La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2002 | SUISSE | N°1P.745/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mars 2002, 1P.745/2001


{T 0/2}
1P.745/2001/col

Arrêt du 4 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

N.________, recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, rue
de la
Fontaine 9, case postale 3781, 1211 Genève 3,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambr

e pénale, place du
Bourg-de-Four
1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 & 32 Cst.; procédure pénale

(recou...

{T 0/2}
1P.745/2001/col

Arrêt du 4 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

N.________, recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat, rue
de la
Fontaine 9, case postale 3781, 1211 Genève 3,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, place du
Bourg-de-Four
1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 & 32 Cst.; procédure pénale

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la
Cour de
justice du canton de Genève du 22 octobre 2001)
Faits:

A.
Par jugement du 3 juillet 2001, le Tribunal de police du canton de
Genève a
reconnu N.________ coupable d'infraction à l'art. 19 ch. 1 et ch. 2
let. c de
la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) pour avoir, du mois de
février au
15 juin 2000, vendu des sachets de chanvre aux clients du magasin
spécialisé
qu'il exploitait au Lignon, à l'enseigne "X.________", en réalisant
de la
sorte un chiffre d'affaires important pouvant être estimé à plus de
80'000
fr. pour les seuls mois de février et de mars. Prenant en
considération le
fait que l'accusé s'était cru autorisé à agir en tant que précurseur
d'une
révision de la législation sur les stupéfiants et qu'il avait cherché
à
éviter de vendre de la drogue à des mineurs, le tribunal l'a condamné
à
quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans ainsi
qu'aux frais
de la cause. Il a en revanche acquitté le frère de l'accusé,
O.________, au
bénéfice du doute.

B.
Statuant par arrêt du 22 octobre 2001 sur appels du condamné et du
Procureur
général du canton de Genève, la Chambre pénale de la Cour de justice
du
canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale ou la cour cantonale) a
annulé
ce jugement, s'agissant de N.________; elle a reconnu ce dernier
coupable
d'infraction à l'art. 19 ch. 1 et 2 let. c LStup et l'a condamné à la
peine
de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans; elle a
révoqué le sursis accordé le 27 septembre 1999 par la Cour de justice
relatif
à une peine de quatre mois d'emprisonnement.
Les juges ont considéré que N.________ savait que les clients de son
magasin
achetaient les sachets de cannabis avec l'intention de fumer ce
produit et
qu'il s'était ainsi rendu coupable d'infraction à l'art. 19 ch. 1
LStup. Se
fondant sur les constatations de la police, admises dans l'ensemble
par
l'appelant et par son frère, ils ont estimé que le chiffre d'affaires
provenant de la vente de sachets de chanvre s'était élevé à plus de
80'000
fr. pour les seuls mois de février et mars 2000 et que l'accusé avait
poursuivi l'exploitation de son commerce jusqu'en juin 2000 après la
première
intervention policière du 22 mars 2000. Ils ont ainsi retenu que
N.________
avait retiré un chiffre d'affaires d'au moins 100'000 fr. durant le
premier
semestre de l'année 2000, qui lui avait permis de rembourser des
dettes
envers des tiers à concurrence de 40'000 fr., réalisant ainsi la
circonstance
aggravante du métier prévue à l'art. 19 ch. 2 let. c LStup. Ils ont
par
ailleurs exclu toute atténuation de la peine pour les motifs retenus
par les
premiers juges.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des
art. 9 et
32 Cst., N.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
et de
renvoyer la cause à la Chambre pénale pour qu'elle statue dans le
sens des
considérants. Il reproche à cette dernière autorité d'avoir apprécié
les
faits d'une manière arbitraire et d'avoir violé le principe de la
présomption
d'innocence en retenant à son encontre la circonstance aggravante du
métier
de l'art. 19 ch. 2 let. c LStup. Il requiert l'assistance judiciaire.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Procureur
général du canton de Genève conclut au rejet du recours dans la
mesure où il
est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral n'est
pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves
et des
constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p.
83) ou
pour invoquer la violation directe d'un droit constitutionnel ou
conventionnel, tel que la présomption d'innocence consacrée aux art.
32 al. 1
Cst. et 6 § 2 CEDH (ATF 120 Ia 31 consid. 2b p. 35/36). Au vu des
arguments
soulevés, seul le recours de droit public est ouvert en l'occurrence.
Le recourant est directement touché par l'arrêt attaqué qui le
condamne à
dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans et qui
révoque le
sursis accordé à une précédente peine de quatre mois
d'emprisonnement; il a
un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cet
arrêt soit
annulé et a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ.
Interjeté en
temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale
(cf. art. 339 al. 1 let. d du Code de procédure pénale genevois), le
recours
répond au surplus aux réquisits des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Les
conclusions allant au-delà de l'annulation pure et simple de l'arrêt
attaqué
sont irrecevables.

2.
Invoquant les art. 9 et 32 al. 1 Cst., le recourant se plaint d'une
violation
de l'interdiction de l'arbitraire et de la maxime "in dubio pro reo"
découlant de la présomption d'innocence. Il fait grief à la Chambre
pénale
d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves en retenant
que son
chiffre d'affaires s'était élevé à 80'000 fr. pour les mois de
février et
mars 2000, alors que selon lui il avait été de 69'326 fr. au maximum
pendant
cette période. Les juges auraient également retenu à tort qu'il avait
continué la poursuite de son commerce illicite de mars à juin 2000 et
qu'il
avait obtenu pendant l'ensemble de la période incriminée un chiffre
d'affaires de 100'000 fr. au moins. Une telle appréciation arbitraire
des
preuves aurait amené la cour cantonale à retenir de manière erronée la
circonstance aggravante du métier.

2.1 En tant qu'elle a trait à la constatation des faits et à
l'appréciation
des preuves, la maxime "in dubio pro reo" est violée lorsque
l'appréciation
objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un
doute
insurmontable sur la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a
p. 41;
124 IV 86 consid. 2a p. 88). Elle n'a toutefois pas de portée propre
lorsque,
comme en l'espèce, elle est invoquée cumulativement avec
l'interdiction de
l'arbitraire dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid.
2e p. 31;
118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Saisi d'un recours de droit public
mettant en
cause l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral examine
seulement si le
juge cantonal a outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les
faits de
manière arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid.
4 p.
211). Une constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule
raison que
la version retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'une ou
l'autre
des parties; encore faut-il que l'appréciation des preuves soit
manifestement
insoutenable, en contradiction flagrante avec la situation effective,
constitue la violation d'une règle de droit ou d'un principe
juridique clair
et indiscuté ou encore qu'elle heurte de façon grossière le sentiment
de la
justice et de l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Enfin, il ne
suffit
pas que la décision attaquée soit fondée sur une motivation
insoutenable; il
faut encore qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 38
consid.
2a p. 41, 54 consid. 2b p. 56); ainsi, pour être qualifiée
d'arbitraire, une
appréciation erronée des preuves doit influer sur le jugement ou,
autrement
dit, porter sur des faits pertinents pour juger de la culpabilité du
prévenu
ou de l'accusé (cf. ATF 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505 et les arrêts
cités).

2.2 En l'occurrence, le recourant admet avoir exploité un commerce
illicite
de stupéfiants par lequel il a obtenu un chiffre d'affaires de 69'326
fr.
pour la période de février à mars 2000; il ne conteste pas s'être
acquitté
d'un montant de 40'000 fr. auprès de l'Office des poursuites au cours
de
cette période, montant qu'il reconnaît avoir pu verser en raison de
la bonne
marche dudit commerce et qui peut dès lors sans arbitraire être
considéré
comme le bénéfice de son entreprise. L'ampleur du chiffre d'affaires
et du
bénéfice net que le recourant reconnaît avoir réalisés par la vente de
sachets de chanvre en deux mois répond ainsi déjà aux conditions
posées par
le législateur pour admettre l'existence d'un cas grave au sens de
l'art. 19
ch. 2 let. c LStup (ATF 117 IV 63 consid. 2a et 2b p. 65/66). En tant
qu'il a
trait au montant du chiffre d'affaires retenu par l'autorité intimée,
le
grief d'arbitraire porte en conséquence sur un fait qui n'est pas
pertinent
pour juger de la culpabilité du recourant du chef de l'art. 19 ch. 2
let. c
LStup. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si c'est à tort
que la
cour cantonale a retenu un chiffre d'affaires d'au moins 100'000 fr.
pour le
premier semestre 2000 plutôt qu'un chiffre d'affaires de 69'326 fr.
sur deux
mois, comme le prétend le recourant.

3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les
conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il y a lieu de
donner suite
à la demande d'assistance judiciaire présentée par le recourant et de
statuer
sans frais. Il convient en outre de désigner Me Olivier Boillat comme
avocat
d'office de N.________ pour la présente procédure et de lui allouer
une
indemnité à titre d'honoraires (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Olivier Boillat est désigné comme avocat d'office du recourant et
une
indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer
par la
caisse du Tribunal fédéral.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice du
canton de
Genève.

Lausanne, le 4 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.745/2001
Date de la décision : 04/03/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-03-04;1p.745.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award