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28/02/2002 | SUISSE | N°4C.351/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 février 2002, 4C.351/2001


«/2»

4C.351/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges. Greffier:
M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. A.________ S.A., demanderesse et recourante,
2. B.________ S.A., demanderesse et recourante,
toutes deux représentées par Mes Antoine Zen Ruffinen et
Stéphane Riand, avocats à Sion,

et

1. R._______

_, défendeur et intimé, représenté par Me Thierry
Roduit, avocat à Fully,
2. C.________ S.A., défenderesse et intimée,
3. D....

«/2»

4C.351/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges. Greffier:
M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. A.________ S.A., demanderesse et recourante,
2. B.________ S.A., demanderesse et recourante,
toutes deux représentées par Mes Antoine Zen Ruffinen et
Stéphane Riand, avocats à Sion,

et

1. R.________, défendeur et intimé, représenté par Me Thierry
Roduit, avocat à Fully,
2. C.________ S.A., défenderesse et intimée,
3. D.________ S.A. en liquidation, défenderesse et intimée,
4. E.________, défendeur et intimé, les trois derniers repré-
sentés par Me Aba Neeman, avocat à Monthey;

(responsabilité des fondateurs, administrateurs et
réviseurs;
causalité; dommage; surendettement)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1991, R.________ a décidé de transformer en
société anonyme son entreprise individuelle de location
d'échafaudages. Les sociétés A.________ S.A. et B.________
S.A. ont accepté d'investir dans cette nouvelle société.

L'assemblée générale constitutive de Z.________
S.A. a été tenue le 28 février 1992. Il a été convenu que le
capital-actions était composé de 400 actions d'une valeur
nominale de 1000 fr. chacune. Les actionnaires étaient
R.________ pour 300 actions, X.________ S.A. (devenue par la
suite C.________ S.A.) pour 50 actions et E.________ pour 50
actions. R.________ et E.________ ont été nommés administra-
teurs. Les comptes de la société devaient être tenus par
X.________ S.A., dont l'administrateur-directeur était
E.________. La société D.________ S.A. (en liquidation
depuis
le 10 février 1998) a été désignée comme organe de contrôle.
L'acte authentique précise que le capital social a été entiè-
rement libéré en espèces. En réalité, l'attestation de l'Of-
fice de consignation a été obtenue grâce à deux versements,
de 200 000 fr. chacun, provenant respectivement de
A.________
S.A. et de B.________ S.A., versements qui ont été
considérés
par la société, pour l'essentiel, comme des prêts. Le
capital
social a été libéré en espèces à concurrence de 100 000 fr.
prélevés sur les montants avancés par A.________ S.A. et
B.________ S.A.; pour le reste (300 000 fr.), il a été
libéré
en nature par R.________, qui a apporté partiellement son
entreprise individuelle. Il n'est pas établi que cet apport
en nature ait eu une valeur inférieure à 300 000 fr.

Après la fondation, les actions ont partiellement
changé de mains.

A la fin de l'exercice 1992, les comptes ont révélé
une perte de 4421 fr.40. La perte aurait été plus importante
encore si le conseil d'administration n'avait pas fait
porter
dans les comptes, à l'actif, 50 000 fr. représentant les
frais liés à un processus industriel et 125 000 fr. pour du
matériel d'échafaudages acquis sous forme de leasing et s'il
avait amorti correctement le matériel d'échafaudages par
58 946 fr. au minimum, et non pas 9297 fr. Il a été retenu
que la société n'était alors pas surendettée.

La situation s'est encore dégradée en 1993. Après
avoir pris connaissance du résultat provisoire au 31
décembre
1993 révélant une perte de 366 855 fr., E.________ a estimé
que la situation était désespérée. Les comptes de la société
à cette date n'ont dès lors pas été clôturés et l'organe de
révision n'a pas établi de rapport pour cet exercice. En
séance du 21 février 1994, le conseil d'administration a
décidé d'informer le juge du surendettement de la société
Z.________ S.A., ce qui a été fait le lendemain 22 février;
la faillite a été prononcée le 23 février 1994, révélant un
découvert de 3,5 millions de francs.

Selon un rapport d'expertise, la cause de la fail-
lite résulte principalement dans la très forte diminution du
chiffre d'affaires en 1993.

B.- Le 30 janvier 1995, A.________ S.A. et
B.________ S.A., agissant en tant que cessionnaires des
droits de la masse en faillite Z.________ S.A., ont ouvert
action, devant les tribunaux valaisans, contre R.________,
X.________ S.A., E.________ et D.________ S.A., invoquant la
responsabilité des fondateurs, des administrateurs et du
réviseur. En dernier lieu, les demanderesses ont conclu au
paiement solidaire par R.________, X.________ S.A. et
E.________ du montant de 400 000 fr. à la société Z.________
S.A. en faillite et au versement de 100 000 fr. à la société

Z.________ S.A. en faillite par D.________ S.A., le tout
avec
intérêts à 5% dès la date de l'ouverture d'action.

Le 24 avril 1995, X.________ S.A., agissant en
qualité de cessionnaire des droits de la même masse en
faillite, a assigné devant les mêmes tribunaux A.________
S.A. et B.________ S.A. en leur qualité de fondateurs,
auxquelles elle a réclamé solidairement le paiement de
32 850 fr. plus intérêts à 5% dès le 28 avril 1995.

Les deux actions ont été jointes le 1er septembre
1995.

Par jugement du 4 octobre 2001, la Ie Cour civile
du Tribunal cantonal valaisan a estimé que les administra-
teurs R.________ et E.________ étaient responsables de
prélèvements, à concurrence de 17 015 fr., effectués sur les
comptes de la société par R.________ à des fins
personnelles.
Elle les a donc condamnés solidairement à payer à A.________
S.A. et B.________ S.A. 17 015 fr. avec intérêts à 5% l'an
dès le 30 janvier 1995. Pour le reste, la cour cantonale a
rejeté toutes autres et plus amples conclusions.

C.- A.________ S.A. et B.________ S.A. exercent un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Elles soutiennent
que
les fondateurs sont responsables pour n'avoir pas respecté
les dispositions sur les apports en nature et que les admi-
nistrateurs et le réviseur ont engagé leur responsabilité
pour n'avoir pas provoqué le dépôt du bilan à la fin de
l'exercice 1992 déjà. Elles concluent à ce que R.________,
E.________ et C.________ S.A. soient condamnés à verser so-
lidairement à la société Z.________ S.A. en faillite la
somme
de 400 000 fr. portant intérêts à 5% l'an dès la date de
l'ouverture d'action. Elles demandent également que la so-
ciété D.________ S.A. en liquidation soit condamnée à verser

à la société Z.________ S.A. en faillite la somme de
100 000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès la même date.

L'intimé R.________ renonce à formuler des obser-
vations.

Les autres intimés concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par les parties qui ont succombé
presque entièrement dans leurs conclusions en paiement et di-
rigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le
seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en
principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile
(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts ci-
tés).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-

rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où une partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui
viennent
d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte
(ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le re-
cours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation
des
preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF
126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.- a) Les recourantes prétendent que les fonda-
teurs ont violé, en février 1992, les prescriptions légales
sur la libération en nature du capital social. Par ailleurs,
elles font grief aux administrateurs de ne pas avoir respec-
té, après la clôture de l'exercice 1992, les devoirs que la
loi leur imposait en cas de surendettement de la société. En-
fin, elles reprochent à la société de révision de ne pas
avoir signalé ces faits.
b) Les actions et omissions à raison desquelles les
fondateurs, administrateurs ou réviseurs sont recherchés en
responsabilité restent soumises à l'ancien droit de la socié-
té anonyme si elles sont intervenues avant son entrée en vi-
gueur, le 1er juillet 1992; après cette date, le nouveau
droit est applicable (ATF 122 III 488 consid. 3a).

La fondation étant intervenue avant le 1er juillet
1992, le comportement adopté dans ce contexte doit être jugé
à la lumière de l'ancien droit. En revanche, savoir si le bi-
lan aurait dû être déposé après la clôture de l'exercice
1992
relève du nouveau droit.

c) Les recourantes invoquent brièvement qu'elles
agissent non seulement en tant que cessionnaires des droits
de la masse en faillite, mais également à titre de créanciè-
res individuellement lésées (recours p. 6).

Selon la jurisprudence, un créancier social ne peut
agir à titre individuel contre un organe pour le préjudice
qu'il subit personnellement que lorsque le comportement re-
proché à l'organe constitue un acte illicite fondant à
l'égard du créancier une responsabilité sur la base de
l'art.
41 CO, se caractérise à son endroit comme une culpa in con-
trahendo, ou encore viole une norme du droit des sociétés
anonymes conçue exclusivement pour protéger les créanciers
(ATF 127 III 374 consid. 3b; 125 III 86 consid. 3a; 122 III
176 consid. 7b).

En l'espèce, les recourantes ne fondent pas leur
action sur un acte illicite (sur cette notion: cf. ATF 123
III 306 consid. 4a; 119 II 127 consid. 3; 115 II 15 consid.
3a) ou sur une culpa in contrahendo. Elles invoquent exclu-
sivement des normes du droit de la société anonyme. Les rè-
gles sur la constitution effective du capital social ne sont
pas conçues exclusivement dans l'intérêt des actionnaires ou
des créanciers, mais également dans l'intérêt de la société,
afin d'assurer autant que possible sa viabilité et d'éviter
qu'elle ne se trouve en état de surendettement au moindre
déficit. La règle prévoyant l'obligation d'aviser le juge en
cas de surendettement n'a pas été édictée dans le seul in-
térêt des actionnaires ou créanciers, mais aussi dans l'in-
térêt de la société elle-même, pour favoriser un éventuel

assainissement et éviter en tout cas que la situation pa-
trimoniale de la société ne s'aggrave (cf. ATF 125 III 86
consid. 3b).

On ne se trouve donc pas dans un cas où les créan-
ciers sociaux peuvent faire valoir que les organes de la so-
ciété leur ont causé un dommage direct; ils ne sont lésés
que
de manière indirecte, c'est-à-dire en raison de l'insolvabi-
lité de la société. Après la faillite, seule la masse en
faillite peut agir contre les organes pour réclamer répara-
tion du dommage que leur comportement a causé à la société;
un créancier social ne peut agir que sur la base d'un mandat
procédural, c'est-à-dire en qualité de cessionnaire des
droits de la masse (art. 260 LP; art. 756 al. 2 aCO, art.
757
al. 2 CO; ATF 122 III 166 consid. 3a, 195 consid. 9a, 488
consid. 3b). Le cessionnaire peut alors réclamer réparation
de tout le dommage causé directement à la société et indirec-
tement à ses créanciers (ATF 122 III 195 consid. 9a).

d) Selon l'art. 753 aCO - applicable en l'espèce -,
ceux qui coopèrent à la fondation d'une société répondent, à
certaines conditions, du dommage qu'ils lui causent. Il ré-
sulte clairement de cette formulation que la responsabilité
des fondateurs suppose la survenance d'un dommage, ainsi que
l'existence d'un rapport de causalité entre le manquement re-
proché aux fondateurs et le dommage.

Dans leur mémoire, les recourantes insistent sur le
fait que les fondateurs ont violé fautivement les règles lé-
gales relatives aux apports en nature (cf. art. 628 al. 1 et
638 al. 2 ch. 3 aCO). La question n'est toutefois pas là: la
demande n'a pas été rejetée pour le motif qu'il n'y aurait
pas de manquement fautif, mais parce qu'il n'a pas été
prouvé
que le manquement invoqué ait causé un dommage à la société.
Comme on l'a vu, l'action en responsabilité exige également
la survenance d'un dommage et l'existence d'un rapport de

causalité. La demande ne peut être admise que si ces deux
éléments sont également établis.

Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne
prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue
pour
en déduire son droit. Les règles sur les
apports en nature
sont certes destinées à faciliter les preuves dans une
action
ultérieure; il n'en résulte cependant pas que le fardeau de
la preuve est renversé ou allégé. Il incombe donc au deman-
deur en responsabilité de prouver l'existence du dommage et
le rapport de causalité. Le juge ne saurait, sans violer
l'art. 8 CC, se contenter d'une simple possibilité ou vrai-
semblance (cf. ATF 118 II 235 consid. 3c).

Il y a causalité naturelle lorsque le comportement
critiqué constitue une condition sine qua non du résultat
(cf. ATF 125 IV 195 consid. 2b; 122 IV 17 consid. 2c/aa). La
constatation de la causalité naturelle relève du fait et lie
le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (ATF 123
III 110 consid. 2; 116 II 305 consid. 2c/ee; 115 II 440 con-
sid. 5b).

Le dommage juridiquement reconnu réside dans la di-
minution involontaire de la fortune nette; il correspond à
la
différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et
le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement domma-
geable ne s'était pas produit (ATF 127 III 73 consid. 4a,
543
consid. 2b; 126 III 388 consid. 11a). Le dommage peut se pré-
senter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une aug-
mentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou
d'une non-diminution du passif (ATF 127 III 543 consid. 2b;
122 IV 279 consid. 2a). Dire si la notion juridique de domma-
ge a été méconnue est une question de droit (ATF 127 III 73
consid. 3c, 543 consid. 2b; 120 II 296 consid. 3b). En revan-
che, savoir s'il y a eu un dommage et quelle en est la quo-
tité est une question de fait, laquelle ne peut être soumise

au Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 127 III 73
consid. 3c, 543 consid. 2b; 126 III 388 consid. 8a).

En l'espèce, il a été constaté que le capital so-
cial (400 000 fr.) a été libéré en espèces à concurrence de
100 000 fr. et en nature à concurrence de 300 000 fr. S'agis-
sant de l'apport en nature, la cour cantonale a constaté
qu'un fondateur avait apporté des actifs et des passifs et
qu'il n'était pas établi que la valeur nette était
inférieure
à 300 000 fr., de sorte qu'il n'était pas prouvé que la so-
ciété ait subi un dommage. En statuant de cette manière,
l'autorité cantonale n'a pas renversé les règles sur le far-
deau de la preuve (art. 8 CC); évaluer des actifs et des
passifs est une pure question d'appréciation des preuves et
d'établissement des faits, qui ne peut être remise en cause
dans un recours en réforme. Dès lors que l'on admet, en ap-
pliquant les règles sur le fardeau de la preuve, que le ca-
pital social a été effectivement et entièrement libéré, la
cour cantonale n'a pas violé la notion juridique de dommage
en concluant que la société n'avait pas été appauvrie par
les
manquements invoqués. Certes, l'apport partiel en nature im-
pliquait que la société reçoive moins de liquidités que dans
le cas où le capital social aurait été entièrement libéré en
espèces; la Cour civile a cependant constaté qu'il n'était
pas prouvé que ce changement ait causé un préjudice à la so-
ciété. Il s'agit là d'une constatation sur la causalité na-
turelle qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en
réforme.

e) Selon l'art. 725 al. 2 CO - applicable en l'oc-
currence -, les administrateurs doivent en principe aviser
le
juge lorsque les dettes sociales ne sont plus couvertes. Les
recourantes reprochent aux administrateurs d'avoir violé cet-
te règle à la fin de l'exercice 1992.

Déterminer l'état financier d'une société à un mo-
ment donné, savoir ce que les administrateurs connaissaient
à
ce moment (cf. ATF 124 III 182 consid. 3) et dire quelles
étaient les données disponibles à cette époque pour saisir
la
situation sont des questions de fait, qui ne peuvent être ré-
examinées dans un recours en réforme (cf. Corboz, Le recours
en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 61 ss).

Or, la cour cantonale a clairement admis que la so-
ciété n'était pas surendettée à la fin de l'exercice 1992.
Selon les chiffres retenus souverainement, les comptes à la
fin de l'exercice révélaient une perte de 4421 fr.40, à la-
quelle il faut ajouter un actif injustifié de 50 000 fr. et
un amortissement insuffisant par 49 649 fr. (58 946 fr. -
9297 fr.), soit au total une perte de 104 070 fr.40. Il est
dès lors évident que le capital-actions de 400 000 fr.
n'était pas entièrement perdu en estimant les biens selon
leur valeur d'exploitation, de sorte que les administrateurs
n'étaient pas tenus d'aviser le juge en application de
l'art.
725 al. 2 CO. En raisonnant ainsi, la cour cantonale n'a pas
méconnu la notion juridique de surendettement, ni les condi-
tions d'application de la disposition précitée. La moitié du
capital social n'était même pas perdue (art. 725 al. 1 CO)
et
il n'existait pas de raisons sérieuses d'admettre que la so-
ciété était surendettée (art. 725 al. 2 1ère phrase CO).

Il n'apparaît donc pas que les administrateurs
aient violé les devoirs découlant pour eux de l'art. 725 CO,
ce qui justifie le rejet de l'action.

Il est vrai que les recourantes voudraient ajouter
à la perte le montant de 125 000 fr. pour le leasing, mais
la
cour cantonale a estimé, en se référant à un avis d'expert,
que ce chiffre était justifié. Comme les demanderesses n'ex-
pliquent pas - contrairement à l'exigence de l'art. 55 al. 1
let. c OJ - en quoi cette décision violerait une règle de

droit fédéral, il n'y a pas lieu d'examiner cette question
plus avant.

f) Dès lors que la violation des règles sur la fon-
dation en février 1992 n'ont causé aucun dommage et que
l'art. 725 CO n'était pas applicable à la clôture de l'exer-
cice 1992, il en découle que les conclusions dirigées contre
la société de révision sont également dépourvues de tout fon-
dement.

Ainsi, le rejet des prétentions litigieuses ne vio-
le pas le droit fédéral.

3.- Les recourantes, qui succombent, doivent être
condamnées solidairement aux frais et dépens (art. 156 al. 1
et 7, art. 159 al. 1 et 5 OJ), étant toutefois observé qu'il
n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé R.________,
qui n'a pas formulé d'observations devant le Tribunal
fédéral.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement at-
taqué;

2. Met un émolument judiciaire de 8000 fr. solidai-
rement à la charge des recourantes;

3. Dit que les recourantes verseront solidairement
aux intimés C.________ S.A., D.________ S.A. en liquidation
et E.________, créanciers solidaires, une indemnité de
10 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Ie Cour civile du Tribunal canto-
nal valaisan.

_________

Lausanne, le 28 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.351/2001
Date de la décision : 28/02/2002
1re cour civile

Analyses

Responsabilité des fondateurs et administrateurs d'une société anonyme (art. 753 aCO, art. 754 CO). Tant les règles sur la constitution effective du capital social que celles prévoyant l'obligation d'aviser le juge en cas de surendettement de la société n'ont pas été conçues dans le seul intérêt des actionnaires ou créanciers, mais également dans l'intérêt de la société elle-même. La violation de ces règles ne suffit ainsi pas à fonder une responsabilité pour le dommage direct des créanciers (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-28;4c.351.2001 ?
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