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06/03/2002 | SUISSE | N°1P.48/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 mars 2002, 1P.48/2002


{T 0/2}
1P.48/2002/col

Arrêt du 6 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Zimmermann.

A.A.________,
B.A._______, recourants,
tous deux représentés par Me Jacques Ballenegger, avocat,
10, rue Beau-Séjour, case postale 2860, 1002 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois,

Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

art. 32 Cst.; contravention de droit cantonal

(recours de droit public contr...

{T 0/2}
1P.48/2002/col

Arrêt du 6 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Zimmermann.

A.A.________,
B.A._______, recourants,
tous deux représentés par Me Jacques Ballenegger, avocat,
10, rue Beau-Séjour, case postale 2860, 1002 Lausanne,

contre

Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case
postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

art. 32 Cst.; contravention de droit cantonal

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale, du 24 août 2001)

Faits:

A.
La société immobilière X.________ (ci-après: la Société) est
propriétaire de
la parcelle n° 630 du Registre foncier de Grandvaux. Sur ce
bien-fonds sis
hors de la zone à bâtir est érigé un bâtiment d'exploitation viticole.

Le 10 février 1997, le Département des infrastructures du canton de
Vaud
(ci-après: le Département cantonal) a octroyé à la Société une
autorisation
de construire portant sur l'agrandissement du bâtiment. Le 7 décembre
1999,
le Département cantonal a constaté que les travaux exécutés
dépassaient ce
que l'autorisation permettait de faire, s'agissant notamment de
l'aménagement
d'une cave d'une surface de 100 m2. Après une enquête publique
complémentaire, le Département cantonal a, le 11 avril 2000, refusé
l'autorisation spéciale nécessaire pour les constructions hors de la
zone à
bâtir, et ordonné la suppression de la cave.

B.
A raison de ces faits, le Département cantonal a, le 16 mai 2000,
dénoncé au
Préfet du district de Lavaux, A.A.________ et B.A.________ (ci-après:
les
consorts A.________), en tant qu'organes de la Société et requérants
des
autorisations de construire, pour contravention aux art. 103 ss et
130 de la
loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions,
du 4
décembre 1985 (LATC). Le Département cantonal a invité le Préfet à
réprimer
l'infraction et d'en confisquer le produit, correspondant à la valeur
locative des locaux aménagés sans autorisation, selon l'art. 59 CP.

Par deux décisions séparées et identiques du 8 juin 2000, le Préfet,
après
avoir entendu les consorts A.________, assistés de leur défenseur,
leur a
infligé une amende de 2000 fr. chacun pour infraction à la LATC au
sens de
l'art. 130 al. 1 de cette loi. Il les a condamnés en outre à verser,
par
moitié chacun, une créance compensatrice d'un montant de 12'000 fr.

Les consorts A.________, d'une part, et le Ministère public, d'autre
part,
ont fait opposition aux prononcés préfectoraux. La cause a été
transmise au
Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois.

A l'audience de jugement du 5 avril 2001, le Tribunal de police, à la
demande
du Ministère public, a précisé l'accusation en ce sens que devait
aussi être
envisagée l'application des art. 128 LATC et 79 du règlement
d'application de
cette loi (RATC), régissant l'octroi du permis d'habiter. Le Tribunal
de
police a indiqué qu'il ne s'agissait pas là, selon lui, d'une
aggravation de
l'accusation, la base de celle-ci, soit l'art. 130 LATC, n'ayant pas
été
modifiée.
Par jugement du 6 avril 2001, le Tribunal de police a écarté
l'opposition des
consorts A.________ et admis partiellement celle du Ministère public.
Il a
condamné B.A.________ à une amende de 5000 fr. et A.A.________ à une
amende
de 2000 fr. et mis à leur charge, par moitié chacun, une créance
compensatrice d'un montant de 12'000 fr. en faveur de l'Etat de Vaud.

Par arrêt du 24 août 2001, notifié le 31 décembre suivant, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le
recours
formé par les consorts A.________ contre le jugement du 6 avril 2001,
qu'elle
a confirmé.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.A.________ et
B.A.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 24 août 2001. Ils
invoquent l'art. 32 al. 2 Cst., et se plaignent d'arbitraire.

La Cour de cassation pénale se réfère à son arrêt. Le Ministère public
conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1
p. 93;
127 II 198 consid. 2 p. 201; 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 150
consid.
1a p. 151, 166 consid. 1 p. 168, et les arrêts cités).

1.1 En vertu de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est
recevable que contre les décisions prises en dernière instance
cantonale.
Cette règle a pour conséquence que le Tribunal fédéral n'examine que
les
moyens qui, pouvant l'être, ont été présentés à l'autorité cantonale
de
dernière instance (cf. ATF 120 Ia 19 consid. 2b/aa p. 24; 119 Ia 88
consid.
1a p. 90/91; 117 Ia 491 consid. 2a p. 495, 522 consid. 3a p. 525/526,
et les
arrêts cités).

1.2 Les recourants reprochent aux autorités cantonales d'avoir
arbitrairement
retenu que la cave litigieuse avait été occupée effectivement dès le
mois de
mai 1998, alors qu'aucun élément de la procédure n'étayerait cette
constatation de fait déterminante pour le calcul de la créance
compensatrice.
Ce grief n'a pas été soumis à la Cour de cassation cantonale. En
effet, dans
le passage de leur mémoire du 30 avril 2001 consacré à la créance
compensatrice, les recourants ont tout au plus critiqué le fait que
les
autorités inférieures n'auraient pas décrit les lieux, ni déterminé
l'usage
concret de la cave, sans indiquer, de manière claire et précise, que
celle-ci
n'aurait pas été occupée après son aménagement, ni soulever de grief
spécifique à cet égard.

Le recours est irrecevable sur ce point.

2.
Selon les recourants, le Tribunal de police aurait aggravé
l'accusation, en y
incluant l'infraction aux art. 128 LATC et 79 RATC, sans respecter
les droits
garantis en pareil cas à l'accusé. Ils y voient une violation de
l'art. 32
al. 2 Cst., mis en relation avec les art. 353 ss CPP vaud.

2.1 Aux termes de l'art. 130 al. 1 LATC, celui qui contrevient à
cette loi, à
ses règlements d'application, cantonaux et communaux, ou aux décisions
fondées sur ces loi et règlements, est passible d'une amende d'un
montant
allant de 200 à 50'000 fr.; la poursuite se fait conformément à la loi
cantonale sur les contraventions, du 18 novembre 1969 (LC). Le juge
instructeur, le tribunal de police, le tribunal correctionnel et la
cour de
cassation procèdent selon ce que prévoient la LC et le CPP (art. 22
al. 1
LC).

2.1.1 Les amendes prononcées pour violation des prescriptions du
droit des
constructions sont de nature pénale; elles entrent, partant, dans le
champ
d'application de l'art. 6 CEDH (ATF 115 Ia 406 consid. 3b/aa p.
409/410;
arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Pramstaller c.
Autriche, du
23 octobre 1995, Série A, vol. 329A, par. 33).

2.1.2 Toute personne accusée a le droit d'être informée, dans les
plus brefs
délais et de manière détaillée, des accusations portées contre elle;
elle
doit être mise en état de faire valoir les droits de la défense (art.
32 al.
2 Cst. et 6 par. 3 let. a CEDH). Lorsque la personne est renvoyée en
jugement, le principe de l'accusation exige qu'elle soit informée non
seulement des faits mis à sa charge, mais aussi de leur qualification
juridique (ATF 126 I 19 consid. 2c p. 22ss; arrêt de la Cour
européenne des
droits de l'homme Pélissier et Sassi c. France du 25 mars 1999 par.
51).
L'autorité de jugement peut cependant s'écarter de l'état de fait ou
de la
qualification juridique retenus dans la décision de renvoi ou dans
l'acte
d'accusation, à condition toutefois que les droits de la défense
soient
respectés (ATF 126 I 19 consid. 2a et c p. 21ss). Si l'accusé a été
condamné
pour une autre infraction que celle visée dans l'acte d'accusation ou
dans la
décision de renvoi, il faut examiner s'il pouvait, eu égard à
l'ensemble des
circonstances du cas, s'attendre à cette nouvelle qualification
juridique des
faits, auquel cas ses droits de défense ne sont pas violés (ATF 126 I
19
consid. 2d/bb p. 24).

La portée et l'étendue du principe de l'accusation sont déterminées en
premier lieu par les prescriptions du droit cantonal, dont le Tribunal
fédéral examine l'application sous l'angle restreint de l'arbitraire;
il
vérifie en revanche librement si les garanties offertes par la
Constitution
et la Convention sont respectées (ATF 126 I 19 consid. 2a p. 22.).
Aux termes
de l'art. 353 CPP vaud., l'autorité de jugement peut s'écarter des
faits
retenus à la charge de l'accusé dans l'arrêt ou l'ordonnance de
renvoi ou de
leur qualification juridique, à condition d'en informer l'accusé et
de donner
à celui-ci le temps nécessaire pour la préparation de sa défense
(art. 354
al. 1 CPP vaud.); à cette fin, le tribunal peut, s'il l'estime utile,
interrompre les débats et procéder (ou faire procéder par le juge
instructeur) à un complément d'enquête (art. 355 al. 1 CPP vaud.). Ces
dispositions concrétisent, en droit cantonal, les droits garantis par
les
art. 32 al. 2 Cst. et 6 par. 3 let. a CEDH.

Dans la procédure devant le Préfet, il n'y a pas d'acte d'accusation
ou de
décision de renvoi, pas davantage que dans la procédure d'opposition
subséquente devant le Tribunal de police. C'est sur le vu de
l'ensemble des
faits de la cause qu'il convient, partant, d'examiner si les
autorités de
jugement cantonales ont violé arbitrairement les art. 353 ss CPP
vaud. et
méconnu par là le principe de l'accusation, comme le soutiennent les
recourants.

2.1.3 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une
norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le
Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de
dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs
et en
violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les
motifs de la
décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette
dernière
soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60
consid.
5a p. 70; 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 10 consid. 3a p. 15, 166
consid.
2a p. 168; 125 II 129 consid. 4b p. 134, et les arrêts cités). Il n'y
a pas
arbitraire du seul fait qu'une autre interprétation de la loi soit
possible,
ou même préférable (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 120 Ia 369
consid. 3a
p. 373; 118 Ia 497 consid. 2a p. 499; 116 Ia 325 consid. 3a p.
326/327).

2.2 Insérés dans le Titre VI de la LATC régissant la police des
constructions, les art. 103 à 123 LATC forment le Chapitre V de cette
loi,
déterminant le permis de construire et de démolir; les art. 120 à 123
forment
le Chapitre VI consacré aux autorisations spéciales, les art. 124 à
129 le
Chapitre VII portant sur l'exécution des travaux, ainsi que le permis
d'habiter ou d'utiliser. Quant aux art. 130 à 132, ils constituent le
Titre
VII relatif aux contraventions et à l'exécution forcée. La
systématique de la
loi et le texte clair de l'art. 130 al. 1 LATC indiquent ainsi que
cette
disposition vise les infractions à toutes les prescriptions de la
LATC,
quelle que soit leur place dans le texte légal.

2.2.1 La dénonciation du 16 mai 2000 a été formée pour violation des
art. 103
ss LATC et 130 LATC. Le Département cantonal a évoqué dans ce
contexte que la
Société avait fait effectuer des travaux dépassant le cadre de ceux
autorisés
selon la décision du 10 février 1997. Il a proposé en outre la
confiscation
du produit de l'infraction réalisée, conformément à l'art. 59 CP,
correspondant à la valeur locative des locaux aménagés sans
autorisation. Les
prononcés préfectoraux des 8 juin 2000 visent les art. 103 ss et 130
al. 1
LATC, ainsi que l'art. 59 CP, en relation avec l'utilisation de la
surface
des locaux édifiés sans autorisation. Jusqu'à ce stade de la
procédure, la
violation des art. 128 LATC et 79 RATC selon lesquels aucune
construction
nouvelle ou transformée ne peut être occupée sans le permis d'habiter
ou
d'utiliser délivré par l'autorité communale, n'a pas été expressément
mise à
la charge des recourants. Ce n'est qu'à l'audience du Tribunal de
police que
ce point a été soulevé par le Ministère public, qui a requis que soit
aussi
retenue cette qualification des faits à l'encontre des accusés. Après
avoir
entendu ceux-ci à ce propos, le Tribunal de police a rendu une
décision
incidente par laquelle il a réservé l'application des art. 128 LATC
et 79
RATC, en indiquant qu'il s'agissait là d'une précision de
l'accusation et non
d'une aggravation, car la base légale de la sanction, soit l'art. 130
al. 1
LATC, n'était pas modifiée. La Cour de cassation a considéré que
l'appréciation du Tribunal de police échappait à toute critique sur
ce point,
et cela pour deux motifs. Premièrement, en mentionnant les art. 103 et
suivants LATC, les prononcés préfectoraux se référaient aussi à
l'art. 128 de
cette loi. Deuxièmement, en envisageant une créance compensatrice pour
l'utilisation de locaux aménagés sans droit, les prononcés
préfectoraux
visaient implicitement l'infraction de violation de l'art. 128 LATC,

mis en
relation avec l'art. 79 RATC.

2.2.2 Le permis de construire et le permis d'habiter constituent deux
instruments juridiques différents, régis l'un par le Chapitre V,
l'autre par
le Chapitre VII du Titre VI de la LATC. Cela étant, ces deux types de
permis
sont étroitement liés. Le permis d'habiter ou d'utiliser ne peut être
octroyé
que si les conditions fixées par le permis de construire et les plans
approuvés sont remplies (art. 128 al. 1 LATC et 79 let. b RATC). Il
faut en
outre que les locaux soient conformes à la loi et aux règlements
(art. 79
let. a RATC) et les travaux suffisamment achevés pour assurer la
sécurité des
habitants ou utilisateurs (art. 79 let. c RATC). Or, dans un cas où
comme en
l'espèce, des locaux ont été édifiés sans permis de construire (ou,
plus
précisément, en violation des restrictions posées par celui-ci) puis
immédiatement affectés à leur usage, l'octroi d'un permis d'habiter ou
d'utiliser n'entre par définition pas en ligne de compte, de sorte
que l'on
peut soutenir que la violation de l'art. 128 LATC était, compte tenu
des
circonstances spéciales de l'espèce, absorbée par l'infraction aux
art. 103
ss LATC; cela rendrait ainsi superflue toute référence spécifique à
l'art.
128 LATC dans l'accusation. Cette conception, retenue dans l'arrêt
attaqué,
peut paraître discutable; elle n'est toutefois pas arbitraire.

A l'appui de leur thèse contraire, les recourants se prévalent de
l'arrêt
Favez rendu le 28 septembre 2001, sans que celui-ci ne leur soit
d'aucun
secours. Dans cette affaire, Favez s'était conformé à l'autorisation
de
construire en faisant aménager des logements pour partie dans les
combles
d'une maison d'habitation existante. Saisi d'un recours, le Tribunal
administratif avait réformé l'autorisation, en interdisant
l'affectation des
combles au logement, décision à laquelle Favez ne s'était pas plié
immédiatement. Dans cette affaire, la cour cantonale a retenu que
l'infraction de l'art. 103 LATC n'était pas réalisée, parce que les
travaux
litigieux avaient été effectués conformément au permis accordé. Quant
à
l'infraction de l'art. 128 LATC, jamais notifiée même implicitement,
elle
était de toute manière prescrite. En l'espèce, l'état de fait est
différent:
les recourants ont entrepris des travaux qui n'étaient pas couverts
par
l'autorisation reçue; ils ont utilisé immédiatement les locaux ainsi
aménagés.

2.2.3 De toute manière, le deuxième motif évoqué dans l'arrêt attaqué
résiste
au grief tiré de l'art. 32 al. 2 Cst.

Dès le début de la procédure, les recourants savaient que le
Département
cantonal avait requis le Préfet de prononcer la confiscation du
produit de
l'infraction sous la forme d'une créance compensatrice au sens de
l'art. 59
ch. 2 CP, en évoquant à ce propos la valeur locative des locaux
aménagés sans
autorisation. Le Préfet a agi en ce sens et fixé le montant de la
créance
compensatrice en se fondant sur la surface de la cave et une durée
d'utilisation de deux ans. Sur le vu de ces indications, il ne pouvait
échapper aux recourants qu'ils étaient poursuivis non seulement pour
avoir
édifié des locaux sans autorisation, mais aussi pour en avoir fait
usage sans
droit, infraction qui correspond matériellement au défaut du permis
d'utiliser au sens de l'art. 128 LATC. Si ce point n'avait pas été
évoqué -
même de manière implicite - dans la dénonciation et les prononcés
préfectoraux, la requête de créance compensatrice aurait été privée de
fondement. Les recourants, assistés d'un défenseur, ne pouvaient se
méprendre
sur ce point.

3.
Pour les recourants, l'action pénale était prescrite au moment de la
dénonciation.

3.1 A teneur de l'art. 5a LC, applicable par renvoi de l'art. 130 al.
1 LATC,
l'action pénale et la peine se prescrivent par deux ans (al. 1); les
art. 71
à 75 CP s'appliquent pour le surplus (al. 2). La prescription absolue
intervient après quatre ans, selon l'art. 5a al. 1 LC, mis en
relation avec
l'art. 72 ch. 2 al. 2 in fine CP.

3.2 Selon l'arrêt attaqué, l'infraction mise à la charge des
recourants
comprenait la construction de locaux sans permis de bâtir au sens des
art.
103 ss LATC, d'une part, et l'utilisation de ces locaux sans le
permis requis
selon l'art. 128 LATC, d'autre part. Or, la cave en question a été
occupée en
tout cas jusqu'en juillet 1999, voire même au-delà de l'époque des
prononcés
préfectoraux. L'action ne serait dès lors pas prescrite. Les
recourants
contestent cette appréciation, en faisant valoir que les travaux de
construction étaient terminés en mai 1998; l'action pénale était dès
lors
prescrite au moment de la dénonciation du 16 mai 2000. Sur ce point,
les
recourants se fondent sur la prémisse implicite, mais conforme à la
thèse
qu'ils ont développée sous l'angle du principe d'accusation, que
l'infraction
de l'art. 128 LATC ne pouvait leur être imputée. Or, comme on l'a vu
(consid.
2.2.2 ci-dessus), n'est pas arbitraire la conception contraire
retenue dans
l'arrêt attaqué, selon laquelle les infractions visées aux art. 103
et 128
LATC constitueraient en l'espèce un délit continu. Subséquemment, la
cour
cantonale pouvait estimer que l'infraction aux art. 103 et 128 LATC,
considérée comme un ensemble, avait perduré au moins jusqu'en juillet
1999,
date du constat du caractère illicite des travaux, voire même
jusqu'au 8 juin
2000 et au-delà, époque où la cave litigieuse a continué d'être
utilisée sans
autorisation.

Le grief doit être écarté.

4.
Les recourants contestent le montant de la créance compensatrice,
qu'ils
tiennent pour arbitraire.

4.1 Le montant de la créance compensatrice se détermine en principe
selon les
recettes brutes (ATF 126 I 6 consid. 4b/bb p. 8/9, et les arrêts
cités; cf.
aussi, s'agissant d'une créance compensatrice relative à l'avantage
tiré de
constructions non autorisées au sens de la LATC, l'arrêt B., du 7
août 1991).

4.2 Pour fixer le montant de la créance compensatrice, le Préfet a
pris en
compte une valeur de 60 fr. par mètre carré de la cave litigieuse,
utilisée
pendant deux ans, soit 12'000 fr. Pour sa part, le Tribunal de police
a
ordonné une expertise pour déterminer notamment la valeur locative de
la
cave. L'expert a estimé cette valeur à 40 fr. par mètre carré, soit
4000 fr.
l'an. Sur cette base qu'il a retenue, le Tribunal de police a fixé le
montant
de la créance compensatrice à 12'000 fr., soit 4000 fr. pendant trois
ans. La
Cour de cassation pénale a confirmé cette manière de faire, que les
recourants critiquent en soutenant qu'il faudrait appliquer le
principe du
bénéfice net. Cette conception se heurte toutefois à la jurisprudence
qui
vient d'être rappelée et sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir en
l'espèce.

5.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les
frais en sont mis à la charge des recourants (art. 156 OJ). Des
dépens ne
sont pas alloués (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument de 3000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 6 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.48/2002
Date de la décision : 06/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-06;1p.48.2002 ?
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