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04/03/2002 | SUISSE | N°4P.334/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mars 2002, 4P.334/2001


«/2»
4P.334/2001/otd

Ie C O U R C I V I L E
************************

4 mars 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz
et Favre, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

W.________, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 20 décembre 2001 par la Chambre des recours
du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le re-
courant à F.________,

représenté par Me Bernard Katz, avocat
à Lausanne;

(droit d'être entendu; déni de justice;
appréciation arbitraire des...

«/2»
4P.334/2001/otd

Ie C O U R C I V I L E
************************

4 mars 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz
et Favre, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

W.________, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 20 décembre 2001 par la Chambre des recours
du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le re-
courant à F.________, représenté par Me Bernard Katz, avocat
à Lausanne;

(droit d'être entendu; déni de justice;
appréciation arbitraire des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis le 1er avril 1986, W.________ loue des
locaux situés à Y.________, dans lesquels il exploite un
café-restaurant à l'enseigne "X.________".

Le 23 avril 1998, F.________ est devenu proprié-
taire de l'immeuble abritant les locaux loués.

Le 15 février 2001, il a sommé W.________ de ver-
ser, dans un délai de trente jours, un arriéré de loyers de
20'880 fr., correspondant aux mois de décembre 2000 à fé-
vrier 2001.

Le 30 mars 2001, F.________ a notifié à W.________
une résiliation extraordinaire de bail sur formule offi-
cielle pour l'échéance du 30 avril 2001.

B.- Le 30 avril 2001, W.________ a saisi la Commis-
sion de conciliation en matière de baux à loyer du district
de L.________ en requérant l'annulation de la résiliation du
bail, subsidiairement sa prolongation.

Le 1er mai 2001, F.________ a déposé une requête
d'expulsion auprès du Juge de paix du cercle de Y.________.

Les deux causes ont été jointes, la Commission de
conciliation se dessaisissant en faveur du Juge de paix.

Le 6 juillet 2001, ce dernier a rejeté la demande
en annulation de congé, subsidiairement sa prolongation, et
il a rendu une ordonnance d'expulsion.

Contre cette décision, W.________ a déposé un re-
cours en nullité auprès de la Chambre des recours du Tribu-
nal cantonal vaudois, demandant notamment l'octroi de l'ef-
fet suspensif.

La décision du 26 juillet 2001 par laquelle le Pré-
sident de la Chambre des recours a rejeté la requête d'effet
suspensif a été annulée par le Tribunal fédéral, le 24 sep-
tembre 2001, pour défaut de motivation.

Par arrêt du 20 décembre 2001, la Chambre des re-
cours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours en
nullité formé par W.________, confirmé l'ordonnance d'expul-
sion du 6 juillet 2001 et renvoyé la cause au Juge de paix
du cercle de Y.________ pour qu'il fixe au locataire un nou-
veau délai pour libérer les lieux.

C.- Contre cet arrêt, W.________ a interjeté, le 27
décembre 2001, un recours de droit public au Tribunal fédé-
ral, qu'il a demandé à pouvoir compléter dans le délai légal
de recours. Invoquant l'arbitraire, la violation de son
droit d'être entendu et un déni de justice, il conclut à
l'annulation de l'arrêt du 20 décembre 2001. Il requiert
également, à titre provisionnel, l'effet suspensif.

Par ordonnance du 24 janvier 2002, le Président de
la Ie Cour civile du Tribunal fédéral a accordé l'effet sus-
pensif au recours de droit public.

F.________ propose le rejet du recours. La Chambre
des recours se réfère, pour sa part, aux considérants de
l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant a demandé à pouvoir compléter son
recours dans le délai de l'art. 89 al. 1 OJ. Une telle re-
quête est superflue, dès lors qu'il était libre de fournir
au Tribunal fédéral des précisions dans le délai légal de
trente jours, possibilité qu'il n'a au demeurant pas utili-
sée. Par ailleurs, rien ne justifiait de permettre au recou-
rant, passé ce délai, de présenter un mémoire complétif en
application de l'art. 93 OJ (cf. ATF 118 Ia 305 consid. 1c
et les références citées).

2.- Parmi les griefs soulevés dans le recours en
nullité formé sur le plan cantonal, le recourant a notamment
fait valoir que l'intimé n'avait pas établi sa qualité de
titulaire du bail litigieux. La Chambre des recours n'est
pas entrée en matière sur ce point, considérant qu'il
s'agissait d'un moyen de fond qui relevait du recours en ré-
forme et ne pouvait être discuté dans le cadre d'un recours
en nullité.

Le recourant dirige son recours de droit public ex-
clusivement contre cette partie du raisonnement de l'arrêt
attaqué, invoquant à cet égard l'arbitraire, ainsi qu'une
violation de son droit d'être entendu et un déni de justice
formel.

3.- S'agissant du droit d'être entendu (art. 29 al.
2 Cst.), la motivation formulée ne répond pas aux exigences
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, selon lesquelles, dans un re-
cours de droit public, le recourant doit non seulement invo-
quer précisément le droit constitutionnel dont il entend se
prévaloir, mais doit aussi expliquer en quoi celui-ci a été
violé (ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43, III 279 consid. 1c p.
282 et les arrêts cités). En l'espèce, on ne parvient pas à
saisir de l'argumentation présentée dans quelle mesure l'au-
torité cantonale aurait violé le droit d'être entendu du re-
courant en refusant d'entrer en matière sur la question de
la qualité de bailleur de l'intimé, ce d'autant que ce refus
a été motivé. Le grief n'est donc pas recevable.

4.- Le déni de justice formel suppose qu'une auto-
rité se refuse à rendre une décision, alors qu'elle y est
obligée (ATF 124 V 130 consid. 4; 117 Ia 116 consid. 3a). En
l'occurrence, les juges cantonaux ont statué sur le recours
en nullité déposé par le recourant; ils ont examiné tous les
griefs soulevés, expliquant notamment pourquoi ils n'en-
traient pas en matière sur l'un deux, avant de rejeter le
recours et de confirmer la décision d'expulsion. On ne dis-
cerne par conséquent aucun déni de justice formel.

5.- Il reste à examiner le grief d'arbitraire.

a) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait
entrer en considération ou même qu'elle serait préférable;
le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que
lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante

le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 127 I 60 con-
sid. 5a p. 70; 126 III 438 consid. 3 p. 440). Pour qu'une
décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit
pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut
encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résul-
tat (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41, 54 consid. 2b p. 56; 125
I 166 consid. 2a).

b) Le recourant commence par perdre de vue ce der-
nier principe lorsqu'il soutient que l'arrêt attaqué con-
tient une contradiction flagrante, car l'autorité cantonale
constate que le recours est recevable, tout en refusant
d'entrer en matière sur l'un des griefs soulevés. Une telle
critique concerne uniquement la motivation et n'est pas de
nature à faire apparaître comme insoutenable le dispositif
de l'arrêt entrepris selon lequel le recours est rejeté.
Elle n'a donc pas à être examinée.

c) Le recourant reproche principalement à la Cham-
bre des recours d'avoir restreint de manière inadmissible
son pouvoir d'examen en refusant d'entrer en matière sur les
griefs concernant la qualité de bailleur de l'intimé, au mo-
tif qu'ils relevaient du droit.

Il y a notamment question de droit lorsque le juge
doit déterminer si les faits retenus en l'espèce corres-
pondent à la définition donnée et si, par conséquent, la rè-
gle a été correctement appliquée (cf. Corboz, Le recours en
réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 64). En ce
qui concerne le transfert du bail, l'art. 261 al. 1 CO pré-
voit que "si, après la conclusion du contrat, le bailleur
aliène la chose louée (...), le bail passe à l'acquéreur
avec la propriété de la chose". Dans l'hypothèse où le chan-
gement de propriétaire a lieu par voie de succession, l'art.

261 CO ne s'applique pas (Higi, Commentaire zurichois, art.
161-261a CO no 8), mais le bail passe également aux héri-
tiers ex lege en vertu de l'art. 560 CC (cf. Droit suisse du
bail à loyer, Commentaire de l'USPI, éd. 1992, art. 261-261a
CO no 6; Lachat/Micheli, Le nouveau droit du bail, 2e éd.
Lausanne 1992, p. 302; Tercier, Les contrats spéciaux, Zu-
rich 1995, no 1901). Par conséquent, s'il est établi en fait
que la propriété de l'ancien bailleur sur l'immeuble abri-
tant les locaux loués a été transférée à un tiers, à la
suite d'une vente ou d'une succession, c'est alors, sauf
circonstances spéciales, une question de droit de déterminer
si l'acquéreur en devient, ipso iure, le bailleur.

En l'occurrence, selon les faits ressortant de
l'ordonnance du Juge de paix du 6 juillet 2001 et du dossier
que la Chambre des recours avait à disposition lorsqu'elle a
statué, le bail initial, qui a débuté le 1er avril 1986, a
été conclu entre le recourant et O.________, propriétaire de
l'immeuble abritant les locaux loués. Le 23 avril 1998,
l'intimé est devenu le nouveau propriétaire de cet immeuble.
Le 15 février 2001, soit plus de deux ans après ce transfert
de propriété, celui-ci a sommé le recourant de lui verser un
arriéré de loyer de trois mois. Le recourant lui-même ne
conteste pas la réalité de ces faits, pas plus qu'il
n'invoque l'arbitraire à leur sujet ou qu'il fait état de
circonstances particulières qui auraient été omises. Il sou-
tient seulement que ces éléments, notamment le fait que
l'intimé soit devenu le propriétaire de l'immeuble en cause,
n'étaient à eux seuls pas suffisants pour en conclure que
celui-ci avait également acquis la qualité de bailleur.

Dans un tel contexte, on ne peut reprocher, sous
l'angle de l'arbitraire, à la Chambre des recours d'avoir
considéré qu'en définitive, le grief du recourant relevait

du droit. Il importe peu à cet égard qu'il y ait eu aliéna-
tion de l'immeuble en raison d'une vente ou à la suite du
décès du bailleur initial, comme le laisse entendre l'intimé
dans sa réponse, dès lors que les art. 261 al. 1 CO et 560
CC aboutissent au même résultat.

d) Il convient encore de se demander si, bien qu'il
s'agisse d'une question de droit, l'autorité cantonale ne
devait pas entrer en matière. A cet égard, le recourant sou-
tient, dans une argumentation confuse, à la limite de la re-
cevabilité (art. 90 al. 1 let. b OJ), que, comme il s'était
plaint d'un déni de justice matériel, il avait soulevé un
moyen de nullité, de sorte que la Chambre des recours ne
pouvait simplement renoncer à examiner la question de la
légitimation active de l'intimé. A ce propos, il invoque
pêle-mêle la violation arbitraire de plusieurs dispositions
cantonales de procédure.

Le recours en nullité cantonal ne permettant pas de
se plaindre d'une violation du droit fédéral (cf. art. 444
CPC vaud.), on ne voit a priori pas en quoi le refus de la
Chambre des recours d'examiner la qualité de bailleur de
l'intimé pourrait procéder d'une application arbitraire de
la procédure cantonale. Il n'y a toutefois pas lieu d'entrer
plus en détail sur ce point, dès lors que la position adop-
tée par la Chambre des recours n'est pas de nature à modi-
fier le résultat de l'arrêt entrepris, ce qui suffit à ex-
clure une violation de l'art. 9 Cst. (cf. supra let. a in
fine). En effet, selon les éléments retenus, à propos des-
quels il convient de rappeler que le recourant n'invoque pas
l'arbitraire pas plus qu'il ne fait état de circonstances
particulières qui auraient été omises, l'intimé a acquis la
propriété de l'immeuble abritant les locaux loués du bail-
leur initial. Puis, pendant plus de deux ans, il a encaissé

les loyers versés par le recourant. En outre, il a adressé
une sommation à celui-ci pour non paiement des loyers et lui
a notifié une résiliation extraordinaire du bail, sans qu'il
ressorte des faits que le locataire ait alors contesté sa
qualité de bailleur. Au contraire, le recourant a assigné
l'intimé devant la Commission de conciliation en matière de
baux à loyer, le 30 avril 2001, pour demander l'annulation
de la résiliation du bail, subsidiairement sa prolongation.
Il découle de ces circonstances que l'intimé est bien devenu
le bailleur du recourant en vertu de l'art. 261 al. 1 CO ou
de l'art. 560 CC, comme le confirme clairement le comporte-
ment des parties. Par conséquent, si la Chambre des recours
était entrée en matière, elle n'aurait pu, en application du
droit fédéral, que parvenir à cette conclusion, ce qui l'au-
rait conduit à prononcer le même dispositif que celui figu-
rant dans l'arrêt entrepris.

Il en résulte que le recours de droit public doit
être rejeté dans la mesure où il est recevable.

6.- Les frais et dépens seront mis à la charge du
recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Dit que le recourant versera à l'intimé une in-
demnité de 4'000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois, ainsi qu'au Juge de paix.

_____________

Lausanne, le 4 mars 2002
ABY/otd

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.334/2001
Date de la décision : 04/03/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-04;4p.334.2001 ?
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