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18/03/2002 | SUISSE | N°U.44/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 mars 2002, U.44/01


«AZA 7»
U 44/01
U 513/00 Kt

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 18 mars 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

D.________, intimé, représenté par Me Pierre Rumo, avocat,
boulevard du Pont-d'Arve 15, 1205 Genève,

et

D.________, recourant, représenté par Me Pierre Rumo,
avocat, boulevard du Pont-d'Arve 15, 1205 GenÃ

¨ve,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et
...

«AZA 7»
U 44/01
U 513/00 Kt

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 18 mars 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

D.________, intimé, représenté par Me Pierre Rumo, avocat,
boulevard du Pont-d'Arve 15, 1205 Genève,

et

D.________, recourant, représenté par Me Pierre Rumo,
avocat, boulevard du Pont-d'Arve 15, 1205 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- D.________, né en 1957, a été engagé dès le 8 août
1994 comme manoeuvre non qualifié par l'entreprise de prêt
de personnel I.________ SA. A ce titre, il était assuré

auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA) contre les accidents professionnels et
non professionnels.
Le 22 août 1994, alors qu'il travaillait sur un chan-
tier, l'assuré est tombé d'une hauteur de un mètre cinquan-
te. Il en est résulté une fracture du plateau tibial exter-
ne du genou droit. La CNA a pris en charge les suites de
cet accident.
Par décision du 19 mars 1998, la CNA a accordé à
D.________ une rente d'invalidité de 20 %, avec effet
rétroactif au 1er décembre 1997, compte tenu d'un gain an-
nuel assuré de 44 356 francs, ainsi qu'une indemnité pour
atteinte à l'intégrité de 15 %.
Par décision sur opposition du 13 janvier 1999, elle a
admis de porter le gain annuel assuré à 48 676 francs et
rejeté l'opposition pour le surplus.

B.- Par jugement du 21 novembre 2000, le Tribunal
administratif du canton de Genève a partiellement admis le
recours formé contre cette décision sur opposition par
D.________ et fixé à 22,35 % son taux de d'invalidité.

C.- D.________, d'une part, et la CNA, d'autre part,
interjettent recours de droit administratif contre ce juge-
ment, dont ils requièrent l'annulation. L'assuré conclut
implicitement à l'octroi d'une rente d'un montant plus
élevé alors que la CNA conclut à la confirmation de sa
décision sur opposition du 13 janvier 1999.
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- a) Bien qu'elle tende, apparemment, à la prolonga-
tion du délai de recours, on peut déduire sans aucun doute

de l'écriture déposée le 10 janvier 2001 par D.________ que
ce dernier entend obtenir une rente d'invalidité d'un mon-
tant plus élevé que celle qui lui a été accordée par l'au-
torité judiciaire cantonale et la CNA. Le recourant soulève
en relation avec sa capacité de travail, divers arguments
de fait concernant les circonstances de l'accident ainsi
que son état de santé. Cette motivation, certes très som-
maire, n'en est pas moins suffisante au regard des exi-
gences de l'art. 108 al. 2 en corrélation avec l'art. 132
OJ (ATF 123 V 336 consid. 1a et les références). Son
recours est, dès lors, recevable.

b) Les recours de droit administratif de l'assuré et
de la CNA concernent des faits de même nature, portent sur
des questions juridiques communes et sont dirigés contre le
même jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et
de les liquider en un seul arrêt (ATF 123 V 215 consid. 1,
120 V 466 consid. 1 et les références; Poudret, Commentaire
de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I,
p. 343 s.).

2.- a) Le montant de l'indemnité pour atteinte à l'in-
tégrité n'étant pas contesté, demeure seul litigieux en
l'espèce le taux d'invalidité de l'assuré ensuite de l'ac-
cident du 22 août 1994.

b) Le jugement entrepris expose correctement les prin-
cipes légaux et jurisprudentiels régissant le droit à une
rente d'invalidité de l'assurance-accidents obligatoire
ainsi que l'évaluation de l'invalidité et l'appréciation
des pièces médicales par le juge, si bien qu'il suffit d'y
renvoyer sur ces différents points.

3.- a) Dans son recours, l'assuré conteste tout d'a-
bord avoir glissé au moment de sa chute; il expose avoir
été percuté par un panneau à la hauteur du thorax et être

ensuite tombé en heurtant le sol de la tête. S'il est vrai,
comme l'ont relevé les premiers juges, que cette version
des faits n'apparaît pour la première fois dans les pièces
du dossier que lors de l'examen par le médecin d'arrondis-
sement de la CNA, le 6 avril 1995, alors que la déclaration
d'accident du 12 septembre 1994 fait état d'une glissade
sur un pont de 1,5 mètre, cette version initiale, qui émane
de l'employeur de l'assuré et non de celui-ci, ne saurait
toutefois, au simple motif de son antériorité, être opposée
à ce dernier. Il n'est toutefois pas nécessaire d'élucider
plus précisément ces faits. Hormis les déclarations du
recourant, aucune pièce médicale figurant au dossier ne
permet en effet d'établir l'existence d'un traumatisme
lombaire, dorsal ou cérébral ou de séquelles d'un tel trau-
matisme. Il s'ensuit qu'en ce qui concerne lesdites lé-
sions, la preuve de l'existence de l'atteinte dommageable
au sens de l'art. 9 al. 1 OLAA n'est pas rapportée, fût-ce
au stade de la vraisemblance prépondérante usuelle dans le
domaine des assurances sociales (ATF 116 V 140 consid. 4b,
114 V 305 consid. 5b, 111 V 201 consid. 6b; RAMA 1990
no U 86 p. 50). C'est, partant, exclusivement au regard des
atteintes dont l'existence est avérée - lésion du genou
droit et troubles psychiques - que le droit de l'assuré à
une rente d'invalidité ensuite de l'accident du 22 août
1994 doit être examiné.

b) Le recourant conteste, ensuite, en relation avec
les troubles psychiques dont il souffre et dont les pre-
miers juges ont nié qu'ils fussent en relation de causalité
adéquate avec l'accident du 22 août 1994, avoir jamais
consulté un psychiatre antérieurement à cette date, con-
trairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

aa) Selon la jurisprudence, l'existence d'un lien de
causalité adéquate entre un accident insignifiant ou de peu
de gravité et des troubles psychiques peut, en règle géné-

rale, être d'emblée niée, tandis qu'en principe, elle doit
être admise en cas d'accident grave; pour admettre le ca-
ractère adéquat du lien de causalité entre un accident de
gravité moyenne et des troubles psychiques, il faut que
soient réunis certains critères particuliers et objectifs
(ATF 115 V 139 sv. consid. 6, 408 consid. 5). Dans cette
dernière éventualité, le juge des assurances ne peut admet-
tre la causalité adéquate que si l'un des critères retenus
s'est manifesté de manière particulièrement marquante pour
l'accident, ou si ces critères déterminants se trouvent
soit cumulés, soit réunis d'une façon frappante.

En outre, il convient, aux fins de procéder à une
classification des accidents de nature à entraîner des
troubles psychiques, non pas de s'attacher à la manière
dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique,
mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif,
sur l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 139 con-
sid. 6, 407 s. consid. 5).

bb) Compte tenu des circonstances qui ont entouré la
chute du 22 août 1994, cet accident ne saurait être quali-
fié de grave. Contrairement à l'avis des premiers juges, il
ne saurait cependant non plus être rangé dans la catégorie
des accidents insignifiants ou de peu de gravité. Le seul
fait que l'assuré ait chuté d'une hauteur de un mètre cin-
quante justifie déjà, à lui seul, que cet événement acci-
dentel soit classé à la limite inférieure de la catégorie
des accidents de gravité moyenne.

cc) En l'occurrence, on ne voit pas d'éléments de
nature à faire apparaître la chute en question comme parti-
culièrement impressionnante ou dramatique. La seule lésion
qu'elle a entraînée, et dont l'existence a pu être établie
(fracture du plateau tibial externe du genou droit; cf.
consid. 3a, supra), ne saurait être qualifiée de grave et
propre, selon l'expérience, à entraîner des troubles psy-

chiques. Ensuite de l'ostéosynthèse avec greffe autologue
réalisée le 25 août 1994, les suites opératoires ont été
qualifiées de simples et afébriles, avec normalisation du
status neurologique, aucun traitement n'étant mis en place
lors de la sortie de l'Hôpital X.________, le 17 septembre
1994 (rapport de sortie, du 23 septembre 1994). Cette évo-
lution, jusqu'à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, le
18 juin 1996 (rapport de l'Hôpital X.________, du 9 août
1996) a certes été retardée dans une certaine mesure, le
médecin d'arrondissement de la CNA relevant en novembre
1995 encore l'existence d'un fragment non consolidé, la
suspicion d'une algo-neuro-dystrophie ainsi qu'un léger
empâtement du genou (rapport du médecin d'arrondissement de
la CNA, du 20 novembre 1995, p. 5). Ces circonstances n'ont
toutefois pas revêtu, en l'espèce, une intensité particu-
lière. Ainsi, le traitement lié à la lésion du genou n'a
guère excédé, au total, deux années, à l'échéance desquel-
les il n'y avait plus de contre-indication médicale à ce
que le recourant reprenne une activité adaptée (rapport de
l'examen final par le médecin d'arrondissement de la CNA,
du 25 septembre 1996, p. 8). Enfin, si l'assuré a certes
continué à faire état de douleurs permanentes (rapport de
l'examen final par le médecin d'arrondissement, précité,
p. 8), le médecin d'arrondissement de la CNA a souligné que
ce syndrome algique de forte intensité ne trouvait plus de
justification objective dans les constatations cliniques et
radiologiques.
Il résulte de ce qui précède qu'aucune de ces circons-
tances prises séparément, pas plus que l'ensemble de cel-
les-ci considérées globalement, ne permettent de considérer
que l'accident du 22 août 1994 a eu une incidence détermi-
nante dans le développement de troubles psychiques, ce que
confirme, au demeurant, le rapport établi le 18 avril 1997
par le docteur V.________, psychiatre de l'assuré. Ce pra-
ticien relève en effet qu'une telle relation n'a pu exister
que dans un premier temps après l'accident et que le recou-

rant ne remplit pas les critères permettant d'admettre un
état de stress post-traumatique. Il s'ensuit, d'une part,
que le point de savoir si le recourant avait, antérieure-
ment déjà à l'accident, consulté un psychiatre peut demeu-
rer indécis et, d'autre part, que son incapacité de gain
doit être exclusivement examinée en relation avec les sé-
quelles de la fracture de la jambe, à l'exclusion de toute
atteinte psychique.

dd) Selon le docteur R.________, médecin d'arrondisse-
ment de la CNA, spécialiste FMH en orthopédie et chirurgie,
le recourant ne peut plus travailler comme manoeuvre en
raison des séquelles traumatiques du genou droit. En re-
vanche, sa capacité de travail demeure complète dans toutes
les activités n'exigeant ni station debout ou marche pro-
longée, surtout en terrain en pente ou inégal, ni accrou-
pissement, agenouillement ou port de charges (rapport
d'examen médical final du 25 septembre 1996). Sur ce point,
le recourant n'apporte aucun élément concret justifiant de
s'écarter des conclusions de ce médecin, dont le rapport
répond à toutes les conditions posées par la jurisprudence
pour qu'on lui reconnaisse pleine force probante (ATF
125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les réfé-
rences). Cette appréciation de la capacité de travail du
recourant est, par ailleurs, confirmée par le docteur
G.________, spécialiste FMH en chirurgie, de l'équipe
médicale de médecine des accidents de la CNA (rapport du
21 juillet 1997).

4.- a) Pour apprécier la diminution de la capacité de
gain du recourant, les premiers juges ont retenu, d'une
part, un gain sans invalidité de 4250 fr. par mois en 1997.
Ce montant, calculé sur la base du salaire horaire de
22 fr. 55 communiqué par le Syndicat de l'industrie et des
bâtiments n'est pas contesté.

Les juges cantonaux ont admis, d'autre part, un gain
hypothétique avec invalidité de 3500 fr. par mois corres-
pondant au revenu moyen ressortant des descriptions de
poste de travail (DPT) nos 2300, 793 et 780, correspondant
à des activités telles que celles décrites comme exigibles
par le docteur R.________. Ils ont, en revanche, écarté les
DPT nos 841 et 613 au motif que les deux employeurs concer-
nés n'engageaient que des femmes pour ces postes.

b) Pour sa part, la recourante soutient que rien ne
justifiait d'écarter les deux DPT précitées. Elle relève en
particulier que si la DPT no 841 indique certes que ce
poste est occupé essentiellement par des femmes, qui ont
plus de dextérité que les hommes, les hommes n'en sont pas
exclus pour autant.

c) Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner ce
point de manière plus approfondie. Selon la jurisprudence,
lorsque, comme en l'espèce, l'assuré n'a pas repris d'acti-
vité lucrative ensuite de l'accident, le revenu d'invalide
peut être évalué sur la base des statistiques salariales
(ATF 126 V 76 consid. 3a bb), par rapport auxquelles les
données résultant des DPT de la CNA n'ont pas de valeur
prépondérante (RAMA 1999 U 343 consid. 4b/aa, p. 412). Dans
la mesure où les juges cantonaux estimaient ne pouvoir se
fonder sur les cinq DPT produites par la recourante, il
leur incombait donc de se référer à ces données d'expérien-
ce.
Selon les données de l'enquête suisse sur la structure
des salaires, la valeur médiane des salaires versés dans
l'ensemble du secteur privé à des hommes exerçant une acti-
vité simple et répétitive s'élevait à 4294 fr. en 1996.
Compte tenu de l'évolution des salaires nominaux de 1996 à
1997 (base 1993 = 100; 1996 = 104,1; 1997 = 104,6; Annuaire
statistique de la Suisse 2001, T 3.4.3.2, p. 204), d'un
temps de travail hebdomaire
moyen de 41,9 heures et d'un

abattement de 20 % de ce salaire statistique (ATF 126 V 78
consid. 5, 124 V 322 consid. 3) - alors que, compte tenu de
l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (âge, handi-
cap, difficultés linguistiques, nationalité) une déduction
de l'ordre de 15 à 20 % apparaît tout au plus justifiée -
le recourant pouvait espérer réaliser, en 1997, un gain
mensuel de 3390 fr. En comparaison de son gain présumable
sans invalidité, ce revenu d'invalide révèle un taux d'in-
validité n'excédant pas celui arrêté par la recourante dans
ses décision et décision sur opposition des 19 mars 1998 et
13 janvier 1999. Il n'y a, dès lors, pas lieu de s'en écar-
ter. Le recours de la CNA se révèle ainsi bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours formé par la Caisse nationale suisse d'as-
surance en cas d'accidents est admis; le jugement du
Tribunal administratif du canton de Genève, du 21 no-
vembre 2000 est annulé.

II. Le recours interjeté par D.________ est rejeté.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève ainsi qu'à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 mars 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.44/01
Date de la décision : 18/03/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-18;u.44.01 ?
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