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19/03/2002 | SUISSE | N°1A.184/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 mars 2002, 1A.184/2001


{T 0/2}
1A.184/2001/col
1P.712/2001

Arrêt du 19 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Jomini.

Société anonyme Le Pinocchio SA, 1007 Lausanne,
A.________, recourants,
tous deux représentés par Me Antoine Campiche, avocat, Montbenon 2,
case
postale 2293, 1002 Lausanne,

contre

Municipalité de la Commune de Lausanne, 1002 Lausanne, représentée
par Me
Edmon

d C.M. de Braun, avocat, place Saint-François 5, case postale
2700, 1002
Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, ...

{T 0/2}
1A.184/2001/col
1P.712/2001

Arrêt du 19 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Jomini.

Société anonyme Le Pinocchio SA, 1007 Lausanne,
A.________, recourants,
tous deux représentés par Me Antoine Campiche, avocat, Montbenon 2,
case
postale 2293, 1002 Lausanne,

contre

Municipalité de la Commune de Lausanne, 1002 Lausanne, représentée
par Me
Edmond C.M. de Braun, avocat, place Saint-François 5, case postale
2700, 1002
Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

autorisation de construire, ordre de démolition

(recours de droit administratif et recours de droit public contre
l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Vaud du 9 octobre 2001)
Faits:

A.
La société anonyme Le Pinocchio SA est propriétaire, en ville de
Lausanne, de
la parcelle n° 5294. Il s'y trouve un bâtiment de trois niveaux dont
le
rez-de-chaussée est occupé par un restaurant. A.________ est
directeur de la
société et titulaire de la patente pour l'exploitation du restaurant.

Le restaurant dispose depuis de nombreuses années d'une terrasse
aménagée sur
la dalle supérieure d'une construction annexe qui flanque au sud le
bâtiment
principal; cette terrasse est au niveau du rez-de-chaussée de ce
dernier
bâtiment. Une partie de la terrasse a été couverte, il y a plusieurs
années,
d'une toiture en appentis adossée à la façade sud et appuyée sur des
piliers
métalliques fixés sur un mur de soutènement édifié en limite de
propriété.
L'annexe supportant la terrasse a fait l'objet d'une procédure
d'autorisation
de construire en 1969; elle a été implantée dans l'espace compris
entre le
sous-sol du bâtiment principal et le mur précité.

B.
Dans le courant de l'année 1997, la société Le Pinocchio a réaménagé
la
terrasse de son restaurant: elle a entièrement fermé la partie
couverte par
un auvent, entre la façade sud du bâtiment principal et la limite de
la
parcelle voisine, en construisant au sud un mur percé de larges
fenêtres et
recouvert de plaques de granit jointoyées et en installant sur les
côtés est
et ouest des éléments préfabriqués, en grande partie vitrés. Des
aménagements
intérieurs ont également été effectués dans ce local (pose de
carrelage sur
le sol, isolation et lambrissage du plafond, notamment), qui est
ouvert sur
les autres salles du restaurant et qui est meublé pour accueillir la
clientèle. Aucune autorisation de construire n'a été requise pour ces
travaux.

C.
Le 8 février 2000, la Direction des travaux de la commune de
Lausanne, au nom
de la Municipalité de cette commune, a écrit à « M. A.________,
restaurant Le
Pinocchio » pour signaler qu'elle avait constaté la transformation de
la
terrasse ouverte en véranda fermée, et pour ordonner la démolition de
la
véranda ainsi que la remise en état de la terrasse, un délai au 8 mai
2000
étant fixé pour effectuer ces travaux.

La société Le Pinocchio et A.________ ont recouru ensemble contre
cette
décision auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud, en
prétendant
que les travaux litigieux pouvaient être autorisés, que la fermeture
de la
terrasse permettait une limitation des émissions de bruit du
restaurant, et
que l'ordre de démolition était disproportionné.
Le Tribunal administratif, après avoir effectué une inspection
locale, a
rejeté le recours par un arrêt rendu le 9 octobre 2001. Par
conséquent, il a
confirmé la décision de la Municipalité, en impartissant à la société
Le
Pinocchio et à A.________ un nouveau délai, au 8 janvier 2002, pour
exécuter
les travaux ordonnés.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif et par celle du
recours de droit public - les deux recours étant présentés dans le
même acte,
avec les mêmes conclusions -, la société Le Pinocchio et A.________
demandent
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et, à
titre
subsidiaire, de renvoyer l'affaire pour nouvelle décision à l'autorité
cantonale. Dans le cadre du recours de droit public, ils se plaignent
d'une
violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et de la
liberté
économique (art. 27 Cst.), en dénonçant une mauvaise application de
la règle
du droit cantonal relative aux transformations des bâtiments
existants non
conformes aux règles de la zone à bâtir, à savoir l'art. 80 al. 2 de
la loi
cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions
(LATC); par
ailleurs, en ordonnant la démolition, l'autorité municipale aurait eu
un
comportement contraire à la bonne foi, dès lors que quelques années
auparavant, elle s'était déclarée favorable à la création d'une
véranda. Dans
le cadre du recours de droit administratif, ils font valoir qu'en
réalisant
les travaux litigieux, ils ont procédé à un assainissement du
restaurant,
afin qu'il réponde aux exigences de la législation fédérale en
matière de
protection contre le bruit; les principes de la coordination
consacrés par le
droit fédéral imposeraient que l'on tienne compte de ces mesures
d'assainissement et le Tribunal administratif aurait refusé non
seulement à
tort, mais aussi en violation de leur droit d'être entendus, de
considérer
que ces exigences justifiaient l'octroi d'une autorisation fondée sur
l'art.
80 al. 2 LATC.

La Municipalité conclut à l'irrecevabilité du recours de droit
administratif
et au rejet du recours de droit public, dans la mesure où ce dernier
est
recevable.

Le Tribunal administratif conclut au rejet des deux recours.

L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage s'est
déterminé
au sujet du recours de droit administratif.

E.
Par une ordonnance du 12 décembre 2001, le Président de la Ire Cour
de droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par les
recourants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il y a lieu de statuer sur les deux recours, de droit public et de
droit
administratif, en un seul arrêt.

2.
2.1Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des
recours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I
207
consid. 1 p. 209 et les arrêts cités). Le recours de droit public
(art. 84 ss
OJ) étant subsidiaire aux autres moyens de droit (art. 84 al. 2 OJ),
la
recevabilité du recours de droit administratif (art. 97 ss OJ) doit
être
examinée en premier lieu.

2.2 La voie du recours de droit administratif (art. 97 ss OJ) est
ouverte
contre une décision au sens de l'art. 5 PA, prise en dernière instance
cantonale (cf. art. 98 let. g OJ), qui est fondée sur des
dispositions de la
loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01 -
cf. art.
54 LPE; ATF 126 II 300 consid. 1 p. 301/302 et les arrêts cités).

Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a considéré que les
prescriptions du droit fédéral sur la limitation du bruit à la source
(cf. la
règle générale de l'art. 11 LPE) ne l'autorisaient pas à déroger, en
l'espèce, aux règles cantonales sur la police des constructions et
l'aménagement du territoire. Les recourants critiquent cette
interprétation
du droit fédéral, en invoquant le principe de la coordination et
également
les normes sur l'assainissement des installations bruyantes (art. 13
ss de
l'ordonnance sur la protection contre le bruit [OPB; RS 814.41]).
Cette
question est accessoire, la contestation portant principalement sur
l'application du droit cantonal des constructions. Néanmoins, dans
cette
mesure, la voie du recours de droit administratif est ouverte contre
la
décision attaquée. Les deux recourants, destinataires en vertu de
l'arrêt
attaqué de l'ordre de démolition, ont qualité pour recourir (art. 103
let. a
OJ). Il y a lieu d'entrer en matière, étant d'emblée précisé que le
recours
de droit public, également ouvert en vertu de la réglementation
fédérale des
voies de droit en matière d'autorisations de construire dans la zone
à bâtir
(art. 34 al. 3 LAT), sera traité ensuite (consid. 4-6 infra).

3.
3.1 Les recourants justifient a posteriori les travaux effectués sans
autorisation par l'avantage que ces aménagements procurent aux
voisins du
restaurant, désormais efficacement protégés contre le bruit de leur
clientèle
qui n'est plus servie sur une terrasse ouverte. Ils auraient donc
pris,
spontanément, des « mesures constructives » de limitation des
émissions,
voire des mesures d'assainissement de leur installation existante. Ils
reprochent au Tribunal administratif de n'avoir pas fait porter
l'instruction
sur la « problématique des nuisances » et ainsi d'avoir violé leur
droit
d'être entendus. Ils invoquent encore le principe de la coordination,
selon
la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700).

3.2 Le dossier ne contient aucune décision, antérieure aux travaux,
sur
l'obligation d'assainir l'installation existante que constitue le
restaurant
des recourants, installation dont l'exploitation produit du bruit
extérieur
(cf. art. 16 LPE, art. 13 ss OPB). L'arrêt attaqué mentionne les
plaintes de
certains voisins, en 1995 et 1996, à cause des nuisances sonores
provenant de
la terrasse en soirée, et il cite une lettre du 10 août 1995 du
service
communal de la police du commerce invitant le titulaire de la patente
à «
prendre toutes les mesures utiles afin qu'à l'avenir le voisinage ne
soit
plus dérangé par le bruit ». Cet arrêt évoque encore deux rapports de
dénonciation de la police municipale, à cette même époque, pour
fermeture
nocturne tardive. Or on ne saurait déduire de ces éléments, en
l'absence
d'autres allégations des recourants ou de l'autorité intimée au sujet
du
besoin d'assainissement, que le restaurant contribuait « de manière
notable
au dépassement des valeurs limites d'immission » dans le voisinage
(tel est,
d'après l'art. 13 al. 1 OPB, la condition pour ordonner
l'assainissement
d'une installation bruyante). Seuls quelques événements isolés sont
invoqués
- notamment des nuisances dues à l'inobservation de l'heure de
fermeture,
prescription générale destinée à protéger les voisins s'appliquant
indépendamment de tout besoin d'assainissement - et on ne voit pas
pourquoi
le respect des conditions d'exploitation fixées par la patente et la
réglementation sur les horaires des établissements publics ne
permettrait pas
le maintien d'une terrasse ouverte dans un quartier urbain. Par
ailleurs,
d'un point de vue formel, la lettre du service communal de la police
du
commerce ne peut pas être interprétée comme un ordre d'assainissement
car le
droit cantonal prévoit, pour ces décisions, la compétence du service
cantonal
de l'environnement et de l'énergie (auparavant: service de lutte
contre les
nuisances - cf. art. 16 let. b du règlement cantonal d'application de
la loi
fédérale sur la protection de l'environnement).

Dans ces circonstances, le Tribunal administratif pouvait s'abstenir
d'examiner plus avant la portée, dans le cas particulier, des normes
du droit
fédéral sur l'assainissement. Le grief de violation du droit d'être
entendu,
à ce propos, est dès lors manifestement mal fondé.

3.3 En cas de transformation d'une installation existante, une
application
coordonnée des normes fédérales sur la protection contre le bruit,
d'une
part, et des normes cantonales sur l'aménagement du territoire et les
constructions, d'autre part, est prévue notamment à l'art. 8 OPB:
dans la
procédure d'autorisation de construire, l'autorité d'exécution doit
imposer
les dispositions de limitation des émissions de bruit dans la mesure
où cela
est réalisable sur le plan de la technique et de l'exploitation, et
économiquement supportable (art. 8 al. 1 OPB); en cas de modification
notable, il faut s'assurer que les valeurs limites d'immission ne
seront pas
dépassées (art. 8 al. 2 OPB). Le droit fédéral impose ainsi des
exigences
supplémentaires au détenteur de l'installation à modifier: son projet
de
transformation, pour être autorisé, devra non seulement être conforme
au plan
d'affectation et aux prescriptions cantonales de police des
constructions,
mais il devra aussi contenir des mesures techniques, de construction,
d'exploitation, etc. pour la limitation des émissions (cf. art. 2 al.
3 OPB,
qui définit les mesures de limitation). Ce régime n'exclut donc pas
que
l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire examine en
premier lieu l'application du droit cantonal, les exigences
complémentaires
de l'art. 8 OPB ne valant que pour un projet réglementaire.

Il s'ensuit que le Tribunal cantonal n'a pas ignoré ni violé le droit
fédéral
de la protection de l'environnement en considérant qu'une mesure de
construction contraire à la réglementation communale ne pouvait pas
être
autorisée au seul motif qu'elle contribuerait à la limitation des
émissions
de bruit de l'installation à transformer. Les moyens du recours de
droit
administratif sont donc mal fondés.

4.
Dans la présente affaire, la contestation porte principalement sur les
conditions de l'autorisation de construire nécessaire pour régulariser
l'ouvrage litigieux; tel était en effet le premier objet du recours au
Tribunal administratif contre l'ordre de démolition. La juridiction
cantonale
a décidé que la propriétaire du bâtiment n'avait pas droit à cette

autorisation. La voie du recours de droit public est en principe
ouverte
contre pareille décision, prise en dernière instance cantonale (art.
84 al. 1
let. a, 86 et 87 OJ, en relation avec l'art. 34 al. 3 LAT). Il en va
de même
de l'ordre de démolition ou de remise en état, conséquence du refus de
l'autorisation.

Vu l'issue de la cause, il n'y a pas lieu d'examiner si la société
propriétaire de l'immeuble est seule atteinte dans ses intérêts
personnels et
juridiquement protégés, et partant si elle a seule qualité pour
recourir au
sens de l'art. 88 OJ, à l'exclusion de son directeur, pourtant
destinataire
de l'ordre de démolition (cf. ATF 126 I 43 consid. 1a p. 44, 81
consid. 3b p.
85); cette question peut demeurer indécise. Il convient donc d'entrer
en
matière sur les griefs du recours de droit public.

5.
5.1Les recourants font valoir que le refus de l'autorisation viole
l'art. 80
al. 2 LATC, qui régit la transformation des bâtiments existants non
conformes
aux règles de la zone à bâtir. Il en résulterait, d'après eux, une
atteinte
non négligeable à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et à la
liberté
économique (art. 27 Cst.).

L'application, dans un cas particulier, des normes du droit de
l'aménagement
du territoire et des constructions est en principe compatible avec la
liberté
économique quand les mesures en cause ne vident pas de son contenu
cette
dernière liberté et, notamment, quand elles ne poursuivent pas des
objectifs
de politique économique étrangers aux buts de l'aménagement du
territoire
(ATF 111 Ia 93 consid. 3 p. 99; 110 Ia 167 consid. 7b/bb p. 174; 109
Ia 264
consid. 4 p. 267). Il est manifeste que ni l'art. 80 al. 2 LATC, ni
les
règles sur la distance entre bâtiments et limites de propriété,
appliquées en
l'espèce (cf. infra, consid. 5.2), ne sont des normes incompatibles
avec la
liberté économique. Aussi le grief de violation de la garantie de la
propriété entre-t-il seul en considération.

En invoquant cette dernière garantie, les recourants se plaignent
d'une
restriction dépourvue de base légale, l'ouvrage litigieux n'étant
selon eux
pas contraire au droit cantonal et communal (cf. art. 26 al. 1 et 36
al. 1
Cst.). L'interdiction de créer un local annexe (véranda ou terrasse
couverte)
sur une parcelle constructible déjà largement bâtie ne constitue, à
l'évidence, pas une atteinte grave au droit de propriété. C'est
pourquoi le
Tribunal fédéral n'examinera que sous l'angle de l'arbitraire
l'application
des règles du droit des constructions dont les recourants se
prévalent (ATF
119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96, 141 consid. 3b/dd p. 147 et les arrêts
cités;
cf. aussi ATF 124 I 6 consid. 4b/aa p. 8; 121 I 117 consid. 3a/bb p.
120; 119
Ia 362 consid. 3a p. 366). Il n'annulera donc la décision attaquée
que si
elle méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice
ou de l'équité. En d'autres termes, le Tribunal fédéral ne s'écartera
de la
solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est
insoutenable,
en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été
adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit
pas que
la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il
qu'elle soit
arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 III
438
consid. 3 p. 440; 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a
p. 15,
129 consid. 5b p. 134 et les arrêts cités).

5.2 L'art. 80 al. 2 LATC s'applique à la transformation des «
bâtiments
existants non conformes aux règles de la zone à bâtir entrées en force
postérieurement, relatives aux dimensions des bâtiments, à la
distance aux
limites (...) » (cf. art. 80 al. 1 LATC); il a la teneur suivante:
« Leur transformation dans les limites des volumes existants ou leur
agrandissement peuvent être autorisés, pour autant qu'il n'en résulte
pas une
atteinte sensible au développement, au caractère ou à la destination
de la
zone. Les travaux ne doivent pas aggraver l'atteinte à la
réglementation en
vigueur ou les inconvénients qui en résultent pour le voisinage. »
Le Tribunal administratif a appliqué cette disposition en prenant en
considération le fait que la façade sud du bâtiment principal,
abritant le
restaurant au rez-de-chaussée, se trouvait à une distance inférieure
à 6 m de
la limite de la parcelle directement voisine; or le respect de cette
distance
de 6 m est prescrit dans la zone en question, à savoir la zone
urbaine de
l'ordre non contigu, conformément à l'art. 27 du règlement communal
du 3
novembre 1942 concernant le plan d'extension (RPE). Le Tribunal
administratif
a encore relevé que la construction annexe, qui flanque au sud le
bâtiment
principal, était elle aussi, a fortiori, implantée à moins de 6 m de
la
parcelle voisine (elle occupe, sur un niveau, l'espace entre le
bâtiment
principal et la limite de propriété). La transformation que représente
l'aménagement de la terrasse couverte ne serait donc admissible, au
regard de
l'art. 80 al. 2 LATC, qu'en l'absence d'aggravation de l'atteinte à la
réglementation en vigueur. A ce propos, le Tribunal administratif a
considéré
que les travaux litigieux n'étaient pas de simples travaux
intérieurs, et
qu'une construction « d'une certaine importance » avait ainsi été
réalisée,
permettant d'étendre la surface fermée du restaurant. Il a retenu une
aggravation « indéniable » de l'atteinte à la réglementation de la
zone
urbaine de l'ordre non contigu, la construction ayant été édifiée
dans un
espace où tout ouvrage de ce type est en principe prohibé (le Tribunal
administratif avait exposé auparavant que la construction litigieuse
ne
répondait pas à la définition de la « dépendance de peu d'importance »
admissible en vertu du droit cantonal dans les « espaces
réglementaires »
entre bâtiments et limites de propriétés, et la contestation ne porte
pas sur
cette question - cf. art. 39 du règlement d'application de la loi sur
l'aménagement du territoire et les constructions [RATC]; arrêt
1P.411/1999 in
RDAF 2000 I 257).

5.3 Les recourants font d'abord valoir que leur ancienne terrasse
existait
déjà avant l'entrée en vigueur du règlement communal de 1942. Cet
élément est
toutefois sans pertinence car, d'après la jurisprudence cantonale
exposée
dans l'arrêt attaqué, les transformations selon l'art. 80 al. 2 LATC
sont
possibles non seulement quand la règle transgressée est « entrée en
force
postérieurement » (cf. art. 80 al. 1 LATC), mais également quand le
bâtiment
existant était non réglementaire dès son édification, ce qui, de façon
incontestée, est le cas de l'annexe autorisée en 1969. Les dates de
construction du bâtiment principal et de l'annexe n'ont donc pas
d'influence
sur l'application de l'art. 80 al. 2 LATC.

5.4 Les recourants tentent ensuite de présenter les travaux litigieux
comme
des aménagements de minime importance: il s'agirait selon eux, pour
l'essentiel, de la pose de vitrages, de surcroît sur un seul niveau
déjà
partiellement fermé par une barrière. Les recourants ne parviennent
cependant
pas à démontrer que l'appréciation de la juridiction cantonale,
fondée sur
une analyse détaillée des nouveaux éléments du bâtiment (maçonnerie,
notamment) et de l'organisation du restaurant, serait arbitraire
quand elle
conclut à la réalisation d'une construction d'une certaine
importance. En
particulier, il n'est pas insoutenable de considérer que ces travaux
ont eu
pour résultat la création d'un volume supplémentaire dans le
restaurant, ou
d'un nouveau local fermé qui se distingue clairement de l'ancienne
terrasse.

5.5 Les recourants proposent une interprétation de l'art. 80 al. 2
LATC selon
laquelle, en substance, il n'y aurait pas d'aggravation de l'atteinte
à la
réglementation en vigueur en cas de surélévation d'une construction
existante
conforme à l'affectation de la zone, dans les limites de hauteur des
bâtiments applicables dans la zone et pour autant que les coefficients
d'utilisation ou d'occupation du sol soient respectés. Or le Tribunal
administratif a appliqué, en l'espèce, la notion d'aggravation de
l'atteinte
à la réglementation en vigueur en se bornant à constater qu'une
nouvelle
construction non réglementaire était réalisée dans un espace en
principe non
constructible en vertu de l'art. 27 RPE. Dès lors que, dans cette
partie de
la parcelle, aussi bien le bâtiment principal qu'un bâtiment annexe ne
respectent pas la distance réglementaire, il n'est pas insoutenable de
considérer qu'en autorisant une nouvelle construction à cet endroit,
même si
elle se superpose à l'annexe existante mais non réglementaire, on
aggraverait
l'atteinte à la réglementation en vigueur, soit celle sur les
distances à la
limite. La conséquence de cette interprétation pourrait être que
seuls de
véritables travaux intérieurs, dans les volumes existants, voire
l'installation de dépendances au sens de l'art. 39 RATC, seraient
admissibles
dans la partie sud de la parcelle concernée. Mais cette solution
n'est en
définitive pas arbitraire et les griefs des recourants à ce propos
sont mal
fondés.

6.
Les recourants présentent encore, dans le cadre du recours de droit
public,
des griefs contre l'ordre de démolition, conséquence du refus de
l'autorisation destinée à régulariser leur ouvrage. Ils invoquent, en
relation avec le principe de la proportionnalité, le principe de la
bonne
foi, en prétendant que la Municipalité aurait eu un comportement
contradictoire en imposant cette démolition après s'être déclarée
favorable,
en 1989, à la création d'une nouvelle véranda pour leur restaurant.
Ce moyen
est manifestement mal fondé, car il ressort clairement de l'arrêt
attaqué et
du dossier que le projet de véranda présenté en 1989, et abandonné
par la
suite, aurait dû être réalisé le long de la façade ouest du bâtiment
principal, à 6 m de la limite sud de la parcelle, et non pas à
l'emplacement
de la terrasse litigieuse. Les recourants ne pouvaient donc en aucun
cas
déduire de la position de l'autorité communale sur le projet de 1989
que
celle-ci renoncerait à ordonner la démolition d'une autre véranda ou
extension du restaurant réalisée sans autorisation. L'ordre de
démolition
n'est pour le surplus pas contesté.

7.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté,
et que le
recours de droit public doit également être rejeté, dans la mesure où
il est
recevable.

Le délai (au 8 janvier 2002) fixé par le Tribunal administratif pour
l'exécution de l'ordre de démolition et de remise en état étant
parvenu à
échéance pendant la procédure de recours et alors que l'effet
suspensif avait
été ordonné, il y a lieu de fixer, dans le présent arrêt, un nouveau
délai
d'exécution de trois mois (cf. consid. 4d de l'arrêt attaqué).

Les recourants, qui succombent, doivent payer l'émolument judiciaire
(art.
153, 153a et 156 al. 1 OJ). La commune intimée n'a pas droit à des
dépens
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

3.
Le délai fixé au ch. II du dispositif de l'arrêt rendu le 9 octobre
2001 par
le Tribunal administratif du canton de Vaud est prolongé au 1er
juillet 2002.

4.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants et de
la Municipalité de la Commune de Lausanne, au Tribunal administratif
du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts
et du
paysage.

Lausanne, le 19 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.184/2001
Date de la décision : 19/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-19;1a.184.2001 ?
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