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21/03/2002 | SUISSE | N°1A.212/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mars 2002, 1A.212/2001


{T 0/2}
1A.212/2001/svc

Arrêt du 21 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

F.________,
L.________,
EE.________,
BB.________,
CC.________,
AA.________,
tous les six représentés par MMes Alexander Troller et Marc Henzelin,
avocats, Etude Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, 1205 Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, Da

niel Devaud, case postale
3344,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
p...

{T 0/2}
1A.212/2001/svc

Arrêt du 21 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

F.________,
L.________,
EE.________,
BB.________,
CC.________,
AA.________,
tous les six représentés par MMes Alexander Troller et Marc Henzelin,
avocats, Etude Lalive & Associés, rue de l'Athénée 6, 1205 Genève,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Devaud, case postale
3344,
1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la France -
B
122240 DAP
(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du canton de Genève du 31 octobre 2001)

Faits:

A.
Le 28 décembre 2000, le Procureur général de la Cour d'appel de Paris
a
adressé au Procureur général du canton de Genève une demande
d'entraide
judiciaire fondée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire
conclue
à Strasbourg le 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur
le 20
mars 1967 pour la Suisse et le 21 août 1967 pour la France, ainsi que
sur
l'accord bilatéral complétant cette Convention (ci-après: l'Accord
complémentaire; RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996, entré en
vigueur
le 1er mai 2000. La demande, datée du 22 décembre 2000, était
présentée pour
les besoins de la procédure conduite par les Juges d'instruction
Philippe
Courroye et Isabelle Prevost-Desprez à l'encontre des ressortissants
français
G.________, A.________, S.________, M.________, E.________,
F.________,
O.________, Z.________, U.________ et R.________. Ces personnes sont
poursuivies notamment pour blanchiment, fraude fiscale, recel, trafic
d'influence et commerce illicite d'armes et complicité dans la
commission de
ces délits. Selon l'exposé des faits joint à la demande, A.________
contrôlerait avec F.________ les sociétés X.________ et B.________,
actives
dans le commerce d'armes provenant d'Europe de l'Est et destinées à
l'Afrique, notamment l'Angola, le Cameroun et le Congo. Il est
reproché à
A.________ et à F.________ d'avoir, par l'entremise de X.________ et
de
B.________, vendu du matériel militaire (soit des blindés, des armes
d'infanterie, des pièces d'artillerie et des munitions), pour un
montant
total de 463'000'000 USD, à l'Angola, sans disposer de l'autorisation
ministérielle nécessaire pour cette activité, ni procédé à la tenue
des
registres prévus à cet effet. Ces agissements tomberaient, en France,
sous le
coup de l'art. 24 du décret-loi du 18 avril 1939 et de l'art. 16 du
décret du
6 mai 1995. En outre, A.________ et F.________ sont soupçonnés d'avoir
détourné, à des fins personnelles, des montants de 78'400'000 USD et
68'700'000 USD au détriment de X.________ et de B.________. Ces faits
constitueraient des abus de biens sociaux et des abus de confiance.
Une
partie des sommes détournées aurait servi au financement de campagnes
électorales, constituant des abus de biens sociaux, d'abus de
confiance, de
trafic d'influence et de recel. X.________ et B.________ n'auraient
pas
produit de déclaration fiscale depuis 1995, alors qu'elles avaient
exercé une
activité lucrative importante. Enfin, A.________ et F.________
auraient, sous
le couvert de X.________, de B.________ et d'autres sociétés, blanchi
le
produit des délits commis. Quant à R.________, il est poursuivi pour
recel
d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance, de trafic d'influence
et de
complicité de trafic d'armes illicites, notamment pour avoir reçu,
sur un
compte bancaire ouvert auprès de la banque N.________ à Genève, des
fonds
provenant de A.________ et de F.________. La demande tendait à
l'identification des comptes détenus ou contrôlés par R.________ ou
les
sociétés W.________ et K.________ à Genève, à la remise de la
documentation
relative à ces comptes, ainsi qu'à un compte ouvert auprès de
N.________.
La demande tendait aussi à l'audition des personnes gérant ces
comptes. A la
demande était joint le texte des dispositions applicables du droit
pénal
français et du Code général des impôts.

Le 26 décembre 2000, le Juge d'instruction du canton de Genève a
ouvert la
procédure d'entraide, désignée sous la rubrique CP/414/2000, en
rendant une
décision d'entrée en matière au sens de l'art. 80e de la loi fédérale
sur
l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS
351.1), valant également comme ordonnance de perquisition et de
saisie au
sens des art. 178 ss CPP gen. Le Juge d'instruction a considéré qu'à
première
vue, les faits relatés dans la demande pourraient être assimilés, en
droit
suisse, à des faux dans les titres, abus de confiance et infraction à
la loi
fédérale sur le matériel de guerre, du 13 décembre 1996 (LFMG; RS
514.51) et
ne constitueraient pas un délit fiscal.

B.
En décembre 2000 et en janvier 2001, l'Office fédéral de la justice
(ci-après: l'Office fédéral) a communiqué au Procureur général du
canton de
Genève des communications au sens de l'art. 10 LBA, concernant
F.________ et
B.________.

Sur la base de ces informations, le Procureur général a ouvert une
information pénale confiée au Juge d'instruction chargé de la
procédure
CP/414/2000. Dans le cadre de cette procédure, désignée sous la
rubrique
P/16972/2000, le Juge d'instruction ordonné la saisie de plusieurs
comptes
bancaires.

C.
Le Juge Courroye a complété la demande du 22 décembre 2000 les 2, 4
et 17
janvier 2001. Le complément du 2 janvier 2001 tendait à
l'identification de
tous les comptes détenus ou contrôlés par R.________, F.________,
A.________,
B.________, X.________ et différents tiers, à la remise de la
documentation
relative à ces comptes, au blocage de ceux-ci, à la transmission de
tous les
renseignements utiles permettant d'établir le cheminement des fonds,
ainsi
qu'à l'audition des gérants de ces comptes. Le complément du 4
janvier 2001
portait sur l'extension des mesures requises à tout le territoire
suisse. Le
complément du 17 janvier portait sur l'extension des mesures requises
aux
comptes détenus ou contrôlés par les prévenus, ainsi que par
différents
tiers, dont des personnes morales.

Le 12 mars 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision d'entrée
en
matière, portant sur la saisie, pour le besoin de la procédure
d'entraide
CP/414/2000, de la documentation relative aux comptes détenus ou
dominés par
F.________, saisie dans le cadre de la procédure P/16972/2000.

Le 28 mai 2001, le Juge d'instruction a rendu une décision de clôture
partielle de la procédure d'entraide. Après avoir considéré que la
demande
complémentaire du 17 janvier 2001 était suffisamment motivée, que les
faits
pourraient être assimilés, en droit suisse, au blanchiment d'argent,
à l'abus
de confiance, à la gestion déloyale et à l'infraction à l'art. 33
LFMG, le
Juge d'instruction a rappelé le principe de la spécialité et ordonné
la
transmission de l'intégralité de la documentation relative aux comptes
suivants:
auprès de la banque D.________ à Genève:
1) , dont L.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;
2) , dont F.________ est le titulaire;

auprès de la banque H.________ à Genève:
3) , dont F.________ est le titulaire;
4) , dont la société Q.________ est la titulaire et F.________
l'ayant droit;

auprès de la banque I.________ à Genève:
5) , dont L.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;
6) , dont F.________ est le titulaire;
7) , dont la société AA.________ est la titulaire et F.________
l'ayant
droit;
8) , dont la société BB.________ est la titulaire et F.________
l'ayant
droit;
9) , dont la société CC.________ est la titulaire et
F.________l'ayant droit;
10) , dont L.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;
11) , dont II.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;
12) , dont HH.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;
13) , dont EE.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;

auprès de la banque DD.________ à Genève:
14) , dont EE.________ est la titulaire et F.________ l'ayant droit;
15) , dont F.________ est le titulaire;
16) , dont la société FF.________ est la titulaire et F.________
l'ayant
droit;
17) , dont F.________ est le titulaire;

auprès de la banque GG.________ à Genève:
18) , dont F.________ est le titulaire.

F. ________, ainsi que les sociétés L.________, EE.________,
BB.________,
CC.________ et AA.________ ont recouru contre cette décision auprès
de la
Chambre d'accusation du canton de Genève.

Le 31 octobre 2001, la Chambre d'accusation a déclaré le recours
irrecevable
en tant qu'il visait la saisie des comptes dont FF.________,
HH.________,
II.________ et Q.________ sont titulaires et rejeté le recours pour le
surplus; elle a confirmé la décision du 28 mai 2001, en précisant
toutefois
que le dispositif de cette dernière devait être complété par le
rappel du
principe de la spécialité.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, F.________,
L.________, EE.________, BB.________, CC.________ et AA.________
(tombée en
liquidation dans l'intervalle) demandent au Tribunal fédéral
d'annuler la
décision du 31 octobre 2001. Ils invoquent les art. 2, 4 et 63 EIMP,
l'art. 4
al. 3 de son ordonnance d'exécution, du 24 février 1982 (OEIMP; RS
351.11),
ainsi que les art. 2 et 3 CEEJ.

La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instruction
conclut au rejet du recours, l'Office fédéral au rejet dans la mesure
de sa
recevabilité.

Les recourants ont eu l'occasion de répliquer aux déterminations de
l'Office
fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'entraide entre la République française et la Confédération est
régie
par la CEEJ et l'Accord complémentaire. Les dispositions de ces
instruments
internationaux l'emportent sur le droit autonome qui régit la
matière, soit
en l'occurrence l'EIMP et l'OEIMP. Celles-ci restent toutefois
applicables
aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le
droit
conventionnel, et lorsque cette loi est plus favorable à l'entraide
que la
Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p.
142;
120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2a p. 191/192; 118 Ib
269
consid. 1a p. 271, et les arrêts cités). Est réservée l'exigence du
respect
des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision
confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat
requérant et
la saisie de comptes bancaires (cf. art. 25 al. 1 EIMP).

1.3
1.3.1Au regard de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art.
9a let.
a OEIMP, F.________ a qualité pour agir contre la décision confirmant
la
transmission de la documentation relative aux comptes dont il est le
titulaire (ATF 127 II 198 consid 2d p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa
p. 260;
125 II 356 consid. 3b/bb p. 362, et les arrêts cités). Cela concerne
les
comptes nos 2, 3, 6, 15 et 17 énumérés ci-dessus. Il a aussi qualité
pour
soulever le grief tiré de l'art. 2 EIMP sous ce rapport (ATF 125 II
356
consid. 3b/bb p. 362; cf. aussi ATF 115 Ib 68 consid. 6 p. 86/87). En
revanche, il n'a pas qualité pour agir s'agissant des autres comptes
visés
dans la décision de clôture, dont il n'est que l'ayant droit (ATF 123
II 153
consid. 2b p. 156/157; 122 II 130 consid. 2b p. 132/133). L.________ a
qualité pour recourir s'agissant de la transmission de la
documentation
relative aux comptes nos 1, 5 et 10, EE.________ s'agissant des
comptes nos
13 et 14, BB.________ s'agissant du compte n° 8, CC.________
s'agissant du
compte n° 9 et AA.________ s'agissant du compte n° 7. Ces personnes
morales
ne sont toutefois pas habilitées à soulever le grief tiré de l'art. 2
EIMP
(ATF 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260).

1.3.2 Exceptionnellement, a qualité pour agir l'ayant droit de la
personne
morale lorsque celle-ci a été dissoute, sous réserve de l'abus de
droit (ATF
123 II 153 consid. 2c et dd p. 157/158). Il appartient à l'ayant
droit de
prouver la liquidation, documents officiels à l'appui (arrêts
1A.10/2000 du
18 mai 2000, consid. 1e; 1A.131/1999 du 26 août 1999, consid. 3 et
1A.236/1998 du 25 janvier 1999, consid. 1b/bb). La liquidation est
abusive
lorsqu'elle est intervenue, sans raison économique apparente, dans un
délai
proche de l'ouverture de l'action pénale dans l'Etat requérant (arrêt
1A.10/2000, précité, consid. 2.). Il faut en outre que l'acte de
dissolution
indique clairement l'ayant droit comme son bénéficiaire (arrêt
1A.84/1999 du
31 mai 1999, consid. 2c). Cette dernière condition n'est pas remplie.
Les
recourants produisent un certificat, établi le 1er mai 1998 par le
registre
des sociétés du territoire des Iles Vierges britanniques, attestant la
dissolution, dès ce jour-là, de la société FF.________. Ils ne
fournissent
toutefois aucune indication permettant de déterminer le sort des
avoirs de
cette société; en particulier, ils ne démontrent pas que F.________
aurait
été habilité à disposer effectivement du compte n° 16, clos le 8
avril 1998.

1.4 Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour
accorder

l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269
consid. 2e
p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés,
sans
être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de
vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble
des
dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p.
136/137;
119 Ib 56 consid. 1d p. 59). L'autorité suisse saisie d'une requête
d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité
des faits
évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils
sont
présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut
s'écarter
des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou
contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495
consid.
5e/aa p. 501; 118 Ib 111 consid. 5b p. 121/122; 117 Ib 64 consid. 5c
p. 88,
et les arrêts cités). Lorsque, comme en l'espèce, la décision
attaquée émane
d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles
de la
procédure (art. 105 al. 2 OJ; ATF 123 II 134 consid. 1e p. 137; 113
Ib 257
consid. 3d p. 266; 112 Ib 576 consid. 3 p. 585).

2.
Les recourants reprochent au Juge d'instruction de ne pas leur avoir
donné
l'occasion de se déterminer sur le tri des pièces à remettre.

2.1 La participation du détenteur au tri des pièces à remettre à
l'Etat
requérant découle, au premier chef, de son droit d'être entendu. Elle
est
aussi un corollaire du principe de la bonne foi régissant les rapports
mutuels entre les citoyens et l'Etat. La personne touchée par la
saisie de
documents lui appartenant est tenue, à peine de forclusion,
d'indiquer à
l'autorité quels documents ne devraient pas, selon elle, être
transmis et
pour quels motifs. Le tri des pièces n'est ainsi pas l'affaire
exclusive de
l'autorité; il incombe à cet égard au détenteur un véritable devoir de
collaboration. Pour le remplir, encore faut-il que le détenteur ait
l'occasion, concrète et effective, de se déterminer (ATF 126 II 258
consid.
9b/aa p. 262; cf. aussi ATF 127 II 151 consid. 4c p. 155/156).

2.2 F.________ est intervenu dans la procédure d'entraide le 12
janvier
2001. Le 17 janvier 2001, ses défenseurs se sont constitués auprès du
Juge
d'instruction, qui leur a remis, le 13 mars 2001, une copie de la
demande du
17 janvier 2001. Le 13 mars 2001, le Juge d'instruction a imparti à
F.________ un délai de dix jours pour se déterminer au sujet de la
décision
de clôture qu'il envisageait de prendre. Le 16 mars 2001, l'un des
mandataires de F.________ a indiqué au Juge d'instruction que celui-ci
s'opposait à toute transmission de documents à l'Etat requérant. Il a
demandé
un délai au 3 avril 2001 pour produire des observations détaillées.
Le 19
mars 2001, le Juge d'instruction a prolongé le délai pour répondre au
30 mars
2001. Ce jour-là, les mandataires de F.________, après avoir
consulté, le 27
mars 2001, toute la documentation bancaire saisie, à l'époque encore
rangée
dans la procédure P/16972/2000, ont demandé au Juge d'instruction de
leur
indiquer les documents qu'il entendait transmettre; pour le surplus,
ils ont
maintenu leur position tendant à ce que la demande d'entraide soit
rejetée et
qu'aucun document ne soit transmis. Le 2 avril 2001, le Juge
d'instruction,
après avoir expliqué que les pièces saisies dans la procédure
P/1692/2000
l'étaient aussi pour le besoin de la procédure CP/414/2000, a imparti
à
F.________ un ultime délai expirant le 3 avril suivant pour se
déterminer sur
le sort de ces pièces. Le 2 avril 2001, F.________ a réitéré sa
position
selon laquelle aucun document ne devait être transmis. Il a en outre
invité
le Juge d'instruction a procéder au tri des pièces, conformément au
principe
de la proportionnalité, en exposant qu' «une large partie» des
documents
saisis dans le cadre de la procédure P/16972/2000 concernaient des
mouvements
de fonds sans rapport avec les faits visés dans la demande.

De l'avis des recourants, le délai de vingt-quatre heures octroyé par
le Juge
d'instruction le 2 avril 2001 aurait été trop bref pour mettre
F.________ en
situation d'exercer pleinement et véritablement son droit d'être
entendu.

Les recourants se fondent sur la prémisse que l'autorité d'exécution
devrait
accorder au détenteur l'occasion de se déterminer avant et après le
tri des
pièces. Or, tel n'est pas le cas. Le droit d'être entendu du
détenteur et son
devoir de collaboration à l'exécution de la demande s'exerce
nécessairement
avant le tri des pièces, que le détenteur connaît mieux que l'autorité
d'exécution. Afin d'éclairer celle-ci, le détenteur doit soulever,
dans un
délai approprié, tous les arguments justifiant, selon lui, de ne pas
transmettre telle ou telle pièce, de manière précise et détaillée. Il
ne lui
suffit pas d'affirmer péremptoirement que la documentation saisie ne
présenterait aucun rapport avec la procédure ouverte dans l'Etat
requérant.
L'autorité d'exécution est ensuite tenue d'examiner soigneusement
chacune des
objections soulevées et rendre à leur propos une décision motivée.

La procédure suivie en l'espèce échappe à la critique. Les
mandataires des
recourants ont disposé d'un délai total de vingt jours pour se
déterminer.
Ils ont indiqué d'emblée que F.________ s'opposait à toute remise, au
motif
que la demande devait être rejetée. Ce n'est qu'après avoir consulté
le
dossier le 27 mars 2001 - soit à trois jours du terme du délai
initial - que
les mandataires de F.________ se sont avisés de dire, sans autre
démonstration, qu'une grande part des documents saisis ne
présenterait, selon
eux, aucun rapport avec la demande. Une telle prise de position ne
satisfaisait manifestement pas au devoir de collaboration du
détenteur, tel
que défini par la jurisprudence qui vient d'être rappelée.

Pour le surplus, même à supposer que les recourants n'auraient pas
disposé
d'un délai convenable pour se déterminer, un tel défaut aurait de
toute
manière été guéri dans la procédure de recours (ATF 124 II 132
consid. 2d p.
138/139). Il suffit pour s'en convaincre de lire le mémoire de recours
adressé à la Chambre d'accusation.

3.
Les recourants se plaignent de ce que le Juge Courroye aurait refusé
aux
mandataires suisses de F.________ le droit de s'entretenir librement
avec
celui-ci, détenu en France. Ils y voient une violation des art. 21
al. 1 EIMP
et 2 let. b CEEJ.

La personne poursuivie dans l'Etat requérant peut se faire assister
d'un
mandataire dans la procédure d'exécution, en Suisse, de la demande
d'entraide
(art. 21 al. 1 EIMP), ce qui inclut le droit de correspondre et de
s'entretenir librement avec ce mandataire. Les recourants ne
contestent pas
avoir pu exercer librement ce droit dans la procédure conduite par le
Juge
d'instruction genevois. Ils critiquent en revanche le fait que le Juge
Courroye, en charge de la procédure ouverte dans l'Etat requérant, a
refusé à
son mandataire suisse le droit de visiter F.________, détenu en
France. Ils
se réfèrent à ce propos au courrier adressé le 21 juin 2001 au Juge
Curroye,
en exposant que ce refus aurait entravé le droit de F.________ de
s'entretenir librement avec le mandataire chargé de la défense de ses
intérêts dans la procédure d'entraide, en violation de l'art. 21 al.
1 EIMP.

Le droit d'être assisté d'un mandataire est garanti pour la procédure
d'entraide en Suisse. La personne qui dispose de ce droit en
application des
art. 21 al. 1 et 2 EIMP ne peut se prévaloir de ces dispositions pour
exiger
de pouvoir correspondre librement avec son mandataire lorsqu'elle se
trouve,
comme en l'espèce, détenue à l'étranger. Les restrictions inhérentes
à la
détention sont déterminées par le droit national, selon ce qu'en
décident les
autorités de l'Etat concerné, domaine auquel l'art. 21 EIMP n'est en
principe
pas applicable. Cela étant, on pourrait se demander si le droit
garanti par
cette disposition ne serait pas violé si la personne ayant droit à
l'assistance d'un mandataire selon l'art. 21 EIMP, détenue à
l'étranger, se
trouvait privée de tout contact avec son mandataire dans la procédure
ouverte
en Suisse, de sorte qu'elle serait empêchée d'exercer effectivement
les
droits que lui confèrent l'EIMP. Il est superflu d'approfondir ce
point en
l'espèce. En effet, comme son mandataire l'a indiqué dans son
courrier du 21
juin 2001, F.________ peut recevoir librement la visite de ses
mandataires
français, en charge de la défense de ses intérêts dans la procédure
pénale
ouverte dans l'Etat requérant. Le mandataire suisse qui veut conférer
avec
son client détenu à l'étranger peut communiquer avec lui par le canal
du
mandataire étranger. Cela suffit pour admettre que les droits
garantis par
l'art. 21 EIMP sont respectés (cf., mutatis mutandis, l'arrêt
1A.126/1993 du
2 août 1993, consid. 4, cité par Robert Zimmermann, La coopération
judiciaire
internationale en matière pénale, Berne, 1999, n° 267, n. 1073).

Le grief tiré de l'art. 21 al. 1 EIMP doit ainsi être écarté, sans
qu'il y
ait lieu de se demander ce qu'il en est de celui fondé sur l'art. 2
let. b
CEEJ. Les recourants se prévalent de cette norme réservant l'ordre
public
sans démontrer en quoi elle trouverait à s'appliquer en l'espèce.

4.
Selon les recourants, les autorités cantonales n'étaient pas
compétentes pour
exécuter la demande pour ce qui concerne le chef de commerce illicite
d'armes. Ils se prévalent, à cet égard, des art. 16 EIMP et 4 al. 3
OEIMP.

4.1 Après avoir reçu la demande et examiné sommairement sa
recevabilité
(art. 17 al. 2 et 5 et 78 al. 2 EIMP), l'Office fédéral peut en
déléguer
l'exécution soit à l'autorité cantonale compétente (art. 78 al. 2 et
79a
EIMP), soit à l'autorité fédérale qui aurait été compétente si
l'infraction
avait été commise en Suisse (art. 17 al. 4, 78 al. 2 et 79 al. 1 et 2
EIMP),
à moins qu'il n'entende statuer lui-même selon l'art. 79a EIMP. Les
autorités
cantonales exécutent les demandes d'entraide, sauf disposition
contraire du
droit fédéral (art. 16 al. 1 EIMP). Dans les affaires relevant de la
juridiction fédérale, les autorités cantonales statuent d'entente
avec le
Procureur général sur l'exécution des demandes d'entraide étrangères
(art. 4
al. 3 OEIMP). Les infractions à l'art. 33 LFMG, retenu par le Juge
d'instruction sous l'angle de la double incrimination pour ce qui
concerne le
chef de commerce illicite d'armes, relèvent de la juridiction pénale
fédérale
(art. 40 al. 1 LFMG).

4.2 En l'espèce, la demande française a été adressée directement au
Procureur
général du canton de Genève, conformément à l'art. XVI al. 1 de
l'Accord
complémentaire. L'Office fédéral n'a ainsi pas eu l'occasion
d'examiner le
point de savoir s'il convenait de déléguer l'exécution de la demande,
pour ce
qui concerne le chef de commerce illicite d'armes, au Ministère
public de la
Confédération. Cet aspect de l'affaire a sans doute échappé aux
autorités
cantonales, qui n'ont, partant, pas procédé selon ce que prévoit
l'art. 4 al.
3 OEIMP. Les recourants ne peuvent cependant en tirer aucun argument
décisif.
En premier lieu, les art. 17 al. 4 et 79 al. 1 et 2 EIMP sont des
dispositions potestatives. Pour leur application, l'Office fédéral
dispose
d'une grande marge d'appréciation et sa décision de délégation à
l'autorité
d'exécution n'est pas attaquable séparément (art. 14 OEIMP). Sans
doute, les
art. 78 al. 2 EIMP et 4 al. 3 OEIMP sont-ils libellés de manière plus
catégorique. Il n'en demeure pas moins que, comme l'indique l'Office
fédéral
dans ses observations du 4 février 2002, au sujet desquelles les
recourants
ont eu l'occasion de se déterminer, ces normes régissant uniquement
les
rapports entre l'Office fédéral et les autorités d'exécution ou,
s'agissant
de l'art. 4 al. 3 OEIMP, entre autorités d'exécution, sont de nature
organisationnelle. Au demeurant, il ressort clairement de l'art. 4
al. 3
OEIMP, sur lequel les recourants fondent l'essentiel de leur
argumentation,
que même dans les domaines où le Ministère public exécute les demandes
d'entraide, l'intervention des autorités cantonales reste possible.
Ainsi,
contrairement à ce que sous-entendent les recourants, le Ministère
public ne
dispose pas d'une compétence exclusive pour l'exécution des demandes
d'entraide étrangères, dans les domaines qui relèveraient de la
juridiction
fédérale si le délit avait été commis en Suisse.

5.
Selon les recourants, la procédure dans l'Etat requérant présenterait
des
défauts graves. Ils ont fait valoir que les juges français en charge
de la
procédure pénale en France violeraient systématiquement le secret de
l'instruction, en transmettant à la presse les procès-verbaux des
audiences,
en violation tant de l'art. 6 CEDH garantissant la présomption
d'innocence
que de l'art. 8 CEDH protégeant la sphère privée. Les recourants se
prévalent
dans ce contexte de l'art. 2 EIMP, soit, plus précisément, de l'art.
2 let. a
et d EIMP. Seul F.________ est recevable à soulever ce grief (cf.
consid.
1.3.1 ci-dessus), qui ne concerne d'ailleurs que lui.

5.1 Aux termes de l'art. 2 EIMP, la demande de coopération en matière
pénale
est irrecevable s'il
y a lieu d'admettre que la procédure à
l'étranger n'est
pas conforme aux principes de procédure fixés par la CEDH ou par le
Pacte ONU
II (let. a), ou si elle présente d'autres défauts graves (let. d).
L'art. 2
EIMP a pour but d'éviter que la Suisse ne prête son concours, par le
biais de
l'entraide judiciaire ou de l'extradition, à des procédures qui ne
garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection
minimal
correspondant à celui offert par le droit des Etats démocratiques,
défini en
particulier par la CEDH ou le Pacte ONU II, ou qui heurteraient des
normes
reconnues comme appartenant à l'ordre public international (ATF 125
II 356
consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6a p. 166/167, 511 consid. 5a
p. 517,
595 consid. 5c p. 608; 122 II 140 consid. 5a p. 142). L'examen des
conditions
posées par l'art. 2 EIMP implique un jugement de valeur sur les
affaires
internes de l'Etat requérant, en particulier sur son régime
politique, sur
ses institutions, sur sa conception des droits fondamentaux et leur
respect
effectif, et sur l'indépendance et l'impartialité du pouvoir
judiciaire (ATF
125 II 356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511
consid. 5b p.
517, et les arrêts cités). Le juge de la coopération doit faire
preuve, à cet
égard, d'une prudence particulière. Il ne suffit pas que la personne
accusée
dans le procès pénal ouvert dans l'Etat requérant se prétende menacée
du fait
d'une situation politico-juridique spéciale; il lui appartient de
rendre
vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'une grave
violation des droits de l'homme dans l'Etat requérant, susceptible de
la
toucher de manière concrète (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364; 123 II
161
consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517; 122 II 373 consid. 2a p.
377, et
les arrêts cités).

5.2 A teneur de l'art. 11 CPP fr., sauf dans les cas où la loi en
dispose
autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au
cours
de l'enquête et de l'instruction est secrète (al. 1); toute personne
qui
concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les
conditions et sous les peines des art. 226-13 et 226-14 du Code pénal
(al.
2). A l'appui de leur grief, les recourants allèguent que dans un
procès
intenté pour diffamation contre le journal « Le Monde » qui avait
publié des
informations relatives à l'affaire et concernant F.________, les
mandataires
de cet organe de presse avaient versé à la procédure trente
procès-verbaux
d'audition tirés du dossier de la procédure. Selon un article publié
dans le
« Tages Anzeiger » du 10 mars 2001, un journaliste du « Monde » aurait
confirmé que tout ce qui se dit à l'audience se retrouverait le même
jour sur
la table des rédacteurs. Ces pièces démontreraient que le secret de
l'instruction n'est plus garanti dans la procédure ouverte dans l'Etat
requérant. Ces divulgations porteraient atteinte à la présomption
d'innocence dont bénéficie F.________ en tant que prévenu,
violeraient sa
sphère privée et heurteraient le principe du procès équitable.

5.2.1 Les recourants affirment sans le démontrer que la garantie du
procès
équitable offerte par l'art. 6 par. 1 CEDH couvrirait le secret de
l'enquête.
De surcroît, celui-ci est destiné avant tout à protéger les intérêts
de
l'action pénale, en prévenant le risque de collusion, ainsi que le
danger de
disparition ou d'altération de moyens de preuve. En soi, le secret ne
favorise pas nécessairement les droits de la défense, car il peut
aussi
empêcher celle-ci de dévoiler des éléments de preuve à décharge. Il
est
certes fâcheux que le secret de la procédure en cours n'ait pas été
observé
intégralement, comme le démontrent les pièces fournies par les
recourants.
Mais outre que cela ne signifie pas nécessairement que les
informations et
les documents dont le Juge d'instruction a ordonné la transmission à
l'Etat
requérant seront aussi rendus publics, il n'est pas démontré que la
révélation des déclarations des personnes entendues dans le cadre de
la
procédure porte atteinte aux droits de la défense. En cela, la
présomption
d'innocence n'est pas en cause, faute pour les recourants de
démontrer que le
dévoilement intempestif d'informations équivaudrait, de la part des
autorités
françaises, à un préjugement public de la culpabilité de F.________,
ce que
l'art. 6 par. 2 CEDH ne permettrait pas de faire (cf. ATF 124 I 327
consid.
3b p. 331, et les références citées).

En tant qu'il est fondé sur l'art. 2 let. a EIMP, le grief est mal
fondé.

5.2.2 Invoquant l'art. 8 CEDH, les recourants exposent que les
révélations
faites par la presse en violation du secret de l'instruction
porteraient
atteinte à la vie privée de F.________, bancaire et judiciaire. Ainsi
- quoi
qu'ils semblent s'en défendre - les recourants se plaignent du «
tapage
médiatique » entourant la procédure en France. Or, selon une
jurisprudence
dont il n'y a pas lieu de se départir, des indiscrétions dans
l'enquête
pénale étrangère et l'écho qu'en font les médias, même en violation
du secret
de l'instruction, ne constituent pas un défaut grave au sens de
l'art. 2 let.
d EIMP (ATF 115 Ib 69 consid. 6 p. 86/87; 110 Ib 173 consid. 6b p.
182-184;
cf. également, arrêt 1A.242/1999 du 22 décembre 1999).

En tant qu'il est fondé sur l'art. 2 let. d EIMP, le grief doit être
écarté,
sans qu'il soit nécessaire, pour le surplus, d'approfondir le point
de savoir
si l'art. 2 let. d EIMP est applicable dans les relations
internationales
régies par la CEEJ. La conclusion subsidiaire des recourants, tendant
à ce
que l'exécution de la demande soit assortie des conditions au sens de
l'art.
80p EIMP, a perdu son objet.

6.
Les recourants invoquent les art. 2 let. a CEEJ et 3 al. 1 EIMP, en
faisant
valoir le caractère politique des ventes d'armes à l'Angola.

6.1 L'entraide peut être être refusée si la demande se rapporte à des
infractions tenues pour politiques par l'Etat requis (art. 2 let. a
CEEJ et 3
al. 1 EIMP). Le délit politique peut être absolu ou relatif, selon
qu'il est
exclusivement subversif ou, si, relevant du droit commun, il présente
toutefois un caractère politique prépondérant (ATF 125 II 569 consid.
9b p.
578, et les références citées). A raison, les recourants ne
prétendent pas
que les faits reprochés à F.________ puissent entrer dans l'une ou
l'autre
catégorie. Ils allèguent en revanche que les ventes d'armes
litigieuses
constitueraient un fait connexe à un délit politique. On entend par

l'acte punissable selon le droit commun, mais qui bénéficie aussi
d'une
certaine immunité parce qu'il a été accompli parallèlement à un délit
politique, généralement pour préparer, faciliter, assurer ou masquer
la
commission de celui-ci, voire en procurer ultérieurement l'immunité
(ATF 125
II 569 consid. 9b p. 578; 113 Ib 175 consid. 6b p. 180 et 78 I 39
consid. 5
p. 50). Le seul fait que des infractions aient été commises dans un
certain
contexte politique ne suffit pas pour admettre que l'on se trouve en
présence
d'un délit politique protégé (ATF 117 Ib 64 consid. 5c p. 69; 115 Ib
58
consid. 5a p. 85; 113 Ib 175 consid. 6a p. 179).

6.2 Les recourants exposent que F.________ a reçu des autorités
angolaises le
mandat de négocier pour elles la livraison d'armes, en échange d'une
commission. Ce mandat s'inscrivait dans la lutte engagée par le
gouvernement
de la République d'Angola contre la rébellion armée de l'Unita, soit
d'un
conflit interne de nature politique. Sans doute. Il n'en demeure pas
moins
que les faits évoqués dans la demande n'ont pas été commis en
relation avec
un délit politique, absolu ou relatif, mettant en cause l'Etat
requérant
lui-même. La procédure ouverte en France, même si elle a eu un grand
retentissement à cause de l'implication de personnalités politiques
connues,
n'a pas mis en lumière des faits qui pourraient être considérés comme
des
délits dirigés contre la sécurité de cet Etat. Au demeurant,
l'infraction
originaire dont A.________ et F.________ sont soupçonnés ne tient
pas au
courtage d'armes en tant que tel, mais à son caractère illicite
résultant du
défaut de l'autorisation ministérielle nécessaire pour une telle
activité.
Quant aux détournements mis à la charge de A.________ et de
F.________, au
préjudice de B.________ et de X.________, ils ne présentent aucun
caractère
politique. A cet égard, la situation de fait peut être rapprochée de
celle
qui a donné lieu au prononcé de l'arrêt KK.________ (ATF 113 Ib 175),
concernant la vente d'armes américaines à l'Iran, dont une partie du
produit
avait été détournée pour être acheminée à la rébellion antisandiniste
du
Nicaragua. Dans un cas comme dans l'autre, les faits reprochés aux
vendeurs
d'armes, malgré leur coloration politique, ressortissent au droit
commun
réprimant le détournement de fonds. Pour le surplus, dans cet arrêt,
le
Tribunal fédéral avait, dans le contexte de l'espèce, dénié tout
caractère
politique, relatif ou connexe, à la livraison d'armes considérée
isolément.

6.3 Le grief doit être rejeté. Pour le surplus, il n'y a, au stade de
l'entraide, aucune raison de douter du caractère authentique des
attestations
produites par les recourants, émanant des plus hautes autorités de la
République d'Angola; ces documents confirment le caractère officiel
de la
mission de fourniture d'armes confiée à F.________. Celui-ci ne
pouvait
cependant s'en prévaloir pour violer la loi française, comme cela lui
est
reproché. L'argument fondé sur le respect de la bonne foi entre Etats
est
ainsi hors de propos.

7.
Sous l'angle de la double incrimination, les recourants allèguent que
celle-ci n'était pas remplie au regard de l'art. 33 LFMG, au motif que
l'infraction de vente illicite d'armes ne serait pas visée dans la
demande
complémentaire du 17 janvier 2001.

Selon la demande du 22 décembre 2000 et ses compléments des 2, 4 et 17
janvier 2001, les opérations délictueuses mises à la charge de
A.________ et
de F.________ se décomposent en trois volets consécutifs: les ventes
illicites d'armes à l'Angola, par l'entremise de X.________ et de
B.________;
le détournement du produit de ces ventes, au détriment de X.________
et de
B.________, correspondant, en France, à des abus de confiance et à
des abus
de biens sociaux; le transfert du butin sur des comptes ouverts en
Suisse,
correspondant à du blanchiment d'argent. La demande du 22 décembre
2000,
ainsi que les compléments des 2 et 4 janvier 2001, indiquent, comme
fait mis
à la charge de F.________, le chef de commerce illicite d'armes,
réprimé par
l'art. 24 du décret-loi de 1939, alors que cette mention ne figure
pas dans
la demande du 17 janvier 2001. Comme le précise celle-ci, cette
omission est
voulue. Elle s'explique par le fait que, dans l'intervalle, la
validité des
poursuites pour ce chef d'inculpation a été contestée dans l'Etat
requérant,
avec la conséquence que les investigations ont été suspendues en
France
s'agissant du premier volet des délits mis à la charge des prévenus.
Cette
modification est sans importance. Elle ne signifie pas que
l'accusation de
vente illicite d'armes serait abandonnée en France, mais tout au plus
suspendue. Quand bien même le premier volet de l'accusation ne
serait, en fin
de compte, plus retenu contre les prévenus, cela ne changerait rien
au fait
que ceux-ci resteraient inculpés de détournements de fonds et de
blanchiment.
Or, contrairement à ce qui prévaut en matière d'extradition (ATF 125
II 569
consid. 6 p. 575), il n'est pas nécessaire, dans l'entraide régie par
la
CEEJ, que la condition de la double incrimination soit réalisée pour
chacun
des chefs à raison desquels les prévenus sont poursuivis dans l'Etat
requérant. En l'espèce, les recourants ne prétendent pas que
l'entraide
devrait être refusée pour les autres chefs d'inculpation que celui
fondé sur
l'art. 24 du décret-loi de 1939.

8.
Pour les recourants, l'infraction visée à l'art. 16 du décret du 6
mai 1995,
réprimant le défaut de registre de ventes d'armes, devrait être
considérée
comme bénigne; l'entraide ne devrait pas être accordée de ce chef.

Selon l'art. 4 EIMP invoqué par les recourants dans ce contexte, la
demande
est rejetée si l'importance des faits ne justifie pas la procédure.
Cette
règle s'applique aux cas considérés comme des bagatelles (ATF 120 Ib
120
consid. 3d p. 127/128, et les arrêts cités). L'infraction à l'art. 16
du
décret de 1995 est passible d'une amende de 5ème classe (art. 102 ch.
1 du
décret), dont le montant est de 10'000 FRF et de 20'000 FRF en cas de
récidive (art. 131.13 ch. 5 CP fr.). On ne saurait dire qu'il s'agit
là d'un
délit bénin au sens de l'art. 4 EIMP. Cette disposition n'entre,
partant, pas
en considération. Cela dispense le Tribunal fédéral d'approfondir la
question
de savoir si l'art. 4 EIMP est applicable à l'entraide régie par la
CEEJ, qui
ne contient pas de règle semblable (sur ce point, cf. Zimmermann, op.
cit.,
n° 421 n. 586).

9.
Les recourants se plaignent d'une violation du principe de la
proportionnalité.

9.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les
mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité.
L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la
découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat
requérant. La question de savoir si les
renseignements demandés sont
nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans
l'Etat
requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de
poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui
permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des
preuves
déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne
saurait sur
ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat
chargé de
l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que
si les
actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et
manifestement
impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande
apparaît
comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve
(ATF 122
II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251
consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi
l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées
et
d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241
consid.
3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68,
et les
arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la demande
selon le
sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une
interprétation large de la requête s'il est établi que, toutes les
conditions
à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite
aussi une
éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid, 3a p. 243).
Sur
cette base, peuvent aussi être transmis des renseignements et des
documents
non mentionnés dans la demande (arrêt non publié D. du 7 décembre
1998,
consid. 5). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière
claire
et précise, en quoi les documents et informations à transmettre
excéderaient
le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la
procédure
étrangère (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). Lorsque la demande
vise à
éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient
d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom
des
sociétés et des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241
consid. 3c
p. 244).

9.2 A l'appui du grief tiré du principe de la proportionnalité, les
recourants reprennent intégralement les arguments présentés à la
Chambre
d'accusation et que celle-ci a rejetés. Hormis ces points litigieux,
les
recourants ne s'opposent pas à la transmission du solde de la
documentation
rassemblée pour l'exécution de la demande.

9.2.1 Les recourants ne sont pas habilités à agir pour s'opposer à la
transmission de documents relatifs à des comptes dont ils ne sont pas
les
titulaires ou dont les titulaires ont recouru devant la Chambre
d'accusation
qui a déclaré leurs recours irrecevables. Cela concerne les comptes
nos 4,
11, 12, 13 et 16, tels que répertoriés ci-dessus.

9.2.2 Les recourants font valoir que certains comptes saisis ont été
ouverts
avant ou après la période pendant laquelle, selon l'exposé joint à la
demande, les faits délictueux auraient été commis. La demande et ses
compléments ne sont pas très précis sur ce point, puisqu'ils se
bornent à
indiquer que les contrats portant sur les ventes d'armes à l'Angola
auraient
été conclus en novembre 1993 et avril 1994. Il ressort toutefois de la
demande, de manière implicite, que les détournements du produit de
ces ventes
auraient été effectués postérieurement, pendant une période
indéterminée.
Quant au trafic d'influence lié au financement des élections au
Parlement
européen, il aurait eu lieu jusqu'à l'époque de ces élections, soit
en 1999.
En fixant la mission de la Suisse, les autorités de l'Etat requérant
n'ont
pas davantage fixé de limites temporelles quant aux investigations à
entreprendre. La demande du 17 janvier 2001 tend à la remise de la
documentation relative à tous les comptes détenus ou dominés par
F.________,
sans aucune restriction. Il va de soi qu'une telle requête ne peut
être
admise que dans le respect du principe de la proportionnalité, tel
qu'il
vient d'être défini. Dans une affaire où, comme en l'espèce, les
auteurs
présumés de l'infraction sont soupçonnés d'en avoir caché le produit
en
Suisse, il est potentiellement utile aux magistrats français de
connaître
tous les mouvements de fonds effectués sur ces comptes, à moins qu'il
ne
puisse être établi, d'emblée et de manière indiscutable, que certaines
opérations ne présentent aucun lien, de quelle que sorte que ce soit,
avec
les faits décrits dans la demande. En l'occurrence, l'enquête ouverte
en
France a notamment pour but de retracer le cheminement de chaque
montant
litigieux, lequel peut avoir emprunté de multiples détours. Dans ce
type
d'infraction, il est fréquent d'user d'intermédiaires, d'opérations
fictives,
de stratagèmes divers, précisément pour masquer l'origine véritable
des
fonds. Pour faire un tableau exact et complet de ces mouvements
souvent
complexes et tortueux, il est nécessaire d'investiguer en amont et en
aval du
complexe de faits, à la période précédant et suivant immédiatement
ceux-ci.
Cela justifie de remettre la documentation concernant les comptes nos
1, 2,
3, 5, 6, 8, 9, et 17.

Pour les mêmes motifs, est sans pertinence l'argument selon lequel
tel ou tel
compte n'aurait rien reçu de X.________ ou de B.________, ni
approvisionné
les comptes de ces sociétés, comme les recourants le disent des
comptes nos
1, 2, 3, 5, 6, 8, 9, 17 et 18.

Peu importe, en outre, que certains comptes litigieux aient été
utilisés pour
rémunérer des tiers apparemment sans rapport avec l'affaire (comme les
recourants l'affirment pour les comptes nos 7, 8, 9 et 15). Il n'est
en effet
pas exclu que des fonds d'origine délictueuse aient pu servir à
financer des
opérations à première vue licite; c'est d'ailleurs là le but même du
blanchiment d'argent.

Contrairement à ce que les recourants prétendent, rien ne s'oppose à
la
transmission de la documentation concernant les comptes nos 2 et 10,
malgré
que ceux-ci n'ont servi à aucune transaction. L'existence de ces
comptes peut
être utile à l'enquête ouverte en France, notamment pour dresser un
tableau
complet de la situation et permettre de procéder à des recoupements.
En
outre, aucun intérêt, de nature à s'opposer à l'entraide, n'est
touché par la
communication de tels renseignements.

10.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les
frais en sont mis à la charge des recourants (art. 156 OJ),
solidairement
entre eux. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument de 15'000 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement
entre eux. Il n'est pas alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants, au
Juge d'instruction du canton de Genève, Daniel Devaud, à la Chambre
d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice
(B 122240 DAP.).

Lausanne, le 21 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.212/2001
Date de la décision : 21/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-21;1a.212.2001 ?
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