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27/02/2002 | SUISSE | N°U.512/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 février 2002, U.512/00


«AZA 7»
U 512/00 Kt

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme Berset

Arrêt du 27 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

G.________, intimé, représenté par Me Michel Bergmann,
avocat, rue de Hesse 8-10, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) G.________ était assuré contre le risqu

e
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA). Le 18 septembre 1988, il a été vic-
time d'u...

«AZA 7»
U 512/00 Kt

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffière : Mme Berset

Arrêt du 27 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

G.________, intimé, représenté par Me Michel Bergmann,
avocat, rue de Hesse 8-10, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) G.________ était assuré contre le risque
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA). Le 18 septembre 1988, il a été vic-
time d'un accident de football et s'est blessé au genou
droit.
Par décision du 8 juillet 1994, entrée en force, la
CNA lui a alloué une rente d'invalidité fondé sur un taux
d'invalidité de 20 %, à partir du 1er juillet 1994.

b) La CNA a pris en charge trois rechutes. Dans un
rapport médical final du 5 mars 1997, le médecin d'arron-
dissement de la CNA, le docteur M.________, a fait état de
la péjoration d'une arthrose tricompartimentale aux pla-
teaux tibiaux, ainsi que d'une limitation correspondante du
périmètre de marche, et a décrit les tâches exigibles de la
part de l'assuré.
Se fondant sur ce rapport, la CNA a indiqué à l'inté-
ressé, par lettre du 14 mars 1997, qu'elle mettait fin au
paiement des indemnités journalières au 30 avril 1997 et
qu'elle reprendrait dès le 1er mai 1997 le versement de la
rente d'invalidité; en outre elle allait examiner si les
conditions pour l'augmentation du taux de la rente et de
l'indemnité pour atteinte à l'intégrité étaient remplies.
Par décision du 3 juillet 1997, la CNA a considéré
que les conditions requises pour l'augmentation de la rente
d'invalidité n'étaient pas réunies. En revanche, elle a
admis que l'atteinte à l'intégrité avait passé de 5 % à
15 % et a procédé à un nouveau calcul de l'indemnité cor-
respondante.
Par décision sur opposition du 6 avril 1998, la CNA a
confirmé sa décision du 3 juillet 1997.

c) Saisi d'un recours contre la décision sur opposi-
tion du 6 avril 1998, le Tribunal administratif du Canton
de Genève l'a partiellement admis, par jugement du 10 no-
vembre 1998. Il a renvoyé la cause à la CNA pour nouvelle
fixation du taux de la rente, au sens des considérants,
soit après avoir procédé «à un nouvel examen de la capacité
résiduelle de gain de l'intéressé, compte tenu des observa-
tions des organes de l'AI et des observations du personnel
de l'assureur intimé». Par ailleurs, les premiers juges ont
confirmé le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité
fixé à 15 % par la CNA.

d) La CNA a procédé à une nouvelle enquête économique
afin de déterminer le revenu d'invalide de l'assuré. En
s'appuyant sur cinq «Descriptions des postes de travail»
(ci-après : DPT), la CNA a estimé que G.________ serait en
mesure, compte tenu de son handicap, d'occuper un emploi
lui procurant un gain mensuel de 3650 fr. par mois, part du
13ème salaire incluse. Comme il aurait pu réaliser, part du
13ème salaire comprise, un salaire mensuel de 4600 fr. sans
l'accident, la perte de gain s'élevait ainsi (toujours) à
20 %.
Par décision du 19 février 1999, la CNA a maintenu à
20 % le taux de la rente versée à l'assuré depuis le
1er juillet 1994. Ce dernier s'étant opposé à cette déci-
sion, la CNA l'a fait examiner par le docteur M.________ le
14 septembre 1999. Dans un rapport du 21 septembre suivant,
ce médecin a constaté, notamment, que la situation du mem-
bre inférieur droit était restée stationnaire depuis l'exa-
men de mars 1997. L'exigibilité mentionnée dans ce rapport
restait valable.
Par décision sur opposition du 20 décembre 1999, la
CNA a rejeté l'opposition de l'assuré.

B.- G.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant
à l'allocation d'une rente d'invalidité définitive de 75 %.
Par jugement du 28 novembre 2000, la juridiction can-
tonale a admis partiellement le recours et renvoyé la cause
à la CNA afin qu'elle procède à une enquête économique
complémentaire.

C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
L'assuré intimé conclut au rejet du recours, avec
suite de dépens. L'Office fédéral des assurances sociales
renonce à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Même si elle ne met pas fin à la procédure, une
décision de renvoi par laquelle le juge invite l'adminis-
tration à statuer à nouveau selon des instructions impéra-
tives, est une décision autonome, susceptible en tant que
telle d'être attaquée par la voie du recours de droit admi-
nistratif, et non une simple décision incidente (ATF
117 V 241 consid. 1 et les références).

2.- Le litige porte uniquement sur le montant du reve-
nu d'invalide de l'intimé et, par voie de conséquence, sur
son taux d'invalidité (art. 18 LAA).

3.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide
à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invali-
dité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de
gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de
longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un ac-
cident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle
de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).
A cet égard, le revenu d'invalide doit être évalué
avant tout en fonction de la situation professionnelle
concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effecti-
vement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu
d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques
salariales (ATF 126 V 76-77 consid. 3b), singulièrement à
la lumière de celles figurant dans l'enquête suisse sur la
structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la
statistique (ATF 124 V 321). La mesure dans laquelle les
salaires ressortant des statistiques doivent être réduits,
dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et

professionnelles du cas particulier (limitations liées au
handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie
d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte
d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'apprécia-
tion. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments
qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc).

4.- a) Le Tribunal administratif a retenu à juste ti-
tre que l'intimé était en mesure d'exercer à plein temps et
à plein rendement une activité adaptée ne sollicitant pas
le membre inférieur droit, essentiellement assise avec dé-
placements sur de courtes distances et sur terrain plat. Il
ressort en effet du rapport final du 21 septembre 1999 du
docteur M.________, auquel il y a lieu d'accorder entière
valeur probante au sens de la jurisprudence (ATF 125 V 352
consid. 3a et 353 sv. consid. 3b/ee) que l'exigibilité
mentionnée dans son rapport du 5 mars 1997 restait valable
et que les nouvelles affections dont faisait état l'intimé,
soit les troubles tibio-tarsiens, n'étaient pas en rapport
ni probable ni certain avec l'accident du 18 septembre 1988
qui n'avait concerné que le genou droit. De surcroît, les
conclusions du docteur L.________, expert auprès des Tribu-
naux de T.________, sont à tous égards superposables à
celles du Dr M.________.

b) Le Tribunal administratif a considéré que la docu-
mentation (DPT) de la CNA est en principe pertinente pour
évaluer le revenu d'un invalide, à la condition toutefois
qu'un choix de cinq places de travail exigibles, au mini-
mum, soit proposé.
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont estimé
que seules trois des descriptions, parmi celles communi-
quées et finalement retenues par la recourante, pouvaient
être admises, les deux autres descriptions correspondant à

des postes de travail trop éloignés du domicile de l'inti-
mé. Ils en ont déduit que l'enquête économique était lacu-
naire et qu'un complément d'instruction s'imposait, cette
tâche devant être dévolue à la CNA (consid. 4 p. 7 du ju-
gement attaqué).
C'est toutefois à tort que la juridiction cantonale a
renvoyé le dossier à la CNA pour compléter l'enquête écono-
mique. En effet, dès lors qu'elle considérait que, parmi
les postes de travail figurant sur les DPT, certains n'é-
taient pas adaptés ou pas exigibles, il lui incombait soit
d'interpeller d'office la CNA pour qu'elle produise d'au-
tres DPT, soit de faire usage des salaires statistiques
figurant sur l'enquête suisse sur la structure des salaires
pour effectuer la comparaison des revenus (cf. ATF
124 V 321).

c) En l'occurrence, le salaire de référence est celui
auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activi-
tés simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir
4294 fr. par mois (Enquête 1996, tabelle 1; niveau de qua-
lification 4). Ce salaire mensuel hypothétique représente,
compte tenu du fait que les salaires bruts standardisés se
basent sur un horaire de travail de quarante heures, soit
une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans
les entreprises en 1997 (41,9 heures; La Vie économique
1999/8 annexe p. 27 Tabelle B 9.2) un revenu d'invalide de
4498 fr. par mois (4294 x 41,9 : 40). Adapté à l'évolution
des salaires intervenue en 1997 (0,5 %; La vie économique
9/2000, p. 28, tabelle B 10.2), le revenu d'invalide
s'élève à 4521 fr. (4498 x 1,005).
Ce revenu doit toutefois être réduit afin de tenir
compte de certains empêchements propres à l'intimé (néces-
sité de certaines pauses et moins grande capacité d'adapta-
tion due à l'âge, comp. RAMA 1998 No U 320 p. 600 ss). Au-
cun autre facteur de réduction ne saurait être retenu au
sens de la jurisprudence (ATF 126 V 78 ss consid. 5 et les

arrêts cités); l'intimé n'a pas dû abandonner un travail de
force, puisqu'il a exercé précédemment les activités de
monteur en ascenseur et de magasinier. Par ailleurs, une
éventuelle diminution de rendement due à d'autres éléments
que ceux évoqués ci-dessus ne saurait entrer en ligne de
compte au vu du dossier. En l'espèce, les circonstances
personnelles et professionnelles du cas justifiant une
réduction du revenu d'invalide ne saurait excéder 15 %.
Compte tenu d'une diminution de ce pourcentage, le
revenu d'invalide mensuel s'élève en définitive à 3842 fr.
(4521 fr. X 15/100). La comparaison avec le revenu sans
invalidité, non contesté, de 4600 fr. par mois, aboutit à
la confirmation du taux de 20 % retenu par la CNA dans sa
décision sur opposition.

d) Dans ce contexte, c'est à tort que l'intimé fait
valoir qu'une aggravation sensible de son état de santé
doit nécessairement entraîner une augmentation de sa rente.
L'invalidité est une notion économique et non médicale; les
critères médico-théoriques ne sont pas déterminants, mais
les répercussions de l'atteinte à la santé sur la capacité
de gain (cf. par analogie, RAMA 1991 no U 130 p. 272
consid. 3b; voir aussi ATF 114 V 314 consid. 3c); ainsi le
taux d'invalidité ne se confond pas nécessairement avec le
taux d'incapacité fonctionnelle déterminé par le médecin,
ce sont les conséquences économiques objectives de l'inca-
pacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 275
consid. 4a).

e) Comme les premiers juges disposaient de tous les
éléments nécessaires pour établir le revenu d'invalide de
l'intimé, le renvoi de la cause pour complément d'instruc-
tion était injustifié.

5.- Vu ce qui précède, le recours se révèle bien
fondé. L'intimé, qui succombe, n'a pas droit à des dépens
(art. 159 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève du 28 novembre 2000 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, 27 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.512/00
Date de la décision : 27/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-27;u.512.00 ?
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