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26/02/2002 | SUISSE | N°1P.564/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 février 2002, 1P.564/2001


{T 1/2}
1P.564/2001/otd

Arrêt du 26 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Féraud, Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

Parti chrétien-social fribourgeois, représenté par son président,
Michel
Monney, Kleinschönberg 103, 1700 Fribourg,
Michel Monney, Kleinschönberg 103, 1700 Fribourg, recourants,

contre

Conseil d'État du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17,

1700
Fribourg,
Grand Conseil du canton de Fribourg, Chancellerie d'Etat, rue des
Chanoines
17, 1700 Fribourg.
...

{T 1/2}
1P.564/2001/otd

Arrêt du 26 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Nay, Aeschlimann, Reeb, Féraud, Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Zimmermann.

Parti chrétien-social fribourgeois, représenté par son président,
Michel
Monney, Kleinschönberg 103, 1700 Fribourg,
Michel Monney, Kleinschönberg 103, 1700 Fribourg, recourants,

contre

Conseil d'État du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700
Fribourg,
Grand Conseil du canton de Fribourg, Chancellerie d'Etat, rue des
Chanoines
17, 1700 Fribourg.

art. 85 let. a OJ ainsi que l'art. 36 al. 3 & 4 Cst. (art. 48 de la
loi du 6
avril 2001 sur l'exercice des droits politiques)

(recours de droit public)
Faits:

A.
Le 6 avril 2001, le Grand Conseil du canton de Fribourg a adopté la
loi sur
l'exercice des droits politiques (LEDP), abrogeant celle, portant le
même
intitulé, du 18 février 1976 (art. 164 LEDP). Le référendum n'ayant
pas été
demandé, le Conseil d'Etat a, par décision du 2 août 2001, promulgué
la
nouvelle loi dont il a fixé l'entrée en vigueur au 1er août 2001.
Cette
décision a été publiée dans la Feuille officielle du canton de
Fribourg le 3
août 2001.

Sous l'empire de la loi du 18 février 1976, les députés du Grand
Conseil ne
devaient pas nécessairement être domiciliés dans le cercle électoral
dans
lequel ils avaient été élus. La nouvelle loi a changé cette situation.
Désormais, selon l'art. 48 al. 2 LEDP, toute personne jouissant de
l'exercice
des droits politiques n'est éligible au Grand Conseil que dans le
cercle
électoral où elle a son domicile.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, le Parti
chrétien-social du
canton de Fribourg, ainsi que son président, Michel Monney, demandent
au
Tribunal fédéral de dire que l'art. 48 LEDP viole les art. 11, 25 et
32 Cst.
frib., ainsi que l'art. 36 al. 4 Cst., et de renvoyer la cause au
Grand
Conseil pour nouvelle décision.

Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat proposent le rejet du recours
dans la
mesure où celui-ci serait recevable.

Invités à répliquer, les recourants ont maintenu leurs conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1
p. 93;
127 II 198 consid. 2 p. 201; 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 150
consid.
1a p. 151, 166 consid. 1 p. 168, et les arrêts cités).

1.1 Le recours de droit public pour violation du droit de vote au
sens de
l'art. 85 let. a OJ peut être formé directement contre une loi
cantonale dont
les recourants prétendent qu'elle restreindrait les droits politiques
garantis par le droit supérieur, en l'occurrence, selon les
recourants, par
les Constitutions cantonale et fédérale (cf. ATF 121 I 291 consid. 1
p. 293).

1.2 Comme citoyen actif exerçant son droit de vote dans le canton de
Fribourg, et comme parti politique y déployant ses activités, les
recourants
ont qualité pour agir (ATF 123 I 40 consid. 6a p. 46; 121 I 252
consid. 1b p.
255, 334 consid. 1a p. 337, 357 consid. 2a p. 360, et les arrêts
cités).

1.3 Le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire (ATF 126 I
213
consid. 1 p. 216/217; 126 II 377 consid. 8c p. 395; 126 III 534
consid. 1b p.
536, et les arrêts cités). Cette règle s'applique aussi au recours de
droit
public pour violation du droit de vote au sens de l'art. 85 let. a OJ
(ATF
118 Ia 184 consid. 1d p. 188). En l'occurrence, les recourants ne
requièrent
pas formellement l'annulation de la LEDP du 6 avril 2001. Mais telle
est bien
la portée qu'il faut prêter à leur démarche, notamment lorsqu'ils
demandent
le renvoi de la cause au Grand Conseil pour nouvelle décision.

1.4 Les recourants s'en prennent à l'art. 48 LEDP. Il ressort
toutefois de
leurs écritures qu'ils contestent cette disposition uniquement en tant
qu'elle impose dorénavant, selon son alinéa 2, le domicile dans le
cercle
électoral comme condition d'éligibilité au Grand Conseil. Pour le
surplus,
les recourants ne remettent pas en discussion l'art. 48 LEDP en tant
qu'il
régit l'élection du Conseil d'Etat, des députés au Conseil des Etats
et des
préfets (al. 1) et l'élection des conseils communaux ou généraux (al.
3). Il
faut donc admettre que le recours tend uniquement à l'annulation de
l'art. 48
al. 2 LEDP.

1.5 Dans le cadre du recours de droit public pour violation du droit
de vote
au sens de l'art. 85 let. a OJ, peuvent être invoquées les
dispositions du
droit constitutionnel cantonal, ainsi que les normes de rang
inférieur qui
sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et
l'étendue (ATF 123 I 41 consid. 6b p. 46; 119 Ia 167 consid. 2 p.
174; 118 Ia
422 consid. 1e p. 424, et les arrêts cités). En particulier, le
citoyen est
habilité à critiquer, comme en l'espèce, un acte normatif cantonal
régissant
les droits politiques, en faisant valoir que cet acte violerait les
droits
politiques garantis par une norme de rang supérieur (ATF 123 I 41
consid. 6b
p. 46 in fine, et les arrêts cités). En revanche, les recourants ne
sont pas
recevables à se prévaloir, dans ce contexte, des dispositions de la
Constitution fédérale qui régissent le droit de vote au niveau de la
Confédération. En effet, si les droits politiques sont garantis (art.
34 al.
1 Cst.), la Confédération et les cantons disposent de compétences
propres
pour régir l'exercice des droits politiques dans leurs sphères
respectives
(art. 39 al. 1 Cst.). Cela concerne notamment le critère du domicile
comme
condition d'éligibilité au Parlement. L'argument que les recourants
tirent du
fait que pour siéger au Conseil national, il n'est pas requis, au
regard de
l'art. 143 Cst., d'être domicilié dans le canton dont on est l'élu,
est ainsi
hors de propos.

2.
Les recourants soutiennent que l'art. 48 al. 2 LEDP heurterait les
art. 25 et
32 Cst. frib.

2.1 Aux termes de l'art. 1 Cst. frib., la souveraineté réside dans
l'universalité du peuple (al. 2), qui l'exerce par les citoyens
actifs du
canton, directement dans les assemblées politiques et électorales, et
en leur
nom par les pouvoirs constitutionnels, conformément aux dispositions
des
constitutions fédérale et cantonale (al. 3). Pour l'élection du Grand
Conseil, le territoire du canton est divisé en huit cercles
électoraux (art.
22 al. 1 let. a, al. 4 et 5 Cst. frib.). Le domicile politique est
celui de
la commune auprès de laquelle le citoyen a déposé ses papiers de
légitimation
avec l'intention de s'y établir (art. 3 al. 1 LEDP). L'art. 25 al. 1
Cst.
frib. définit la citoyenneté active, c'est-à-dire la capacité de
voter et
d'élire, en accordant celle-ci aux Fribourgeois et Fribourgeoises de
dix-huit
ans révolus qui ont leur domicile dans le canton et jouissent de
leurs droits
civils et politiques. L'alinéa 2 de cette disposition confère aussi la
citoyenneté active aux Suisses et Suissesses, aux conditions fixées
par la
loi. Celle-ci accorde l'exercice des droits politiques à toute
personne de
nationalité suisse, âgée de dix-huit ans révolus et domiciliée dans
le canton
(art. 2 al. 1 LEDP). Les citoyens actifs se réunissent en assemblées
politiques et en assemblées électorales (art. 27 Cst. frib.). Les
assemblées
politiques sont appelées à décider en matière de référendum,
obligatoire ou
facultatif, et d'initiative (art. 28-28quater Cst. frib.). Les
assemblées
électorales procèdent à l'élection des députés au Grand Conseil, au
Conseil
national, et au Conseil des Etats, ainsi qu'à celle des Conseillers
d'Etat,
des préfets et des jurés fédéraux et cantonaux (art. 29 Cst. frib.).
Le Grand
Conseil compte cent trente députés qui sont répartis entre les cercles
électoraux proportionnellement à leur population (art. 37 Cst.
frib.). Pour
l'élection des députés au Grand Conseil, les citoyens actifs,
domiciliés dans
un cercle électoral, forment une assemblée électorale (art. 30 Cst.
frib.).
La citoyenneté passive, c'est-à-dire la capacité d'être élu, est
définie par
l'art. 32 Cst. frib., aux termes duquel tout citoyen actif,
Fribourgeois et
Confédéré, est éligible à la fonction de l'ordre législatif, ainsi
qu'à la
fonction des ordres exécutif et judiciaire dès l'accomplissement de sa
vingt-cinquième année (al. 1); sont réservées les dispositions que la
loi
pourrait établir sur les incompatibilités et les cumuls (al. 2).

2.2 Les recourants se fondent sur la prémisse implicite que toute
règle
établie par le législateur cantonal en matière de droits politiques
devrait
nécessairement reposer sur une base constitutionnelle expresse. En
d'autres
termes, il serait interdit au législateur de poser des conditions à
l'exercice des droits politiques cantonaux si celles-ci ne sont pas
prévues
par la Constitution ou ne sont pas expressément déléguées par le
constituant
au législateur. Or, les recourants ne prétendent pas que la
Constitution
cantonale poserait une règle aussi rigoureuse. Le Tribunal fédéral,
lié par
le principe d'allégation (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38
consid. 4 p.
43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492
consid. 1b
p. 495, et les arrêts cités), qui s'applique aussi au recours de
droit public
au sens de l'art. 85 let. a OJ (ATF 121 I 334 consid. 1b p. 337, 357
consid.
2d p. 360, et les arrêts cités), n'a pas à approfondir cette question.

Le Grand Conseil détient le pouvoir législatif (art. 37 Cst. frib.).
Pour y
être élu, il faut être citoyen actif (art. 32 al. 1 let. a Cst.
frib.), ce
qui présuppose, notamment, d'être domicilié dans le canton (art. 25
al. 1
let. b Cst. frib.). Pour participer à l'élection des députés, il faut
avoir
son domicile dans le cercle électoral concerné (art. 30 Cst. frib.).
Hormis
cela, la Constitution cantonale ne retient pas le critère du domicile
comme
condition d'éligibilité au Grand Conseil: elle ne fait du domicile
dans le
cercle électoral ni une obligation, ni un empêchement pour cette
élection.
Faute pour les recourants de démontrer le contraire, il ne s'agit pas
là d'un
silence qualifié, mais d'un domaine abandonné au législateur. Celui-ci
pouvait ainsi, sous l'ancien droit, renoncer à la condition du
domicile dans
le cercle électoral comme condition d'éligibilité au Grand Conseil,
comme il
pouvait, sans davantage violer la Constitution cantonale, introduire
une
telle règle, comme il l'a fait en adoptant l'art. 48 al. 2 LEDP. Les
recourants ne peuvent à cet égard prétendre que la novelle du 6 avril
2001
restreindrait l'exercice des droits politiques tels qu'ils sont
garantis par
la Constitution cantonale.

2.3 A l'instar des autorités cantonales, les recourants estiment que
les
restrictions aux droits politiques des citoyens devraient respecter
les
conditions fixées par l'art. 36 Cst. Il n'est pas nécessaire
d'approfondir ce
point. Le litige ne porte pas sur une restriction aux droits
politiques, mais
plutôt sur la définition légale des modalités de leur exercice, d'une
part,
et, d'autre part, la norme contestée apparaît clairement comme
compatible
avec la Constitution. Sous l'angle de l'intérêt public, le critère du
domicile dans le cercle électoral comme condition d'éligibilité au
Parlement
cantonal est neutre. On peut en effet soutenir, avec le Grand
Conseil, qu'il
peut paraître nécessaire de renforcer le lien entre les électeurs et
leurs
députés, en exigeant que les uns et les autres appartiennent au même
cercle
électoral. Il serait tout aussi possible d'estimer, comme on l'avait
fait
dans le canton de Fribourg jusqu'à la novelle du 6 avril 2001, que la
liberté
de l'électeur de se choisir un représentant hors de son cercle
électoral
constitue un intérêt public opposé au moins aussi important, si l'on
songe,
par exemple, à la nécessité de protéger les minorités linguistiques,
confessionnelles ou culturelles d'un cercle déterminé. Les deux
options en
présence répondent, l'une comme l'autre, à un intérêt public
suffisant. Sous
l'angle de la proportionnalité, il ne paraît pas abusif d'imposer au
citoyen
de présenter sa candidature au Grand Conseil dans le cercle où se
trouve son
domicile politique ou, à défaut, d'en changer pour augmenter ses
chances
d'être élu.

3.
Les recourants soutiennent que l'art. 48 al. 2 LEDP heurterait la
liberté
d'établissement (art. 11 Cst frib.; cf. aussi l'art. 24 al. 1 Cst.).

Ce grief est mal fondé. La règle contestée n'a pas pour effet de
limiter,
d'une quelconque manière, le droit des citoyens d'établir leur
domicile dans
un cercle électoral déterminé, ni à l'inverse, de les obliger à
déplacer leur
domicile dans un autre cercle. Tout au plus devront agir de la sorte
ceux qui
voudraient se présenter, pour l'élection du Grand Conseil, dans le
cercle
dans lequel ils disposeraient, à première vue, des meilleures chances
d'être
élus. Mais il s'agit là de questions de convenance ou de calcul qui ne
portent pas atteinte à la liberté d'établissement.

4.
Le recours doit ainsi être écarté. Comme c'est la règle en matière de
recours
pour violation des droits politiques, les frais ne sont pas mis à la
charge
des recourants qui succombent. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le
recours est rejeté.

2.
Il est statué sans frais, ni dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants, au Conseil
d'État du
canton de Fribourg et au Grand Conseil du canton de Fribourg.

Lausanne, le 26 février 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.564/2001
Date de la décision : 26/02/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-26;1p.564.2001 ?
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