engagement par un
nouvel employeur à la fin du délai de congé ordinaire paraît
hautement invraisemblable en raison de l'incertitude quant à
la durée et au degré de l'incapacité de travail (Message du
Conseil fédéral du 9 mai 1984, in FF 1984 II p. 628). La
question n'est d'ailleurs pas de savoir si le travailleur
est
totalement incapable de travailler, puisque l'art. 336c al.
1
let. b CO vise également une incapacité de travail
partielle.
Cette disposition est inapplicable en cas de maladie dans la
seule hypothèse où l'atteinte à la santé s'avère tellement
insignifiante qu'elle ne peut en rien empêcher d'occuper un
nouveau poste de travail (arrêt 4C.331/1998 du 12 mars 1999,
consid. 2b).

En l'espèce, l'arrêt cantonal ne contient aucune
constatation qui conduise à penser que les effets de cette

maladie ne pouvaient être qu'insignifiants. C'est le contrai-
re qui ressort de l'état de fait retenu. Que le travailleur
n'ait pas eu conscience de son état et qu'il n'en ait à
l'époque pas connu l'origine ne saurait le priver de la pro-
tection légale. L'application de l'art. 336c al. 1 let. b CO
n'est pas subordonnée à une connaissance de la situation
réelle. Qu'un travailleur soit atteint d'une leucémie est
évidemment de nature à susciter des inquiétudes et à
entraver
par conséquent un engagement par un nouvel employeur; il
s'agit donc d'une circonstance qui justifie la protection lé-
gale, même si les causes de l'état du travailleur ne sont dé-
couvertes que plus tard.

En concluant que le congé donné le 7 juin 1995
était nul, la cour cantonale n'a pas violé les art. 336c al.
1 let. b et al. 2 CO.

Le recours joint doit donc être entièrement rejeté.

3.- a) Le demandeur considère que le Bureau de
la défenderesse aurait dû prendre une nouvelle décision de
résiliation avant de renouveler le congé, après la maladie,
par lettre du 26 octobre 1995.

Il résulte de l'art. 336c al. 2 CO que le congé
donné pendant la période de protection prévue par l'art.
336c
al. 1 let. b CO est nul. En conséquence, il ne produit aucun
effet juridique et ne peut pas être converti; l'employeur
qui
persiste dans son intention de mettre fin au contrat doit re-
nouveler sa manifestation de volonté une fois la période
achevée (arrêt 4C.276/1996 du 15 septembre 1997, consid. 5a).

S'il est vrai que l'employeur n'est pas obligé de
persister dans son intention, il ne ressort pas de l'art.
336c CO qu'il soit obligé de réexaminer la situation et de
prendre une nouvelle décision. Le but de la loi, comme on
l'a

vu, est de protéger le travailleur contre le risque de rece-
voir le congé à un moment où il pourrait difficilement trou-
ver un nouvel emploi pour l'échéance. Il faut donc qu'il re-
çoive la résiliation à un moment moins défavorable pour lui.
Il suffit que le congé soit renouvelé en dehors de la
période
de protection. On ne peut cependant déduire de ce régime que
l'employeur, lorsqu'il est une personne morale, serait
obligé
de reprendre à zéro la procédure interne de résiliation et
de
provoquer une nouvelle décision de son organe compétent. Une
telle exigence ne peut pas être déduite de l'art. 336c CO et
on ne discerne à cet égard aucune violation du droit fédéral.

b) Selon l'art. 2 du contrat conclu entre les par-
ties, l'absence de résiliation valable au 30 juin 1995 a en-
traîné, par tacite reconduction, le renouvellement du
contrat
jusqu'au 31 décembre 1998.

Sachant que le congé donné le 7 juin 1995 est nul
(art. 336c al. 2 CO), donc sans effet juridique, il faut en
déduire qu'il n'y a pas eu de résiliation valable (par
lettre
recommandée) avant le 30 juin 1995 et que les parties se
sont
trouvées liées à nouveau selon leur clause de tacite recon-
duction jusqu'au 31 décembre 1998.

La cour cantonale a cependant considéré que le con-
gé valablement donné le 26 octobre 1995 mettait fin au con-
trat au 30 avril 1996, ce que le demandeur conteste.

aa) La cour cantonale, qui s'est longuement atta-
chée à la distinction entre un contrat de durée déterminée
et
un contrat de durée indéterminée, fonde sa décision sur ce
point en soutenant qu'il s'agirait d'un contrat de durée in-
déterminée non classique.

Ce débat procède d'une confusion entre deux ques-
tions distinctes.

Savoir s'il faut donner congé pour mettre fin au
contrat et savoir si les parties ont fixé le terme de leur
relation contractuelle sont en effet deux questions qu'il
convient de distinguer.

Lorsque les parties sont convenues de se lier jus-
qu'à une date déterminée ou déterminable, leur relation con-
tractuelle prend fin par la seule expiration de ce jour,
sans
qu'il soit nécessaire de donner congé (cf. art. 334 al. 1
et 266 al. 1 CO). Les parties peuvent cependant convenir que
leur relation contractuelle ne prendra fin que si l'une d'el-
les en manifeste la volonté avant un certain délai à compter
de l'échéance (contrat congéable). Dans ce cas, une résilia-
tion (appelée aussi congé) est nécessaire pour mettre fin au
contrat. Comme on ne peut pas savoir, lors de la conclusion,
si la résiliation interviendra ou non, la durée effective de
ces contrats est a priori incertaine (cf. Brühwiler, Kommen-
tar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 4 ad art. 334 CO).
Lorsque les parties n'ont pas déterminé l'échéance du con-
trat, une résiliation est nécessaire pour y mettre fin et la
loi contient des règles sur le délai et le terme à observer
(cf. art. 335 à 335c CO et art. 266a à 266f CO).

Que le contrat soit congéable ou non, les parties
peuvent fixer l'échéance contractuelle. Elles peuvent non
seulement déterminer le terme de la période initiale, mais
elles peuvent aussi fixer les termes successifs en cas de re-
conduction tacite (FF 1984 II 617). Si les parties n'ont pas
fixé de terme, la loi détermine pour quelle date le congé or-
dinaire peut être donné (art. 335b et c CO, art. 266a à 266f
CO).

Contrairement à ce que soutient la défenderesse,
l'art. 335c CO n'est pas impératif (cf. art. 335c al. 2, 361
et 362 CO; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 2823).
Les parties peuvent convenir d'un autre terme que celui
prévu

par la loi (cf. Gauch, System der Beendigung von Dauerverträ-
gen, thèse Fribourg 1968, p. 55 note de pied n. 2). La néces-
sité de respecter l'échéance contractuelle, lorsqu'elle a
été
fixée par les parties, existe également pour le congé ordi-
naire en droit du bail (cf. art. 266a al. 1 CO; Lachat, Le
bail à loyer, chap. 26 n. 1.2). Si le contrat pouvait être
résilié pour la fin de n'importe quel mois - comme l'a admis
la cour cantonale -, on ne voit plus quelle serait la signi-
fication de la clause contractuelle qui prévoit une échéance
après trois ans et règle de manière exhaustive la
possibilité
de donner congé à compter de cette date.

En l'espèce, le contrat doit être qualifié de con-
géable, puisque les parties étaient convenues qu'une résilia-
tion était nécessaire pour y mettre fin. Elles ont déterminé
elles-mêmes le terme de chaque période contractuelle en cas
d'absence de résiliation.

Dès lors que la résiliation n'était pas intervenue
valablement en temps utile, c'est-à-dire au 30 juin 1995, la
relation contractuelle a été reconduite tacitement, selon la
clause convenue, jusqu'au 31 décembre 1998.

Au moment où la volonté de résilier le contrat a
été valablement communiquée, par la lettre du 26 octobre
1995, les parties se trouvaient liées jusqu'au 31 décembre
1998 et la résiliation ordinaire n'a pas pour effet de modi-
fier l'échéance contractuelle.

bb) Qu'un congé nul ait été donné par lettre du
7 juin 1995 ne peut rien y changer. Il résulte clairement de
l'art. 336c al. 2 CO que le congé donné pendant une période
de protection est nul, partant qu'il n'a aucun effet juri-
dique. Imaginer qu'il puisse modifier les échéances contrac-
tuelles viole clairement l'art. 336c CO.

Que la période de reconduction soit longue résulte
d'une clause contractuelle librement convenue. On ne voit
pas
quelle règle de droit fédéral empêchait les parties de conve-
nir d'une reconduction pour une durée de trois ans.

En fixant l'échéance au 30 avril 1996, la cour can-
tonale a violé le droit fédéral.

cc) Comme l'employeur avait libéré le travailleur
de l'obligation de travailler, celui-ci n'était plus tenu
d'offrir ses services (cf. arrêt 4C.66/1994 du 20 juillet
1994 publié in SJ 1995 p. 801 consid. 3b).

La décision de l'employeur de libérer le travail-
leur de son obligation de fournir ses services se
caractérise
comme une remise de dette, qui constitue un acte de disposi-
tion n'exigeant aucune acceptation expresse (cf. art. 115 et
art. 6 CO; cf. également Engel, Traité des obligations en
droit suisse, 2e éd., p. 204; Eugen Bucher, Commentaire bâ-
lois, n. 12 ad art. 6 CO; Schmidlin, op. cit., n. 30 ad art.
6 CO; Schönenberger/Jäggi, op. cit., n. 28 ad art. 6 CO).

La renonciation de l'employeur n'obligeait nulle-
ment le travailleur à renoncer de son côté à son salaire.
Une
telle renonciation ne ressort en rien des faits constatés
par
la cour cantonale.

Le salaire que le travailleur a pu ou aurait pu ob-
tenir auprès d'un autre employeur grâce au fait qu'il a été
libéré de l'obligation de travailler doit être imputé (cf.
ATF 118 II 139 consid. 1). La cour cantonale n'a pas examiné
cette question, en considérant à tort que le contrat avait
pris fin au 30 avril 1996. Elle suppose - notamment quant au
salaire que l'employé aurait pu obtenir - une appréciation
des preuves, à laquelle il n'est pas possible de procéder en

instance de réforme. La cause doit donc être renvoyée à la
cour cantonale pour nouvelle décision (art. 64 al. 1 OJ).

c) Le demandeur soutient que le revenu net minimum
garanti par l'art. 5 du contrat devait également être indexé
en application de l'art. 6 du contrat.

Il s'agit à nouveau d'une question d'interprétation
des clauses contractuelles.

La cour cantonale n'ayant pas déterminé la volonté
réelle des parties, il faut procéder à une interprétation
selon le principe de la confiance.

Il est vrai que la clause d'indexation figure à
l'art. 6 et suit immédiatement la disposition sur le salaire
brut (art. 3), celle sur les frais de représentation (art.
4)
et celle sur la garantie du revenu net (art. 5). Par son em-
placement dans le contrat, la clause d'indexation semble se
rapporter à ces trois hypothèses. On doit observer aussi que
la garantie du revenu minimum pourrait perdre sa significa-
tion, si elle n'était pas indexée, avec l'inflation année
après année.

D'un autre côté, force est de souligner que les
parties ont utilisé une terminologie extrêmement précise,
distinguant le salaire brut (art. 3), les frais de représen-
tation (art. 4) et le revenu net (art. 5). Le libellé de
l'art. 5 montre d'ailleurs clairement que ces trois notions
ne sont jamais confondues. Or, la clause d'indexation (art.
6) indique sans ambiguïté que "le salaire brut et les frais
de représentation sont adaptés chaque année à l'indice
suisse
des prix à la consommation". Il résulte donc d'une interpré-
tation littérale que la clause d'indexation ne s'attache
qu'au salaire brut et aux frais de représentation, et non
pas
au revenu net. Aucun élément déterminant ne permet sérieuse-

ment de penser que cette interprétation littérale ne corres-
pond pas à ce que les parties avaient en vue. Avec la garan-
tie du revenu net, l'employeur a pris - d'une manière inhabi-
tuelle - le risque des impôts et des cotisations sociales;
il
n'échappera à personne que le montant des impôts peut varier
sensiblement en cas de modification législative ou de déména-
gement dans une autre commune de domicile. On peut donc par-
faitement concevoir que l'employeur n'ait pas voulu ajouter
à
ces aléas le risque de l'inflation et que le revenu net mini-
mum ait été fixé de manière définitive.

Sur la base des constatations qui lient le Tribunal
fédéral (art. 63 al. 2 OJ), on ne peut pas dire que la cour
cantonale, en s'en tenant au sens littéral de la clause d'in-
dexation, ait violé
les règles du droit fédéral sur l'inter-
prétation des manifestations de volonté.

Le recours en réforme doit être rejeté sur ce
point.

d) Le demandeur a soutenu qu'il n'avait pas reçu le
revenu net minimum garanti en raison de reprises fiscales et
il a fait valoir une créance de ce chef.

La cour cantonale a constaté que la commission
d'impôts de Lausanne-Ville avait procédé, par décisions de
taxation définitives des 29 septembre et 26 novembre 1997, à
une reprise fiscale sur une part des frais de représentation
perçus par le demandeur et considérés comme un salaire dégui-
sé.

La cour cantonale a cependant considéré que les
prétentions émises de ce chef étaient en partie prescrites,
en raison de la prescription quinquennale de l'art. 128 ch.
3
CO, puisqu'elles n'ont été invoquées que par des conclusions
prises le 22 novembre 1999.

Le demandeur conteste que sa prétention soit pres-
crite.

Les clauses contractuelles relatives au salaire
brut (art. 3 al. 1) et aux frais de représentation (art. 4)
prévoyaient le versement de sommes déterminées à des dates
déterminées.

Il en va différemment de la clause sur le revenu
net minimum garanti (art. 5).

Cette clause prévoyait un versement supplémentaire
pour atteindre le minimum garanti si celui-ci n'était pas dé-
jà atteint par le versement du salaire brut et des frais de
représentation. Les prétentions découlant de l'art. 5 du con-
trat étaient donc soumises à une condition, à savoir que le
revenu net minimum ne soit pas atteint. Or, pour savoir si
la
condition était ou non réalisée, il fallait disposer des dé-
cisions de taxation fiscale permettant d'effectuer le
calcul.
Aussi longtemps que la démonstration d'un revenu net insuffi-
sant ne pouvait pas être faite, toute prétention était ex-
clue. Il faut donc en conclure que la clause contractuelle
de
l'art. 5 soumettait l'existence d'une éventuelle créance à
une condition suspensive.

Lorsqu'une créance est soumise à une condition sus-
pensive, la prescription ne commence pas à courir aussi long-
temps que la condition n'est pas réalisée (Von Tuhr/Escher,
Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, II,
p. 218; Engel, op. cit., p. 804).

Ce n'est que lorsque les décisions de reprises fis-
cales sont devenues définitives que le travailleur a pu sa-
voir et démontrer que la condition était réalisée, c'est-à-
dire qu'il n'avait pas reçu le revenu net minimum garanti,
et

qu'il pouvait faire valoir une prétention complémentaire de
ce chef.

C'est donc en violation du droit fédéral que la
cour cantonale a considéré comme prescrites les prétentions
fondées sur le revenu net minimum découlant des reprises
fiscales.

La cour cantonale semble avoir reproché au deman-
deur d'avoir manqué de transparence dans ses déclarations
fiscales. Il ressort cependant du contrat que la distinction
entre salaire brut et frais de représentation a été voulue
par les deux parties. Sachant que les frais de
représentation
étaient manifestement exagérés, les parties ont voulu présen-
ter la situation de cette manière en vue d'éluder l'impôt.
La
défenderesse y avait un intérêt personnel, puisque le
montant
de l'impôt influait sur son obligation de verser un complé-
ment pour assurer le revenu net minimum garanti. Dès lors
que
la défenderesse a contribué à créer cette situation
également
dans son propre intérêt, elle ne pourrait, sans violer les
règles de la bonne foi (art. 2 al. 2 CC), tirer un
quelconque
argument du fait que le demandeur aurait manqué de transpa-
rence à l'égard de l'administration fiscale.

Les calculs sur ce sujet étant complexes, une ex-
pertise comptable a été ordonnée. L'examen de l'expertise re-
lève de l'appréciation des preuves, à laquelle il n'est pas
possible de procéder en instance de réforme. La cause doit
donc être renvoyée également sur ce point à la cour
cantonale
pour nouvel examen et décision.

e) Le demandeur reproche enfin à la cour cantonale
d'avoir rejeté ses conclusions additionnelles du 22 novembre
1999.

La question de l'admissibilité de conclusions modi-
fiées ou augmentées en cours de procès relève exclusivement
du droit cantonal et ne peut donner matière à recours en ré-
forme (arrêt 4C.66/1994 du 20 juillet 1994, consid. 2a).

Il n'apparaît cependant pas que la cour cantonale
aurait écarté les conclusions litigieuses pour des raisons
de
recevabilité. Il semble au contraire qu'elle les ait
rejetées
sur le fond.

A ce sujet, la cour cantonale a relevé qu'elle
"n'est pas compétente en matière d'assurances sociales". Cet-
te argumentation viole le droit fédéral. Dès lors qu'un tra-
vailleur prend des conclusions en paiement contre son em-
ployeur en invoquant une clause du contrat individuel de tra-
vail, la cour cantonale ne peut pas, sans violer le droit fé-
déral, la rejeter en contestant qu'elle relève du droit du
travail et en considérant à tort qu'elle relève du droit des
assurances sociales.

La motivation cantonale reste cependant obscure. Il
n'est pas exclu - comme le pense la défenderesse - qu'il se
pose un problème de procédure cantonale quant à la formula-
tion ou la précision des conclusions. Par ailleurs, il est
aussi possible que la cour cantonale ait pensé que la
créance
n'était pas encore exigible dans l'attente de décisions admi-
nistratives.

La motivation présentée étant obscure au point
qu'il n'est pas possible de discerner si elle viole ou non
le
droit fédéral, il y a lieu également d'admettre le recours
sur ce point et de renvoyer la cause à la cour cantonale
pour
nouvelle décision.

4.- Ainsi, le recours en réforme est admis, tandis
que le recours joint est rejeté. En conséquence, les frais
et

dépens seront mis à la charge de la défenderesse (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dé-
pens à l'intervenante, qui s'est bornée à conclure à juste
titre au rejet du recours joint et qui n'a pas fait appel
aux
services d'un avocat ni n'a invoqué des frais particuliers
(cf. art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours en réforme, annule le jugement
attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision;

2. Rejette le recours joint;

3. Met un émolument judiciaire de 20 000 fr. à la
charge de la défenderesse;

4. Dit que la défenderesse versera au demandeur une
indemnité de 25 000 fr. à titre de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

___________

Lausanne, le 25 mars 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.312/2001
Date de la décision : 25/03/2002
1re cour civile

Analyses

Contrat de travail; forme réservée pour le congé; résiliation en temps inopportun et échéance contractuelle; interprétation de clauses contractuelles relatives au salaire (art. 16, 18, 335c et 336c CO). Le point de savoir si la forme réservée pour la résiliation d'un contrat de travail - en l'espèce, la lettre recommandée - est une condition de validité se détermine par l'interprétation dudit contrat (consid. 2a et b). Le congé donné pendant une période de protection étant nul, l'employeur doit le renouveler après la fin de la période en respectant l'échéance stipulée dans le contrat (consid. 3a et b). Interprétation d'une clause d'indexation et d'une clause garantissant un salaire net minimum (consid. 3c et d).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-25;4c.312.2001 ?
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