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05/03/2002 | SUISSE | N°1A.152/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 mars 2002, 1A.152/2001


{T 0/2}
1A.152/2001/svc

Arrêt du 5 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffière Gerber.

L.________, recourant, représenté par Me Marie-Gisèle Danthe,
avocate, rue de
Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,

contre

Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud,
Service
des eaux, sols et assainissement (SESA), rue du Valentin 10, 1014
Lausanne,> Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

assainissement industriel

(r...

{T 0/2}
1A.152/2001/svc

Arrêt du 5 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffière Gerber.

L.________, recourant, représenté par Me Marie-Gisèle Danthe,
avocate, rue de
Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne,

contre

Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud,
Service
des eaux, sols et assainissement (SESA), rue du Valentin 10, 1014
Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

assainissement industriel

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 2 juillet 2001)
Faits:

A.
L. ________ exploite depuis 1962 l'hôtel T.________, au N.________,
commune
de L'Abbaye. Le 7 décembre 1989, la Municipalité de la commune de
L'Abbaye
lui a octroyé un permis de construire pour l'aménagement, dans son
hôtel,
d'un bureau, d'une sortie de secours, ainsi que pour l'agrandissement
d'une
chambre. Cette autorisation comportait une exigence du Service
cantonal des
eaux et de la protection de l'environnement (SEPE) relative à
l'installation,
jusqu'au 31 octobre 1990, d'un système de prétraitement des eaux
résiduaires
de la cuisine au moyen d'un dépotoir et d'un séparateur de graisses.
L.________ n'a pas effectué les travaux requis. Il a dès lors été
condamné
par le Tribunal de police du district de Lausanne, le 29 août 1995,
pour
infraction à la loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux).

B.
En septembre 1995, le SEPE a fixé à L.________ un nouveau délai, au
30 avril
1996, pour l'installation du système de prétraitement des eaux
résiduaires.
Puis, le 19 juillet 1996, le SEPE a fixé un dernier délai, échéant le
2
septembre 1996, pour soumettre à la commune le dossier de
l'installation de
prétraitement; passé ce délai, l'intéressé serait dénoncé au juge
informateur
pour insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP). Par
courriers
des 14 février et 6 mai 1997, l'Office cantonal de la police du
commerce a
informé l'intéressé qu'une procédure de retrait de sa patente serait
introduite s'il ne déposait pas le dossier requis à temps. Le 5 juin
1997,
L.________ a répondu qu'il procéderait à l'installation du système de
prétraitement des eaux résiduaires de la cuisine de son établissement
dans le
délai qui avait été prolongé, dans l'intervalle, jusqu'au 15 janvier
1998.

C.
Le 11 septembre 1997, le Tribunal de police du district de La Vallée
a libéré
L.________ de l'accusation d'insoumission à une décision de
l'autorité. Ce
tribunal a, d'une part, considéré que la décision administrative
aurait dû se
référer à la sanction prévue par l'art. 71 LEaux et non pas à celle
de l'art.
292 CP; il a, d'autre part, retenu que la décision de base n'était pas
conforme à la loi, puisque d'après la norme établie par l'Association
suisse
des professionnels de l'épuration des eaux (ASPEE), l'installation
d'un
séparateur de graisses n'était en général pas requise dans le cas d'un
restaurant préparant moins de 300 repas quotidiens. Or,
l'établissement de
L.________ ne sert en moyenne que 80 repas par jour. En outre,
l'administration cantonale se serait écartée de sa propre pratique
consistant
à n'imposer ce genre d'installation qu'à l'occasion de travaux
importants,
notamment dans les cuisines. En l'espèce, les travaux projetés en 1989
étaient peu importants et ne concernaient en rien les cuisines.

D.
Après avoir pris connaissance de ce jugement, l'Office cantonal de la
police
du commerce a informé L.________, le 7 novembre 1997, qu'il renonçait
"pour
l'instant" à exiger la pose d'un séparateur de graisses dans sa
cuisine.

E.
Par décision du 18 janvier 2001, le Service cantonal des eaux, sols et
assainissement (SESA - ce service ayant repris les attributions de
l'ancien
SEPE) a exigé à nouveau de L.________ qu'il assainisse la cuisine de
son
établissement par la pose d'une installation de prétraitement des
eaux. Ce
service lui a fixé à cet effet un délai au 31 décembre 2002 afin de
lui
permettre de réaliser ces travaux dans le cadre d'un agrandissement
de son
établissement, étant précisé que le prétraitement des eaux devrait
être
assuré à cette date même si, entre-temps, il abandonnait ou différait
le
projet d'agrandissement de l'hôtel.

F.
Le 8 février 2001, L.________ a recouru contre cette décision auprès
du
Tribunal administratif du canton de Vaud. Cette juridiction a rejeté
son
recours par un arrêt rendu le 2 juillet 2001.

G.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, L.________
demande au
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du Tribunal administratif en ce
sens
qu'il n'est pas astreint à poser une installation de prétraitement
des eaux
usées de son établissement et qu'il n'a pas à supporter les frais de
la
procédure cantonale, laissés à la charge de l'Etat de Vaud. Dans ses
conclusions subsidiaires, il demande l'annulation de la décision
attaquée et
le renvoi de l'affaire au Tribunal administratif pour nouvelle
décision.

H.
Le Tribunal administratif et le SESA concluent au rejet du recours.
L'Office
fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a déposé
des
observations, dont il ressort que la décision attaquée respecte le
droit
fédéral en confirmant l'obligation d'installer un système de
prétraitement
des eaux usées de l'établissement litigieux.

Le recourant a répliqué, sans modifier ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale statuant en
dernière instance (art. 98 let. g OJ). Il est fondé sur la loi
fédérale sur
la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux; RS 814.20) ainsi
que sur
l'ordonnance sur la protection des eaux du 28 octobre 1998 (OEaux; RS
814.201): il constitue dès lors une décision au sens de l'art. 5 PA.
Le
recours de droit administratif, déposé dans le délai de l'art. 106
al. 1 OJ,
est donc recevable (art. 97 OJ).

1.2 Ce recours peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris
l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, et pour constatation
inexacte ou
incomplète des faits pertinents (art. 104 al. 1 et 2 OJ). Le Tribunal
fédéral
est toutefois lié par les faits constatés dans la décision attaquée,
lorsque
celle-ci a été rendue par une autorité judiciaire - c'est le cas en
l'espèce
-, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été
établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2
OJ).

2.
Aux termes de l'art. 12 al. 1 LEaux, celui qui détient des eaux usées
ne
répondant pas aux exigences fixées pour le déversement dans les
égouts doit
soumettre celles-ci à un prétraitement; ce dernier est réglementé par
les
cantons.

Les exigences pour le déversement des eaux usées dans les égouts
publics sont
énoncées à l'art. 7 OEaux. L'autorité autorise le déversement dans
les égouts
publics des eaux industrielles visées dans l'annexe 3.2, ou d'autres
eaux
polluées visées dans l'annexe 3.3, si les exigences desdites annexes
sont
respectées (art. 7 al. 1 OEaux); l'autorité renforce ou complète les
exigences si, du fait du déversement de ces eaux polluées, le
fonctionnement
des égouts publics peut être entravé ou perturbé (art. 7 al. 2 let. a
OEaux)
ou si les exigences relatives au déversement des eaux provenant de la
station
centrale d'épuration ne peuvent pas être respectées, ou ne peuvent
l'être
qu'au prix de mesures disproportionnées, ou encore si le
fonctionnement de la
station peut être entravé ou perturbé d'une autre manière (art. 7 al.
2 let.
b OEaux; les lettres c et d de cette disposition n'entrent pas en
ligne de
compte dans le cas particulier).

3.
3.1L'annexe 3.2 OEaux règle "le déversement des eaux industrielles
dans les
eaux ou les égouts publics". Les eaux industrielles comprennent
toutes les
eaux à évacuer provenant des exploitations artisanales et
industrielles (ch.
1 al. 1 let. a de l'annexe 3.2 OEaux). Les eaux usées d'un restaurant
entrent
donc dans le champ d'application de cette annexe. Partant, l'annexe
3.3
OEaux, qui concerne les "autres eaux polluées" (c'est-à-dire des eaux
non
industrielles), n'est pas applicable en l'espèce.

3.2 Le chiffre 1 de l'annexe 3.2 OEaux énonce les principes généraux
suivants.

Quiconque évacue des eaux industrielles doit, au cours des processus
de
production et de traitement des eaux, prendre les mesures qui
s'imposent
selon l'état de la technique pour éviter de polluer les eaux. Il doit
en
particulier veiller à générer aussi peu d'eaux polluées et à évacuer
aussi
peu de substances pouvant polluer les eaux que cela est possible sur
le plan
de la technique et de l'exploitation, tout en restant économiquement
supportable (ch. 1 al. 2 let. a de l'annexe 3.2 OEaux).

Lorsqu'il déverse des eaux à évacuer dans les eaux ou dans les égouts
publics, il doit respecter, au point de déversement, les exigences
générales
fixées au chiffre 2 de cette annexe (ch. 1 al. 3 let. a), et pour les
eaux à
évacuer provenant de branches industrielles données, les exigences
particulières du chiffre 3 de cette annexe, applicables à des
substances
déterminées (ch. 1 al. 3 let. b).

Lorsque les mesures requises, selon l'état de la technique,
permettent de
respecter des exigences plus sévères que celles qui sont définies aux
chiffres 2 et 3, l'autorité peut, sur la base des indications du
détenteur et
après l'avoir consulté, fixer des valeurs plus sévères (ch. 1 al. 5 de
l'annexe 3.2 OEaux).

Lorsque les chiffres 2 et 3 de l'annexe ne fixent pas d'exigences pour
certaines substances pouvant polluer les eaux, l'autorité définit dans
l'autorisation les exigences requises, en se fondant sur l'état de la
technique. Ce faisant, elle tient compte des normes internationales ou
nationales, des directives publiées par l'office (OFEFP) ou des normes
élaborées par la branche industrielle concernée en collaboration avec
l'office (ch. 1 al. 6 de l'annexe 3.2 OEaux).

3.3 Le chiffre 2 de l'annexe 3.2 OEaux, intitulé "Exigences
générales", ne
mentionne ni les huiles ni les graisses. Ces substances sont en
revanche
mentionnées dans le chiffre 31 de l'annexe 3.2 OEaux (ce chiffre 31
étant une
subdivision du chiffre 3 "Exigences particulières pour des substances
déterminées provenant de branches industrielles données"), plus
précisément à
la colonne 2 de ce chiffre 31, où il est indiqué que "les
établissements de
conditionnement des graisses et des huiles doivent s'équiper au
besoin de
séparateurs".

Le Tribunal administratif a appliqué cette disposition à
l'établissement du
recourant, en s'inspirant des critères proposés par la norme SN 592000
établie en 1990 par l'Association suisse des professionnels de
l'épuration
des eaux (ASPEE) pour déterminer s'il y a lieu ou non d'installer un
séparateur de graisses.

L'OFEFP estime cependant que le chiffre 31 de l'annexe 3.2 OEaux
n'est pas
applicable aux restaurants. Certes, ceux-ci préparent des denrées
alimentaires (cf. titre du chiffre 31 "Préparation des denrées
alimentaires")
en utilisant des graisses et des huiles. Cependant, les restaurants
ne sont
pas mentionnés dans la liste des "branches industrielles" et
"procédés" que
vise le chiffre 31 de l'annexe précitée, et le "conditionnement des
graisses
et des huiles" n'est pas l'objet de leur activité. Il convient donc
d'adopter
l'interprétation restrictive proposée par l'OFEFP.

3.4 L'exigence, pour les restaurants, d'installer un séparateur peut
néanmoins découler des principes généraux du chiffre 1 de l'annexe
3.2 OEaux.
En effet, l'alinéa 2 let. a de ce chiffre 1 oblige celui qui évacue
des eaux
industrielles à prendre les mesures qui s'imposent pour générer aussi
peu
d'eaux polluées et évacuer aussi peu de substances pouvant polluer
les eaux
que cela est possible sur le plan de la technique et de
l'exploitation, tout
en restant économiquement supportable. Les mesures requises sont
définies par
l'autorité compétente - en l'occurrence le SESA - dans
l'autorisation; ce
faisant, l'autorité doit tenir compte des normes internationales ou
nationales, des directives publiées par l'OFEFP ou des normes
élaborées par
la branche industrielle concernée en collaboration avec l'office (ch.
1 al. 6
de l'annexe 3.2 OEaux).

3.4.1 La norme SN 592000 "Evacuation des eaux des biens-fonds",
établie par
l'ASPEE, peut être prise en considération dans ce contexte, pour
autant
qu'elle concrétise les principes généraux énoncés au chiffre 1 de
l'annexe
3.2 OEaux, en décrivant l'état actuel de la technique de
prétraitement des
eaux usées provenant des restaurants, ou en proposant des critères
pour
déterminer si l'installation de prétraitement est économiquement
supportable.

Le recourant fait valoir que les conditions d'application de la norme
SN
592000 ne seraient pas réunies en l'espèce, car son établissement
n'atteint
pas le seuil de 300 repas préparés par jour, seuil prévu au chiffre
10.6.2.
de cette norme. Il considère que les critères retenus par le SESA,
puis par
le Tribunal administratif, à savoir la faible pente du collecteur
communal
d'eaux usées dans le tronçon situé entre son hôtel et la station
d'épuration,
ainsi que le caractère rigoureux
des hivers à la Vallée de Joux, ne
seraient
pas à eux seuls décisifs. Le recourant conteste par ailleurs la
réalisation
de ces conditions: il soutient que son établissement est surélevé
d'une
cinquantaine de mètres par rapport au niveau de la station
d'épuration de
N.________ et qu'il est fermé durant les mois les plus froids de
l'hiver
(décembre et janvier). Il conteste par ailleurs que les graisses
provenant de
son hôtel se seraient figées dans les conduites, entraînant des
mesures
particulières de nettoyage des canaux d'écoulement.

3.4.2 On peut se demander si les critères précités de la norme SN
592000,
notamment celui des 300 repas par jour, sont décisifs. Si l'on
considère que
l'installation d'un séparateur de graisses constitue la mesure
correspondant
à l'état de la technique pour prétraiter des eaux industrielles
contenant des
huiles et des graisses, il faudrait exiger ce prétraitement chaque
fois qu'il
est économiquement supportable (ch. 1 al. 2 let. a, ch. 1 al. 3 let.
a et ch.
1 al. 5 de l'annexe 3.2 OEaux). Le chiffre 10.6.2 de la norme SN
592000
prévoit qu'un séparateur de graisses n'est en général pas requis dans
le cas
d'un établissement servant moins de 300 repas par jour. Or, selon une
évaluation de l'Association vaudoise des cafetiers, restaurateurs et
hôteliers (GastroVaud), un total de 300 repas par jour correspond à un
chiffre d'affaires annuel d'environ 2'250'000 fr., soit un résultat
atteint
seulement par une petite proportion des cafetiers, restaurateurs et
hôteliers
du canton. Dans ces conditions, la réglementation de la directive
vaudoise
DCPE 560 "Assainissement des cuisines d'établissements publics et
d'entreprises", du 17 février 1994, paraît donc davantage conforme aux
principes généraux du chiffre 1 de l'annexe 3.2 OEaux. Cette directive
prescrit l'installation d'un séparateur de graisses dans tout
établissement
et entreprise disposant d'une cuisine collective et confectionnant
des mets
chauds (hôtels, restaurants publics ou d'entreprises, auberges,
traiteurs,
établissements médico-sociaux et médico-éducatifs, hôpitaux,
cliniques,
pensions, etc.), indépendamment d'autres critères comme le nombre de
repas
préparés quotidiennement, pour autant - cette réserve est implicite -
que
cela soit économiquement supportable.

Cette question peut toutefois rester indécise si l'on admet que la
décision
attaquée peut trouver un autre fondement, à savoir l'art. 7 al. 2
OEaux.

4.
La norme SN 592000 répond essentiellement à la préoccupation de
prévenir
l'obstruction des collecteurs. En revanche, la décision du SESA, dans
le cas
particulier, vise en premier lieu à préserver la qualité des eaux en
prévenant des rejets préjudiciables au fonctionnement de la station
d'épuration et à la qualité des eaux du lac de Joux, compte tenu de la
situation particulière du réseau d'évacuation des eaux usées du
village de
N.________. Cette décision du service cantonal se fonde donc en
premier lieu
sur l'art. 7 al. 2 let. b OEaux.

4.1 Le réseau d'évacuation des eaux de N.________ a été réalisé selon
le
système unitaire, c'est-à-dire qu'il prévoit l'acheminement à la
station
d'épuration des eaux usées mélangées aux eaux claires. En cas de
fortes
précipitations, le volume des eaux parvenant à la station d'épuration
excède
ses capacités de traitement, le surplus étant alors directement
déversé dans
le lac de Joux, sans aucun traitement. Même en temps normal, la
station
d'épuration de N.________ fonctionne à la limite de ses capacités,
étant
dimensionnée en fonction de 1200 équivalents-habitants alors que la
population des zones raccordées s'élève à 1000 habitants et qu'il
faut en
outre tenir compte des eaux usées produites par des établissements
artisanaux, industriels et touristiques. Le recourant conteste que la
station
d'épuration de N.________ soit saturée, mais il ne donne aucune
indication
qui permettrait de qualifier l'état de fait de l'arrêt attaqué de
manifestement inexact ou incomplet sur ce point (cf. art. 105 al. 2
OJ).

4.2 Les huiles et les graisses sont des substances de nature à
polluer les
eaux qui ne doivent pas être introduites, directement ou
indirectement, dans
les eaux (art. 6 LEaux). Leur dégradation, qui engendre une demande
importante en oxygène, mobilise une partie des ressources de la
station
d'épuration. On peut donc craindre que la station d'épuration de
N.________,
à la limite de ses capacités, ne parvienne pas à éliminer les
graisses et les
huiles. De plus, en cas de précipitations importantes, ces substances
sont
déversées directement dans le lac de Joux. Dans ces conditions,
l'exigence
d'un séparateur de graisses se justifie pour éviter une pollution des
eaux du
lac. Elle peut donc se fonder sur l'art. 7 al. 2 let. b Oeaux, ainsi
que sur
la réglementation cantonale et communale d'application de ces normes
fédérales (cf. art. 11 al. 1 et art. 16 de la loi cantonale sur la
protection
des eaux contre la pollution du 17 septembre 1974 et art. 19, 29, 30
et 33 du
règlement de la commune de L'Abbaye sur l'évacuation et l'épuration
des eaux,
approuvé par le Conseil d'Etat le 6 août 1993, dispositions
mentionnées au
considérant 1b et c de l'arrêt attaqué).

4.3 Le recourant fait remarquer que la commune de L'Abbaye dispose de
deux
stations d'épuration: celle de N.________ et celle des Bioux. En cas
de
fortes pluies, d'importantes quantités d'eaux usées (plus de 200 m3
par 24
heures) ne subissent aucun traitement mais parviennent directement
dans le
lac de Joux et le lac Brenet, avec tous les produits polluants ou
toxiques
qu'elles peuvent contenir. Dans de pareilles circonstances, le
recourant
estime que le trop plein d'eaux usées est généralisé; il provient non
seulement des activités artisanales, industrielles et touristiques,
mais
avant tout des zones habitées de façon permanente. Ce problème ne
pourrait
donc être réglé qu'en revoyant de manière globale la gestion des eaux
usées;
de simples mesures ponctuelles, comme l'installation de séparateurs
dans les
cuisines des restaurants, seraient inadéquates.

Il est vrai que la commune de L'Abbaye est tenue d'améliorer la
situation
existante, notamment en assurant la séparation des eaux non polluées
d'une
part et des eaux polluées d'autre part, et en évacuant les premières
par
infiltration ou déversement dans les eaux superficielles (cf. art. 7
al. 2 et
12 al. 3 LEaux). Il s'agit toutefois là de mesures qui ne peuvent pas
être
réalisées à court terme: ainsi, la séparation des eaux à évacuer dans
les
bâtiments ne peut en règle générale être imposée qu'au moment de la
construction de ces bâtiments, ou lorsqu'ils subissent des
transformations
importantes (art. 11 OEaux); l'interdiction d'amener des eaux non
polluées
s'écoulant en permanence dans une station centrale d'épuration ne
s'applique
qu'aux nouveaux raccordements (art. 12 al. 3 OEaux). Dans
l'intervalle, il
existe un intérêt public à ordonner également des mesures à la source,
tendant à améliorer la qualité des eaux polluées versées dans les
égouts
publics. Ces mesures sont forcément ponctuelles, puisqu'elles ne
peuvent
viser que les détenteurs d'installation déversant des quantités
importantes
d'eaux polluées et non pas, par exemple, les ménages pris
individuellement.
Dans ce contexte, la politique de prévention des atteintes pratiquée
par le
SESA, exigeant que tous les restaurants soient équipés de séparateurs
de
graisses, se justifie pleinement.

5.
Le recourant se plaint d'une violation du principe de la
proportionnalité:
selon lui, le coût total des travaux d'installation d'un séparateur de
graisses serait de 50'000 fr., montant excessif au regard de son
chiffre
d'affaires. De son côté, le SESA estime le prix total de cette
installation à
une somme ne dépassant pas 10'000 fr., et relève que de nombreux
restaurants
ont dû faire cet investissement, parfois après le début de
l'exploitation,
sans que leur viabilité économique ne soit compromise.

Le recourant ne conteste pas que les trois autres restaurants de la
commune
de L'Abbaye ont été équipés d'un séparateur de graisses, quand bien
même ils
sont inférieurs, en importance, à son propre établissement. Il ne
cherche pas
à démontrer, en s'appuyant sur des estimations chiffrées, pourquoi
les frais
d'une telle installation ne seraient pas supportables pour son
exploitation.
Dans ce contexte, on doit relever que le recourant avait admis à deux
reprises, en 1989 et en 1997, qu'il devrait installer un système de
prétraitement des eaux usées dans sa cuisine et qu'il estimait alors,
apparemment, que cet investissement était économiquement supportable.
Il est
possible que l'engagement pris à cet égard en 1997 ait été influencé
par
l'existence d'une procédure pénale pendante, mais il n'en va pas de
même pour
l'engagement pris en 1989, cet équipement ayant alors été considéré
comme une
simple condition liée à l'autorisation de réaliser des travaux
d'agrandissement qualifiés de "peu importants" dans le jugement du
Tribunal
de police.

6.
Les autres griefs du recourant se révèlent également mal fondés.

6.1 Le recourant se prévaut de l'absence de circonstances nouvelles
depuis la
fin de l'année 1997, période à laquelle l'Office cantonal de la
police du
commerce avait renoncé à exiger l'installation d'un système de
prétraitement
des eaux usées de son établissement. Or, le SESA remarque à juste
titre, dans
sa réponse au recours de droit administratif, que cet office cantonal
agissait dans le cadre de ses compétences en matière d'octroi des
patentes
pour établissements publics et qu'il avait renoncé "pour l'instant" à
l'exigence d'un séparateur de graisses; en conséquence, il n'avait pas
introduit la procédure de retrait de la patente qui avait été
annoncée dans
ses courriers des 14 février et 6 mai 1997. Les services spécialisés
compétents pour exécuter la législation sur la protection des eaux et
pour
prononcer les mesures d'assainissement, à savoir le SEPE puis le
SESA, n'ont
jamais renoncé à exiger la pose d'un séparateur. En prenant une
nouvelle
décision, le 18 janvier 2001, le SESA a simplement renouvelé cette
exigence,
offrant ainsi au recourant une occasion de contester cette mesure
devant la
juridiction administrative.

6.2 Le recourant fait en outre valoir que si tous les autres
restaurants de
la commune de L'Abbaye sont équipés de séparateurs de graisses, il
n'en va
pas de même des deux restaurants situés dans la localité voisine du
Lieu,
pourtant également raccordés à la station d'épuration de N.________.
Le SESA
a cependant démontré qu'il poursuivait une politique systématique de
prévention des atteintes aux eaux en exigeant l'installation de
séparateurs
dans les cuisines des restaurants, notamment lors de travaux
d'agrandissement
ou de transformation. On peut donc s'attendre à ce que les deux
restaurants
mentionnés par le recourant soient soumis à cette exigence, en temps
utile,
pour autant que leur situation soit comparable à celle de
l'établissement
litigieux.

6.3 Dans un dernier moyen, le recourant se plaint d'une violation du
principe
de l'égalité de traitement, dès lors que l'installation d'un
séparateur de
graisses n'est pas imposée aux propriétaires d'immeubles locatifs
d'une
certaine importance, qui présentent un risque comparable à celui des
établissements publics s'agissant du déversement de déchets graisseux
dans
les égouts publics. Le recourant ne démontre toutefois pas qu'il
existerait,
sur le territoire de la commune de L'Abbaye, des immeubles
d'habitation dont
les eaux usées, à cause de leur teneur en graisses et huiles,
contribueraient
de manière significative à la surcharge de la station d'épuration de
N.________. Il n'y a donc pas lieu d'examiner si les mesures fondées
sur
l'art. 7 al. 2 let. b LEaux doivent aussi, le cas échéant, être
ordonnées
pour des immeubles résidentiels d'une certaine importance.

7.
Il résulte des considérants précédents que le recours de droit
administratif
doit être rejeté. En conséquence, les frais judiciaires sont mis à la
charge
du recourant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des
dépens
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Département de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud,
Service
des eaux, sols et assainissement, au Tribunal administratif du canton
de
Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du
paysage.

Lausanne, le 5 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.152/2001
Date de la décision : 05/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-05;1a.152.2001 ?
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