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28/02/2002 | SUISSE | N°4P.317/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 février 2002, 4P.317/2001


«/2»

4P.317/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges. Greffière:
Mme de Montmollin.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représentée par Me Marc-Antoine Aubert, avocat à
Lausanne,

contre

la décision prise le 9 octobre 2001 par la Commission de
taxation des honoraires d'avocat du canton

de Genève dans la
cause qui oppose la recourante à Z.________;

(modération d'honoraires; activité de l'avocat)

Vu les...

«/2»

4P.317/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges. Greffière:
Mme de Montmollin.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représentée par Me Marc-Antoine Aubert, avocat à
Lausanne,

contre

la décision prise le 9 octobre 2001 par la Commission de
taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève dans la
cause qui oppose la recourante à Z.________;

(modération d'honoraires; activité de l'avocat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 29 novembre 2000, A.________ a été licencié
avec effet immédiat pour justes motifs. Son employeur
invoquait qu'il avait eu un comportement relevant du
harcèlement sexuel à l'égard de plusieurs de ses collabora-
trices. A.________ a mandaté Me Z.________ pour combattre
cette résiliation qu'il estime injustifiée et notifiée en
temps inopportun. Son assurance de protection juridique,
X.________, a accepté de couvrir les frais d'intervention de
Me Z.________ devant les prud'hommes, en limitant sa partici-
pation au paiement des honoraires de l'avocate pour la
procédure de première instance, à concurrence de 350 fr. par
heure de travail. Le solde du tarif horaire habituel de Me
Z.________ (500 fr.) serait acquitté directement par le
travailleur licencié.

L'avocate a déposé devant le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève une demande de 17 pages,
accompagnée d'un bordereau de 35 pièces, tendant au paiement
de 78 340 fr. au total. Une première audience a eu lieu le 3
juillet 2001, et 6 nouvelles audiences d'audition de témoins
ont été fixées entre le 14 août et le 2 octobre 2001.

L'employeur a déposé devant le Tribunal de première
instance une requête de mesures provisionnelles tendant à
obtenir le respect d'une clause de prohibition de concurren-
ce. X.________ a considéré cette procédure comme une exten-
sion du litige et a accepté de couvrir les honoraires de
l'avocate dans les mêmes termes, à concurrence de 350 fr.
l'heure. Par ordonnance du 19 juin 2001, le tribunal a
rejeté
la requête. Cette décision est définitive, en l'absence d'ap-
pel de l'employeur.

B.- Me Z.________ a adressé à la recourante et à
son client, pour ses prestations du 23 janvier au 2 mai
2001,
une note de frais et honoraires qui s'élève à 23 801 fr.95,
la part à la charge de X.________ étant de 16 661 fr.35, et
celle de A.________ de 7 140 fr.60. Celui-ci a payé, alors
que celle-là a contesté la facture, en alléguant que le
nombre d'heures consacrées à ce dossier ne se trouvait pas
dans un rapport raisonnable avec la cause, qualifiée d'ordi-
naire.

Du relevé des opérations effectuées, portant sur un
total de 51,81 h., il résulte que 4 avocats de l'étude sont
intervenus, soit deux associés, Me Z.________ et Me
Y.________, au tarif horaire de 500 fr., une collaboratrice,
Me W.________, au tarif de 300 fr., et une avocate
stagiaire,
Me D.________, au tarif de 200 fr. l'heure.

C.- Le 20 août 2001, Me Z.________ a saisi la Com-
mission de taxation des honoraires d'avocat du canton de
Genève (ci-après: la Commission) d'une demande de taxation
de
sa note d'honoraires.

Par décision du 9 octobre 2001, la Commission a
confirmé la note de frais et honoraires de Me Z.________.

D.- X.________ interjette un recours de droit
public contre la décision du 9 octobre 2001, dont elle deman-
de l'annulation.

L'intimée s'en rapporte à justice; la Commission se
réfère aux considérants de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision
qui arrête, en dernière instance cantonale et en application
du droit cantonal (art. 44 al. 2 de la Loi genevoise sur la
profession d'avocat du 15 mars 1985; ci-après: LPAv/GE), des
honoraires d'avocat (ATF 93 I 116 consid. 1 p. 120 et les
arrêts cités), le présent recours est recevable au regard
des
art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

Dans la mesure où la recourante supporte 70% de la
note d'honoraires de l'avocate, elle a un intérêt direct et
personnel à ce que la facture soit correctement établie et
déterminée sur la base des art. 40 ss LPAv/GE, ce qui lui
confère la qualité pour recourir en application de l'art. 88
OJ, la forme légale prévue (art. 90 al. 1 OJ) étant au de-
meurant respectée. Le recours est en conséquence recevable.

2.- La recourante reproche à la Commission d'avoir
arbitrairement renoncé à modérer la note de frais et honorai-
res de l'avocate, notamment en omettant certains éléments
tirés du "time sheet".

3.- Conformément au principe déduit de l'art. 9
Cst. - précédemment de l'art. 4 aCst. -, la rémunération de
l'avocat doit demeurer dans un rapport raisonnable avec la
prestation fournie et ne doit pas contredire d'une manière
grossière le sentiment de la justice (ATF 93 I 116 consid. 5
et les arrêts cités, p. 122/123). Selon l'art. 40 LPAv/GE,
les honoraires sont, sous réserve des décisions de la Com-
mission, fixés par l'avocat lui-même, compte tenu du travail
qu'il a effectué, de la complexité et de l'importance de
l'affaire, de la responsabilité qu'il a assumée, du résultat
obtenu et de la situation du client.

Dans son rapport raisonnable avec la prestation of-
ferte, la rémunération ne doit pas rendre onéreux à l'excès
le recours à l'avocat qui, s'il n'est pas exigé par la loi,
est nécessaire en fait pour presque tous les justiciables,
peu familiarisés avec les règles de la procédure (ATF 93 I
116 consid. 5a p. 122 déjà cité). A Genève, les avocats
établissent leurs notes selon leur appréciation, sans être
liés à un tarif, ce qui rend d'autant plus importante la
censure de la Commission, dont la décision ne sera annulée
que si le montant global alloué à l'avocat apparaît comme
ayant été fixé de manière arbitraire (sur la notion d'arbi-
traire: cf. ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 I 60 consid.
5a p. 70). Le Tribunal fédéral n'intervient donc que si la
Commission a abusé de son large pouvoir d'appréciation ou si
elle l'a excédé; il en est ainsi lorsque la décision repose
sur une appréciation insoutenable des circonstances, qu'elle
est inconciliable avec les règles du droit et de l'équité,
qu'elle omet de tenir compte de tous les éléments de fait
propres à fonder la décision, ou encore lorsqu'elle prend au
contraire en considération des circonstances qui ne sont pas
pertinentes.

En l'absence d'un tarif, l'autorité de modération
apprécie le montant des honoraires en tenant compte, dans
chaque cas concret, de tous les éléments nécessaires à la
décision (Claude Rouiller, La protection de l'individu
contre
l'arbitraire de l'Etat, in RDS 106/1987 II p. 324/325), au
nombre desquels figure également la valeur litigieuse (ATF
117 II 282 consid. 4c p. 284). Cette valeur est généralement
un critère essentiel, s'agissant de rechercher l'existence
d'une éventuelle disproportion manifeste entre les services
rendus par l'avocat et le montant de sa rémunération.

4.- Le premier grief de la recourante concerne les
recherches de jurisprudence facturées par l'avocate. La so-
ciété d'assurances estime que les constatations de la Commis-

sion sur le temps consacré à celles-ci sont fausses et incom-
plètes.

Le moyen apparaît bien fondé. L'autorité cantonale
a retenu que les recherches ont été effectuées essentielle-
ment par une avocate stagiaire, qui y a consacré 2 h.30, ce
qui n'était pas disproportionné au vu de l'importance de la
cause et des questions juridiques posées. Il ressort cepen-
dant du dossier, et plus précisément des prestations citées
dans la facture n° 0100143 ("time sheet"), qu'en plus de
l'intervention de l'avocate stagiaire, l'intimée a consacré,
le 24 janvier 2001, 3 h. à l'examen approfondi du cas, avec
la jurisprudence récente, ainsi qu'à des instructions de
recherches à l'avocate stagiaire et à l'étude de sa note sur
la notion de justes motifs de résiliation immédiate du con-
trat de travail. Le 16 mars 2001, une collaboratrice de
l'étude a affecté 3 heures d'une part à la rédaction de la
partie en droit de l'action en paiement, d'autre part à la
recherche sur la résiliation injustifiée en temps
inopportun,
ainsi qu'à la rédaction d'une note interne à un autre
associé
de l'étude. Le 3 avril 2001, la collaboratrice a passé une
demi-heure pour une recherche sur la compétence du Tribunal
de première instance en matière de mesures provisionnelles
alors qu'une demande est pendante devant le Tribunal des
prud'hommes. Le lendemain, la même collaboratrice a traité
de
la question des vacances de l'employé licencié, pendant
2 h.1/2, utilisant une partie de ce temps à une recherche
sur
la réduction du droit aux vacances en cas d'incapacité de
travail. Le 5 avril 2001, un associé a pris 3 heures pour
préparer des notes de plaidoirie en réponse à la requête de
mesures provisionnelles urgentes concernant la clause de
prohibition de concurrence. A cette occasion, il a fait des
recherches juridiques approfondies sous l'angle de la vali-
dité et/ou de la caducité de cette clause, de même que d'au-
tres recherches au sujet des conditions cumulatives pour
l'obtention de mesures provisionnelles urgentes.

Ainsi, à l'examen même de la liste des prestations
facturées, les recherches juridiques constituent une partie
importante des 12 h. de travail accomplies dans ce contexte.
En considérant que "des recherches de jurisprudence de
2 h.30, effectuées de surcroît par une stagiaire, n'apparais-
sent pas disproportionnées au vu de l'importance de la cause
et des questions juridiques posées", la Commission a
apprécié
l'état de fait résultant de la preuve documentaire ("time
sheet", facture n° 0100143) en contradiction flagrante avec
la situation effective, outrepassant son pouvoir d'apprécia-
tion de manière arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41;
124 I 208 consid. 4 p. 211; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30).
Partant de telles prémisses erronées et ne distinguant pas
entre les recherches juridiques et les autres tâches effec-
tuées par la mandataire, son associé et ses collaborateurs,
qui doivent, dans leur ensemble, respecter le rapport rai-
sonnable entre la prestation fournie et la rémunération
demandée (ATF 93 I 116 consid. 5a et les références, p. 122
déjà citées), la Commission a versé dans l'arbitraire.

Sa décision ne sera toutefois annulée que si elle
se révèle également arbitraire dans son résultat.

5.- La recourante reproche ensuite à la Commission
d'avoir arbitrairement retenu que le partage du travail
avait
été opéré de manière rationnelle au sein de l'étude dont
l'avocate intimée est une associée.

Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de
le relever (ATF 124 III 363 consid. II/2b p. 365), la rela-
tion personnelle entre l'avocat et son client tend
aujourd'hui à perdre de son importance, de sorte que le rap-
port est dépersonnalisé; l'avocat de confiance individuel
est
remplacé - du moins dans les cas complexes - par une équipe
d'avocats où chaque spécialiste contribue à la solution
d'une
partie du problème. Sous l'angle de la responsabilité con-

tractuelle, il faut distinguer si le mandat s'adresse à une
société d'avocats ou si le mandat est individuel, par
exemple
lorsque des liens particuliers d'amitié et de confiance
existent entre les deux parties ou lorsqu'un avocat est
chargé personnellement d'une expertise en raison de ses con-
naissances professionnelles particulières (ATF 124 III 363
consid. II/2d p. 368).

A juste titre, l'autorité cantonale a estimé que le
mandat avait été donné à Me Z.________, qui avait ensuite
confié, sous sa responsabilité, des travaux de recherche et
de rédaction à une stagiaire et à une collaboratrice, soit à
des auxiliaires se trouvant sous son autorité et sa surveil-
lance, ce que l'art. 398 al. 3 CO ne prohibe pas, en raison
de la structure de l'étude d'avocats considérée et de l'ab-
sence d'opposition du mandant et de son assurance de protec-
tion juridique (Rolf H. Weber, Commentaire bâlois, n°s 3 et
4
ad art. 398 CO). La question est plus délicate, s'agissant
de
l'intervention d'un autre associé de l'étude, hypothèse dans
laquelle il convient de voir davantage un cas de
substitution
autorisée de mandataires, respectant les limites du mandat
principal et réalisée tout autant dans l'intérêt de l'avoca-
te, pour accroître sa capacité professionnelle, que surtout
du mandant, dans l'intérêt de sa défense par un spécialiste
(Rolf H. Weber, op. cit., n° 6 ad art. 398 CO; n° 3 ad art.
399 CO). Sous l'angle de la taxation d'honoraires, cette
situation, qui peut entraîner une duplication du travail, ne
doit pas aboutir à une surfacturation ne respectant pas le
rapport raisonnable avec la prestation fournie et la respon-
sabilité encourue.

A cet égard, la recourante se plaint, en se réfé-
rant à la feuille de vacation, que le travail rédactionnel
pour la demande en paiement devant le Tribunal des
prud'hommes a été effectué, pratiquement, pour moitié par la
collaboratrice de l'étude, ainsi que par l'autre associé. Il

ressort en effet de la liste des prestations faites du 9
mars
au 4 avril 2001 que la collaboratrice a consacré à la rédac-
tion de la demande en paiement environ 14 h., et l'autre as-
socié 13,83 h à peu près. Ce temps représente en tout la
somme de 11 115 fr., après application des tarifs respectifs
des deux intervenants, pour un mémoire de 17 pages déposé
devant le Tribunal de prud'hommes, qui applique la maxime
d'office et, à titre supplétif, les dispositions
générales
de
la loi de procédure civile, dans la mesure compatible avec
les exigences de simplicité et de rapidité propres à la pro-
cédure se déroulant devant cette juridiction (art. 11 et 29
de la Loi genevoise sur la juridiction des prud'hommes du 25
février 1999).

L'examen de la feuille de vacation ne montre pas
que l'associé en question ait donné des instructions spécifi-
ques sur un point précis, exercé une surveillance sur le
travail de la collaboratrice, ou procédé à des corrections
de
ce dernier, toutes interventions qui, par nature, sont plus
brèves que les 13 h. affectées à la "préparation de la deman-
de" ou "suite de la préparation de la demande en paiement".
La seule mention, dans l'activité de la collaboratrice, le
19
mars 2001, d'une discussion avec l'associé sur le premier
projet de mémoire, d'une durée de 1 h., ne permet pas de ren-
verser ces constatations.

En estimant que "l'examen du time sheet dans le cas
d'espèce permet de conclure que le travail exécuté par les
différents membres de l'étude de Me Z.________ correspond à
une utilisation rationnelle des ressources humaines et des
expériences disponibles", la Commission livre une motivation
générale et abstraite, qui pourrait encourir le reproche
d'être stéréotypée, et qui ne révèle pas en quoi et dans
quelle mesure elle aurait tenu compte des tâches rédaction-
nelles pour apprécier le montant de la note d'honoraires li-
tigieuse. En particulier, l'autorité cantonale, si elle re-

connaît de façon toute générale une certaine duplication du
travail inhérente au fait de confier un mandat à une étude
comportant plusieurs associés et collaborateurs, n'indique
pas si la même prestation a été facturée deux fois (soit la
rédaction de la demande). Que le pouvoir d'examen du
Tribunal
fédéral soit limité à l'interdiction de l'arbitraire, et
donc
à l'appréciation globale du résultat final de la décision de
l'autorité de modération, n'autorise pas cette dernière, ins-
tance unique au plan cantonal, à se borner à des considéra-
tions générales, sans étudier le détail des prestations de
l'avocat - et de son étude -, qui doivent respecter le rap-
port raisonnable avec la rémunération demandée, conformément
à la jurisprudence.

Dans le cas présent, la Commission a versé dans
l'arbitraire en se fondant sur des éléments très lacunaires
du dossier, pour en tirer la conclusion qu'elle avance,
d'une
utilisation rationnelle des ressources humaines et des expé-
riences disponibles au sein de l'étude considérée, sans ap-
puyer son raisonnement sur l'ensemble des faits établis, qui
sont de nature à modifier fondamentalement l'appréciation re-
tenue.

6.- Il n'est en l'espèce pas contesté que, des 6
critères énoncés à l'art. 40 LPAv/GE, seuls entrent en ligne
de compte le travail effectué, la complexité de l'affaire,
son importance et la responsabilité assumée par l'avocat. La
Commission a considéré, à juste titre, que la cause n'était
pas d'une complexité particulière. Elle a cependant retenu
qu'elle sortait de l'ordinaire en raison de l'accusation de
harcèlement sexuel ayant motivé le congé, qui pourrait en-
traîner des "conséquences dramatiques" augmentant d'autant
la
responsabilité de l'avocat mandaté et faisant apparaître les
51,8 h. consacrées à ce dossier, sur cinq mois, comme demeu-
rant "dans un rapport raisonnable avec la cause, compte tenu
des critères" appliqués.

Dans la relation entre l'avocat et le client, ce
dernier doit pouvoir présumer que son mandataire connaît les
lois déterminantes, la jurisprudence publiée des cours supé-
rieures et la doctrine généralement invoquée. De son côté,
l'avocat ne doit accepter des mandats que dans les domaines
juridiques qu'il connaît ou pour lesquels il peut disposer,
dans un délai raisonnable, des notions nécessaires. Lorsque
des connaissances particulières sont indispensables, le pra-
ticien doit, suivant les circonstances, s'entourer des
conseils d'un spécialiste, duquel il peut exiger des connais-
sances beaucoup plus approfondies que les siennes (ATF 117
II
563 consid. 2a in initio, p. 566; Fellmann, Commentaire ber-
nois, n° 409 et 410 ad art. 398 CO). De façon plus générale,
la qualité des services que le mandant peut attendre de
l'avocat dépend des circonstances et du degré des
difficultés
auxquelles il est confronté (Engel, Contrats de droit
suisse,
2e éd., p. 490).

L'avocat est tenu envers son mandant par son devoir
de diligence et de fidélité dont la violation, qui causerait
un dommage à ce dernier, entraînerait pour lui une
obligation
de réparation. Il n'a pas à garantir le résultat de son acti-
vité, mais son exercice conformément aux règles de l'art.
L'avocat n'assume pas la responsabilité des risques spécifi-
ques qui sont liés à la formation et à l'exécution d'une opi-
nion juridique. Il exerce une activité qui comporte un cer-
tain risque, dont il doit être tenu compte sous l'angle de
la
responsabilité civile. En particulier, on rappellera que
l'avocat ne répond pas de chaque mesure ou de chaque manque-
ment propres à éviter ou à causer le dommage, tel que ce der-
nier serait considéré après coup. Le risque du procès
incombe
aux parties, qui ne peuvent pas le transférer sur la respon-
sabilité de l'avocat (ATF 127 III 357 consid. 1b et les ar-
rêts cités, p. 359). Comme n'importe quel autre mandataire,

l'avocat répond en principe de toute faute; sa
responsabilité
est donc aussi envisagée pour une faute légère (ATF 117 II
563 consid. 2a in fine p. 567 et les références).

Dans ces conditions, l'autorité cantonale ne pou-
vait introduire des différences dans l'accomplissement de
son
mandat par le mandataire, pour ce qui est de la diligence
due
et du devoir de fidélité, en fonction du domaine juridique
dans lequel ce dernier intervenait (droit des obligations et
droit pénal), ou en fonction de la position de la partie
dans
le procès (demanderesse ou défenderesse).

Il est exact que dans le cadre du procès portant
sur le licenciement de l'assuré de la recourante, et sur son
obligation de résister à une requête visant à obtenir l'exé-
cution provisoire d'une clause de non-concurrence, la situa-
tion de l'ex-employé - qui pourrait être menacé dans son
existence économique, et dont l'atteinte à l'honneur ou à la
vie familiale que représentent les accusations lancées
contre
lui augmentent l'intérêt à une issue favorable du procès -
est plus grave que celle de l'ancien employeur confronté à
une prétention uniquement pécuniaire, en l'espèce de
78 340 fr. 70. Il est dès lors possible que ce mandat impli-
que un engagement et une disponibilité plus grands de la
part
de l'avocat que celui confié par l'ex-employeur à son propre
conseil. Par contre, sous l'angle de l'exécution du contrat
de mandat, les obligations sont les mêmes, et la diligence
due semblable. En particulier, la Commission ne pouvait
considérer ce mandat comme "(sortant) de l'ordinaire",
s'agissant d'une demande en paiement interjetée devant le
Tribunal de prud'hommes, appliquant d'office une procédure
simple et peu formaliste. Il en va de même de la réponse à
une requête de mesures provisionnelles, suivant la procédure
sommaire.

En appréciant de telle façon les faits, et en ti-
rant des conclusions juridiques si éloignées de celles que
permettait le dossier cantonal, la Commission est tombée
dans
l'arbitraire.

7.- Au moment où elle a statué, l'autorité de modé-
ration était saisie d'une première note de frais et honorai-
res couvrant le début de l'intervention de la mandataire, et
de ses auxiliaires, ascendant à 23 801 fr.95, alors que la
valeur litigieuse est de 78 340 fr.70. A ce stade, il
n'était
pas encore possible de dire s'il existait une disproportion
entre la facture et la valeur litigieuse, mais la Commission
pouvait néanmoins constater que la note représentait légère-
ment plus du 30% de cette valeur, alors que le procès venait
d'être introduit devant la juridiction des prud'hommes en
première instance, et que l'assuré de la recourante avait
obtenu gain de cause grâce à l'activité de son mandataire
pour la question de la clause de non-concurrence. Au vu de
l'ensemble des circonstances, il y avait là un indice d'un
risque que le rapport raisonnable exigé entre la prestation
fournie et la rémunération de l'avocat ne soit, à terme, pas
respecté, ce qui devait pousser la Commission à un examen dé-
taillé du cas, plutôt qu'à se restreindre à des considéra-
tions d'ordre général.

8.- En résumé, la décision attaquée est motivée de
façon arbitraire à plus d'un titre; comme elle est de sur-
croît insoutenable dans son résultat, elle doit être annulée.

La procédure est ainsi replacée dans la situation
où elle se trouvait avant que la décision ne soit rendue,
étant précisé que la Commission pourra prendre en considéra-
tion le montant prévisible des frais d'avocat au stade
actuel
de la procédure devant le Tribunal de prud'hommes, indépen-
damment d'une éventuelle demande de taxation des honoraires
portant sur la deuxième facture de novembre 2001.

9.- Vu l'issue du litige, l'intimée supportera les
frais de justice et versera une indemnité de dépens à la re-
courante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule la décision attaquée;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimée;

3. Dit que l'intimée versera à la recourante une
indemnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Commission de taxation des hono-
raires d'avocat du canton de Genève.

________

Lausanne, le 28 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.317/2001
Date de la décision : 28/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-28;4p.317.2001 ?
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