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15/03/2002 | SUISSE | N°1P.93/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mars 2002, 1P.93/2002


{T 0/2}
1P.93/2002/col

Arrêt du 15 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

A.________, recourant,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 32 al.1 Cst. et 6 §

2 CEDH; procédure pénale

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la
Cour de
justice du canton d...

{T 0/2}
1P.93/2002/col

Arrêt du 15 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

A.________, recourant,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 32 al.1 Cst. et 6 § 2 CEDH; procédure pénale

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la
Cour de
justice du canton de Genève du 14 janvier 2002)
Faits:

A.
Le 4 décembre 2000, vers 19h40, A.________, dont l'étude d'avocat est
sise au
n° 5 de la place de la Taconnerie, s'est vu infliger une amende
d'ordre de
100 fr. pour avoir circulé au guidon de son motocycle sur la rue de
l'Hôtel-de-Ville en direction de la place du Bourg-de-Four, alors que
cette
artère fait l'objet d'une interdiction générale de circuler dans ce
sens,
sauf pour les cyclistes.

A. ________ a contesté cette amende en se prévalant de l'absence de
panneau
interdisant de tourner à gauche et de circuler sur la rue de
l'Hôtel-de-Ville, en direction de la place du Bourg-de-Four, en
quittant la
place de la Taconnerie. Il prétendait en outre que toute
signalisation avait
été démontée à la place de la Taconnerie, en raison de la course de
l'Escalade. Il faisait enfin valoir que son véhicule était muni de la
vignette "Rues piétonnes Vieille Ville", lui permettant de circuler
dans
cette zone et, en particulier, sur la place du Bourg-de-Four.
Par ordonnance de condamnation du 24 avril 2001, le Procureur général
du
canton de Genève (ci-après: le Procureur général) a déclaré A.________
coupable de violation des règles de la circulation routière (art. 90
ch. 1
LCR) et l'a condamné au paiement d'une amende de 100 fr.

B.
Statuant le 3 septembre 2001 sur opposition du contrevenant, le
Tribunal de
police du canton de Genève (ci-après: le Tribunal de police) a reconnu
A.________ coupable d'infraction à l'art. 90 ch. 1 LCR et l'a
condamné à une
amende de 100 fr. Il a considéré que ce dernier savait que le seul
accès à la
rue de l'Hôtel-de-Ville en moto se faisait par le bas de la place du
Bourg-de-Four, où se trouvait un signal "sens unique" et qu'il ne
pouvait
ainsi se prévaloir de l'absence d'un panneau de signalisation
interdisant
l'accès à la rue de l'Hôtel-de-Ville au sortir de la place de la
Taconnerie.

C.
Saisie d'un appel de A.________, la Chambre pénale de la Cour de
justice du
canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale) a confirmé ce jugement
au
terme d'un arrêt rendu le 14 janvier 2002. Elle a considéré en
substance que
l'absence de signalisation interdisant l'accès à la rue de
l'Hôtel-de-Ville
depuis la place de la Taconnerie se justifiait par le fait que ces
voies
publiques étaient à sens unique et que personne n'était censé
emprunter cette
place dans ce sens. En l'absence de preuve, elle a écarté la version
développée pour la première fois par l'appelant devant elle suivant
laquelle
celui-ci ne circulait pas sur son scooter, mais le poussait à pied.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral, principalement, d'annuler cet arrêt et de renvoyer
la cause
à l'instance cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants et, subsidiairement, de lui permettre de prouver par
toutes les
voies de droit utiles la réalité des faits qu'il allègue. Il dénonce
une
violation du principe "in dubio pro reo", déduit des art. 32 al. 1
Cst. et 6
§ 2 CEDH, et une constatation arbitraire des faits.
Le Procureur général du canton de Genève conclut au rejet du recours
dans la
mesure où celui-ci serait jugé recevable. La Chambre pénale se réfère
aux
considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 148
consid. 1a
p. 151, 166 consid. 1 p. 168 et les arrêts cités).

1.1 Le recourant se plaint d'une violation du principe "in dubio pro
reo" qui
se déduit de la présomption d'innocence, consacrée aux art. 32 al. 1
Cst. et
6 § 2 CEDH, ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire. Ces griefs
doivent
être invoqués dans le cadre d'un recours de droit public (ATF 124 IV
81
consid. 2a p. 83 et les arrêts cités). En revanche, lorsqu'il
conteste les
effets juridiques des panneaux de signalisation disposés dans les
lieux en
cause, le recourant fait valoir la violation de règles de la
circulation
routière, soit de règles de droit pénal fédéral matériel dont il ne
peut
faire contrôler l'application et l'interprétation qu'au moyen du
pourvoi en
nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral (art. 269
al. 1
PPF; ATF 126 I 97 consid. 1c p. 100). En vertu de la règle de la
subsidiarité
du recours de droit de public ancrée à l'art. 84 al. 2 OJ, le présent
recours
est dès lors irrecevable sur ces différents points comme recours de
droit
public.
Au demeurant, sa conversion en un pourvoi en nullité, ainsi que le
prévoit la
jurisprudence (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 126 III 431 consid.
3 p. 437
et les arrêts cités), n'est pas envisageable en l'espèce. En effet,
le moyen
de droit recevable est aisément reconnaissable pour un justiciable
qui, à
l'instar du recourant, exerce la profession d'avocat; or, ce dernier a
délibérément opté pour la voie du recours de droit public alors qu'il
ne
pouvait ignorer qu'elle était erronée. Il a non seulement intitulé son
écriture "recours de droit public" mais il s'est référé expressément
aux
dispositions légales régissant la recevabilité de cette voie de
droit, à
savoir les art. 84, 86, 88 et 89 OJ. Il ne s'agit dès lors à
l'évidence pas
d'une erreur manifeste dans l'intitulé du mémoire de recours, qui
aurait
permis une éventuelle conversion du recours de droit public en un
pourvoi en
nullité (ATF 120 II 270 consid. 2 p. 272). Les moyens de A.________
remettant
en cause l'application du droit fédéral en matière de circulation
routière
sont dès lors irrecevables. Il en va de même des conclusions qui vont
au-delà
de l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 127
III 279
consid. 1b p. 282).

1.2 Sous ces réserves, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours
qui
répond aux exigences de recevabilité des art. 84 ss OJ.

2.
Le recourant se plaint d'une violation du principe "in dubio pro
reo", qui se
déduit de la présomption d'innocence consacrée aux art. 32 al. 1 Cst.
et 6 §
2 CEDH, ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire dans
l'établissement des
faits.

2.1 En tant qu'elle a trait à la constatation des faits et à
l'appréciation
des preuves, la maxime "in dubio pro reo" est violée lorsque
l'appréciation
objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un
doute
insurmontable sur la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a
p. 41;
124 IV 86 consid. 2a p. 88). Elle n'a toutefois pas de portée propre
lorsque,
comme en l'espèce, elle est invoquée cumulativement avec
l'interdiction de
l'arbitraire dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid.
2e p. 31;
118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Saisi d'un recours de droit public
mettant en
cause l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral examine
seulement si le
juge cantonal a outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les
faits de
manière arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid.
4 p.
211). Une constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule
raison que
la version retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'une ou
l'autre
des parties; encore faut-il que l'appréciation des preuves soit
manifestement
insoutenable, en contradiction flagrante avec la situation effective,
constitue la violation d'une règle de droit ou d'un principe
juridique clair
et indiscuté ou encore qu'elle heurte de façon grossière le sentiment
de la
justice et de l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Enfin, il ne
suffit
pas que la décision attaquée soit fondée sur une motivation
insoutenable; il
faut encore qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 38
consid.
2a p. 41, 54 consid. 2b p. 56); ainsi, pour être qualifiée
d'arbitraire, une
appréciation erronée des preuves doit influer sur le jugement ou,
autrement
dit, porter sur des faits pertinents pour juger de la culpabilité du
prévenu
ou de l'accusé (cf. ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505 et les arrêts
cités).

2.2 Le recourant reproche à la Chambre pénale d'avoir arbitrairement
admis
qu'il n'était matériellement pas possible pour un automobiliste de
faire
demi-tour aisément sur la place de la Taconnerie. Cependant, ainsi
qu'il
l'admet lui-même dans son mémoire, ce fait est sans pertinence dans la
présente cause. A.________ s'en prend aussi au constat d'absence de
signalisation interdisant d'obliquer à gauche à l'intersection de la
place de
la Taconnerie et de la rue de l'Hôtel-de-Ville. La cour cantonale a
retenu
qu'il n y a pas à cet endroit de panneau interdisant l'accès à la rue
de
l'Hôtel-de-Ville, comme le prétend aussi le recourant, de sorte que
ce grief
est sans objet. Savoir si des panneaux disposés à d'autres endroits
auraient
pour effet d'interdire l'accès à la rue de l'Hôtel-de-Ville en virant
à
gauche à la sortie de la place de la Taconnerie est une question de
droit qui
aurait dû être soulevée dans le cadre d'un pourvoi en nullité. Au
surplus, le
recourant ne met pas en cause les considérations de fait de l'autorité
cantonale relatives à la signalisation dans ce quartier.

A. ________ fait en outre valoir qu'il cheminait à pied à côté de son
scooter
lorsqu'il descendait la rue de l'Hôtel-de-Ville, enfourchant celui-ci
lorsqu'il a atteint la place du Bourg-de-Four, quelques dizaines de
mètres
avant d'être verbalisé. A cet égard, le fait qu'il a été intercepté
par la
police à la rue de l'Hôtel-de-Ville ou à la place du Bourg-de-Four
est sans
importance. Est seul déterminant le point de savoir s'il circulait
sur son
motocycle à la rue de l'Hôtel-de-Ville ou s'il se contentait de
marcher en le
poussant. Or, le recourant n'a fait valoir cette dernière version des
faits
que devant la Chambre pénale. Auparavant, par lettre du 4 avril 2001
adressée
au Procureur général, il indiquait avoir circulé sur la rue de
l'Hôtel-de-Ville en direction de la place Bourg-de-Four; il a
confirmé ces
propos à l'audience du Tribunal de police du 3 septembre 2001 en
déclarant:
"je descendais la rue de l'Hôtel-de-Ville doucement sachant qu'il y a
des
véhicules qui montent cette artère". Cela étant, la cour cantonale a
préféré
la version des faits du recourant soutenue devant le Procureur
général et le
Tribunal de police plutôt que ses déclarations ultérieures.
Face à des aveux, suivis de rétractation, le juge doit procéder
conformément
au principe de la libre appréciation des preuves. Celui-ci doit en
particulier se forger une conviction aussi bien sur les premières
déclarations du prévenu que sur les nouvelles, valant rétractation, et
apprécier les circonstances dans lesquelles celui-ci a modifié ses
déclarations initiales (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.193/2001 du
21 mai
2001, consid. 3b; arrêt 1P.591/1999 du 2 février 2000, consid. 2c,
paru à la
Praxis 2000, p. 989).
En l'espèce, la motivation de la cour cantonale n'est à ce propos
guère
développée; elle n'est cependant pas insoutenable. A.________ est
avocat et
se prévaut de cette qualité. A ce titre, il mesure la portée de ses
actes et
de ses déclarations. En outre, il a rédigé la lettre du 4 avril 2001
en son
étude, soit en toute sérénité. De plus, Il a confirmé sa première
version des
faits à l'audience du Tribunal de police du 3 septembre 2001. Cela
étant, on
ne peut considérer qu'il aurait fait ses premières déclarations par
inadvertance ou légèreté, ce d'autant moins qu'il a contesté d'emblée
toute
infraction et qu'il devait savoir que, s'il poussait son motocycle
sur le
tronçon litigieux, l'infraction n'était pas réalisée. Il serait dès
lors
incompréhensible qu'il n'ait pas d'emblée invoqué une circonstance
factuelle
propre à exclure sa culpabilité. Cela étant, l'appréciation à
laquelle ont
procédé les premiers juges, qui pouvaient aussi prendre la
dénonciation de la
police en considération, n'apparaît pas erronée et en tout cas pas
insoutenable; en la confirmant, la cour cantonale a elle-même rendu
une
décision exempte d'arbitraire.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
Il n'y a
pas lieu d'octroyer des dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Procureur
général
et à la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 15 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.93/2002
Date de la décision : 15/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-15;1p.93.2002 ?
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