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27/02/2002 | SUISSE | N°H.282/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 février 2002, H.282/01


«AZA 7»
H 282/01 Kt

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 27 février 2002

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Me Jean-Marc Christe,
avocat, rue du Marché-aux-Chevaux 5, 2800 Delémont,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du
Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La société G.________ SA, de siège à A

.________, a
été fondée le 10 juillet 1989 avec un capital de
140 000 fr.; elle avait pour but toutes opérations immobi-
lières ...

«AZA 7»
H 282/01 Kt

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 27 février 2002

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Me Jean-Marc Christe,
avocat, rue du Marché-aux-Chevaux 5, 2800 Delémont,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du
Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La société G.________ SA, de siège à A.________, a
été fondée le 10 juillet 1989 avec un capital de
140 000 fr.; elle avait pour but toutes opérations immobi-
lières et commerciales. Ses administrateurs étaient
V.________, président, J.________, vice-président et
S.________, secrétaire. Ce dernier a démissionné du conseil
d'administration au 31 août 1993, la radiation de sa signa-

ture intervenant le 15 octobre 1993 au registre du commer-
ce. G.________ SA a cessé ses activités le 30 juin 1994 et
sa faillite a été prononcée le 21 avril 1999.
G.________ SA était affiliée en qualité d'employeur
auprès de la Caisse cantonale vaudoise de compensation
AVS-AI-APG (ci-après : la caisse cantonale). En raison du
défaut de paiement de toutes les cotisations dues, la
caisse cantonale a engagé des poursuites qui ont abouti, le
27 octobre 1998, à la délivrance de deux actes de défaut de
biens après saisie d'un montant de 39 388 fr. 75 et de
116 635 fr. 80.
Le 8 octobre 1999, la caisse cantonale a adressé deux
décisions en réparation du dommage à V.________ et à
S.________, réclamant paiement au premier nommé de
100 820 fr. et au second de 79 323 fr. 90, solidairement à
concurrence de ce montant. Par décision rectificative du
14 octobre 1999, elle leur a réclamé solidairement le
paiement d'un montant supplémentaire de 40 557 fr.

B.- S.________ ayant formé opposition, la caisse can-
tonale a porté le cas devant le Tribunal des assurances du
canton de Vaud en concluant à ce que le défendeur fût con-
damné à lui payer la somme de 112 980 fr. 90.
L'intéressé a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 1er mai 2001, la juridiction cantonale
a admis partiellement la demande, à concurrence de
79 323 fr. 90.

C.- S.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement en concluant principalement à son
annulation, et, subsidiairement, à ce que la cause soit
renvoyée au tribunal des assurances pour nouveau jugement,
le tout sous suite de frais et dépens.
La caisse cantonale et l'Office fédéral des assurances
sociales ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- Comme en première instance, le recourant soutient
que le droit de demander réparation du dommage est pres-
crit, s'agissant des cotisations de l'année 1992 demeurées
impayées.

a) Selon l'art. 82 RAVS, le droit de demander la répa-
ration du dommage se prescrit lorsque la caisse de compen-
sation ne le fait pas valoir par une décision de réparation
dans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage et,
en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à comp-
ter du fait dommageable.
Malgré le terme utilisé, le délai institué par cette
disposition est un délai de péremption dont l'échéance doit
être constatée d'office par le juge. En raison de cette
nature, il ne peut être interrompu, par exemple, par un
versement partiel ou une réquisition de poursuite.

b) Dans le cas particulier, les cotisations pour l'an-
née 1992 ont été fixées par la décision du 31 mars 1993. Au
sens de l'art. 16 aLAVS, la prescription de la créance de
cotisation - en réalité la péremption (cf. ATF 117 V 210
consid. 3b) - a pu intervenir le 31 décembre 1996 dès lors
que le délai de cinq ans, introduit par la 10e révision de
l'AVS, ne s'applique qu'aux créances de cotisations qui

n'étaient pas déjà éteintes à l'entrée en vigueur de la
modification (let. b al. 2 des dispositions finales de la
modification du 7 octobre 1994).
Les premiers juges ont toutefois considéré que la
péremption n'était pas avenue à cette date dès lors que la
caisse cantonale avait intenté des poursuites en 1993 et
1994 pour recouvrer les cotisations en souffrance de l'an-
née 1992. Comme celles-ci avaient abouti à la délivrance
d'un acte de défaut de biens le 27 octobre 1998, le délai
de péremption avait pris fin à ce moment, correspondant à
celui de la fin de l'exécution forcée (art. 16 al. 2 LAVS).

c) Pour sa part, le recourant soutient, à juste titre,
que ces constatations ne reposent pas sur les preuves admi-
nistrées. Le dossier ne contient en effet pas de documents
relatifs aux poursuites intentées en 1993 et 1994 pour le
recouvrement des cotisations de l'année 1992. D'autre part,
sur la base du seul acte de défaut de biens délivré le
27 octobre 1998, il n'est pas possible d'établir à quelle
date cette poursuite a été intentée et plus particulière-
ment de savoir si elle l'a été à temps.
En raison de ces constatations de fait incomplètes, il
n'est pas possible de statuer en droit sur l'objection de
péremption présentée par le recourant.
Le jugement sera en conséquence annulé sur ce point et
la cause renvoyée au tribunal des assurances pour instruc-
tion complémentaire et nouveau jugement.

3.- Dans un deuxième moyen, le recourant fait grief à
la juridiction cantonale d'avoir fixé de manière inexacte
le préjudice subi par la caisse cantonale pour les cotisa-
tions demeurées impayées pour l'année 1993, partant de lui
avoir imposé de réparer un dommage dont il n'avait en tou-
tes hypothèses plus à répondre après sa démission d'admi-
nistrateur.

a) La responsabilité de l'administrateur ne dure en
principe que jusqu'au moment de sa sortie effective du
conseil d'administration, que ce soit par suite de démis-
sion ou de révocation, mais non jusqu'au moment de la ra-
diation de ses pouvoirs au Registre du commerce; cela vaut
en tout cas lorsque l'intéressé n'a plus aucune influence
sur la marche des affaires et qu'il n'a plus reçu de rému-
nération (ATF 112 V 5 consid. 3c, 111 II 484 sv.,
109 V 94-95 consid. 13; Nussbaumer, Die Haftung des Verwal-
tungsrates nach Art. 52 AHVG, PJA 1996, ch. 8d p. 1081;
Forstmoser, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit,
2e éd., p. 236 n° 758 ss). En principe donc, l'administra-
teur sortant ne répond, toutes autres conditions étant
remplies, que du non-paiement des cotisations échues et
exigibles (art. 34 RAVS) au moment de sa sortie effective.
Demeure réservée l'hypothèse où l'administrateur a provoqué
- intentionnellement ou par négligence grave - l'insolvabi-
lité de la société, insolvabilité qui excluait d'emblée le
paiement de cotisations non encore échues au moment de sa
démission ou de sa révocation (RCC 1985 p. 607 consid. 5).

b) Il ressort des faits retenus par la juridiction
cantonale que le recourant a quitté ses fonctions d'admi-
nistrateur au 31 août 1993 à la suite d'une convention
passée avec le président du conseil d'administration et
actionnaire principal V.________; dès cette date, il ne
s'est plus occupé à ce titre de la marche des affaires de
la société. C'est dire que sa responsabilité d'administra-
teur ne saurait, en droit, courir au-delà du 31 août 1993
dès lors qu'il ne lui est pas reproché subséquemment un
comportement dommageable.
Les premiers juges ont considéré que le dommage dont
avait à répondre le recourant s'élevait à 79 323 fr. 90,
selon décompte final de la caisse cantonale du 27 novembre
2000 auquel ils se sont contentés de renvoyer. Il leur a
cependant échappé que ce décompte d'impayés portait sur la

période allant jusqu'au 15 octobre 1993 si bien qu'ils ont
tenu à tort le recourant pour responsable du défaut de
paiement des acomptes de cotisations des mois d'août et
septembre 1993 (13 800 fr. en capital avec intérêts mora-
toires). Suivant l'art. 34 al. 4 aRAVS, ces acomptes, exi-
gibles à la fin du mois, devaient être payés dans les dix
jours suivants, soit, dans le cas particulier, après la
sortie effective du recourant du conseil d'administration.
Le grief s'avère ainsi fondé.

4.- Dans un troisième moyen, le recourant reproche
plus généralement à la juridiction cantonale d'avoir établi
de manière erronée le préjudice subi par l'intimée pour
l'année 1993 si bien que le dommage finalement retenu s'a-
vère pour partie infondé.

a) Selon l'art. 34 al. 3 aRAVS, la caisse de compensa-
tion peut autoriser l'employeur à verser, au lieu du mon-
tant exact des cotisations d'une période de paiement, un
montant correspondant approximativement à ces cotisations.
Dans ce cas, un règlement de compte intervient à la fin de
l'année civile, à la charge ou au profit de l'employeur.
L'employeur porte la responsabilité d'un paiement à
temps, durant l'année, des acomptes de cotisations conve-
nus. Il en va de même des organes compétents d'une société.
Lorsque, dans ce cadre, un membre du conseil d'administra-
tion abandonne ses fonctions en cours d'année, sa responsa-
bilité porte alors sur le paiement des acomptes échus pour
autant qu'ils ne dépassent pas le montant total du dommage;
elle ne porte en revanche pas sur le montant des cotisa-
tions qui seront effectivement dues après règlement de
compte, qu'elles soient plus élevées ou plus basses (arrêt
R. du 5 décembre 2001, H 82/01). Demeurent réservés les cas
où l'employeur verse des acomptes nettement insuffisants
(VSI 1994 p. 106 consid. 5b/aa et les réf.)

b) Dans le cas d'espèce, les cotisations pour l'année
1993 devaient être perçues sur la base d'acomptes mensuels
d'un montant variant entre 6900 fr. et 9500 fr., acomptes
qui n'ont pas été versés ponctuellement à leur échéance.
Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, et
contrairement à la thèse qu'il soutient, le recourant porte
ainsi, jusqu'à son départ du conseil d'administration, la
responsabilité du dommage à hauteur de ces acomptes échus
et impayés dès lors qu'ils ne dépassent pas le montant
total du dommage et non à concurrence du montant (plus bas)
des cotisations finalement à charge de l'employeur. Le
grief doit ainsi être écarté.

5.- C'est également en vain que le recourant conteste
finalement sa responsabilité à raison de la négligence
grave qui lui est reprochée.

a) L'art. 716a al. 1 CO énumère les attributions in-
transmissibles et inaliénables des membres du conseil d'ad-
ministration. En font partie l'exercice de la haute sur-
veillance sur les personnes chargées de la gestion, pour
s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les règle-
ments et les instructions données (ch. 5). Dans le cadre de
l'exercice de cette haute surveillance, l'administrateur
répond de la cura in custodiendo (Adrian Kammerer, Die
unübertragbaren und unentziehbaren Kompetenzen des Verwal-
tungsrates, thèse Zurich, 1997, p. 226). C'est ainsi qu'il
a non seulement le devoir d'assister aux séances du conseil
d'administration, mais également l'obligation de se faire
renseigner périodiquement sur la marche des affaires
(Kammerer, op. cit., p. 186). Il est tenu de prendre les
mesures appropriées lorsqu'il a connaissance ou aurait dû
avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion
de la société (Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweize-
risches Aktienrecht, op. cit., § 30 note 49).

b) Assureur de profession et administrateur de la
société faillie, le recourant a gravement manqué à son
obligation de surveiller avec diligence la gestion qu'il
avait déléguée au président du conseil d'aministration. A
cet égard, il ne saurait en particulier s'exculper en invo-
quant le fait que les comptes annuels n'auraient pas permis
de se rendre compte exactement de la situation. On doit en
effet attendre d'un administrateur faisant preuve de la
diligence requise qu'il s'occupe régulièrement des affaires
de la société et non seulement en examinant une fois par
année les comptes. Ces manquements apparaissent au demeu-
rant d'autant plus graves que le défaut de paiement des
cotisations sociales s'est étendu sur une longue période et
que les difficultés financières de la société devaient
amener tous les administrateurs à porter une attention
accrue à ces questions.
Pour le surplus, on peut renvoyer aux considérants de
la juridiction cantonale (cf. consid. 4), le recourant
n'apportant pas d'arguments nouveaux, susceptibles de les
remettre en cause.

6.- Le litige n'ayant pas pour objet l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance, la procédure n'est pas
gratuite (art. 134 OJ a contrario). L'intimée, qui succom-
be, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). Représenté par un avocat,
le recourant a droit à une indemnité de dépens pour l'ins-
tance fédérale (art. 159 al. 1 en liaison avec l'art. 135
OJ). Celle-ci sera réduite au motif que le recourant a
contesté en vain devant l'instance fédérale sa responsabi-
lité d'administrateur.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud, du 1er mai
2001, est annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité
judiciaire cantonale pour complément d'instruction au
sens des considérants et
nouveau jugement.

II. Les frais de justice, d'un montant de 4500 fr., sont
mis à la charge de l'intimée.

III. L'avance de frais versée par le recourant, d'un mon-
tant de 5000 fr., lui est restituée.

IV. L'intimée versera au recourant la somme de 2000 fr. (y
compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud, ainsi qu'à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.282/01
Date de la décision : 27/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-27;h.282.01 ?
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