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07/03/2002 | SUISSE | N°H.175/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 mars 2002, H.175/01


«AZA 7»
H 175/01 Kt

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Métral

Arrêt du 7 mars 2002

dans la cause

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20,
3003 Berne, recourant,

contre

J.________, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Genève

A.- Les époux J.________, né en 1920, et T.________,
née en 1924, sont séparés de

puis 1965, l'époux vivant en
Espagne et l'épouse, naturalisée suisse, à X.________.
Ils étaient chacun au bénéfice d'une demi-rente ordi-
...

«AZA 7»
H 175/01 Kt

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Métral

Arrêt du 7 mars 2002

dans la cause

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20,
3003 Berne, recourant,

contre

J.________, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Genève

A.- Les époux J.________, né en 1920, et T.________,
née en 1924, sont séparés depuis 1965, l'époux vivant en
Espagne et l'épouse, naturalisée suisse, à X.________.
Ils étaient chacun au bénéfice d'une demi-rente ordi-
naire de vieillesse pour couple d'un montant de 456 fr. par
mois lorsque, par deux décisions séparées du 27 novembre
1998, la Caisse suisse de compensation (ci-après : la cais-
se) a modifié ces prestations, avec effet rétroactif au

1er janvier 1997. Elle a, d'une part, substitué une indem-
nité forfaitaire de 17 238 fr. aux versements mensuels dont
bénéficiait J.________, et d'autre part, remplacé la
demi-rente pour couple allouée jusqu'alors à T.________ par
une rente ordinaire de vieillesse de 1053 fr. par mois.

B.- J.________ a recouru contre la décision le concer-
nant, demandant implicitement son annulation.
Par jugement du 19 mars 2001, la Commission fédérale
de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité pour les personnes résidant à l'étranger
(ci-après : la commission) a admis le recours, annulé la
décision attaquée et renvoyé la cause à la caisse afin
qu'elle procède à un nouveau calcul des prestations dues.
La commission a considéré que J.________ avait droit à une
demi-rente pour couple jusqu'au 31 décembre 2000, une nou-
velle décision devant être prise pour fixer les prestations
dues à partir du 1er janvier 2001.

C.- L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
interjette recours de droit administratif contre ce juge-
ment dont il demande l'annulation. J.________ conclut
implicitement au rejet du recours, dont la caisse propose
quant à elle l'admission.

Considérant en droit :

1.- a) La procédure porte sur le point de savoir si la
caisse était en droit, le 27 novembre 1998, de procéder à
un nouveau calcul des rentes, en se fondant sur les dispo-
sitions issues de la 10ème révision de l'AVS. L'objet du
litige est toutefois limité, à raison du recours de
J.________ devant l'instance précédente, à la décision de
la caisse le concernant. En revanche, la décision adressée
à T.________ est en force.

b) Jusqu'à la décision litigieuse, J.________ et son
épouse percevaient chacun une demi-rente ordinaire de
vieillesse pour couple. Le nouveau calcul opéré par la
caisse est favorable à l'épouse, puisque sa rente mensuelle
a passé de 456 fr. à 1053 fr.; en revanche, la situation de
l'époux s'est concrètement péjorée dès lors qu'un capital
de 17 238 fr. a remplacé une rente lui procurant un revenu
de 5472 fr. par année.
Dans ces conditions, il n'est pas contestable que
J.________ avait un intérêt digne de protection à recourir
contre la décision le touchant directement, contrairement à
ce que soutient l'OFAS. Ce dernier admet du reste expressé-
ment que le montant de l'indemnité forfaitaire allouée
correspond à une rente d'une valeur inférieure à celle dont
bénéficiait l'assuré auparavant.

2.- a) Les dispositions finales de la modification du
7 octobre 1994 de la LAVS (10ème révision de l'AVS) rè-
glent, en particulier, l'introduction d'un nouveau système
de rentes (let. c). A cet effet, il est prévu que les nou-
velles dispositions s'appliquent à toutes les rentes dont
le droit prend naissance après le 31 décembre 1996 (al. 1).
Toutefois, quatre ans après l'entrée en vigueur des nouvel-
les dispositions, les rentes de vieillesse en cours pour
couple seront remplacées par des rentes de vieillesse du
nouveau droit (al. 5).
Ainsi que l'a déjà exposé le Tribunal fédéral des
assurances (cf. VSI 2000 p. 177 consid. 5a), l'introduction
dans le temps du nouveau système de rente a fait l'objet de
discussions au parlement. Lors des débats devant le Conseil
national à propos de la 10ème révision de l'AVS, qui intro-
duisait le remplacement de la rente pour couple par des
rentes individuelles avec partage des revenus (splitting),
la réglementation transitoire prévoyait que les nouvelles
dispositions ne s'appliqueraient en principe qu'aux cas
d'assurance qui surviendraient après l'entrée en vigueur de

la modification légale, alors que les rentes en cours ne
seraient pas touchées.
Toutefois au fur et à mesure de l'avancement des tra-
vaux parlementaires, les deux conseils sont tombés d'accord
pour admettre que toutes les rentes dont le droit prendrait
naissance après l'entrée en vigueur de la 10ème révision
seraient soumises au nouveau droit et qu'en outre, à terme,
les différences de système entre les anciennes et les nou-
velles rentes devraient être autant que possible supprimées
par un transfert sommaire des premières dans la nouvelle
réglementation des rentes. Le transfert devait être effec-
tué quatre ans après l'entrée en vigueur de la 10ème révi-
sion de l'AVS; à partir de cette date, les rentes seraient
fixées uniquement selon le nouveau droit (Bull. off. 1994
CE 564 sv., 608 sv. et CN 1360 sv.).

b) Ainsi que cela ressort du texte de la loi et des
travaux parlementaires, la volonté du législateur était que
le transfert global et automatique - qui concernait près de
800 000 personnes - devait intervenir seulement à l'échéan-
ce d'un délai de quatre ans (arrêt G. du 22 septembre 2000,
H 134/98a, consid. 4b; cf. Jürg Brechbühl, Les dispositions
transitoires de la 10ème révision de l'AVS, in : Sécurité
sociale 1995, p. 73).
L'affirmation de la recourante selon laquelle il y
avait lieu d'effectuer ce transfert le plus tôt possible,
cas échéant sans attendre le délai de quatre ans, va à
l'encontre du système légal. En effet, comme on l'a vu, le
législateur a exclu, à titre de règle générale, la rétroac-
tivité, le nouveau droit s'appliquant aux rentes dont le
droit prend naissance après le 31 décembre 1996. Par excep-
tion à cette règle, selon la solution finalement retenue
par les deux Chambres, un transfert dans le nouveau système
devait intervenir, mais seulement après un délai de quatre
ans. D'ailleurs, on ne comprendrait pas la nécessité de
prévoir spécialement la faculté pour la femme mariée de

demander par anticipation le transfert (à certaines condi-
tions) s'il ne s'était agi que d'un délai indicatif (let. c
al. 6).

c) Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que
le délai de quatre ans ne s'était pas écoulé lorsque la
caisse a rendu ses décisions de rente à l'intention de
J.________ et de son épouse. Dès lors, ainsi que l'ont jus-
tement considéré les premiers juges, la décision notifiée à
l'intimé s'avère, pour ce motif, contraire au droit.

3.- L'office recourant soutient par ailleurs que le
transfert dans le nouveau système pouvait être effectué en
application de la lettre c alinéa 6 des dispositions fina-
les, indépendamment de savoir si T.________ avait formelle-
ment déposé une requête dans ce sens. D'abord, selon
l'OFAS, une telle demande ne serait en principe pas néces-
saire. Ensuite, quoi qu'il en soit, l'assurée pouvait s'at-
tendre, en raison des circonstances, à ce que l'administra-
tion y procède d'office, de sorte qu'elle devrait être pro-
tégée dans sa bonne foi.

a) Aux termes de la disposition citée, la femme mariée
peut, s'il en résulte une rente plus élevée pour le couple,
demander dès le 1er janvier 1997 que la rente pour couple
de son mari soit remplacée par deux rentes. Dans le supplé-
ment 3 à la circulaire II concernant le calcul des rentes
des cas de mutations et de successions, l'OFAS a précisé
les conditions de remplacement de la rente pour couple par
deux rentes individuelles. Selon le chiffre 8023, et pour
autant que certaines conditions en soient données, le
transfert intervient sur demande de la femme.

b) Comme l'a bien compris l'OFAS en émettant ses di-
rectives, il n'existe pas de raison de s'écarter des dispo-
sitions claires de la loi. Au même titre que pour diverses

prestations d'assurance sociale, le législateur a fait
dépendre, dans le cas particulier, le droit à la prestation
du dépôt d'une demande. Il n'incombe ainsi pas à l'adminis-
tration de se substituer à la volonté du législateur en
décidant, dans l'un ou l'autre cas particulier (au regard
des 800 000 cas en suspens) d'octroyer la prestation sans
pour autant que les conditions formelles de la demande
soient respectées. Il en va en particulier de l'égalité de
traitement des assurés.
En l'espèce, il n'est pas contesté que T.________ n'a
déposé aucune demande de transfert dans le nouveau système,
si bien que l'administration n'était pas autorisée à agir
d'office.

c) A certaines conditions, et selon les principes
déduits du droit à la protection de la bonne foi consacré
par l'art. 9 Cst., l'autorité qui a un comportement créant
certaines expectatives, fait une promesse ou donne une
information ou une assurance doit honorer sa promesse ou
satisfaire les expectatives créées, même si celles-ci sont
illégales (cf. Knapp, Précis de droit administratif, p. 108
no 509).
En l'espèce, et sauf à solliciter à l'extrême le texte
de la communication du 23 décembre 1996, à laquelle se
réfère l'OFAS, on ne trouve pas trace d'une promesse ou
d'un comportement de l'administration propre à dissuader
T.________ de déposer une demande fondée sur l'al. 6 let. c
des dispositions finales. A tout le moins, l'assurée ne
pouvait en déduire que l'administration envisageait de se
comporter contrairement à la loi, même s'il devait en
résulter des avantages pour elle. Cela suffit pour en tirer
la conséquence que la caisse ne pouvait agir sans être en
possession d'une demande de l'assurée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité pour les per-
sonnes résidant à l'étranger, et à la Caisse suisse de
compensation.

Lucerne, le 7 mars 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.175/01
Date de la décision : 07/03/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-07;h.175.01 ?
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