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25/03/2002 | SUISSE | N°1P.99/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 mars 2002, 1P.99/2002


{T 1/2}
1P.99/2002
1P.100/2002
1P.101/2002
1P.102/2002
1P.103/2002 /dxc

Arrêt du 25 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi,
greffier Zimmermann.

République fédérale du Nigeria, recourante, représentée par Me Enrico
Monfrini, avocat, place du Molard 3, 1204 Genève,

contre

Mohammed Sani Abacha, Abuja (Nigeria), intimé, représenté par MMes
Bruno de
Preux et P

ierre de Preux, avocats, rue François Bellot 6, 1206
Genève, (1P.
99/2002, 1P.100/2002, 1P.103/2002)
Abubakar Bagudu, Abuja (Ni...

{T 1/2}
1P.99/2002
1P.100/2002
1P.101/2002
1P.102/2002
1P.103/2002 /dxc

Arrêt du 25 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi,
greffier Zimmermann.

République fédérale du Nigeria, recourante, représentée par Me Enrico
Monfrini, avocat, place du Molard 3, 1204 Genève,

contre

Mohammed Sani Abacha, Abuja (Nigeria), intimé, représenté par MMes
Bruno de
Preux et Pierre de Preux, avocats, rue François Bellot 6, 1206
Genève, (1P.
99/2002, 1P.100/2002, 1P.103/2002)
Abubakar Bagudu, Abuja (Nigeria), intimé, représenté par Me Vincent
Jeanneret, avocat, cours de Rive 10, case postale 3054, 1211 Genève 3,
(1P.101/2002, 1P.102/2002)
Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Dumartheray, case
postale
3344, 1211 Genève 3,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

ajournement de l'instruction du dossier

(recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du
canton de Genève du 16 janvier 2002)

Faits:

A.
Le Juge d'instruction du canton de Genève conduit une procédure
pénale contre
les ressortissants nigérians Mohamed Sani Abacha et Abubakar Attiku
Bagudu,
inculpés de participation à une organisation criminelle, de
blanchiment
d'argent, d'escroquerie, de gestion déloyale, subsidiairement de
gestion
déloyale des intérêts publics. Dans cette procédure désignée sous la
rubrique
P/12983/99, le Juge d'instruction a reconnu à la République fédérale
du
Nigeria (ci-après: la République fédérale) la qualité de partie
civile, avec
la conséquence que celle-ci a, en application de l'art. 142 CPP gen.,
pu
librement consulter le dossier de cette procédure.

Parallèlement, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office
fédéral)
est entré en matière sur une demande d'entraide présentée par la
République
fédérale dans le même contexte de faits. L'Office fédéral a confié
l'exécution de la demande au même juge d'instruction genevois que
celui
chargé de la procédure P/12983/99. La procédure d'exécution de la
demande
d'entraide a été désignée sous la rubrique CP/286/99.

En novembre 2000, Abacha et Bagudu ont demandé au Juge d'instruction
de
limiter le droit de la République fédérale de consulter le dossier de
la
procédure P/12983/99, ceci afin de protéger les intérêts de la
procédure
d'entraide. La Chambre d'accusation a confirmé le refus du Juge
d'instruction
d'agir en ce sens, selon deux décisions du 14 février 2001. Par arrêt
du 5
juin 2001 (ATF 127 II 198), le Tribunal fédéral, après avoir joint les
recours de droit public formés par Abacha et Bagudu contre ces
décisions, les
a admis, traités comme recours de droit administratif, et annulé les
décisions du 14 février 2001 en renvoyant les causes au Juge
d'instruction
pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants (causes
1P.233/2001 et 1P.241/2001). Le Tribunal fédéral a considéré, en
bref, que la
procédure pénale et la procédure d'entraide étaient à ce point
imbriquées que
l'octroi illimité du droit de consulter le dossier de la première,
selon les
règles du droit cantonal, pouvait compromettre les intérêts de la
seconde, en
violation des règles fondamentales de l'EIMP (ATF 127 II 198 consid.
4a et b
p. 206/207). Il incombait dès lors au Juge d'instruction de limiter,
dans
toute la mesure nécessaire, le droit de la République fédérale de
consulter
le dossier de la procédure P/12983/99 (ATF 127 II 198 consid. 4c p.
207).

Le 20 juin 2001, le Juge d'instruction a pris les mesures qu'il a
tenues pour
nécessaires et suffisantes à cette fin. Le 24 août 2001, la Chambre
d'accusation a admis les recours formés par Abacha et Bagudu contre
cette
décision; dans le dispositif de celle-ci, elle a reformulé les
modalités du
droit de consultation de la République fédérale. Par arrêt du 7
décembre
2001, le Tribunal fédéral a admis partiellement, au sens des
considérants,
les recours de droit administratif formés par Abacha et Bagudu contre
la
décision du 24 août 2001, dont il a modifié le deuxième paragraphe du
dispositif (causes 1A.157/2001 et 1A.158/2001).

B.
Dans la suite de la procédure P/12983/99, le Juge d'instruction a, le
13
juillet 2001, refusé de régler la participation de la République
fédérale aux
audiences d'instruction ultérieures. Le 23 juillet 2001, il a
disjoint de la
procédure P/12983/99 les causes concernant Abacha et Bagudu,
s'agissant de
certains comptes bancaires et de certaines sociétés, pour les
regrouper dans
une nouvelle procédure désignée par la rubrique P/9806/99, dont il a
ordonné
la communication au Procureur général, conformément à l'art. 185 al.
1 CPP
gen. Le 23 novembre 2001, le Juge d'instruction a rejeté la requête
d'Abacha,
tendant à l'apposition d'une signature sur une pièce de la procédure
P/12983/99. Les deux premières de ces décisions ont été attaquées
devant la
Chambre d'accusation chacune séparément par Abacha et Bagudu, alors
que la
troisième l'a été par Abacha uniquement. Au total, cinq recours ont
été ainsi
formés.

Par cinq «ordonnances préparatoires» des 16 et 17 janvier 2002, le
Président
de la Chambre d'accusation a ajourné l'instruction de ces recours
jusqu'à
«décision définitive sur la clôture de l'entraide n° CP/286/99». Se
fondant
sur l'arrêt du 7 décembre 2001, le Président de la Chambre
d'accusation a
estimé qu'avant de trancher les recours, il était indispensable de
connaître
les «conséquences et incidences» des décisions de clôture sur les
procédures
pénales.

C.
Agissant séparément par la voie du recours de droit public contre
chacune des
décisions des 16 et 17 janvier 2002, la République fédérale du Nigeria
demande au Tribunal fédéral d'annuler celles-ci (causes 1P.99/2002,
1P.100/2002, 1P.101/2002, 1P.102/2002 et 1P.103/2002). Elle invoque
l'art. 29
Cst.

Tout en émettant des doutes sur la recevabilité des recours, la
Chambre
d'accusation se réfère à sa décision. Le Procureur général et le Juge
d'instruction s'en remettent à justice. Abacha conclut à
l'irrecevabilité des
recours 1P.99/2002, 1P.100/2002 et 1P103/2002; sur le fond, il se
rapporte à
justice. Bagudu conclut principalement à l'irrecevabilité des recours
1P.101/2002 et 1P.102/2002, subsidiairement à leur rejet.

D.
Le 24 janvier 2002, l'Office fédéral a rendu des décisions de clôture
de la
procédure d'entraide, contre lesquelles Abacha et Bagudu, ainsi que
des
personnes morales tierces ont formé des recours de droit administratif
(causes 1A.49 à 54/2002), actuellement pendants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les recours sont formés, pour les mêmes griefs, par la même
recourante contre
cinq décisions identiques portant sur différents actes d'instruction
rendues
dans la même procédure pénale. Il se justifie de joindre les recours
(cf. ATF
127 V 29 consid. 1 p. 33, 156 consid. 1 p. 157; 123 II 18 consid. 1
p. 20, et
les arrêts cités), malgré qu'Abacha et Bagudu n'interviennent pas
comme
intimés dans les mêmes causes.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1
p. 93;
127 II 198 consid. 2 p. 201; 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 150
consid.
1a p. 151, 166 consid. 1 p. 168, et les arrêts cités).

2.1 A teneur de l'art. 87 OJ, le recours de droit public est
recevable contre
les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur
les
demandes de récusation; ces décisions ne peuvent être attaquées
ultérieurement (al. 1); le recours de droit public est recevable
contre
d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément
s'il peut
en résulter un préjudice irréparable (al. 2); lorsque le recours de
droit
public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou s'il n'a pas été
utilisé, les
décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la
décision finale (al. 3).

2.2 Les décisions attaquées ont pour effet d'ajourner - soit de
suspendre -
l'examen des recours cantonaux jusqu'à «décision définitive de
clôture de la
procédure n° CP/286/99», par quoi il faut entendre l'entrée en force
de la
décision de l'Office fédéral portant clôture de la procédure
d'exécution de
la demande d'entraide (art. 80d EIMP), sur tous les aspects de
celle-ci. Les
décisions attaquées sont ainsi de nature incidente, puisqu'elles ne
mettent
pas un terme à la procédure pénale en cours (cf. ATF 123 I 325
consid. 3b p.
327; 122 I 39 consid. 1a/aa p. 41; 120 Ia 369 consid. 1b p. 372, et
les
arrêts cités).

Toutefois, lorsque le recourant se plaint, comme en l'espèce, d'un
retard
injustifié à statuer, constitutif d'un déni de justice formel (art.
29 al. 1
Cst.; cf. ATF 125 V 188 consid. 2a p. 191/192; sur ce point précis, la
situation d'espèce est différente de celle ayant donné lieu au
prononcé des
arrêts rendus les 20 juillet [causes 1P.481/2001 et 1P.482/2001] et
14 août
2001 [causes 1P.515/2001 et 1P.516/2001], concernant les mêmes
parties), le
Tribunal fédéral renonce à l'exigence d'un dommage irréparable au
sens de
l'art. 87 OJ, car le justiciable doit pouvoir faire remédier
immédiatement à
un retard à statuer ou à un refus de statuer, en particulier lorsque
l'autorité suspend sans raison suffisante le traitement d'une affaire
(ATF
120 III 143 consid. 1b p. 144/145; 117 Ia 336 consid. 1a p. 337/338;
cf.
également les arrêts 1P.267/2000 du 29 juin 2000, consid. 2;
1P.178/1995 du
28 juillet 1995, reproduit in SJ 1995 p. 740 et Pra 1996 141 469,
consid. 1b;
1P.59/1995 du 20 juillet 1995, consid. 1/a; 5P.389/1993 du 2 mars
1994,
consid. 1c; 1P.9/1992 du 1er mars 1993, consid. 1b).

Il y a, partant, lieu d'entrer en matière. Les deux arrêts que citent
les
intimés pour proposer une solution contraire ne sont pas déterminants.
L'arrêt rendu le 11 septembre 2000 dans la cause 5P.123/2000 concerne
le
rejet d'une requête en constatation de la péremption de l'instance et
de la
déchéance du recours, laquelle n'est pas assimilable à une suspension
de la
procédure. Quant à l'arrêt rendu le 18 mai 2000 dans la cause
1P.269/2000, il
précise que l'exception qui vient d'être rappelée s'applique
essentiellement
aux cas dans lesquels la suspension de la procédure est prononcée
sine die,
soit pour une durée indéterminée ou lorsque la reprise de la
procédure dépend
d'un événement dont on ignore s'il se produira, et sur lequel
l'intéressé n'a
aucune prise. Tel est bien le cas en l'espèce. En subordonnant la
reprise de
l'instruction des recours cantonaux à l'entrée en force d'une
décision de
clôture définitive de la procédure d'entraide, la Chambre
d'accusation a
envisagé que la suspension litigieuse produise ses effets pour une
durée
indéterminée, et en tout cas pendant plusieurs mois. Ce risque s'est
d'ailleurs réalisé, les intimés ayant entrepris devant le Tribunal
fédéral
les décisions de clôture rendues par l'Office fédéral quelques jours
après le
prononcé des décisions attaquées. A l'appui de leurs recours de droit
administratif formés contre les décisions de clôture, les intimés ont
conclu
à l'annulation de celles-ci. S'ils devaient obtenir gain de cause,
l'exécution de la procédure d'entraide se prolongerait encore durant
quelques
mois, ainsi que, par contrecoup, la suspension de l'instruction des
recours
cantonaux. Même dans l'hypothèse la plus favorable à la recourante -
soit le
rejet intégral des recours de droit administratif - les recours
cantonaux ne
seraient pas tranchés avant plusieurs semaines, voire quelques mois.

3.
Pour la recourante, les décisions attaquées seraient insuffisamment
motivées.

3.1 Les parties ont le droit d'être entendues (art. 29 al. 2 Cst.).
Selon la
jurisprudence relative à l'art. 4 aCst., applicable à l'art. 29 al. 2
Cst.,
l'autorité doit indiquer dans son prononcé les motifs qui la
conduisent à sa
décision (ATF 123 I 31 consid 2c p. 34; 112 Ia 107 consid. 2b p.
109). Elle
n'est pas tenue de discuter de manière détaillée tous les arguments
soulevés
par les parties; elle n'est pas davantage astreinte à statuer
séparément sur
chacune des conclusions qui lui sont présentées. Elle peut se limiter
à
l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il suffit
que le
justiciable puisse apprécier correctement la portée de la décision et
l'entreprendre à bon escient (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17; 125
II 369
consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149; 124 V 180 consid. 1a
p. 181,
et les arrêts cités).

3.2 Les décisions attaquées se réfèrent essentiellement à l'arrêt du 7
décembre 2001, en particulier à son considérant 5b/ee (p. 15). Dans ce
passage, le Tribunal fédéral avait souligné l'intérêt, dans une
situation
analogue, d'un traitement rapide de la demande d'entraide, qui
devrait primer
sur la conduite des procédures pénales. La Chambre d'accusation y a
vu une
invitation à surseoir à statuer sur les recours liés à ces dernières.
Sur ce
point, le sens et la portée concrète des décisions attaquées sont
clairs. La
recourante ne s'y est d'ailleurs pas trompée.

Le grief doit ainsi être écarté.

4.
La recourante se plaint d'un déni de justice
formel pour retard
injustifié à
statuer.

4.1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou
administrative,
à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai
raisonnable (art. 29 al. 1 Cst.). Le caractère raisonnable du délai
s'apprécie au regard de la nature de l'affaire et l'ensemble des
circonstances (cf. pour la jurisprudence relative à l'art. 4 aCst.,
ATF 125 V
188 consid. 2a p. 191/192; 117 Ia 193 consid. 1c p. 197; 107 Ib 160
consid.
3b p. 164/165; 103 V 190 consid. 3c p. 194/195). Le principe de
célérité qui
découle de l'art. 29 al. 1 Cst. pose des limites à la suspension d'une
procédure jusqu'à droit connu sur le sort d'une procédure parallèle
(ATF 119
II 386 consid. 1b p. 389). La suspension dépend d'une pesée des
intérêts en
présence; elle ne doit être admise qu'exceptionnellement, lorsqu'il
s'agit
d'attendre le prononcé de la décision d'une autre autorité, et qui
permettrait de trancher une question décisive (ATF 119 II 386
consid. 1b p.
389).

4.2 Il convient d'examiner séparément le grief pour chacune des
décisions
rendues par le Juge d'instruction, dans l'ordre chronologique
croissant de
leur prononcé.

4.2.1 Les 10 et 11 juillet 2001, se fondant sur l'arrêt du 5 juin
précédent,
Abacha et Bagudu ont demandé au Juge d'instruction de suspendre le
droit de
la recourante d'assister aux audiences tenues dans le cadre de la
procédure
pénale. Le 13 juillet 2001, le Juge d'instruction leur a répondu que
le sort
de ces requêtes serait réglé ultérieurement. Bagudu a recouru contre
cette
décision le 26 juillet, Abacha le 30 juillet 2001. En juillet et en
août
2001, le Juge d'instruction, le Procureur général et la recourante ont
présenté des observations à la Chambre d'accusation. Il ne s'est
ensuite plus
rien passé jusqu'au prononcé, le 17 janvier 2002, des décisions
attaquées qui
font l'objet des procédures 1P.102/2002 et 1P.103/2002. On pourrait se
demander si, en soi, un tel délai de cinq mois et demi ne serait pas
trop
long. Faute de grief topique (art. 90 al. 1 let. b OJ), ce point
souffre
cependant de rester indécis.

Sur le fond, les arrêts des 5 juin et 7 décembre 2001 ont cherché à
pallier
la difficulté provenant de la conduite simultanée et parallèle, par
le même
juge d'instruction, de la procédure d'entraide (à laquelle la
recourante,
comme Etat requérant, n'est pas partie) et de la procédure pénale
(dans
laquelle la recourante, comme partie civile, a accès aux pièces du
dossier,
identiques, pour ce qui concerne la documentation séquestrée, à celles
versées à la procédure d'entraide). Afin de résoudre le conflit
d'intérêt
potentiel pouvant surgir entre ces procédures, le Tribunal fédéral a
invité
les autorités cantonales à limiter, dans toute la mesure nécessaire
pour
préserver l'objet de la procédure d'entraide, le droit de la
recourante de
consulter le dossier de la procédure pénale. A ce titre pouvait être
envisagée notamment la suspension du droit de la recourante de
consulter ce
dossier jusqu'à l'entrée en force de la décision de clôture de la
procédure
d'entraide (ATF 127 II 198 consid. 4c p. 207). Pour leur part, les
autorités
cantonales ont préféré opter, comme cet arrêt permettait aussi de le
faire,
pour une solution différente, consistant à interdire à la recourante
d'utiliser à d'autres fins que la procédure pénale les informations et
documents en sa possession ou dont elle viendrait à prendre
connaissance
ultérieurement. Dans son arrêt du 7 décembre 2001, le Tribunal
fédéral, après
avoir rappelé qu'une exclusion de la recourante de la procédure
pénale ou la
suspension de son droit de consulter le dossier de celle-ci jusqu'à la
clôture de la procédure d'entraide aurait été conforme aux règles
posées dans
son arrêt précédent, a néanmoins admis qu'une mesure moins incisive,
mais
tout aussi efficace, soit prise. Le Tribunal fédéral n'a en tout cas,
pour
l'essentiel, rien trouvé à redire à la solution retenue par la Chambre
d'accusation dans sa décision rendue le 24 août 2001, qu'il a
confirmée, sous
la seule réserve d'une précision de la portée du principe de la
spécialité
(arrêt du 7 décembre 2001, consid. 5). Saisie d'un recours portant
sur le
droit de la recourante d'assister aux audiences d'instruction, la
Chambre
d'accusation se trouvait, les 16 et 17 janvier 2002, en situation de
statuer
en connaissance de cause, sur le vu des arrêts des 5 juin et 7
décembre 2001.
Elle n'avait pas à suspendre l'instruction des recours des 26 et 30
juillet
2001, du moins pas pour les motifs évoqués dans les décisions
attaquées. Dès
l'instant en effet où les autorités cantonales avaient choisi la
solution
consistant à ne pas exclure la recourante de la procédure pénale
(comme le
demandaient les intimés) ou, du moins, à ne pas suspendre ou limiter
son
droit de consulter le dossier, mais à restreindre le droit
d'utilisation des
renseignements et informations obtenus dans le cadre de la procédure
pénale,
l'entrée en force des décisions de clôture de la procédure d'entraide
n'était
plus de nature à influer sur le sort des recours cantonaux. Les
décisions
attaquées reposent ainsi sur une incompréhension aussi bien des
arrêts des 5
juin et 7 décembre 2001 que de la décision du 24 août 2001. En
retenant un
motif erroné de suspension plutôt que de traiter immédiatement les
recours
des 26 et 30 juillet 2001, la Chambre d'accusation a tardé indûment à
statuer.

4.2.2 Le 23 juillet 2001, le Juge d'instruction a disjoint de la
procédure
P/12983/99 certaines causes concernant Abacha et Bagudu, les a
versées dans
une nouvelle procédure P/9806/99, et communiqué celle-ci au Procureur
général
en application de l'art. 185 CPP gen. Le 3 août 2001, Abacha et
Bagudu ont
entrepris séparément cette décision devant la Chambre d'accusation. En
septembre et en octobre 2001, le Procureur général et le Juge
d'instruction
ont produit des observations, ce que la recourante n'a pu faire qu'en
décembre, la Chambre d'accusation ayant omis de lui communiquer les
recours
immédiatement après leur réception. La Chambre d'accusation a rendu,
le 16
janvier 2002, les décisions de suspension qui font l'objet des
procédures
1P.100/202 et 1P.101/2002. Dans ce cas aussi, le délai pris pour
statuer
pourrait paraître excessif; faute de grief, ce point souffre
cependant de
rester indécis.

Pour le surplus, la disjonction de procédures pénales et la
communication au
Procureur général ne présentent aucun lien avec les questions
laissées en
suspens par les arrêts des 5 juin et 7 décembre 2001, comme cela
vient d'être
exposé. En tout cas, on ne discerne pas en quoi le fait de disjoindre
des
procédures pénales ou de les communiquer au Procureur général puisse
déterminer l'étendue du droit de la recourante de consulter le
dossier. La
Chambre d'accusation était en mesure de statuer sur le fond des
recours
cantonaux, sans attendre le prononcé de décisions de clôture dont on
ne voit
pas, inversement, l'effet qu'elles pourraient produire sur la
disjonction des
procédures pénales cantonales ou la communication au Procureur
général. De
même, l'admission éventuelle des recours cantonaux ne semble pas, à
première
vue, être de nature à entraver le déroulement de la procédure
d'entraide. A
l'appui des recours cantonaux au demeurant, les intimés ont
essentiellement
réclamé des mesures d'instruction supplémentaires avant la
communication au
Ministère public, contesté les motifs de la disjonction et allégué la
violation des droits de la défense. Le motif de suspension retenu est
ainsi
incongru. La Chambre d'accusation aurait dû examiner les recours des
3 août
2001 plutôt que de suspendre leur instruction. En ne le faisant pas,
elle a
tardé indûment à statuer.

4.2.3 Abacha est intervenu dans la procédure P/12983/99, le 4 octobre
2001,
pour demander au Juge de lui remettre notamment les pièces nos 207411
à
207420 du dossier de cette procédure. Il s'agit là de tableaux
indiquant des
«flux de fonds». Il est revenu à la charge les 17 et 29 octobre 2001.
Le Juge
d'instruction a communiqué les documents demandés, le 31 octobre
2001. Le 15
novembre 2001, Abacha a retourné ces pièces au Juge d'instruction, en
le
priant de bien vouloir les numéroter, les signer et d'y faire apposer
son
sceau officiel. Le 23 novembre 2001, le Juge d'instruction a informé
Abacha
avoir transmis sa requête au Procureur général, auquel la procédure
P/12983/99 avait été transmise. Pour le surplus, il ne voyait aucun
motif
légal d'authentifier les pièces en question. Abacha a recouru auprès
de la
Chambre d'accusation le 7 décembre 2001. Le Juge d'instruction, le
Procureur
général, Bagudu et la recourante ont eu l'occasion de formuler des
observations. La Chambre d'accusation a rendu, le 16 janvier 2002, la
décision qui fait l'objet de la procédure 1P.99/2002.

Quelle qu'en soit l'issue, la controverse liée à l'authentification
d'une
pièce du dossier de la procédure P/12983/99 ne touche en rien aux
intérêts de
la procédure d'entraide, que les autorités cantonales ont le devoir de
préserver selon les principes dégagés dans les arrêts des 5 juin et 7
décembre 2001. A cet égard aussi, le motif retenu pour suspendre
l'instruction du recours cantonal était inapproprié. Plutôt que de le
suspendre, la Chambre d'accusation aurait dû traiter le recours du 7
décembre
2001. En ne le faisant pas, elle a tardé indûment à statuer.

4.3 Les recours doivent être admis et les décisions attaquées
annulées. En
dérogation à la règle découlant de la nature cassatoire du recours de
droit
public (art. 90 al. 1 let. b OJ; cf. ATF 126 I 213 consid. 1c p.
216/217; 126
II 377 consid. 8c p. 395; 126 III 534 consid. 1b p. 536, et les
arrêts
cités), il se justifie d'inviter la Chambre d'accusation à statuer
dans le
plus bref délai dès la notification du présent arrêt (cf. ATF 117 Ia
336
consid. 1b p. 338).

5.
Il n'y a pas lieu d'inviter la recourante à refaire ses écritures
selon
l'art. 30 al. 3 OJ, comme le demande l'intimé Abacha.

6.
Abacha a conclu principalement à l'irrecevabilité des recours le
concernant;
sur le fond, il s'en est rapporté à justice. Quant à Bagudu, il a
conclu
principalement à l'irrecevabilité des recours le concernant,
subsidiairement
à leur rejet. Ces conclusions ayant été rejetées, il convient de
mettre les
frais à la charge des intimés (art. 156 OJ), ainsi qu'une indemnité
à titre
de dépens en faveur de la recourante (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Joint les causes 1P.99/2002, 1P.100/202, 1P.101/2002, 1P.102/2002 et
1P.103/2002.

2.
Admet les recours et annule les décisions attaquées. Invite la Chambre
d'accusation à examiner dans le plus bref délai dès la notification du
présent arrêt les recours cantonaux ayant fait l'objet des décisions
attaquées.

3.
Met à la charge des intimés Abacha et Bagudu, solidairement entre
eux, un
émolument global de 10'000 fr., ainsi que, solidairement entre eux,
une
indemnité globale de 5000 fr. en faveur de la recourante, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au Juge
d'instruction, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du
canton de
Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des
affaires
internationales, Section de l'entraide judiciaire internationale.

Lausanne, le 25 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.99/2002
Date de la décision : 25/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-25;1p.99.2002 ?
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