La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2002 | SUISSE | N°4C.356/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mars 2002, 4C.356/2001


«/2»

4C.356/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

12 mars 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________ et B.________, défendeurs et recourants, repré-
sentés par Me Petra Walther, avocate à Sierre,

et

1. X.________ AG,
2. C.________,
3. D.________,
4. E.________,

demandeurs et intimés, représentés par Me Manfred Stucky,
avocat à Sierre;

(vente immobilière; vice de forme, abus de droit)

...

«/2»

4C.356/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

12 mars 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________ et B.________, défendeurs et recourants, repré-
sentés par Me Petra Walther, avocate à Sierre,

et

1. X.________ AG,
2. C.________,
3. D.________,
4. E.________,

demandeurs et intimés, représentés par Me Manfred Stucky,
avocat à Sierre;

(vente immobilière; vice de forme, abus de droit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Les frères A.________ et B.________ sont
copropriétaires, sur territoire de la commune de Z.________,
des parcelles inscrites au registre foncier sous les nos
1, 2 et 3. Ils sont également copropriétaires, avec
F.________, de la parcelle n° 4 sise au même endroit. Les
quatre parcelles forment un ensemble de biens-fonds contigus.

X.________ AG, une société anonyme active dans le
secteur immobilier, est propriétaire des parcelles voisines
et a toujours eu l'intention d'acquérir ces quatre parcelles.
Vers 1991/1992, G.________, le président de son conseil d'-
administration, a approché les frères A.________ et
B.________ mais les négociations ont buté sur le prix de
vente proposé, jugé trop élevé; il a ainsi informé
A.________, par lettre du 21 octobre 1992, qu'il n'était
plus
intéressé à conclure à ce prix-là.

Entre-temps, G.________ s'était adressé à
C.________, sachant qu'il était un ami d'enfance de
A.________, dans le but de lui faire acquérir les immeubles
en question à un prix inférieur. C.________ a obtenu
l'accord
de sa soeur, D.________, et de son frère, E.________, pour
l'acquisition de ces parcelles. En raison de son amitié
d'enfance avec A.________, il s'est vu offrir un prix infé-
rieur à celui qui avait été proposé à G.________.

b) Par acte authentique du 27 novembre 1992, inti-
tulé "acte de division de parcelles & vente", les frères
A.________ et B.________ont procédé à la modification des
limites des quatre parcelles précitées et à la création
d'une
nouvelle parcelle n° 5, le tout sur la base d'un procès-
verbal de mutation dressé le 14 octobre 1991 par le géomètre

officiel. F.________ n'a pas été appelé à comparaître devant
le notaire, sans égard à sa qualité de copropriétaire de la
parcelle n° 4 dont la surface devait passer de 161 m²
(ancien
état) à 182 m² (nouvel état). Au terme de la situation du 14
octobre 1991, la situation se présentait comme il suit:

Dans le même acte, A.________ et B.________ ont
déclaré vendre les nouvelles parcelles nos 1, 3 et 5 à
C.________ ou à son nommable. Le prix convenu a été fixé à
120 000 fr., montant payable au retour de l'acte du registre
foncier.

Par acte authentique du 11 décembre 1992, intitulé
"désignation du nommable", C.________ a désigné, à ce titre,
son frère E.________, sa soeur D.________ et lui-même, pour
une moitié en copropriété, ainsi que X.________ AG, pour
l'autre moitié.

Comme F.________ n'avait pas comparu devant le no-
taire, le conservateur du registre foncier, par décision du
6
avril 1993, a refusé d'inscrire ces actes; cette décision
n'a
pas fait l'objet d'un recours.

Le notaire a alors fait procéder à une nouvelle mo-
dification de parcelles n'englobant plus la parcelle n° 4
et,
par conséquent, n'exigeant plus la comparution de
F.________.
Il ressort du procès-verbal de mutation dressé le 14 avril
1993 que, dans le second nouvel état, les parcelles vendues
(nos 1, 3 et 5) ne changeaient pas de surface ni de limites
par rapport au premier nouvel état. Concrètement, la situa-
tion se présentait ainsi:

Sur cette base, un nouveau projet "d'acte de modi-
fication de limites, de division de parcelles & vente" a été
établi. A.________ et B.________ y figuraient comme
vendeurs;
C.________, D.________, E.________ et X.________ AG, comme
acheteurs. L'acte reprenait la description des parcelles nos
1, 3 et 5, telle qu'elle résultait du procès-verbal de muta-
tion du 14 avril 1993. Le prix était toujours fixé à
120 000 fr., mais il était payable immédiatement après la
signature de l'acte.

Par lettre du 6 mai 1993, le notaire a avisé
A.________ que l'acte du 27 novembre 1992 avait été refusé
et
il lui a communiqué le nouveau projet d'acte. Invités à com-
paraître devant le notaire pour l'instrumentation de l'acte
rectificatif, les frères A.________ et B.________ ont
indiqué
qu'ils n'entendaient plus vendre les trois parcelles susmen-
tionnées.

En octobre 1995, sur requête des acquéreurs, le ju-
ge du district de Sierre a ordonné le séquestre de la part
de
copropriété de B.________, domicilié à New York, sur ces
trois parcelles pour une créance en dommages-intérêts de
20 000 fr. Une poursuite en validation de ce séquestre, in-
troduite par X.________ AG, a été frappée d'opposition.

B.- A fin novembre 1995, X.________ AG, C.________,
D.________ et E.________ ont ouvert action contre A.________
et B.________. Les dernières conclusions des demandeurs ten-
daient à ce que les frères A.________ et B.________ soient
condamnés à exécuter l'acte de division de parcelles et de
vente du 27 novembre 1992 et à ce que l'opposition à la pour-
suite soit définitivement levée à concurrence de la somme de
20 000 fr. et des intérêts y afférents.

Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande et
à la radiation du séquestre.

Par jugement du 11 octobre 2001, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné les dé-
fendeurs à exécuter l'acte de division de parcelles et de
vente du 27 novembre 1992, rejeté toute autre conclusion,
mis
les frais du Tribunal, par 9300 fr., à la charge solidaire
des défendeurs et condamné solidairement ceux-ci à verser
aux
demandeurs 12 100 fr. à titre de dépens ainsi que 4650 fr.
en
remboursement de leurs avances.

Le jugement attaqué repose, en substance, sur les
motifs suivants:

La forme authentique, que la loi impose pour la
vente d'immeubles, doit couvrir en particulier la
désignation
de l'immeuble vendu. A ce défaut, la vente est nulle mais la
nullité peut ne frapper qu'une partie du contrat. De sur-
croît, suivant les circonstances, le fait d'arguer du vice
de
forme constituera un abus de droit. En l'occurrence, les par-
ties à l'acte du 27 novembre 1992 ont manifesté, dans la for-
me requise, leur volonté réciproque et concordante quant à
la
vente à C.________ ou à son nommable des parcelles nos 1, 3
et 5, d'une surface totale de 570 m², pour le prix de
120 000 fr. Le contrat de vente a ainsi été valablement con-
clu. Seule la partie "division de parcelles" de l'acte nota-
rié ne respecte pas totalement la forme prescrite dans la
mesure où cette opération a été effectuée sans le concours
de
F.________. Sur ce point, il ne saurait être question que
d'une nullité partielle. Cependant, elle ne concerne pas les
parties au rapport bilatéral de vente, si bien que le fait
d'invoquer le vice de forme mineur affectant un élément de
l'acte étranger audit rapport constitue un abus de droit.
Les
défendeurs allèguent certes qu'ils n'entendaient pas con-
tracter avec X.________ AG, G.________ ou tout autre tiers.
Cet argument ne leur est toutefois d'aucun secours dès lors
qu'a été reconnue la validité de l'acte initial comportant
la
clause de désignation du nommable, sans compter que les frè-
res A.________ et B.________ n'ignoraient pas que G.________
figurait au nombre des acquéreurs véritables. Dans ces condi-
tions, l'acte de vente litigieux, qui a été valablement con-
clu, doit être exécuté. Les défendeurs sont donc tenus de
comparaître devant notaire pour l'instrumentation de l'acte
rectificatif, lequel devra se référer au nouvel état, tel
qu'il ressort du procès-verbal de mutation du 14 avril 1993.

Pour le surplus, le dossier ne contient aucun élé-
ment susceptible d'étayer la demande de dommages-intérêts de
20 000 fr. Aussi la prétention de ce chef doit-elle être re-
jetée et le séquestre levé.

C.- Contre ce jugement, les défendeurs exercent pa-
rallèlement un recours de droit public et un recours en ré-
forme. Dans le premier recours, ils concluent à l'annulation
du jugement attaqué, motifs pris de l'appréciation
arbitraire
des preuves et de la violation des règles et principes régis-
sant la répartition des frais et dépens cantonaux ainsi que
la fixation de leur montant. Dans le second recours, les dé-
fendeurs concluent au rejet de la demande en invoquant diver-
ses violations du droit fédéral.

Les demandeurs proposent le rejet de l'un et l'au-
tre recours. La cour cantonale déclare n'avoir pas d'observa-
tions à formuler au sujet du recours de droit public.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) L'art. 57 al. 5 OJ commande de surseoir, en
règle générale, à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public. En effet, le Tri-
bunal fédéral ne saurait, comme autorité de réforme,
modifier
ou confirmer un jugement cantonal susceptible d'être annulé
pour violation de droits constitutionnels. S'il devait
d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt se substi-
tuerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans objet le
recours de droit public, faute de décision susceptible
d'être
attaquée par cette voie (ATF 117 II 630 consid. 1).

Il existe toutefois des situations particulières,
qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Tel

est le cas, entre autres hypothèses, lorsqu'une constatation
de fait critiquée est dénuée de pertinence en droit. Il faut
alors en débattre préjudiciellement dans l'examen du recours
en réforme. Le recours de droit public peut perdre, dans cet-
te mesure, son intérêt (arrêt cité, consid. 1a).

Il arrive également que le Tribunal fédéral soit
contraint d'examiner simultanément les deux recours (arrêt
cité, consid. 1b).

b) Dans leur recours de droit public, les défen-
deurs s'en prennent, d'une part, à l'appréciation des
preuves
et, d'autre part, à la répartition ainsi qu'au montant des
frais et dépens de la procédure cantonale. S'agissant du pre-
mier grief, il est loin d'être certain, prima facie, que la
constatation critiquée porte sur un fait juridiquement perti-
nent. Quant au second grief, l'éventuelle admission du re-
cours en réforme le rendrait sans objet, car le Tribunal fé-
déral, sauf à appliquer l'art. 157 OJ, devrait alors
renvoyer
la cause aux juges valaisans pour qu'ils statuent à nouveau
sur les frais et dépens de la procédure cantonale. Ce sont

de bonnes raisons qui militent en faveur de l'examen préala-
ble du recours en réforme, en dérogation à la règle générale
posée à l'art. 57 al. 5 OJ.

Cependant, si le Tribunal fédéral jugeait le re-
cours en réforme mal fondé, il ne pourrait pas confirmer le
jugement cantonal avant d'avoir examiné le second grief arti-
culé dans le recours de droit public. A ce défaut, il n'y au-
rait plus de décision susceptible d'être attaquée par ce
moyen de droit, ce qui priverait les défendeurs de la
faculté
de remettre en cause la répartition et le montant des frais
et dépens de la procédure cantonale, qu'ils estiment incons-
titutionnels.

On se trouve donc dans une situation exceptionnelle
où il convient d'accorder la priorité à l'examen du recours
en réforme, mais une priorité relative dans le sens sus-
indiqué.

2.- Dans un premier moyen, les défendeurs font
grief à la cour cantonale de n'avoir pas conclu à la nullité
du contrat litigieux et de leur avoir imputé un comportement
contraire aux règles de la bonne foi pour les obliger à exé-
cuter un contrat qui ne correspond pas à la volonté des par-
ties. Les différents arguments avancés par eux dans ce cadre-
là seront exposés plus loin, à l'occasion de leur examen,
après le rappel indispensable des principes juridiques appli-
cables en la matière.

a) aa) Aux termes de l'art. 216 al. 1 CO, les ven-
tes d'immeubles ne sont valables que si elles sont faites
par
acte authentique. Selon la jurisprudence, la forme authenti-
que doit embrasser toutes les clauses qui sont objectivement
essentielles ainsi que les points objectivement secondaires,
mais subjectivement essentiels, pour autant que ces
derniers,
de par leur nature, constituent un élément du contrat de ven-
te, c'est-à-dire affectent le rapport entre prestation et
contre-prestation issues de la vente (ATF 119 II 135; 113 II
402 consid. 2a et les références).

Au nombre des éléments objectivement essentiels
d'un contrat de vente figure le nom des parties (ATF 111 II
143 consid. 4a et les références). L'acte de vente d'un im-
meuble doit également indiquer de manière correcte le
rapport
de représentation, lorsqu'un tiers agit pour une partie (ATF
112 II 330 consid. 1a et les arrêts cités). Il n'est pas né-
cessaire, en revanche, que la personne du représenté y soit
mentionnée. En effet, jurisprudence et doctrine admettent de
longue date la possibilité d'"agir pour le compte de qui il
appartiendra" ("Handeln für denjenigen, den es angeht") ou

"pour un nommable" - ces expressions visent le contrat
conclu
par un représentant pour le compte d'un représenté qui, ob-
jectivement ou subjectivement, n'est pas encore déterminé -
à
la condition toutefois que le représenté ne soit que provi-
soirement indéterminé (ATF 60 II 492 consid. 2; voir aussi:
ATF 103 III 97 consid. 2a p. 107 s.; 84 II 13 consid. 3 p.

21; arrêt C.91/1987 du 6 juillet 1987, consid. 2a, publié in
SJ 1988 p. 26 ss; cf. également, p. ex., les arrêt cantonaux
publiés in RVJ 1979 p. 340 ss consid. 2, RVJ 1977 p. 109 s.
et SJ 1955 p. 197 ss; pour la doctrine, voir en particulier:
Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p.
379
s.; Jean-Frédéric Reymond, La promesse de vente pour soi ou
pour son nommable, thèse Lausanne 1945, passim et p. 193 ss;
pour d'autres références, cf. SJ 1988 p. 28). Cette possibi-
lité existe aussi en matière immobilière (cf. ATF 103 III 97
consid. 2a p. 107 s.); encore faut-il que l'acte authentique
en fasse état (Christoph Leuenberger, Abschluss des Grund-
stückkaufvertrages, in Der Grundstückkaufvertrag, 2e éd., p.
58 n. 78). Codifiant ces principes, l'art. 18bis al. 1 du rè-
glement d'exécution de la loi sur le notariat du canton du
Valais (RSV 178.101) dispose qu'en cas de vente pour soi ou
pour son nommable, la désignation du nommable a lieu par
acte
authentique dont l'inscription doit être requise au registre
foncier dans les quatorze jours dès l'instrumentation de
l'acte de vente.

Dans un contrat de vente, la détermination de l'ob-
jet vendu constitue aussi l'un des éléments essentiels.
S'agissant d'une vente immobilière, l'indication d'une surfa-
ce ne suffit pas; il faut que soient déterminés la forme et
l'emplacement de la parcelle. L'objet vendu doit être déter-
miné ou à tout le moins déterminable sur la base de l'accord
des parties (ATF 127 III 248 consid. 3d et les références).
Peu importe, en revanche, que cette désignation ne soit pas
faite selon la technique du registre foncier, mais il est né-
cessaire qu'un bien-fonds déterminé soit désigné en la forme

authentique avec une précision suffisante pour que la spéci-
fication ne requière pas un nouvel accord de volontés (ATF
95
II 42 consid. 1 et les arrêts cités).

L'observation de la forme requise par la loi est
une condition de validité du contrat (art. 11 al. 2 CO).
D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le contrat de
vente immobilière qui n'est pas valable à la forme est, en
principe, frappé de nullité absolue. Toutefois, suivant les
circonstances, le fait d'invoquer le vice de forme peut cons-
tituer un abus de droit (ATF 116 II 700 consid. 3b; 112 II
330 consid. 2; arrêt 4C.299/1998 du 7 janvier 1999, publié
in
SJ 2000 I p. 533 ss, consid. 3a; sur le dernier état de la
question, cf. Alfred Koller, Vom Formmangel und seinen Fol-
gen, in Der Grundstückkaufvertrag, 2e éd., p. 77 ss).

Pour le surplus, il sied de rappeler que la conclu-
sion d'un contrat, fût-il formel, est soumise aux règles gé-
nérales des art. 1er et 2 CO et que l'interprétation de cet
acte juridique doit être faite conformément à l'art. 18 CO.
Il est donc possible, même pour un contrat fait par acte au-
thentique, que ce qui a été déclaré ne corresponde pas à la
volonté réelle et commune des parties (ATF 127 III 248 con-
sid. 3c et les arrêts cités).

bb) L'unité d'objet que forme un bien-fonds imma-
triculé au registre foncier n'est pas immuable. Un
bien-fonds
peut être divisé, par voie de parcellement ou de
distraction,
et plusieurs immeubles peuvent être réunis, qu'il s'agisse
d'une réunion au sens étroit ou d'une adjonction (au sujet
de
cette terminologie, cf. Deschenaux, Le registre foncier, in
Traité de droit privé suisse, V/II,2, p. 76 ss). Faisant usa-
ge de la délégation de compétence prévue à l'art. 945 al. 2
CC, le Conseil fédéral a réglé, dans son ordonnance sur le
registre foncier (ORF; RS 211.432.1), les formes à observer

en cas de division d'un immeuble (art. 85 à 90) ou de
réunion
de plusieurs immeubles (art. 91 à 93).

Sous réserve des prescriptions relatives au morcel-
lement des fonds, le propriétaire est en droit de
fractionner
son immeuble et de créer tout autant de nouvelles parcelles.
Il doit former à cet effet une requête qui a le caractère
d'un acte de disposition (Deschenaux, op. cit., p. 76). Con-
crètement, le plan (il reproduit géométriquement les ancien-
nes et nouvelles limites avec des couleurs différentes) et
le
tableau de mutation (il renseigne sur les changements inter-
venus quant à la contenance des parcelles modifiées), signés
par le propriétaire et le géomètre, sont transmis au conser-
vateur du registre foncier et constituent la réquisition de
division du bien-fonds. Cette réquisition doit satisfaire
aux
exigences de la forme authentique si la division est
assortie
d'une aliénation; la forme écrite suffit si le propriétaire
du bien-fonds divisé conserve la propriété de toutes les nou-
velles parcelles. La division n'est effective qu'après que
le
conservateur du registre foncier l'a inscrite dans ses regis-
tres (Josette Moullet Auberson, La division de biens-fonds,
thèse Fribourg 1993, p. 17).

A l'inverse, plusieurs immeubles contigus, apparte-
nant au même propriétaire, peuvent, à certaines conditions,
être réunis pour former un seul immeuble. Il faut pour cela
une réquisition écrite du propriétaire; la forme authentique
n'est pas exigée (Deschenaux, op. cit., p. 81).

b) Appliqués au cas concret et confrontés aux cri-
tiques formulées par les défendeurs, ces principes appellent
les observations et conclusions suivantes:

aa) Force est d'admettre, avec la cour cantonale,
que, dans l'acte notarié du 27 novembre 1992, tous les élé-
ments essentiels du contrat de vente immobilière sont cou-

verts par la forme authentique. Tel est en particulier le
cas
des seuls éléments présentement litigieux, à savoir l'indica-
tion du nom des parties et la détermination de l'objet vendu.

Sur le premier point, la désignation de C.________
ou de son nommable, comme acheteur, ne violait en rien le
droit fédéral pour les motifs sus-indiqués (cf. let. a/ aa).
Au demeurant, l'identité du représenté a été rapidement dé-
voilée, C.________ ayant désigné son nommable par acte au-
thentique du 11 décembre 1992.

Quant aux parcelles vendues, leur surface respecti-
ve et leurs limites précises ressortent clairement de l'acte
authentique et du procès-verbal de mutation (nouvel état),
dressé le 14 octobre 1991, qui est reproduit dans l'acte
pour
en faire partie intégrante. Il s'agit de la parcelle n° 1,
d'une surface de 238 m², bordée au sud-est par la parcelle
n° 2, qui lui cède 142 m², et au sud-ouest par la parcelle
n° 5, nouvellement créée. Cette dernière parcelle, qui
jouxte
les parcelles nos 2 (à l'est/sud-est) et 3 (au sud/sud-
ouest), forme également l'objet de la vente; sa surface de
172 m² a été distraite de la parcelle n° 2 La vente porte
enfin sur la parcelle n° 3, d'une surface de 160 m²,
contiguë
aux parcelles nos 5 (au nord/nord-est) et 4 (à l'est/sud-
est); dans le but, selon toute vraisemblance, d'aligner les
limites des parcelles vendues par rapport aux parcelles li-
mitrophes (nos 2 et 4), une surface de 21 m² de la parcelle
n° 3, qui formait une avancée dans la parcelle n° 4 a été
détachée à l'est de la première parcelle pour être adjointe
à
la seconde; cette petite surface, nettement délimitée, a
donc
été exclue de la vente. En définitive, c'est une surface to-
tale de 570 m², désignée avec précision dans l'acte authenti-
que, qui a été vendue par les défendeurs à C.________ ou à
son nommable.

Il suit de là que la vente immobilière litigieuse
respecte en tous points la forme prescrite.

bb) En réalité, comme le souligne à juste titre la
cour cantonale, seule la partie "division de parcelles" de
l'acte du 27 novembre 1992 ne respecte pas totalement la for-
me prescrite.

Si les parcelles nos 1, 2, 3 et 4 de l'ancien état
avaient appartenu aux seuls défendeurs, il eût suffi d'une
réquisition écrite de ceux-ci pour procéder aux divisions et
réunions nécessaires à leur remaniement en vue de la vente
projetée. Le recours aux services d'un notaire n'eût pas été
indispensable dans cette hypothèse.

Cependant, en l'occurrence, ni les parties ni l'of-
ficier public ne se sont avisés de ce qu'un tiers -
F.________ - est copropriétaire, avec les défendeurs, de
l'une de ces quatre parcelles, inscrite sous le n° 4. Les
mutations envisagées, c'est-à-dire la division de la
parcelle
n° 3 par voie de distraction d'une surface de 21 m² et l'ad-
jonction de cette surface à la parcelle n° 4, impliquaient,
en ce qui concerne ce tiers, un transfert de la propriété de
la surface en question. Une telle aliénation ne pouvait être
effectuée sans le concours de l'intéressé et elle exigeait
le
respect de la forme authentique, peu importe qu'elle fût fai-
te à titre gratuit (art. 243 al. 2 CO en liaison avec l'art.
242 al. 2 et 3 CO) ou onéreux (art. 216 al. 1 CO).

Il n'empêche que la mutation affectée du vice de
forme ne concerne nullement les parties au contrat de vente
litigieux. De fait, la surface en cause - soit les 21 m² à
distraire de la parcelle n° 3 - ne forme pas l'objet de la
vente immobilière et ses copropriétaires, les défendeurs, au-
raient fort bien pu requérir son inscription au registre fon-
cier sous un nouveau numéro sans devoir mettre en oeuvre

F.________ pour ce faire. C'est d'ailleurs le procédé
imaginé
par le notaire qui a établi le projet d'acte rectificatif
sur
la base du second procès-verbal de mutation dressé le 14
avril 1993, lequel prévoit la constitution d'une nouvelle
parcelle, d'une surface de 21 m², entre les parcelles nos 3
et 4, et lui attribue le n° 6.

cc) Dans ces conditions, on ne saurait raisonnable-
ment soutenir, comme le font pourtant les défendeurs, que la
clause de modification des parcelles nos 3 et 4 constitue un
point subjectivement essentiel de la vente immobilière. Les
explications qui précèdent démontrent, au contraire, que
ladite clause ne revêt pas un caractère essentiel pour les
parties au contrat de vente, puisqu'il est possible et
facile
de la modifier sans toucher aux termes de ce contrat. On ne
voit pas, au demeurant, en quoi cette clause affecterait le
rapport entre prestation et contre-prestation issues de la
vente.

Cela étant, la cour cantonale était fondée à juger
contraire aux règles de la bonne foi le fait d'invoquer un
vice de forme n'affectant qu'un seul élément d'un acte hété-
rogène, alors que cet élément est sans relation directe avec
le contrat de vente stipulé dans le même acte, lequel
contrat
constitue le seul élément qui intéresse les rapports des par-
ties en litige. Effectivement, invoquer un vice de forme mi-
neur pour conclure à la nullité de l'ensemble de l'acte relè-
ve de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), d'autant plus que
le
vice invoqué ressortit à la sphère d'influence des
défendeurs
puisqu'il se rapporte à une parcelle dont ceux-ci sont copro-
priétaires avec le tiers susmentionné. Semblable comporte-
ment, qui revient à tirer prétexte d'un vice de forme répara-
ble, non imputable à son partenaire contractuel et sans inci-
dence sur le contrat conclu pour refuser d'honorer sa signa-
ture, ne mérite aucune protection.

Que le contrat de vente n'ait pas encore été exécu-
té, en particulier que le prix de vente n'ait pas été versé
à
ce jour, ne change rien à la situation juridique, quoi qu'en
disent les défendeurs. En l'occurrence, la question n'est
pas
de savoir si les demandeurs peuvent déduire ou non de l'art.
2 al. 2 CC une prétention en exécution tendant au transfert
à
leurs noms de la propriété d'immeubles formant l'objet d'un
contrat de vente entaché de nullité et non encore exécuté
(sur cette question délicate et controversée, cf. Koller,
op.
cit., p. 95 ss, n. 28 ss avec de nombreuses références). Il
s'agit simplement de décider si les vendeurs peuvent refuser
d'exécuter une vente immobilière formellement valable en se
prévalant d'un vice de forme affectant un élément qui n'est
pas indispensable à l'exécution dudit contrat, mais qui la
paralyse momentanément. Comme on l'a vu, la réponse à cette
question ne peut être que négative.

dd) Il se pourrait, en théorie, que le contrat de
vente conclu le 27 novembre 1992, bien que revêtu de la
forme
idoine, ne correspondît pas à la volonté des parties. Tel se-
rait le cas, à suivre les défendeurs. Ceux-ci n'avancent tou-
tefois rien de déterminant à l'appui de leur thèse. Ils se
contentent de rappeler que F.________ n'a pas comparu devant
le notaire, alors que sa présence était indispensable, ajou-
tant que, de l'avis même du notaire, la mutation de la par-
celle n° 3 ne correspondait pas non plus à ce que souhai-
taient les parties. Pareilles assertions, qui ont trait à la
division de cette parcelle et non à la vente immobilière con-
comitante, sont tout à fait impropres à démontrer que les
parties ne seraient pas tombées d'accord sur tous les élé-
ments objectivement et subjectivement essentiels de la vente
immobilière qu'elles désiraient conclure, nonobstant le res-
pect de la forme authentique requise pour un tel contrat.

3.- a) Selon l'art. 184 al. 1 CO, applicable à la
vente d'immeubles par renvoi de l'art. 221 CO, le vendeur

doit non seulement livrer la chose vendue à l'acheteur, mais
encore lui en transférer la propriété. Comme l'inscription
au
registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la pro-
priété foncière (art. 656 al. 1 CC), le vendeur a l'obliga-
tion de requérir l'inscription du nouveau propriétaire dans
ce registre (cf. art. 963 al. 1 CC; Tercier, Les contrats
spéciaux, 2e éd., n. 259). Il lui incombe d'effectuer les dé-
marches nécessaires afin de lever les obstacles qui
retardent
ou empêchent l'inscription. Si la vente ne porte que sur une
partie d'un bien-fonds, il doit donc veiller à ce que soit
opérée la séparation cadastrale qui permettra de requérir

l'inscription au registre foncier de l'immeuble vendu dans
son nouvel état (Schumacher/Rüegg, Die Haftung des Grund-
stückverkäufers, in Der Grundstückkaufvertrag, 2e éd., p.
203
n. 64; Alfred Koller, Commentaire bâlois, n. 62 ad art. 184
CO, avec une référence à l'ATF 111 II 487 consid. 3g p. 499).

b) En l'espèce, il y a eu un début d'exécution du
contrat de vente de la part des défendeurs, puisque ceux-ci
ont signé l'acte notarié comportant les réquisitions ad hoc
à
l'intention du conservateur du registre foncier. Cependant,
pour les motifs sus-indiqués, il n'a pas été donné suite à
ces réquisitions.

Aux termes de l'art. 24 al. 3 ORF, le rejet de la
réquisition est définitif lorsque le délai de recours s'est
écoulé sans avoir été utilisé. Les défendeurs reprochent à
la
cour cantonale d'avoir violé cette disposition en les condam-
nant à exécuter l'acte de vente du 27 novembre 1992, alors
que cet acte ne peut plus être inscrit au registre foncier en
raison de la force de chose jugée dont jouit la décision de
rejet prise par le conservateur du registre foncier. Le
grief
est dénué de fondement. De fait, il ressort clairement du
dispositif du jugement attaqué et du considérant 5c, dernier
paragraphe, de la même décision, qui en éclaire la portée,
que les juges cantonaux n'exigent pas des défendeurs qu'ils

requièrent l'inscription de l'acte de vente du 27 novembre
1992, mais qu'ils invitent ces derniers à signer un acte rec-
tificatif afin que puisse être inscrit le transfert de pro-
priété qu'ils se sont engagés à opérer en concluant le con-
trat de vente. C'est le lieu de rappeler que la force de cho-
se jugée qui s'attache à la décision de rejet de la réquisi-
tion n'est que relative, ce qui signifie que la même réquisi-
tion, accompagnée des mêmes pièces justificatives, ne peut
pas être présentée une seconde fois (Deschenaux, op. cit.,
p.
458 in limine); en revanche, lorsque, après un rejet pour vi-
ce de l'acte juridique, le requérant dépose un nouvel acte
qui remédie à ce vice, la réquisition fondée sur ce nouvel
acte est recevable et doit être examinée au fond par le con-
servateur du registre foncier (ATF 71 I 419 p. 422; Desche-
naux, ibid.). C'est dire que l'inscription des demandeurs en
qualité de propriétaires des parcelles qui leur ont été ven-
dues le 27 novembre 1992 pourra être obtenue sur la base des
réquisitions prises dans l'acte (authentique) rectificatif
que les parties devront signer conformément aux injonctions
de la cour cantonale.

Les défendeurs soutiennent, par ailleurs, que les
demandeurs n'ont jamais conclu à ce qu'ils soient condamnés
à
signer un acte rectificatif. Cette affirmation ne correspond
pas à la réalité. A la page 12 de leur mémoire-conclusions
du
20 septembre 2001, les demandeurs écrivent qu'"il convient
principalement de contraindre les défendeurs à signer le nou-
vel acte de vente identique à celui du 27 novembre 1992
...".
Ils se réfèrent par là, de toute évidence, au projet "d'acte
de modification de limites, de division de parcelles &
vente"
qui a été établi à fin avril/début mai 1993 et que les défen-
deurs ont refusé de signer. A considérer sa teneur, l'acte
projeté peut assurément être qualifié de "rectificatif".

Pour contester l'admissibilité de cet acte rectifi-
catif, les défendeurs font valoir enfin que ledit acte ne

concerne ni les mêmes parties ni les mêmes biens-fonds que
celles et ceux qui constituaient les sujets, respectivement
l'objet, de l'acte de vente initial. Ils ont tort. Pour ce
qui est des parties, il ne faut pas perdre de vue que l'acte
de vente du 27 novembre 1992 offrait à l'acheteur la possibi-
lité de se substituer un "nommable" et que C.________ a fait
usage de cette faculté en désignant à ce titre, par acte au-
thentique du 11 décembre 1992, pour une moitié en coproprié-
té, son frère E.________, sa soeur D.________ ainsi que lui-
même et, pour l'autre moitié en copropriété, la société
X.________ AG. Or, la conclusion d'un contrat pour un nomma-
ble étant un mode spécial de représentation directe (ATF 60
II 492 consid. 2 p. 498 in fine), dès lors que le nommable a
été valablement désigné et qu'il a accepté sa désignation,
comme c'est ici le cas, l'acquéreur est délié et il ne reste
plus en présence que le vendeur et le nommable ou, mieux
dit,
le nommé (cf. Reymond, op. cit., p. 205 n. 192). Peu
importe,
à cet égard, que l'acte authentique de désignation du nomma-
ble n'ait pas été inscrit au registre foncier; il n'en de-
meure pas moins que, dans le rapport obligationnel de vente,
les personnes désignées en lieu et place de l'acheteur qui a
signé le contrat se sont substituées à cet acheteur ès quali-
tés. Que ces mêmes personnes apparaissent dans l'acte recti-
ficatif sous la rubrique "acheteurs" est donc tout à fait
conforme à la situation juridique telle qu'elle découle de
l'acte de vente du 27 novembre 1992 et de l'acte de désigna-
tion du nommable du 11 décembre 1992. Quant à l'identité des
parcelles vendues, elle est avérée. Il a été démontré plus
haut que la surface et les limites des biensfonds vendus par
les défendeurs n'ont pas été modifiées dans l'acte rectifica-
tif (cf. consid. 2b/aa); celui-ci ne fait qu'enregistrer les
nouvelles modalités de la division de la parcelle n° 3, en
conformité avec le procès-verbal de mutation du 14 avril
1993, lesquelles consistent à ne pas adjoindre les 21 m² dis-
traits de cette parcelle à la parcelle n° 4, dont F.________
est l'un des trois copropriétaires, mais à les constituer en

une nouvelle parcelle à inscrire sous le n° 6; l'acte en
question rectifie aussi, dans la mesure nécessaire, les
clauses relatives aux servitudes et à l'hypothèque inscrite,
pour tenir compte du fait que la parcelle n° 4 n'est désor-
mais plus concernée par les accords liant les parties.

4.- Il est encore fait grief à la cour cantonale
d'avoir commis une inadvertance manifeste et violé le princi-
pe jura novit curia en ignorant purement et simplement l'ex-
ception soulevée par les défendeurs quant au défaut de légi-
timation active des demandeurs.

a) Les défendeurs ne sont pas très logiques lors-
qu'ils reprochent aux premiers juges de n'avoir pas examiné
d'office une exception qu'ils ont expressément soulevée. De
surcroît, le moyen pris du défaut de légitimation ne consti-
tue pas une exception, au sens technique du terme, mais une
objection, lato sensu, que le juge doit examiner d'office
(sur ces distinctions, cf. Engel, op. cit., p. 33 ss). La lé-
gitimation active dans un procès civil relève du fondement
matériel de l'action; elle appartient au sujet actif du
droit
invoqué en justice et son absence entraîne, non pas l'irrece-
vabilité de la demande, mais son rejet (arrêt 4P.156/2001 du
16 octobre 2001 destiné à la publication, consid. 2b/bb; ATF
108 II 216 consid. 1).

Ce problème de terminologie mis à part, il est ma-
nifeste que la cour cantonale a admis, à tout le moins de ma-
nière implicite, la légitimation active des demandeurs, puis-
qu'elle les a traités - à juste titre, du reste - comme les
véritables acquéreurs des parcelles vendues et qu'elle a
fait
droit à leur conclusion tendant à l'exécution du contrat de
vente.

b) En tant qu'ils soutiennent que l'exécution de ce
contrat ne pouvait être poursuivie que par C.________, à

l'exclusion des personnes mentionnées dans l'acte de désigna-
tion du nommable et dans l'acte rectificatif subséquent, les
défendeurs formulent un grief qui a déjà été examiné et reje-
té plus haut (cf. consid. 3b).

c) Selon les défendeurs, "la volonté des parties
était de ne vendre les biens immobiliers qu'à M. C.________
ou à son nommable" (ce sont eux qui soulignent), autrement
dit qu'"à une seule personne". Aussi les défendeurs sont-ils
d'avis que l'acte authentique de désignation du nommable ne
correspondait plus à l'accord passé entre eux-mêmes et
C.________, dès lors qu'il désignait comme nommables une plu-
ralité de personnes, partant qu'il ne saurait les lier.

L'interprétation d'un acte authentique de vente im-
mobilière doit être faite conformément à l'art. 18 CO (ATF
127 III 248 consid. 3c). A cet égard, est déterminante, au
premier chef, la réelle et commune intention des parties,
dont la constatation relève du domaine des faits. En l'absen-
ce d'une telle constatation, il faut interpréter les manifes-
tations de volonté conformément au principe de la confiance.
Selon ce principe, celui qui fait une déclaration de volonté
adressée à autrui est lié par sa déclaration d'après le sens
que le destinataire peut et doit lui attribuer de bonne foi
en fonction de l'ensemble des circonstances. Il importe peu
que l'auteur de la déclaration n'ait pas saisi la portée de
ce qu'il disait, dès lors que le destinataire ne pouvait pas
s'en apercevoir (ATF 126 III 375 consid. 2e/aa p. 379 et les
arrêts cités). L'interprétation objectivée selon le principe
de la confiance sera celle d'un homme loyal et raisonnable
(ATF 116 II 431 consid. 3a).

En l'espèce, la cour cantonale n'a rien constaté
quant à la prétendue réelle et commune intention des parties
à l'acte du 27 novembre 1992 de ne vendre la parcelle qu'à
un
seul et unique nommable.

L'interprétation objective ou normative de la clau-
se topique dudit acte n'impose nullement pareille
conclusion.
Certes, le terme de "nommable" y est écrit au singulier et
l'adjectif possessif "son" qui s'y rattache relève de ce nom-
bre-là. Tirer argument de cet état de choses pour tenter de
faire prévaloir une interprétation littérale de ces mots se-
rait toutefois par trop réducteur et contraire à la réalité
du monde des affaires. De fait, dans les relations commercia-
les, le terme de "nommable" est un nom générique dont on se
sert usuellement pour désigner celui que l'une des parties
s'est réservé le droit de désigner ultérieurement afin qu'il
se substitue à elle dans le rapport contractuel, qu'il
s'agisse d'une personne morale ou d'une personne physique,
d'une personne unique ou d'une communauté de personnes. Ce
caractère générique ressort, en particulier, de l'art. 18bis
du règlement cantonal précité, qui emploie les termes de ven-
te "pour soi ou son nommable". Il ne viendrait à personne
l'idée de soutenir, sur le vu de ces termes-là, qu'une vente
immobilière ne pourrait être conclue qu'au profit d'un seul
nommable, pas plus qu'il ne serait admissible de déduire la
même conclusion de l'art. 184 al. 1 CO, qui utilise le terme
d'"acheteur" au singulier. Dans le même ordre d'idées, Rey-
mond, sous le titre "Le choix du nommable", précise que l'ac-
quéreur aura également le droit de choisir plusieurs nomma-
bles qui prendront l'immeuble, soit en commun, soit chacun
pour une parcelle, et qu'il pourra aussi garder pour lui une
partie de l'opération et choisir un nommable pour le reste
(op. cit., p. 201 let. c et p. 204 n. 188). Au surplus, les
défendeurs ne fournissent aucun élément pertinent dont on
pourrait inférer que C.________ aurait dû attribuer de bonne
foi au terme de "nommable" une autre signification que son
sens usuel. Ils n'expliquent notamment pas pour quel motif
cette personne aurait dû inférer sans conteste de la clause
en question et des circonstances entourant la conclusion de
l'acte de vente leur volonté de ne vendre leurs parcelles
qu'à lui-même ou qu'à une seule et unique personne de son

choix. Le seul élément qu'ils invoquent à l'appui de leur
thèse n'a rien de concluant: il s'agit d'une lettre du 6 mai
1993 dans laquelle le notaire indique que C.________ a dési-
gné la société X.________ AG comme "Mitkäuferin" le 11 dé-
cembre 1992, ce qui n'est qu'en partie exact puisque, dans
l'acte authentique instrumenté à cette date, E.________ et
D.________ ont été désignés comme nommables aux côtés de
cette société et de leur frère C.________. Au reste, pour
être conséquents avec eux-mêmes, les défendeurs auraient dû
également dénier à C.________ le droit d'acquérir les par-
celles en copropriété avec les tiers désignés par lui, étant
donné qu'il est question, dans l'acte du 27 novembre 1992,
d'une vente à lui-même "ou" (non pas "et") à son nommable.

Dûment interprétée, la clause incriminée permettait
donc à C.________ de désigner plusieurs personnes comme nom-
mables. Que la manifestation de volonté ainsi interprétée ne
corresponde peut-être pas à la volonté interne de ses
auteurs
est sans importance. Ceux-ci doivent se la laisser opposer
dès lors qu'ils n'ont pas invalidé le contrat de vente pour
cause d'erreur essentielle ou de dol (art. 23 ss CO).

d) Le vendeur ne peut pas refuser de reconnaître le
nommable désigné et à même d'honorer les engagements de la
partie qui l'a choisi. En effet, il a renoncé par avance à
se
prévaloir de motifs personnels en signant un contrat de
vente
en faveur de l'acquéreur ou de son nommable. Il lui était
loisible, à ce moment-là, de formuler des réserves en stipu-
lant, par exemple, que le nommable ne pourrait pas être
telle
ou telle personne (Reymond, op. cit., p. 205 n. 191).

Dans le cas concret, les défendeurs n'ont pas fait
semblable réserve. Par conséquent, ils ne sont pas en droit
de refuser de reconnaître comme nommables les personnes dési-
gnées dans l'acte authentique du 11 décembre 1992 et dans le
projet d'acte rectificatif établi sur la base de cet acte.

S'ils ne voulaient pas que la société dirigée par G.________
fût désignée comme nommable, au motif qu'ils avaient
consenti
à C.________ un prix d'ami, les défendeurs devaient soit
renoncer à signer un acte réservant à l'acheteur la possibi-
lité de se substituer d'autres personnes, soit faire
préciser
dans l'acte que X.________ AG ne pourrait pas être désignée
comme nommable.


Cela étant, déterminer si les défendeurs savaient
que "G.________ comptait au nombre des acquéreurs vérita-
bles", comme le retient la cour cantonale au consid. 5c de
son jugement (p. 13), ou s'ils ignoraient la chose, ainsi
qu'ils l'affirment, est un point de fait qui ne revêt aucune
pertinence juridique en l'occurrence. Aussi est-ce en pure
perte que, dans le premier moyen de leur recours de droit
public connexe, les défendeurs reprochent à la cour
cantonale
d'avoir admis arbitrairement qu'ils n'ignoraient pas cette
circonstance.

5.- En dernier lieu, les défendeurs invoquent la
violation du principe de la liberté contractuelle (art. 19
CO) et la nullité du contrat (art. 20 CO). Ils font grief à
la cour cantonale de les obliger à entrer en relation con-
tractuelle avec des tiers qu'ils n'ont pas choisis.

Il ne s'agit pas de cela en l'espèce. Les juges
précédents ne forcent pas les défendeurs à conclure contre
leur gré un contrat de vente avec des tiers qu'ils leur im-
poseraient. Ils ne font qu'appliquer le principe "pacta sunt
servanda" en exigeant que les vendeurs exécutent un contrat
valable et effectuent les démarches indispensables pour per-
mettre le transfert de la propriété des parcelles vendues et
l'inscription au registre foncier des acquéreurs que l'ache-
teur indiqué dans l'acte de vente s'est valablement substi-
tués.

6.- Dans ces conditions, le recours en réforme doit
être rejeté. Les demandeurs n'ont pas déposé de recours
joint, si bien que le rejet, par la cour cantonale, de leur
conclusion en dommages-intérêts est définitif.

Examinant en parallèle le recours de droit public,
la Cour de céans l'a jugé en partie irrecevable et infondé
pour le surplus. Rien ne s'oppose, dès lors, à la confirma-
tion du jugement entrepris.

Quant aux frais et dépens relatifs à la procédure
devant le Tribunal fédéral, ils seront mis solidairement à
la
charge des défendeurs, qui succombent (art. 156 al. 1 et 7
OJ, art. 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement at-
taqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge des recourants, solidairement entre eux;

3. Condamne solidairement les recourants à verser
aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 5000
fr.
à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

___________

Lausanne, le 12 mars 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.356/2001
Date de la décision : 12/03/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-12;4c.356.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award