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27/02/2002 | SUISSE | N°4C.300/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 février 2002, 4C.300/2001


«/2»

4C.300/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

27 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Raymond
Didisheim, avocat à Lausanne,

et

les époux Z.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Philippe Jaton, avocat à Lausanne;

(respon

sabilité de l'architecte en cas de dépassement de
devis)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A...

«/2»

4C.300/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

27 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Raymond
Didisheim, avocat à Lausanne,

et

les époux Z.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Philippe Jaton, avocat à Lausanne;

(responsabilité de l'architecte en cas de dépassement de
devis)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Au cours des mois de février et mars 1992,
les époux Z.________ ont approché l'architecte X.________ au
sujet d'un projet de construction d'une villa individuelle
sur une parcelle qu'ils avaient l'intention d'acquérir. Dès
le mois de mars 1992, X.________ a établi plusieurs avant-
projets et réalisé différentes maquettes.

Le 3 juin 1992, les époux Z.________ ont acheté en
société simple la parcelle No ... du cadastre de la Commune
de Montreux, sise chemin des Crêtes, pour le prix de
280'000 fr. Compte tenu des honoraires du notaire, des
droits
de mutation et des frais d'inscription au registre foncier,
cette acquisition a représenté 291'714 fr.

Le 15 juin 1992, X.________a établi les plans de la
villa.

Le 30 juin 1992, les parties ont conclu un contrat
relatif aux prestations de l'architecte sur formule SIA No
1002, renvoyant au Règlement SIA 102. Les honoraires de
l'architecte étaient calculés en fonction d'un pourcentage
selon le décompte final du coût de l'ouvrage, pour les pres-
tations ordinaires au sens de l'art. 3.6 dudit règlement;
pour les prestations supplémentaires, il était prévu un
tarif
horaire de 135 fr. Le coût probable de l'ensemble de l'ou-
vrage était évalué à 875'000 fr., le montant donnant droit
aux honoraires étant d'environ 450'000 fr. Compte tenu d'un
taux de base de 15,65%, d'un degré de complexité V = 1.1 et
d'une valeur à 100% des prestations partielles à fournir,
les
honoraires probables étaient estimés à environ 77'500 fr.,
payables par 52'000 fr. à la fin de septembre 1992, le solde
étant à régler le 25 de chaque mois en fonction des presta-

tions fournies. La fin des travaux était agendée au mois
d'avril 1993.

Il résulte du plan financier annexé au contrat que
les frais de construction étaient estimés à 825'000 fr.,
soit
295'000 fr. pour le terrain (CFC 0), 450'000 fr. pour le bâ-
timent (CFC 2) et 80'000 fr. pour des aménagements
extérieurs
(CFC 4). Il a été établi que les postes "travaux préparatoi-
res et fondations spéciales (CFC 1)" et "équipement et agen-
cement (CFC 3)", qui devaient être évalués à 50'000 fr., ne
figuraient pas dans l'estimation financière, d'où la diffé-
rence entre le montant figurant dans le contrat du 30 juin
1992 et celui inscrit dans le plan financier. La marge
d'approximation, en référence à l'art. 4.4.2 du Règlement
SIA
102, était de plus ou moins 20%. Il a été retenu que ce plan
financier était incomplet, et donc inutilisable en vue de
l'obtention d'un crédit de construction

b) L'enquête publique a eu lieu du 10 au 30 juillet
1992 et le permis de construire a été délivré le 24 août
1992.

Dans le courant du mois d'août 1992, la banque
Y.________ a accordé aux époux Z.________ un crédit de cons-
truction de 543'910 fr.

Le 18 septembre 1992, X.________ a établi un do-
cument comparatif des offres reçues, document qui, selon les
enquêtes, ne permettait pas de déterminer le coût total de
la
construction.

Selon une "situation" dressée par l'architecte le
24 septembre 1992, le coût total était de 833'000 fr. Cette
situation ne comprenait toutefois pas la totalité des postes
du projet.

Par courrier du 11 décembre 1992, X.________ a fait
savoir aux époux Z.________ qu'à cette date environ 70% des
travaux avaient déjà été adjugés, ce qui représentait
environ
873'000 fr. L'architecte faisait état d'une économie de
30'000 fr. provenant de la renonciation à l'installation
d'une pompe à chaleur, de la nécessité d'une augmentation du
crédit de construction, de l'aménagement d'un studio indépen-
dant au rez-de-chaussée inférieur de la villa et d'une ampli-
fication des frais de terrassement occasionnée par l'excava-
tion d'un rocher.

D'après le décompte annexé à ce pli, le coût pro-
visoire des travaux atteignait 858'533 fr., soit 307'470 fr.
(terrain), 26'081 fr. (travaux préparatoires), 398'002 fr.
(bâtiment), 29'000 fr. (frais secondaires), 77'500 fr. (ho-
noraires de l'architecte) et 20'500 fr. (honoraires de
l'ingénieur), l'aménagement extérieur et une réserve pour
les
imprévus ne donnant lieu à aucune évaluation. Il a été
prouvé
par expertise que ce document était incomplet, car il ne re-
flétait pas le coût réel de l'ensemble de l'ouvrage et sous-
estimait l'ampleur du coût final prévisible.

Le 1er mars 1993, les époux Z.________ ont obtenu
un prêt de 30'000 fr. de la part de la mère de sieur
Z.________.

Les époux Z.________, qui ont admis avoir commandé
des travaux supplémentaires pour environ 40'000 fr., ont pu
occuper leur villa au cours du mois de juin 1993; le permis
d'habiter leur a été délivré le 31 août 1993.

Le 24 octobre 1993, X.________ a adressé aux époux
Z.________ un décompte final des coûts de la construction
pour un montant total de 1'239'870 fr.65, somme arrondie à
1'240'000 fr. Le poste relatif à l'acquisition du terrain, à
son aménagement et à son accès représentait à cette date

349'821 fr.30; les frais relatifs aux travaux préparatoires
étaient de 70'023 fr.15, ce montant comprenant l'excavation
d'un rocher à l'explosif et l'évacuation des déblais; la
construction du bâtiment lui-même, estimée à 450'000 fr.
dans
le contrat du 30 juin 1992, atteignait 587'800 fr. en chif-
fres ronds et le coût des aménagements extérieurs, évalué à
80'000 fr. le 30 juin 1992, ascendait à 92'128 fr.45; les
honoraires d'ingénieur se montaient à 23'000 fr. et ceux de
l'architecte à 109'956 fr., d'où, sur ce dernier poste, un
solde dû de 37'956 fr., les époux Z.________ ayant déjà payé
72'000 fr.

Dans ce décompte final n'étaient pas comprises
trois factures qui lui étaient postérieures, ascendant en
tout à 7'950 fr.

En date du 24 octobre 1993, les factures payées
atteignaient 1'093'718 fr.25 au total.

Le 14 janvier 1994, la banque Y.________ a porté à
645'000 fr. le crédit de construction octroyé aux époux
Z.________.

Par pli du 4 février 1994, le conseil des époux
Z.________ a informé X.________ que le dépassement de 50% du
coût des travaux par rapport à l'estimation du 30 juin 1992
engageait sa responsabilité d'architecte. X.________ a ré-
pondu par une fin de non-recevoir. Les parties sont par la
suite restées sur leurs positions.

B.- Le 6 décembre 1994, les époux Z.________ ont
intenté action devant la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois à l'encontre de X.________, à qui ils ont réclamé
principalement paiement de 293'000 fr. plus intérêts à 5%
dès
le 1er janvier 1994.

Le défendeur a conclu à libération des fins de la
demande; à titre reconventionnel, il a conclu à ce que les
demandeurs soient reconnus comme étant ses débiteurs solidai-
res pour la somme de 37'956 fr. avec intérêts à 5% dès le 23
décembre 1994.

En cours de procédure, une expertise a été confiée
à A.________, architecte SIA, diplômé EPFL. Selon ce
dernier,
il convient de déduire du coût de la construction estimé à
875'000 fr. le prix d'achat du terrain, par 295'000 fr.,
ainsi que l'économie réalisée par la renonciation à l'instal-
lation d'une pompe à chaleur, par 30'000 fr.; partant, le
coût de la construction selon l'estimation initiale était en
réalité de 550'000 fr. Pour cet expert, compte tenu de la
marge d'approximation de 20 % applicable en la matière, ce
coût pouvait osciller entre 440'000 fr. et 660'000 fr. A sui-
vre A.________, l'augmentation des coûts résultait non seu-
lement de la réalisation de travaux à plus-value, mais aussi
du fait que la parcelle n'était pas équipée et que les tra-
vaux préparatoires étaient difficilement prévisibles, en
particulier ceux liés aux sondages, de telle sorte qu'ils ne
pouvaient pas être estimés d'une manière raisonnable lors de
la signature du contrat.

La Cour civile a commis un second expert en la per-
sonne de l'architecte SIA B.________. Cet homme de l'art a
considéré que l'augmentation des coûts de construction résul-
tait de travaux nécessaires à l'exécution du projet, mais
que
ceux-ci en avaient augmenté la charge financière au
préjudice
du maître de l'ouvrage. Le coût des travaux supplémentaires
commandés par les demandeurs ne justifiait pas le dépasse-
ment. D'autres travaux supplémentaires n'avaient fait
l'objet
d'aucune confirmation, les demandeurs n'en ayant eu connais-
sance que lors de la signature des bons de paiement. Cet ex-
pert en a déduit que le défendeur n'avait pas rempli son man-
dat conformément au Règlement SIA 102, mais que les deman-

deurs, par leur passivité, devaient supporter une part de
responsabilité.

Par jugement du 27 novembre 2000, dont les considé-
rants ont été communiqués le 17 juillet 2001, la Cour civile
a prononcé que le défendeur devait payer aux demandeurs, so-
lidairement entre eux, 158'187 fr. plus intérêts à 5% dès le
13 janvier 1995. En substance, l'autorité cantonale a consi-
déré que l'activité du défendeur se caractérisait comme
celle
d'un mandataire. Elle a reconnu, en privilégiant l'opinion
de
l'expert B.________, que la responsabilité du défendeur
était
engagée pour avoir estimé de manière incomplète le coût de
la
construction, insuffisamment contrôlé l'évolution du coût de
celle-ci et mal renseigné les demandeurs à ce sujet,
lesquels
en avaient subi un préjudice dont ils étaient fondés à récla-
mer réparation. Les juges cantonaux ont retenu que le
dommage
maximum imputable au défendeur, qui consistait dans la diffé-
rence entre la valeur objective de l'ouvrage et son utilité
subjective pour les demandeurs, était de 237'280 fr. Comme
les demandeurs avaient manqué de vigilance à l'égard du dé-
fendeur, notamment en ne protestant pas à réception du dé-
compte du 11 décembre 1992 et en payant les factures des
entrepreneurs alors que le plan financier était dépassé, une
faute concomitante devait être retenue à la charge des maî-
tres de l'ouvrage, laquelle autorisait une réduction d'un
tiers de l'indemnité, ce qui ramenait cette dernière à
158'187 fr. Dans le cadre de la reconvention, l'autorité
cantonale a jugé que le "droit à de pleins honoraires"
s'élevait pour le défendeur à 101'190 fr. Les manquements
dont l'architecte devait répondre autorisaient pourtant une
réduction de 30% de ce montant, si bien qu'il ne pouvait
prétendre au mieux qu'à 70'833 fr.; comme il avait déjà reçu
72'000 fr., aucun solde ne lui était dû.

C.- X.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Il requiert la réforme du jugement
cantonal

en ce sens qu'il n'est en rien le débiteur des demandeurs et
que ceux-ci lui doivent paiement de 37'956 fr. avec intérêts
à 5% dès le 23 décembre 1994.

Le recourant a formé, sur le plan cantonal, un re-
cours en nullité contre le jugement du 27 novembre 2000. Par
arrêt du 16 octobre 2001, le Président de la Chambre des re-
cours du Tribunal cantonal vaudois a pris acte de la déclara-
tion de retrait de recours, déposée par le défendeur le 15
octobre 2001, et rayé l'affaire du rôle.

Les intimés proposent le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où une partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui
viennent

d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte
(ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le re-
cours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation
des
preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF
126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.- a) Le recourant invoque tout d'abord une vio-
lation de l'art. 398 al. 2 CO. Il prétend que le fait de ne
pas établir un devis complet correspondait
à un accomplisse-
ment imparfait de ses prestations, susceptible de donner
lieu
tout au plus à une réduction de ses honoraires, mais pas
d'engager sa responsabilité pour dépassement des coûts de
construction. A le suivre, les intimés ne pouvaient pas con-
sidérer les estimations incomplètes qu'il leur a présentées
comme des devis fixant approximativement le coût total de
l'ouvrage. Il aurait appartenu aux demandeurs de réclamer à
leur architecte les précisions nécessaires s'ils attachaient
de l'importance à l'estimation des postes non devisés, ce
qu'ils n'avaient jamais fait. Au demeurant, soutient le re-
courant, aucune faute ne peut lui être reprochée, dès l'ins-
tant où il aurait rapporté la preuve que, même vers la
mi-décembre 1992, les travaux préparatoires étaient diffici-
lement prévisibles. La Cour civile a certes retenu le con-
traire en se fiant à l'opinion de l'expert B.________;
d'après le recourant, pour autant que cette conviction non
motivée soit jugée admissible au regard de l'art. 8 CC, il
répète que le manquement qui peut lui être reproché ne

pouvait conduire qu'à une réduction du montant de ses
honoraires.

b) Il résulte de l'état de fait définitif (art. 63
al. 2 OJ) que le défendeur, par contrat du 30 juin 1992, a
été chargé par les demandeurs d'étudier la construction
d'une
villa, d'en dresser les plans, d'en évaluer les coûts et
d'assumer la direction des travaux. Les parties ont ainsi
conclu un contrat d'architecte global.

D'après la jurisprudence, lorsqu'un architecte est
chargé d'établir des plans, des soumissions ou des projets
de
construction, il se conclut un contrat d'entreprise (art.
363
CO); s'il est chargé des adjudications et de la surveillance
des travaux, il s'agit d'un mandat (art. 394 CO); si sa mis-
sion englobe des activités relevant des deux catégories, le
contrat est mixte et relève, suivant les prestations, du man-
dat ou du contrat d'entreprise (ATF 127 III 543 consid. 2a;
114 II 53 consid. 2b; 110 II 380 consid. 2).

Dans le cas du contrat complet (comme celui d'espè-
ce), la jurisprudence a admis qu'il fallait appliquer les rè-
gles du mandat en ce qui concerne la responsabilité de l'ar-
chitecte pour une mauvaise évaluation du coût des travaux
(ATF 127 III 543 consid. 2a; 119 II 249 consid. 3b), bien
qu'elle admette l'existence d'un contrat d'entreprise
lorsque
l'architecte est chargé exclusivement d'élaborer un devis
écrit (ATF 114 II 53 consid. 2b).

C'est donc à juste titre que les faits litigieux
ont été examinés à la lumière des règles propres au mandat
(art. 394 ss CO).

c) aa) De manière générale, le mandataire doit te-
nir son mandant régulièrement au courant du développement du
contrat et lui signaler toute circonstance importante, notam-

ment lorsqu'elle pourrait avoir une influence sur les ins-
tructions données. De même, il lui incombe de rendre le man-
dant attentif aux risques que comporte le service ou l'exécu-
tion du mandat (Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n.
4040) et, dans l'hypothèse d'un contrat d'architecte, ce de-
voir d'information porte sur tous les faits qui peuvent
avoir
une importance sur le déroulement des travaux (Tercier, op.
cit., n. 4195).

Dans le cadre d'une exécution correcte du mandat
qui lui est confié, l'architecte doit établir soigneusement
l'estimation des coûts de construction appelée devis et véri-
fier que ces derniers correspondent à l'évaluation faite,
surtout lorsque les travaux ont commencé; en cas de doute à
ce sujet, il doit s'en ouvrir au maître de l'ouvrage (ATF
119
II 249 consid. 3b; Schumacher, Die Haftung des Architekten
aus Vertrag, in: Le droit de l'architecte, 3ème édition, n.
747). En effet, un comportement passif de l'architecte est
de
nature à aggraver le problème des coûts et à amener le
maître
de l'ouvrage à recourir à des dispositions dommageables, du
moment que les risques portant sur les coûts ne sont la plu-
part du temps pas reconnaissables pour le mandant sans une
information idoine de son architecte (Schumacher, op. cit.,
n. 748).

Lorsqu'une évaluation des coûts est dépassée et que
l'architecte doit en répondre, il y a lieu de distinguer en-
tre un simple dépassement du montant initialement prévu et
le
cas où les coûts supplémentaires résultent d'une estimation
inexacte ou d'une surveillance insuffisante des coûts. La
responsabilité de l'architecte pour les coûts
supplémentaires
qui ont été causés en violation du contrat et qui auraient
pu
être épargnés au maître de l'ouvrage par une conduite correc-
te du chantier existe indépendamment de l'établissement d'un
devis, soit d'une évaluation ou estimation des coûts. De
tels
suppléments de coûts constituent un dommage que l'architecte

doit prendre à sa charge si une faute peut lui être imputée
(ATF 122 III 61 consid. 2a et les références).

L'inexactitude des estimations dont répond l'archi-
tecte peut provenir de l'oubli de certains postes, d'une er-
reur de calcul, d'une connaissance insuffisante du terrain,
voire de l'estimation défectueuse de la quantité des presta-
tions nécessaires, de l'étendue des travaux en régie ou enco-
re des prix entrant en ligne de compte. Il faut considérer
que l'architecte qui évalue mal les coûts - compte tenu de
la
marge de tolérance inhérente à toute estimation - donne une
information erronée à son mandant au sujet du coût de cons-
truction prévisible. La responsabilité du chef d'une fausse
information entraîne l'obligation de réparer le dommage ré-
sultant de la confiance déçue qu'a subi le maître en tenant
l'estimation pour exacte et en prenant ses dispositions en
conséquence. Le préjudice peut notamment consister dans le
fait que le maître aurait pu faire construire à moindres
frais (ATF 119 II 249 consid. 3b/aa p. 251/252).

bb) Il a été établi in casu que le dépassement de
coûts constaté a pour origine l'inexactitude des estimations
effectuées par le défendeur, lesquelles se sont révélées in-
complètes. Ce point n'est pas contesté par le recourant, qui
allègue cependant que les estimations de coûts auxquelles il
a procédé ne revêtiraient pas la nature d'un devis fixant
approximativement le coût total de la construction.

Comme on l'a vu ci-dessus, la responsabilité de
l'architecte pour dépassement des coûts est indépendante de
l'existence d'un devis, ce qui réduit à néant la critique du
défendeur. De toute manière, le plan financier annexé au con-
trat et faisant référence au Règlement SIA 102 devait être
clair et non équivoque, l'architecte devant en particulier
attirer l'attention de ses mandants sur le risque de frais

supplémentaires (Schumacher, op. cit., n. 751), ce qui n'a
pas été le cas en l'occurrence.

Lorsque le défendeur fait valoir qu'il incombait
aux demandeurs de réclamer à leur architecte les précisions
nécessaires, il s'en prend de manière irrecevable aux faits
constatés par l'autorité cantonale, dès lors qu'il n'a pas
été établi que les intimés étaient conscients du caractère
incomplet des estimations de coûts que l'architecte leur
avait présentées.

C'est manifestement à tort que le recourant sou-
tient que les manquements qui lui sont imputés ne pourraient
avoir pour conséquence qu'une réduction de ses honoraires.
De
fait, il est de jurisprudence qu'il y a cumul entre le droit
à réduction des honoraires et la réparation du dommage causé
par la mauvaise exécution du mandat (ATF 124 III 423 consid.
3c). L'autorité cantonale pouvait ainsi parfaitement, sans
violer le droit fédéral, réduire de 30% les honoraires ré-
clamés par le recourant pour manquement à son devoir de dili-
gence et allouer des dommages-intérêts aux intimés pour dé-
passement des coûts de construction prévus initialement,
tout
en réduisant l'indemnité afin de tenir compte de la faute
concomitante des demandeurs.

En prétendant, du reste sans aucunement étayer son
propos, qu'il n'a commis aucune faute, le recourant perd de
vue que la faute est présumée en matière contractuelle selon
l'art. 97 al. 1 CO, disposition valant également en matière
de mandat (Tercier, op. cit., n. 4079).

Enfin, le défendeur ne peut reprocher aux premiers
juges d'avoir suivi l'avis de l'expert B.________ plutôt que
celui exprimé par l'expert A.________ et d'avoir considéré
que l'avis de ce premier expert était clair et convaincant.
Il s'agit évidemment d'une question qui porte sur l'apprécia-

tion des preuves, laquelle n'est pas régie par l'art. 8 CC,
cette disposition ne disant pas comment le juge peut
parvenir
à une conviction (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522).

Il découle ainsi des considérations qui précèdent
que le premier moyen développé par le recourant, qui
consiste
à contester toute responsabilité contractuelle, est dénué de
tout fondement.

3.- a) Le recourant fait ensuite valoir que la
cour cantonale aurait méconnu la notion juridique du dommage
et violé les principes de droit applicables à son calcul. Il
déclare que l'autorité cantonale a fait une fausse applica-
tion de l'art. 42 al. 2 CO en admettant que le préjudice en-
traîné par le dépassement de devis correspondait à l'entier
de la différence entre la valeur objective et la valeur sub-
jective de l'ouvrage; à son sens, le dommage en cause ne
saurait excéder le quart de cette différence.

b) D'après la jurisprudence, l'architecte doit ré-
parer le dommage causé au maître de l'ouvrage qui s'est fié
aux renseignements inexacts qui lui ont été donnés sur le
coût de la construction; ce préjudice ne correspond pas tou-
tefois à la plus-value objective du bâtiment résultant du
dépassement du devis. En effet, le dommage découle du fait
que, s'il avait connu à temps l'inexactitude du devis, le
maître aurait disposé autrement de son argent au motif que
la
plus-value de la construction - qu'il ne souhaitait pas -
était sans utilité pour lui ou que l'investissement exigé
dépassait ses moyens financiers. La plus-value représentant
un avantage opposable au maître en tant que celui-ci y a un
intérêt personnel, le dommage consiste dans la différence
existant entre la valeur objective du bâtiment et son
utilité
subjective pour le lésé. Il s'agit plutôt du préjudice maxi-
mum. Le fait que le maître se soit fié au devis ne signifie
pas encore que la plus-value qui lui a été imposée soit sans

utilité subjective et que le dommage déterminant réside dans
la totalité de cette différence (ATF 122 III 61 consid.
2c/aa).

L'existence et l'étendue de la valeur subjective de
la plus-value relevant de l'appréciation souveraine du domma-
ge par le juge du fait (art. 42 al. 2 CO), leur
détermination
ne saurait être revue par le Tribunal fédéral en instance de
réforme. En d'autres termes, dire s'il y a eu dommage et dé-
terminer quelle en est la quotité est une question de fait
soustraite à l'examen du Tribunal fédéral saisi d'un recours
en réforme (ATF 127 III 543 consid. 2b et les références).
Ce
dernier est donc lié par les constatations de l'autorité can-
tonale, à moins que celle-ci ait méconnu la notion juridique
du dommage ou violé des principes juridiques quant au calcul
du préjudice. Il faut toutefois faire une exception pour la
décision qui se fonde uniquement sur l'expérience générale
de
la vie et qui est formulée en termes abstraits lui donnant
le
caractère d'une norme valable pour d'autres cas du même gen-
re; mais une décision qui ne se réfère à l'expérience géné-
rale de la vie que pour fixer le dommage dans un cas parti-
culier, compte tenu des preuves administrées ou d'autres
facteurs d'appréciation, n'entre pas dans cette catégorie
(ATF 122 III 61 consid. 2c/bb et les arrêts cités).

c) A l'appui de son moyen, le défendeur se limite
pour l'essentiel à substituer sa propre approche des faits à
celle de l'autorité cantonale, sans même indiquer le
principe
juridique qui n'aurait pas été observé. On cherche en vain
dans l'argumentation du recourant une énumération des
notions
juridiques en matière de fixation de dommage qui n'auraient
pas été respectées, de sorte qu'il est douteux que le
recours
satisfasse sur ce point aux exigences de motivation requises.

Au sujet de la détermination de la valeur subjecti-
ve, le recourant n'explique pas quels sont les faits admis

définitivement qui auraient permis de retenir une valeur sub-
jective différente.

En ce qui concerne le calcul du dommage, le défen-
deur feint d'oublier que les intimés ont dû, d'une part, re-
courir à un financement bancaire complémentaire de
101'090 fr. (645'000 fr. - 543'910 fr.), lequel a entraîné
le
paiement d'intérêts débiteurs supplémentaires, et, d'autre
part, encore emprunter 30'000 fr. à la mère du demandeur.
Or,
il sied de rappeler que le dommage peut se présenter sous la
forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du
passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-
diminution du passif (ATF 127 III 543 consid. 2b et les ar-
rêts cités).

Quoi qu'en pense le défendeur, on ne voit pas com-
ment il serait possible de s'écarter du plan financier
annexé
au contrat du 30 juin 1992, étant donné qu'il s'agit d'un do-
cument contractuel définissant le cadre du mandat confié au
recourant.

Comme cela a déjà été dit ci-dessus, l'art. 8 CC ne
prescrit pas comment le juge doit forger sa conviction. Dès
lors, le recourant ne peut remettre en cause en instance de
réforme la constatation de fait selon laquelle le crédit de
construction a été octroyé sur la base d'un coût de
875'000 fr.

Le recourant fait preuve de mauvaise foi lorsqu'il
soutient que les demandeurs ne pouvaient sérieusement se
fier
au plan financier du 30 juin
1992, document qui était incom-
plet. Comme il n'apparaît pas qu'il aurait rendu ses
mandants
attentifs à cet état de choses, il invoque à ce propos sa
propre turpitude afin de contester le dommage qu'il a causé,
attitude qui ne mérite aucune protection.

De toute manière, il faut relever que l'indemnité
due a été réduite d'un tiers pour qu'il soit tenu compte de
la faute concomitante imputée aux intimés, de sorte que le
résultat auquel est parvenu l'autorité cantonale n'apparaît
en rien choquant.

Partant, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune
violation du droit fédéral quant à la détermination du préju-
dice subi par les intimés.

4.- a) Invoquant une violation des art. 43 et 44
CO, le recourant affirme que la faute concurrente des
intimés
est d'une gravité nettement supérieure à celle qui a été re-
tenue dans le jugement déféré. D'après le défendeur, les de-
mandeurs ne pouvaient pas méconnaître le fait que certains
postes des estimations présentées, parfois importants,
n'étaient pas encore chiffrés. En outre, les intimés étaient
en mesure de "comparer les indications fournies et les mon-
tants des adjudications qu'ils signaient".

b) L'appréciation de la faute concomitante mise à
la charge des intimés relève du droit et le Tribunal fédéral
est en mesure de revoir librement cette question (ATF 115 II
283 consid. 1a in fine; 113 II 323 consid. 1c).

L'art. 44 al. 1 CO, siège de la matière, est appli-
cable en matière de responsabilité contractuelle à teneur de
l'art. 99 al. 3 CO (ATF 112 II 450 consid. 4 in fine p. 458;
Schnyder, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 44 CO).

Pour apprécier la mesure d'une faute concomitante,
il y a lieu de procéder à une comparaison entre cette der-
nière et celle du responsable du dommage (Schnyder, op.
cit.,
n. 9 ad art. 44 CO; Brehm, Commentaire bernois, n. 20 ad
art.
44 CO). A cette fin, l'autorité cantonale jouit d'un large
pouvoir d'appréciation et le Tribunal fédéral n'intervient

qu'en cas d'excès de ce pouvoir (ATF 123 III 306 consid. 5b
p. 314 in fine). Aussi, le Tribunal fédéral s'astreint-il à
la retenue et n'intervient-il que si la décision déférée
s'est écartée sans raison des principes reconnus par la ju-
risprudence et la doctrine, ou si elle a pris en considéra-
tion des faits qui n'auraient dû jouer aucun rôle ou, au
contraire, si elle n'a accordé aucune importance à des cir-
constances qui auraient dû être prises en compte; la juri-
diction fédérale revoit en outre les décisions
d'appréciation
lorsqu'elles consacrent un résultat manifestement
inéquitable
et apparaissent injustes de manière choquante (ATF 125 III
226 consid. 4b; 123 III 246 consid. 6a p. 255, 274 consid.
1a/cc).

En l'occurrence, on ne discerne pas en quoi les
juges cantonaux auraient méconnu les principes précités,
d'autant que la réduction d'un tiers opérée sur l'indemnité
due aux demandeurs apparaît déjà sévère.

En effet, comme on l'a vu au consid. 2c/aa ci-
dessus, les risques portant sur les coûts ne sont la plupart
du temps pas reconnaissables pour le mandant sans l'inter-
vention d'un homme de l'art (Schumacher, op. cit., n. 748).
De plus, l'autorité cantonale a reconnu de manière à lier le
Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) que, faute
d'informations
suffisantes, les demandeurs n'avaient pas été à même d'éva-
luer les risques de dépassement et qu'ils s'étaient ainsi
trouvés devant le fait accompli, sans plus pouvoir envisager
des modifications de l'ouvrage propres à en réduire le coût.

Le moyen est privé de tout fondement.

5.- Le recourant s'en prend encore à la manière
dont la cour cantonale a déterminé les honoraires qui lui
étaient dus. Il reproche à la Cour civile d'avoir retenu,
sur
la base du contrat du 30 juin 1992, que le montant donnant

droit à des honoraires serait de 450'000 fr. et de n'avoir
pas pris en compte le calcul de l'expert A.________, qui se-
rait rigoureusement conforme au Règlement SIA 102.

En dépit des affirmations du défendeur, il résulte
clairement du jugement déféré (p. 45 § 3) que les juges can-
tonaux ont calculé les honoraires du recourant non sur le
montant qu'il indique, mais bien sur le coût déterminant de
l'ouvrage arrêté à 587'800 fr., cela après avoir écarté sur
ce point l'opinion de l'expert A.________.

La critique, pour autant qu'elle ne soit pas di-
rigée contre l'appréciation des preuves et singulièrement
des
expertises, n'a aucune consistance.

6.- Enfin, le recourant prétend qu'il n'y aurait
pas matière à réduction de ses honoraires. A l'en croire,
il se justifierait tout au plus d'opérer sur leur montant
une
réduction de 6% selon l'avis du premier expert, voire de 15%
au maximum.

Comme le recourant n'explique nullement en quoi le
jugement querellé serait à cet égard contraire au droit fé-
déral, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce grief
qui
ne respecte en rien les exigences de motivation du recours
en
réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ).

7.- Il suit de là que le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité, le jugement attaqué
devant
être confirmé. Les frais et dépens seront mis à la charge du
recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 6'000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimés, créan-
ciers solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dé-
pens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.
_________

Lausanne, le 27 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.300/2001
Date de la décision : 27/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-27;4c.300.2001 ?
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