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21/03/2002 | SUISSE | N°5P.215/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mars 2002, 5P.215/2001


«/2»
5P.215/2001

IIe C O U R C I V I L E
***************************

21 mars 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame X.________, représentée par Me Eric Hess, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 17 mai 2001 par la 1ère section de la Cour
de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la
recourante à X.________, r

eprésenté par Me Jessica Bach-
Bozonet, avocate à Genève;

(exequatur d'un jugement étranger)

Vu les pièces du dossier...

«/2»
5P.215/2001

IIe C O U R C I V I L E
***************************

21 mars 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et Mme Hohl, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame X.________, représentée par Me Eric Hess, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 17 mai 2001 par la 1ère section de la Cour
de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la
recourante à X.________, représenté par Me Jessica Bach-
Bozonet, avocate à Genève;

(exequatur d'un jugement étranger)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement définitif et exécutoire du 22 fé-
vrier 2000, le Tribunal de Grande Instance de Paris (France)
a prononcé le divorce des époux X.________. Ce jugement pré-
voyait que l'autorité parentale sur les enfants A.________,
né le 11 août 1992, et B.________, née le 11 novembre 1993,
serait exercée en commun par les deux parents, avec
résidence
habituelle chez la mère, et fixait un droit de visite en fa-
veur du père.

Le 11 octobre 2000, dame X.________ a dû être hospi-
talisée à la suite de problèmes psychiques. X.________ s'est
immédiatement rendu à Paris. Les grands-parents maternels
s'étant déclarés d'accord pour qu'il prenne les enfants en
charge, il est revenu à Genève avec ces derniers le 21 octo-
bre 2000; ils ont été scolarisés dans cette ville dès le 26
octobre suivant et une autorisation de séjour a été délivrée
en leur faveur.

A partir de décembre 2000, les relations ont repris
entre les parents. Ils ont vainement tenté d'établir un ac-
cord à l'amiable visant à modifier provisoirement le
jugement
de divorce, afin de permettre aux enfants de terminer
l'année
scolaire 2000/2001 à Genève.

Par demande du 14 décembre 2000, X.________ a ouvert
action en modification du jugement de divorce des parties de-
vant le Tribunal de première instance de Genève.

Le 11 janvier 2001, dame X.________ a sollicité de
cette même juridiction l'exécution du jugement de divorce
français, avec pour conséquence le retour des enfants chez
leur mère. X.________ s'y est opposé.

B.- Par jugement notifié le 28 février 2001, le Tri-
bunal de première instance de Genève a rejeté la demande
d'exequatur. Il a considéré en substance que le déplacement
des enfants avait eu lieu avec le consentement de leur mère
et que leur intérêt bien compris était de terminer l'année
scolaire en cours à Genève.

Statuant le 17 mai 2001 sur l'appel de dame
X.________, la 1ère section de la Cour de justice du canton
de Genève a confirmé le jugement de première instance.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, dame X.________ conclut à l'annulation
de l'arrêt du 17 mai 2001, au prononcé de l'exequatur du ju-
gement de divorce du 22 février 2000 et à ce qu'il soit or-
donné à X.________ de lui restituer immédiatement les en-
fants, sous la menace des peines d'arrêts ou d'amende
prévues
par l'art. 292 CP.

L'intimé propose que la recourante soit déboutée de
toutes ses conclusions, dans la mesure où elles sont receva-
bles.

L'autorité cantonale s'est référée aux considérants
de son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Les décisions relatives à la reconnaissance
et à l'exécution de jugements étrangers ne sont susceptibles
que d'un recours de droit public (ATF 126 III 534 consid. 1a
p. 536; 120 II 270 consid. 1 p. 271/272; 118 Ia 118 consid.
1a et b p. 119 ss et les arrêts cités). Le recours est dès
lors recevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ. Formé en
temps utile contre une décision finale rendue en dernière

instance cantonale, il l'est également selon les art. 86 al.
1 et 89 al. 1 OJ.

b) Le recours de droit public est de nature cassa-
toire et ne peut, en principe, conduire qu'à l'annulation de
l'acte attaqué (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5, 279 consid.
1b
p. 282 et les arrêts cités). Il est toutefois fait exception
à cette règle lorsque l'admission du recours ne suffit pas à
rétablir une situation conforme aux garanties invoquées (ATF
125 II 86 consid. 5a p. 96; 124 I 327 consid. 4b p. 332 ss
et
les références citées; Walter Kälin, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., p. 400 ss). Tel est
notamment le cas lorsque le recours a pour objet l'octroi ou
le refus de l'exequatur d'un jugement étranger (ATF 59 I 290
p. 297/298; 58 I 302 p. 306 et 313 p. 318; 52 I 181 p.
191/192; Philippe Gerber, La nature cassatoire du recours de
droit public: mythe et réalité, thèse Genève 1997, p. 299,
300 et 302). Les conclusions allant au delà de la simple an-
nulation de la décision attaquée sont par conséquent receva-
bles.

2.- La recourante reproche à l'autorité cantonale
d'avoir violé l'art. 8 de la Convention européenne sur la re-
connaissance et l'exécution des décisions en matière de
garde
des enfants et le rétablissement de la garde des enfants, du
28 mai 1980 (RS 0.211.230.01; ci-après: la Convention), en
refusant d'ordonner l'exequatur du jugement rendu le 22 fé-
vrier 2000 par le Tribunal de Grande Instance de Paris. Elle
soutient que les conditions posées par cette disposition
étaient réalisées, de sorte que sa requête en restitution
des
enfants devait être admise. Selon la recourante, les juges
cantonaux seraient tombés dans l'arbitraire en considérant
qu'elle avait donné son consentement au transfert de la
garde
des enfants "au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire
2000-2001", l'intimé n'ayant apporté aucune preuve sur ce
point.

Saisi d'un recours de droit public pour violation
d'un traité international (art. 84 al. 1 let. c OJ), le Tri-
bunal fédéral examine librement l'application du droit con-
ventionnel, mais il s'en tient aux griefs invoqués (ATF 126
III 438 consid. 3 p. 439 et la jurisprudence citée). Depuis
la révision de l'art. 86 OJ du 4 octobre 1991, entrée en vi-
gueur le 15 février 1992, le recours fondé sur l'art. 84 al.
1 let. c OJ est soumis à l'exigence de l'épuisement
préalable
des instances cantonales. Par conséquent, le Tribunal
fédéral
ne revoit les questions de fait que sous l'angle de l'arbi-
traire (W. Kälin, op. cit., p. 194). Les allégations et les
preuves nouvelles sont en principe irrecevables, des excep-
tions ne pouvant au demeurant être admises qu'à propos de
faits antérieurs à la décision attaquée (ATF 102 Ia 76 con-
sid. 2f p. 79 et l'arrêt cité; W. Kälin, op. cit., p. 369
ss). En l'espèce, on ne peut dès lors tenir compte des asser-
tions des parties et des pièces dont la cour cantonale n'au-
rait pas eu connaissance. Sont en particulier irrecevables
les arguments développés par l'intimé et les documents
joints
à sa réponse, dans la mesure où ils concernent des faits qui
se sont produits après l'arrêt attaqué.

a) La Convention, ratifiée tant par la Suisse que
par la France, a pour principal but de rétablir la garde, ce
qui suppose un cas de déplacement sans droit de l'enfant à
travers une frontière internationale, en violation d'une dé-
cision relative à sa garde rendue dans un Etat contractant
et
exécutoire dans un tel Etat (art. 1 let. d). Cette
définition
comprend l'hypothèse du non-retour de l'enfant au terme de
l'exercice du droit de visite ou d'un autre séjour
temporaire
(Andreas Bucher, Droit international privé suisse, tome II,
n. 894 p. 293). La démarche tendant à la reconnaissance et à
l'exécution de la décision doit en principe être accomplie
très rapidement, d'où la simplicité de la procédure. Le réta-
blissement de la garde est en outre facilité s'il est
demandé

dans un délai de six mois à compter du déplacement sans
droit
de l'enfant (art. 8 et 9). Dans les autres cas (art. 10),
les
conditions de reconnaissance et d'exécution sont plus stric-
tes et comparables à celles applicables à la reconnaissance
et à l'exécution de décisions étrangères en général. Une dis-
position spéciale (art. 17) permet, par le jeu d'une
réserve,
aux Etats qui le désirent d'appliquer les conditions prévues
par l'art. 10 aux situations mentionnées aux art. 8 et 9 (A.
Bucher, op. cit., n. 901 p. 294/295 et n. 906 p. 296;
Rapport
explicatif du Conseil de l'Europe concernant la Convention,
no 105, Strasbourg 1980, n. 10 et 11 p. 7).

Selon l'art. 8 al. 1 de la Convention, lorsque les
deux parents et l'enfant ont la seule nationalité de l'Etat
où la décision sur la garde a été rendue et que, de plus,
l'enfant a sa résidence habituelle dans cet Etat, l'autorité
centrale de l'Etat requis "fera procéder immédiatement à la
restitution de l'enfant", à condition que la demande ait été
introduite dans un délai de six mois à compter du
déplacement
sans droit ou du non-retour de l'enfant. Pour ce faire, le
droit de l'Etat requis peut toutefois exiger l'intervention
d'une autorité judiciaire; cette autorité doit cependant se
conformer aux mêmes règles et ne peut appliquer aucun des mo-
tifs de refus prévus par la Convention (art. 8 al. 2). Cette
disposition limite ainsi à un strict minimum les conditions
mises au rapatriement de l'enfant. Dans une telle situation,
le rétablissement de la garde devra être effectué

sur-le-champ et il ne devrait être soumis à aucune autre
condition que la constatation des faits tels que visés dans
cette hypothèse (A. Bucher, op. cit., n. 902 ss p. 295 ss;
Rapport explicatif précité, n. 10 et 11 p. 7 et n. 37 p.
12).

b) En l'occurrence, la Cour de justice a considéré
que les enfants avaient été déplacés à Genève avec le consen-
tement de leur mère pour une durée indéterminée, mais au

moins jusqu'à la fin de l'année scolaire 2000/2001. La re-
courante admet expressément que le transfert des enfants en
octobre 2000 a été opéré avec son accord. Elle soutient tou-
tefois que ce séjour était limité à son hospitalisation, qui
s'est révélée de courte durée puisqu'elle s'est terminée dès
la fin du mois d'octobre 2000. Dès lors qu'il n'est pas con-
testé que les autres conditions prévues par l'art. 8 al. 1
de
la Convention (nationalité commune, résidence habituelle
dans
l'Etat d'origine, délai de six mois) sont réalisées, il con-
vient d'examiner si, comme le prétend la recourante, la cons-
tatation de la Cour de justice, selon laquelle la mère
aurait
consenti à ce que les enfants séjournent à Genève au moins
jusqu'à la fin de l'année scolaire 2000/2001, est arbitraire
(sur cette notion, cf. ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I
168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II
10
consid. 3a p. 15).

c) Selon l'autorité cantonale, les faits de la cause
ne permettent pas de retenir qu'au moment de l'hospitalisa-
tion de la mère des enfants, en octobre 2000, il ait été pos-
sible de prévoir la durée pendant laquelle celle-ci allait
être incapable d'exercer le droit de garde. L'intéressée pré-
tendait que ce droit de visite extraordinaire était limité à
sa période d'hospitalisation, qui s'était terminée en novem-
bre 2000, tandis que le père soutenait qu'il était
prévisible
que cette hospitalisation serait de longue durée. L'autorité
cantonale a admis que les enfants avaient été déplacés à
Genève au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire
2000/2001,
en se fondant sur un passage du rapport établi le 30 mars
2001 par le pédo-psychiatre de l'aîné des enfants. Ce texte,
reproduit dans l'arrêt attaqué, se borne toutefois à décrire
l'état de santé de la mère, au demeurant fort brièvement et
de manière indirecte, ce médecin n'ayant jamais rencontré
celle-ci. Au vu des circonstances dans lesquelles les
enfants
ont été confiés à leur père, la décision rendue par la Cour

de justice n'apparaît toutefois pas arbitraire. Il est en ef-
fet parfaitement concevable qu'en donnant son accord au dé-
placement des enfants à Genève, la recourante ait tacitement
admis de les y laisser jusqu'à la fin de l'année scolaire,
quand bien même elle serait rétablie plus tôt, afin d'éviter
que leur situation ne soit trop instable. L'autorité cantona-
le a d'ailleurs constaté que les parties avaient entrepris
de
trouver un accord visant à modifier provisoirement le juge-
ment de divorce en ce sens. La recourante prétend qu'on ne
saurait en déduire qu'elle ait consenti au séjour des
enfants
à Genève jusqu'à la fin de l'année scolaire, car ces négocia-
tions avaient échoué, les parties ne parvenant pas à
conclure
un accord complet. Cette opinion apparaît certes défendable,
mais cela ne signifie pas encore que la solution retenue par
la Cour de justice soit arbitraire; du moins, la recourante
ne le démontre pas (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373; 110 Ia 1
consid. 2a p. 3/4). Il n'est en effet pas insoutenable d'ad-
mettre que la mère ait accepté de laisser ses enfants termi-
ner l'année scolaire à Genève, et cela même si les parties
ne
sont pas parvenues à s'entendre complètement pour modifier
le
jugement de divorce hors procédure.

Dès lors que l'autorité cantonale a statué le 17 mai
2001 et qu'il est établi que l'année scolaire finissait le
30
juin suivant, il y a lieu d'admettre qu'au moment où l'arrêt
attaqué a été rendu, les enfants n'avaient pas été déplacés
sans droit. Le refus de la Cour de justice de prononcer
l'exequatur du jugement de divorce français n'est donc pas
contraire au droit conventionnel.

3.- En conclusion, le recours apparaît mal fondé et
doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. La re-
courante, qui succombe, supportera les frais judiciaires et
versera en outre des dépens à l'intimé (art. 156 al. 1, 159
al.
1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Met à la charge de la recourante:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer à l'intimé
à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la 1ère Section de la Cour de
justice
du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 21 mars 2002
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.215/2001
Date de la décision : 21/03/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-21;5p.215.2001 ?
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