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18/03/2002 | SUISSE | N°4P.305/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 mars 2002, 4P.305/2001


«/2»

4P.305/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

18 mars 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. X.________ S.A.,
2. Y.________ S.A.,
3. A.________,
tous représentés par Me Christian Favre, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 19 octobre 2001 par la IIème Cour
civile
du Tribunal cantonal valaisan

dans la cause qui oppose les
recourants à B.________, représenté par Me Alain Cottagnoud,
avocat à Sion, et C.________, représen...

«/2»

4P.305/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

18 mars 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. X.________ S.A.,
2. Y.________ S.A.,
3. A.________,
tous représentés par Me Christian Favre, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 19 octobre 2001 par la IIème Cour
civile
du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui oppose les
recourants à B.________, représenté par Me Alain Cottagnoud,
avocat à Sion, et C.________, représenté par Me Michel De
Palma, avocat à Sion;

(arbitraire; droit à une décision motivée)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 8 septembre 1988, D.________, B.________ et
C.________ ont fondé la société anonyme W.________ S.A., au
capital-actions de 50 000 fr., ayant son siège social à
Ardon
(VS) et dont le but était notamment la construction de
villas
individuelles. Le conseil d'administration était composé de
D.________, président, de B.________ et C.________, chaque
administrateur disposant d'une signature collective à deux.
D.________ était l'actionnaire majoritaire.

Il avait été prévu que D.________ se chargerait de
trouver des clients, d'assurer le marketing de la société et
d'obtenir les crédits nécessaires à son fonctionnement. En
pratique, il s'est occupé également de payer les factures et
de réunir les pièces comptables. B.________ était chargé de
tous les travaux d'architecte des promotions et devait en
particulier signer les bons de paiement correspondant aux
situations des divers corps de métier. Quant au peintre
C.________, il pouvait suppléer l'architecte pour la surveil-
lance des chantiers et disposait du droit de compléter les
soumissions et de choisir les travaux auxquels il voulait
collaborer.

W.________ S.A. a réalisé la promotion de dix ou-
vrages. Les travaux d'architecture de cinq d'entre eux ont
été confiés, en tout ou en partie, à B.________, E.________
ayant assumé le mandat d'architecte de quatre autres cons-
tructions.

Tous les chantiers ont débuté au cours de l'été
1990 et ont été réalisés durant un court laps de temps. Les
demandes d'acomptes des entrepreneurs ont suivi le rythme
rapide de l'avancement des travaux. Au second trimestre
1991,

la part approximative des créances exigibles des entrepre-
neurs contre W.________ S.A. s'élevait au cinq sixièmes du
coût de l'ensemble des constructions réalisées par cette so-
ciété.

Il a été établi par une expertise judiciaire que la
société, dès le début 1991, ne disposait plus de liquidités
suffisantes pour faire face à ses obligations et que, durant
l'exercice 1991, elle se trouvait en état de surendettement.

Une autre expertise a montré que le manque de li-
quidités a été aggravé par la mauvaise gestion des dossiers
de construction et que la conduite des chantiers a été défi-
ciente, ces manquements ayant causé les difficultés financiè-
res de la société.

A mi-mars 1991, B.________ a constaté que la so-
ciété peinait à régler les factures des entrepreneurs. A la
même époque, C.________ a également appris l'existence de
ces
difficultés financières, ne pouvant lui-même obtenir la rému-
nération de ses travaux.

Lors d'une assemblée générale du 27 juin 1991, di-
verses mesures ont été décidées, qui devaient permettre no-
tamment à B.________ de disposer de la maîtrise des paie-
ments.
Ces décisions n'ont pas été appliquées et il a fi-
nalement été décidé, par un règlement du 26 novembre 1991,
de
confier les tâches de gestion courantes à D.________.

Lors de l'assemblée générale du 16 juin 1992, les
comptes de l'exercice 1991 n'ont pas été présentés, pour le
motif qu'ils n'étaient pas prêts. D.________ a remis aux
actionnaires un rapport écrit indiquant que, si l'exercice
1991 avait bien débuté, une réaction en chaîne s'était ensui-
te produite et que plus aucune facture n'avait pu être ho-

norée. D.________ indiquait que le découvert de la société
s'élevait à 192 000 fr. Aucune mesure en vue d'un assainis-
sement n'a été prise en cette occasion. Le conseil d'admi-
nistration n'a pas décidé d'aviser le juge.

Le 9 octobre 1992, B.________ et C.________ ont dé-
posé l'avis au juge, mais l'ont retiré le 24 novembre, bien
que les comptes de la société n'aient toujours pas été éta-
blis et que le montant des poursuites en cours contre la so-
ciété dépassât 300 000 fr.

C.________ a démissionné de sa fonction d'adminis-
trateur le 23 janvier 1993.

La faillite de W.________ S.A. a été prononcée le
16 mars 1993. A cette date, les comptes de l'exercice 1991
faisaient toujours défaut et la force probante de la compta-
bilité était pratiquement nulle. Le découvert total s'est
élevé à 657 340 fr.20.

Par décision du 17 décembre 1993, l'assemblée des
créanciers a renoncé à faire valoir elle-même une action en
responsabilité contre les administrateurs et, le 25 janvier
1994, l'administration de la faillite a cédé ce droit de la
masse à la Z.________ (devenue X.________ S.A.), à
Y.________
S.A. et à A.________.

B.- Invoquant la responsabilité des administra-
teurs, ces trois créanciers, agissant en qualité de cession-
naires des droits de la masse, ont déposé une demande en
paiement devant les tribunaux valaisans, au siège de la so-
ciété faillie. Ils ont conclu en dernier lieu à ce que
B.________ et C.________ soient condamnés solidairement à
verser à la société faillie (subsidiairement aux créanciers
cessionnaires) la somme de 151 774 fr.95 avec intérêts.

Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande.

Par jugement du 19 octobre 2001, la IIème Cour
civile du Tribunal cantonal valaisan a rejeté la demande,
considérant qu'il n'était pas prouvé que les manquements re-
prochés aux deux défendeurs aient causé un dommage à la so-
ciété.

C.- X.________ S.A., Y.________ S.A. et A.________
interjettent, parallèlement, un recours de droit public et
un
recours en réforme au Tribunal fédéral.

Dans le recours de droit public, invoquant l'inter-
diction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et le droit à une déci-
sion motivée (cf. art. 29 al. 2 Cst.), ils requièrent l'an-
nulation du jugement attaqué.

Les intimés concluent au rejet du recours dans la
mesure où il est recevable, alors que l'autorité cantonale
déclare se référer aux considérants de son jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours
de
droit public.

b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ).

Le jugement rendu par la cour cantonale, qui est
final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le

plan fédéral ou cantonal dans la mesure où les recourants in-
voquent la violation directe d'un droit de rang constitution-
nel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de
droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).
En
revanche, si les recourants soulèvent une question relevant
de l'application du droit fédéral, le grief n'est pas receva-
ble, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réfor-
me (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

Les recourants sont personnellement touchés par la
décision attaquée, qui rejette leur demande en paiement, de
sorte qu'ils ont un intérêt personnel, actuel et juridique-
ment protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en
violation de leurs droits constitutionnels; en conséquence,
ils ont qualité pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours
est
en principe recevable. Hormis certaines exceptions qui ne
sont pas réalisées en l'espèce, il n'a qu'un caractère cassa-
toire (ATF 127 II 1 consid. 2c; 127 III 279 consid. 1b; 126
III 534 consid. 1c; 124 I 327 consid. 4a).

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III
279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.- a) En l'espèce, les recourants se plaignent
d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établisse-
ment des faits, ainsi que d'une violation de leur droit à
une
décision motivée.

aa) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre

solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle
serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la dé-
cision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insou-
tenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la
situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte
de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire,
il
ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable,
il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans
son
résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a;
125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves, le juge tombe dans l'arbitraire si, sans raison sé-
rieuse, il omet de prendre en considération un élément impor-
tant propre à modifier la décision, s'il se fonde sur un
moyen manifestement inapte à apporter la preuve, s'il a, de
manière évidente, mal compris le sens et la portée d'un
moyen
de preuve ou encore si, sur la base des éléments réunis, il
a
fait des déductions insoutenables. Le grief tiré de l'appré-
ciation arbitraire des preuves ne peut être pris en considé-
ration que si son admission est de nature à modifier le sort
du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une cons-
tatation de fait n'ayant aucune incidence sur l'application
du droit.

bb) La jurisprudence a déduit du droit d'être en-
tendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., notamment l'obliga-
tion pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le jus-
ticiable puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a
lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son
contrôle
(ATF 126 I 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146
consid. 2a; 124 V 180 consid. 1a; 123 I 31 consid. 2c; 123
II
175 consid. 6c).

Il y a également violation du droit d'être entendu
si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'exami-
ner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 126 I 97 con-
sid. 2b; 124 II 146 consid. 2a; 122 IV 8 consid. 2c; 121 III
331 consid. 3b).

cc) Lorsqu'une décision cantonale est incompréhen-
sible, il n'est guère possible de distinguer soigneusement
entre ces deux griefs constitutionnels.

On peut penser que la cour cantonale a tranché sans
motif soutenable, auquel cas elle est tombée dans l'arbitrai-
re. On peut cependant aussi se demander si les juges
n'avaient pas à l'esprit une motivation défendable, mais qui
n'a pas été exprimée et ne peut pas être déduite par voie
d'interprétation, de sorte qu'ils ont en définitive violé le
droit à une décision motivée.

Dans les deux hypothèses cependant, la décision
viole le droit constitutionnel et doit être annulée. Une dis-
tinction soigneuse qui évite tout chevauchement n'est pas né-
cessaire. Il convient d'ailleurs de considérer comme arbi-
traire toute décision qui n'est pas compréhensible.

b) En raison de la subsidiarité du recours de droit
public (art. 84 al. 2 OJ), il n'est pas question de trancher
ici un litige de droit fédéral, puisqu'il pouvait donner
lieu
à un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 46 OJ).

Il apparaît toutefois nécessaire de rappeler préa-
lablement quelques règles essentielles, afin de préciser
quels étaient les faits pertinents sur lesquels la cour can-
tonale devait se prononcer.

Les actions et omissions à raison desquelles les
administrateurs sont recherchés en responsabilité restent

soumises à l'ancien droit de la société anonyme si elles
sont
intervenues avant son entrée en vigueur, le 1er juillet
1992;
après cette date, le nouveau droit est applicable (ATF 122
III 488 consid. 3a).

Les recourants ne prétendent pas être lésés en rai-
son d'un acte illicite à leur encontre, d'une culpa in con-
trahendo à leur égard, ou encore de la violation d'une norme
du droit de la société anonyme conçue exclusivement pour pro-
téger les créanciers (cf. ATF 127 III 374 consid. 3b; 125
III
86 consid. 3a; 122 III 176 consid. 7b). Ils ne sont lésés
que
de manière indirecte, c'est-à-dire en raison de l'insolvabi-
lité de la société. Après la faillite, seule la masse en
faillite peut agir contre les organes pour réclamer répara-
tion du dommage que leur comportement a causé à la société;
si elle renonce à le faire, un créancier social peut agir en
qualité de cessionnaire des droits de la masse (art. 260 LP;
art. 756 al. 2 aCO, art. 757 al. 2 CO; ATF 122 III 166 con-
sid. 3a, 195 consid. 9a, 488 consid. 3b). Le cessionnaire
peut alors réclamer réparation de tout le dommage causé di-
rectement à la société et indirectement à ses créanciers
(ATF
122 III 195 consid. 9a).

L'administrateur est tenu d'accomplir sa mission
avec diligence (art. 722 al. 1 aCO, art. 717 al. 1 CO). Il
doit
établir ou faire établir les comptes annuels (art. 722
al. 3 aCO, art. 662 al. 1 CO). Il est tenu en principe de
convoquer l'assemblée générale dans les six mois qui suivent
la clôture de l'exercice, notamment pour lui soumettre les
comptes (art. 699 al. 2 et 698 al. 2 ch. 3 aCO, art. 699 al.
2 et 698 al. 2 ch. 3 et 4 CO). S'il se révèle que les dettes
sociales ne sont plus couvertes, l'administrateur doit en
principe en aviser le juge (art. 725 al. 2 et 3 aCO, art.
725
al. 2 CO). L'administrateur est responsable à l'égard de la
société du dommage qu'il lui cause en manquant intentionnel-

lement ou par négligence à ses devoirs (art. 754 al. 1 aCO,
art. 754 al. 1 CO).

En vertu de l'art. 8 CC, il incombe au demandeur en
responsabilité de prouver l'existence du dommage et le rap-
port de causalité.

Il y a causalité naturelle lorsque le comportement
critiqué constitue une condition sine qua non du résultat
(cf. ATF 125 IV 195 consid. 2b; 122 IV 17 consid. 2c/aa). La
constatation de la causalité naturelle relève du fait et lie
le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme, de sorte
qu'elle ne peut donner lieu qu'à un recours de droit public
pour violation d'un droit constitutionnel (cf. ATF 123 III
110 consid. 2; 116 II 305 consid. 2c/ee; 115 II 440 consid.
5b).

Le dommage juridiquement reconnu réside dans la di-
minution involontaire de la fortune nette; il correspond à
la
différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et
le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement domma-
geable ne s'était pas produit (ATF 127 III 73 consid. 4a,
543
consid. 2b; 126 III 388 consid. 11a). Le dommage peut se pré-
senter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une aug-
mentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou
d'une non-diminution du passif (ATF 127 III 543 consid. 2b;
122 IV 279 consid. 2a). Dire si la notion juridique de domma-
ge a été méconnue est une question de droit (ATF 127 III 73
consid. 3c, 543 consid. 2b; 120 II 296 consid. 3b). En revan-
che, savoir s'il y a eu un dommage et quelle en est la quo-
tité est une question de fait, laquelle ne peut être soumise
au Tribunal fédéral en instance de réforme, mais bien par la
voie d'un recours de droit public pour transgression d'un
droit constitutionnel (ATF 127 III 73 consid. 3c, 543
consid.
2b; 126 III 388 consid. 8a).

En l'espèce, la cour cantonale a retenu (p. 14 de
l'arrêt attaqué) qu'il n'était pas prouvé que les
manquements
invoqués à l'encontre des deux administrateurs recherchés
aient causé un dommage. Elle a ainsi dénié l'existence d'un
dommage et d'un rapport de causalité naturelle. S'agissant
de
deux questions de fait, elles ne peuvent être examinées que
dans le recours de droit public sous l'angle de la violation
des deux droits constitutionnels régulièrement invoqués.

c) La cour cantonale a retenu que l'architecte in-
timé avait été chargé, au sein du conseil d'administration,
des travaux d'architecte. Plus loin, elle a constaté qu'il a
été chargé des travaux d'architecture concernant cinq des
dix
ouvrages réalisés par la société. Elle a ajouté ensuite, ci-
tant un avis d'expert, que la conduite des chantiers - direc-
tion qui incombe en principe à l'architecte - était déficien-
te et que ces manquements ont causé les difficultés financiè-
res de la société.

Il est certes possible que l'architecte intimé ne
soit pas concerné, en raison de la répartition concrète des
tâches, par les manquements signalés. On peut également en-
visager que l'avis de l'expert puisse être écarté pour un
motif défendable.

Il n'empêche que la cour cantonale ne donne à ce
sujet aucune explication.

Les faits qu'elle a retenus donnent à penser que
l'architecte B.________ n'a pas exécuté avec diligence les
travaux de conduite des chantiers qui lui étaient confiés au
sein du conseil d'administration et que cette circonstance a
contribué à causer le surendettement. La cour cantonale -
qui
ne précise même pas quels sont les manquements entrant en li-
gne de compte - ne traite pas de cette question sans un mot
d'explication. On ne parvient pas à discerner pourquoi l'ad-

ministrateur, sous cet angle, n'aurait pas commis un manque-
ment qui aurait causé un préjudice à la société. Pour ce mo-
tif déjà, la décision est obscure, donc arbitraire.

d) L'autorité cantonale a retenu que les deux ad-
ministrateurs intimés ont su, dès mars 1991, que la société
ne parvenait plus à payer les factures. L'insolvabilité est
souvent un signe extérieur de surendettement. Les deux in-
timés, qui détenaient la majorité au conseil d'administra-
tion, n'ont pas décidé de faire examiner les comptes par une
fiduciaire ou de faire dresser un bilan intermédiaire. Des
mesures ont certes été décidées lors de l'assemblée générale
du 27 juin 1991, mais les deux intimés ont en définitive
toléré qu'elles ne soient pas appliquées et que la gestion
soit entièrement sous le contrôle du président. La cour
cantonale a constaté que la société s'est trouvée en état de
surendettement au cours de l'année 1991. Le président a
déclaré, à l'assemblée générale du 16 juin 1992, que le
découvert s'élevait, à fin 1991, à 192 000 fr. (arrêt
attaqué
p. 8). La cour cantonale a observé que le montant des pour-
suites, en octobre ou novembre 1992, ascendait à plus de
300 000 fr. (arrêt attaqué p. 8). Le découvert dans la fail-
lite s'est élevé à 657 340 fr.20 (arrêt attaqué p. 9).

Il résulte à l'évidence des faits retenus que les
administrateurs ont tardé à aviser le juge. Il semble ressor-
tir des chiffres figurant dans le jugement attaqué que le
montant du découvert a constamment augmenté. On ne voit dès
lors pas comment, sans aucune explication, la cour cantonale
a pu admettre que le retard au prononcé de la faillite n'a
entraîné aucun dommage pour la société. Ne serait-ce qu'en
raison de l'arrêt du cours des intérêts (art. 209 al. 1 LP),
tout retard dans le prononcé de la faillite est en règle gé-
nérale préjudiciable à la société. Si le dommage causé par
un
manquement est certain, mais ne peut pas être chiffré avec
exactitude, il appartient au juge de le déterminer par une

appréciation équitable (art. 42 al. 2 CO). On ne parvient
pas
à saisir comment la passivité des administrateurs intimés a
pu rester sans conséquence financière pour la société. Sous
cet angle également, le jugement attaqué est inintelligible
et apparaît ainsi arbitraire.

Certes, des objections de procédure, touchant no-
tamment le devoir d'alléguer les faits pertinents et de les
offrir en preuve, ne sont pas exclues, mais elles ne sont en
rien formulées dans la décision attaquée.

La cour cantonale semble attacher de l'importance
au fait qu'il n'y a plus eu de nouvelles promotions en 1991,
que les engagements étaient déjà pris et que les travaux
étaient très avancés. On ne saisit cependant pas pour quelle
raison le fait de laisser courir des intérêts sur les factu-
res impayées et de poursuivre une activité déficitaire
aurait
pu ne pas causer de dommage à la société.

Il suit de là que le jugement déféré est incompré-
hensible. Partant, le recours doit être admis et la décision
précitée annulée.

3.- Vu l'issue du litige, les frais et dépens se-
ront mis solidairement à la charge des intimés qui
succombent
(art. 156 al. 1 et 7, art. 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5500 fr.
solidairement à la charge des intimés;

3. Dit que les intimés verseront solidairement aux
recourants, créanciers solidaires, une indemnité de 7000 fr.
à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIème Cour civile du Tribunal can-
tonal valaisan.

__________

Lausanne, le 18 mars 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.305/2001
Date de la décision : 18/03/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-18;4p.305.2001 ?
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