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06/03/2002 | SUISSE | N°1A.209/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 mars 2002, 1A.209/2001


{T 0/2}
1A.209/2001/dxc

Arrêt du 6 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

A.________ SA, recourante, représentée par Me Vincent Solari, avocat,
rue
Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, case postale 3344, 1211
Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postal

e 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Italie - B
115724 KM

(recours de dr...

{T 0/2}
1A.209/2001/dxc

Arrêt du 6 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

A.________ SA, recourante, représentée par Me Vincent Solari, avocat,
rue
Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, case postale 3344, 1211
Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Italie - B
115724 KM

(recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du canton de Genève du 7 novembre 2001)
Faits:

A.
Le 11 mai 1999 puis le 8 février 2000, le Procureur de la République
près le
Tribunal de Naples a requis l'entraide judiciaire de la Suisse pour
les
besoins d'une enquête dirigée contre X.________ et autres, notamment
pour
participation à une organisation criminelle, faux bilans et
escroquerie, au
préjudice des banques italiennes Banco di Napoli et Isveimer.
Plusieurs
centaines de milliards de lires auraient été accordées au groupe
X.________,
sous forme de prêts ou de garanties, par l'entremise de la société
B.________. Ces prestations auraient été accordées notamment sur la
base de
documents falsifiés. Ces commissions rogatoires tendaient à
l'obtention de
renseignements au sujet des sociétés C.________ SA, liée au groupe
X.________, et D.________ SA.

Plusieurs compléments ont été apportés à ces requêtes, notamment les
13
novembre 2000, 22 et 24 janvier 2001. Le complément du 13 novembre
2000
expose que les sommes versées à la société B.________ avaient été
détournées
par le biais de transactions commerciales fictives avec des sociétés
offshore, dont certaines étaient connues. La société B.________ était
tombée
en faillite. Les sommes détournées auraient transité par des comptes
bancaires, parmi lesquels le n° xxx auprès de l'UBS de Lugano, dont
l'autorité requérante désire connaître les titulaires, bénéficiaires
et
personnes autorisées. Elle en demande en outre le blocage, ainsi que
la
production des extraits complets.

B.
Le canton de Genève ayant été désigné comme canton directeur par
décision de
l'Office fédéral de la justice (OFJ) du 6 mars 2000, le Juge
d'instruction
genevois est entré en matière le 5 février 2001, en considérant
notamment que
la condition de la double incrimination était remplie. Les comptes
concernés
ont été bloqués et la production des documents requis a été ordonnée.
Un
recours formé par A.________ SA, titulaire du compte n° xxx, a été
déclaré
irrecevable le 10 mai 2001 par la Chambre d'accusation genevoise,
faute de
préjudice irréparable.

A. ________ SA est intervenue le 15 février 2001 par l'entremise de
son
avocat, en produisant ses bilans et les relevés du compte, remis le 13
février précédent par la banque. Spécialisée dans la vente de produits
alimentaires à la Libye, elle exposait n'avoir que des rapports
d'affaires
avec la société B.________.

C.
Par décision du 25 juillet 2001, le juge d'instruction a prononcé la
clôture
partielle de la procédure d'entraide et la transmission au Procureur
de
Naples des documents remis par l'UBS de Lugano, sous la réserve de la
spécialité.
Par ordonnance du 7 novembre 2001, la Chambre d'accusation a rejeté le
recours d'A.________ SA. Son droit d'être entendue avait été respecté
puisqu'elle connaissait la teneur des demandes d'entraide ainsi que
les
documents à transmettre et avait pu faire valoir ses objections à ce
sujet.
La commission rogatoire et ses compléments étaient suffisamment
motivés et le
principe de la proportionnalité était respecté, car même si la
requête ne
visait que la rubrique en francs suisses du compte, la détermination
du
cheminement des fonds d'origine délictueuse justifiait une
interprétation
large de la demande.

D.
A.________ SA forme un recours de droit administratif contre cette
dernière
ordonnance. Elle en demande l'annulation, ainsi que le rejet des
demandes
d'entraide.

La Chambre d'accusation et le juge d'instruction se réfèrent à
l'ordonnance
attaquée. L'OFJ conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de
clôture
partielle confirmée en dernière instance cantonale, le recours de
droit
administratif est recevable (art. 80e let. a et 80f al. 1 de la loi
fédérale
sur l'entraide internationale en matière pénale; EIMP, RS 351.1).
Titulaire
du compte au sujet duquel l'autorité d'exécution a décidé l'envoi de
renseignements, la recourante a qualité pour agir (art. 80h let. b
EIMP et 9a
let. a OEIMP).

2.
La recourante estime que l'exposé des faits soumis à l'autorité
d'entraide
serait insuffisant. L'autorité requérante fait état de détournements
importants, sans en indiquer les modalités. Elle ne ferait référence
à aucune
opération commerciale ou versement suspects et se bornerait à
délivrer une
liste de noms et de comptes bancaires, sans autre explication. La
complexité
de l'affaire et l'ampleur de l'entraide requise impliqueraient des
exigences
accrues à ce sujet. La demande d'entraide s'apparenterait à une
recherche
indéterminée de moyens de preuve. Ayant son siège en Suisse et tenant
une
comptabilité dûment contrôlée, la recourante n'aurait aucun rapport
avec les
sociétés offshore mentionnées dans la demande.

2.1 Selon l'art. 14 CEEJ, la demande d'entraide doit notamment
indiquer son
objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé
sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à
l'autorité
requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée
est
punissable selon le droit des Parties requérante et requise (art. 5
ch. 1
let. a CEEJ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal
(art. 2 al.
1 let. a CEEJ), que l'exécution de la demande n'est pas de nature à
porter
atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à
d'autres
intérêts essentiels du pays (art. 2 let. b CEEJ), et que le principe
de la
proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts
cités). Le droit interne (art. 28 EIMP) pose des exigences
équivalentes, que
l'OEIMP précise en exigeant l'indication du lieu, de la date et du
mode de
commission des infractions (art. 10 OEIMP).

2.2 Sans être particulièrement détaillée, la demande d'entraide et ses
compléments permettent aisément de comprendre l'objet de l'entraide
requise.
Elle fait d'abord état de prêts et garanties importants accordés par
des
établissements bancaires au groupe X.________ par l'entremise de la
société
B.________. Outre que ces crédits auraient été obtenus au moyen de
faux
documents, ils auraient été détournés, dans la plupart des cas par le
biais
de transactions commerciales simulées avec des sociétés offshore.
Contrairement à ce que soutient la recourante, l'autorité requérante
n'a pas
à rendre vraisemblables les soupçons dont elle fait état, ni même à
indiquer
pour quelle raison elle a été amenée à s'intéresser au compte de la
recourante. Il suffit que l'on comprenne, dans ce contexte, que
l'autorité
requérante désire savoir si le produit des détournements a pu y
aboutir. Pour
le surplus, l'autorité requérante donne les renseignements dont elle
dispose,
s'agissant de l'époque à laquelle les établissements bancaires ont
accordé
leurs prestations, de la date de la faillite de la société
B.________, et du
montant total du préjudice subi, ainsi que du mode opératoire utilisé
dans la
plupart des cas. Si elle ne fournit pas le détail des opérations
suspectes,
c'est manifestement qu'elle ne dispose pas de renseignements
suffisants à ce
sujet, raison pour laquelle elle sollicite l'entraide judiciaire. La
recourante ne saurait se mettre hors de cause en se démarquant des
sociétés
offshore suspectes; celles-ci ne sont mentionnées qu'à titre
d'exemples, et
il n'est pas exclu que d'autres entités se soient prêtées aux
détournements
de fonds, par le biais d'opérations commerciales fictives ou selon
d'autres
modalités encore. Le grief doit par conséquent être écarté.

3.
La recourante invoque également le principe de la proportionnalité. La
demande d'entraide ne permettrait pas de savoir en quoi les
renseignements
sur son compte bancaire seraient nécessaires à l'enquête. La demande
d'entraide ne visait d'ailleurs que la rubrique en francs suisses de
ce
compte; le blocage de ce dernier serait aussi disproportionné. La
recourante
se plaint enfin de n'avoir pas pu participer au tri des documents à
transmettre, un tel tri étant au demeurant impossible compte tenu de
l'imprécision de la demande d'entraide.

3.1 Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'autorité
requérante de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre
part,
l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est
confiée (ATF
121 II 241 consid. 3a). L'autorité suisse requise s'impose une grande
retenue
lorsqu'elle examine le respect de ce principe, faute de moyens qui lui
permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration
des
preuves. Le juge de l'entraide doit lui aussi se borner à examiner si
les
renseignements à transmettre présentent, prima facie, un rapport avec
les
faits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la
transmission
que les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour
les
enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF
122 II 367
consid. 2c p. 371).

3.2 Sur ce point, la recourante considère également à tort que
l'autorité
requérante aurait à expliquer les raisons qui l'ont conduite à
suspecter son
compte bancaire. Or, il n'en est rien: la seule mention du compte de
la
recourante permet de déduire que l'autorité requérante désire
vérifier si des
fonds détournés ont pu y parvenir, ce qui permet d'admettre
l'utilité, au
moins potentielle, des renseignements requis. La recourante admet
elle-même
être en rapport d'affaires avec la société B.________, ce qui justifie
l'intérêt de l'autorité requérante puisque des détournements auraient
été
commis, à grande échelle, à partir de cette société, sous le couvert
de
transactions commerciales fictives. On ne voit pas les raisons pour
lesquelles l'autorité requérante aurait voulu limiter la production
des
pièces bancaires à la rubrique en francs suisses du compte; s'il y a
sur ce
point une interprétation large de la demande, celle-ci est
parfaitement
admissible. Le blocage du compte bancaire n'apparaît pas non plus
disproportionné à ce stade: c'est à l'autorité requérante qu'il
appartiendra,
sur le vu des documents remis par la Suisse, de déterminer si les
avoirs
bloqués ont, en tout ou partie, une origine délictueuse.

3.3 Comme le relève la Chambre d'accusation, la recourante
connaissait tant
la teneur des demandes d'entraide que le détail des documents remis
par la
banque, par l'entremise de son avocat. Elle a eu l'occasion de
présenter ses
objections dans le cadre de la procédure cantonale de recours, ce qui
satisfait à son droit d'être entendue. Rien ne l'empêchait d'indiquer
précisément quels renseignements bancaires portaient atteinte de
manière
disproportionnée à sa sphère privée. Or, que ce soit devant la cour
cantonale
ou devant le Tribunal fédéral, elle n'entreprend pas une telle
démonstration.
Le grief doit par conséquent être écarté.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
rejeté, aux frais de la recourante (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève,
ainsi
qu'à l'Office fédéral de la justice, Division internationale,
Section de
l'entraide judiciaire internationale.

Lausanne, le 6 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse:

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.209/2001
Date de la décision : 06/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-06;1a.209.2001 ?
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