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22/02/2002 | SUISSE | N°U.510/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 février 2002, U.510/00


«AZA 7»
U 510/00

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme Berset

Arrêt du 22 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Maître Manuel Mouro,
avocat, rue Rodolphe-Toepffer 11bis, 1206 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) S.________, a travaillé en

qualité
d'aide-coffreur au service de l'entreprise X.________ à
Genève. A ce titre, il était assuré par la Caisse nationale
suis...

«AZA 7»
U 510/00

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme Berset

Arrêt du 22 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Maître Manuel Mouro,
avocat, rue Rodolphe-Toepffer 11bis, 1206 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) S.________, a travaillé en qualité
d'aide-coffreur au service de l'entreprise X.________ à
Genève. A ce titre, il était assuré par la Caisse nationale
suisse en cas d'accidents (CNA) pour les accidents profes-
sionnels et non professionnels.
Le 2 août 1995, il a fait une chute qui lui a occa-
sionné des lésions à l'épaule gauche. Depuis lors, il n'a
plus repris d'activité lucrative.

Par décision du 13 janvier 1999, confirmée sur opposi-
tion le 26 août suivant, la CNA a alloué à S.________ une
rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 25 %,
à partir du 1er septembre 1998.

b) Par décision du 21 juillet 1998, l'Office cantonal
AI de Genève (OAI) a alloué à l'assuré une rente entière
d'invalidité, fondée sur un taux d'invalidité de 100 %, à
partir du 1er août 1996. Au terme d'une procédure de révi-
sion, l'OAI a, par décision du 8 octobre 1999 - fondée sur
un rapport du 18 mars 1999 de sa division de réadaptation
professionnelle - fixé le degré d'invalidité de l'assuré à
60,6 %, de sorte que la rente entière d'invalidité était
remplacée par une demi-rente, à partir du 1er décembre
1999. Ce taux a été fixé à 61 % par décision du 10 avril
2000.

B.- Par jugement du 28 novembre 2000, le Tribunal
administratif du canton de Genève a partiellement admis le
recours formé par S.________ contre la décision sur oppo-
sition de la CNA du 26 août 1999 et renvoyé la cause à
cette dernière pour instruction complémentaire et nouvelle
décision.

C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en
concluant à la confirmation de sa décision sur opposition.
L'intimé conclut, sous suite de frais et dépens,
principalement au rejet du recours. Subsidiairement, il
requiert l'octroi d'une rente d'invalidité de 73 % de
l'assurance-accidents. Il sollicite également le bénéfice
de l'assistance judiciaire gratuite.
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé sur le recours.

Considérant en droit :

1.- Même si elle ne met pas fin à la procédure, une
décision de renvoi par laquelle le juge invite l'adminis-
tration à statuer à nouveau selon des instructions impéra-
tives, est une décision autonome, susceptible en tant que
telle d'être attaquée par la voie du recours de droit
administratif, et non une simple décision incidente (ATF
117 V 241 consid. 1, 113 V 159).

2.- Le litige porte sur le degré d'invalidité de
l'intimé à partir du 1er septembre 1998. Il n'est pas
contesté que ce dernier présentait, à la date de la déci-
sion sur opposition, des séquelles de l'accident du 2 août
1995 qui l'empêchaient de reprendre son activité précé-
dente.

3.- Les premiers juges ont exposé correctement les
règles applicables en matière d'évaluation de l'invalidité,
de sorte qu'il suffit de renvoyer à leur jugement.

4.- Le revenu mensuel que S.________ aurait touché en
1998 s'il n'avait pas subi l'accident d'août 1995, a été
évalué par la CNA à 4550 fr. Ce montant, qui n'est pas
contesté, est fondé sur un salaire horaire de 22 fr. 80 +
8,33 % correspondant aux vacances.

5.- a) Pour fixer le revenu d'invalide, il y a d'abord
lieu de déterminer le type d'activité que l'assuré pourrait
raisonnablement exercer. Dans un rapport (final) du 6 fé-
vrier 1998 - consécutif à un avis du 11 avril 1997 - le
docteur A.________, spécialiste FMH en orthopédie et
chirurgie et médecin d'arrondissement de la CNA, a conclu
que le patient ne pourrait plus reprendre une activité
aussi lourde que celle de coffreur et devrait éviter à
l'avenir, surtout si elles sont prolongées et/ou répétées,
les sollicitations suivantes : mouvements de l'épaule

gauche au-delà de l'horizontale, maintien du bras gauche
écarté du corps, ports de charges ainsi que mouvements
répétitifs très fréquents et très prolongés. Sous cette
réserve, le patient peut travailler à temps complet et avec
un rendement total.
Clair et bien motivé, le rapport du docteur A.________
- qui prend en compte l'ensemble des pièces médicales fi-
gurant au dossier et les plaintes de l'intéressé - remplit
toutes les conditions posées par la jurisprudence pour se
voir reconnaître pleine valeur probante (ATF 125 V 352
consid. 3a et les références).
Le point de vue du médecin traitant, le docteur
B.________, n'est pas apte à faire douter du bien-fondé des
conclusions du docteur a.________ dès lors que dans son
dernier avis (du 8 janvier 2000), il conclut - comme les
autres médecins - à l'incapacité de reprendre une activité
comme aide-coffreur, ce qui n'est pas contesté. Dans ces
circonstances, on doit admettre que l'intimé présente une
capacité de travail de 100 % dans une activité légère
adaptée à son handicap.

b) C'est en vain que l'intimé a objecté, en se fon-
dant, notamment, sur le rapport du 1er mars 1999 du
COPAI - que sa capacité de rendement est diminuée de 50 %.
En effet, dans toutes les institutions où l'on a observé
l'intimé à la tâche, il a été mis en évidence le fait que
sa capacité de rendement ne correspondait pas à ce que l'on
pouvait attendre de lui. Il ressort ainsi d'un rapport du
6 février 1997 des médecins de la Clinique Y.________ que
l'intimé n'est pas motivé pour le travail, mais que, du
point de vue médical, on pouvait envisager toutes les acti-
vités auxiliaires légères dans l'industrie, qui n'exigent
pas de soulever et de porter de lourdes charges avec les
deux mains ou d'effectuer des travaux au-dessus de la tête.
Dans un rapport du 23 avril 1998, les praticiens de la
Clinique Y.________ relèvent une divergence entre les
constatations médicales et la capacité de rendement de

l'intimé. Quant au rapport du COPAI, s'il conclut à une
capacité de travail de 100 %, avec un rendement de 50 %, il
fait aussi état du peu d'engagement de l'assuré lors du
stage en entreprise, où son taux de présence a été de 10 %.
Dans ce contexte, la diminution du taux de rendement de
50 % proposé par le COPAI ne saurait être pris en compte
dès lors que les maîtres de la réadaptation eux-mêmes ont
déclaré qu'il n'a pas été possible de préciser la résis-
tance, le rythme et le rendement de l'assuré. Il n'appar-
tient en effet pas à la recourante de supporter le dommage
dû à un manque d'engagement de l'intimé auquel il incombe
de limiter le préjudice, en mettant en oeuvre tout ce qu'on
peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les
conséquences de son accident, fût-ce au prix d'un effort
important (ATF 123 V 96 consid. 4c, 113 V 28 consid. 4a).

c) Sur le vu de ce qui précède, une audition du doc-
teur B.________ n'aurait rien changé à l'issue du litige,
contrairement à ce que soutient l'intimé, de sorte que les
premiers juges étaient fondés, par appréciation anticipée
des preuves, à ne pas donner suite à la requête dont ils
ont été saisis à cet effet.

6.- a) Dans la décision du 13 janvier 1999, confirmée
sur opposition, la CNA a fixé le revenu d'invalide que
l'intimé pourrait réaliser dans une activité légère dans
différents secteurs de l'industrie, en tenant compte des
limitations mentionnées par le docteur A.________. Le
calcul du revenu d'invalide se fonde sur huit descriptions
de postes de travail (DPT) établies par la CNA en fonction
des conditions salariales valables en 1998, en ce qui con-
cerne l'industrie, ainsi que le commerce/hôtellerie et
restauration, dans la région lémanique. Sur la base des
salaires minimums figurant sur ces DPT, le revenu d'inva-
lide a été estimé à 3450 fr. par mois.
Le Tribunal administratif a considéré que ces DPT sont
en principe un moyen pertinent pour évaluer le revenu d'in-

valide, à la condition toutefois qu'un choix de cinq places
de travail exigibles, au minimum, soit proposé. Dans le cas
particulier, la cour cantonale a retenu que certaines des
activités décrites étaient inadéquates ou non pertinentes,
au motif qu'elles requéraient l'usage des deux mains et que
le nombre de postes restant était trop petit pour permettre
de déterminer le revenu d'invalide. Ils en ont déduit que
l'enquête économique était lacunaire et qu'un complément
d'instruction s'imposait, cette tâche étant dévolue à la
CNA.

b) C'est toutefois à tort que la juridiction cantonale
a renvoyé le dossier à la recourante pour compléter l'en-
quête économique. En effet, dès lors qu'elle considérait
que, parmi les postes de travail figurant sur les DPT,
certains n'étaient pas adaptés ou exigibles - question qui
peut demeurer indécise pour les raisons qui suivent -, il
lui appartenait soit d'interpeller d'office la CNA pour
qu'elle produise d'autres DPT, soit de faire usage des
salaires statistiques figurant sur l'enquête suisse sur la
structure des salaires pour effectuer la comparaison des
revenus (cf. ATF 124 V 321).
Selon la jurisprudence, le juge peut en effet se fon-
der sur ces données statistiques émanant de l'Office fédé-
ral de la statistique pour déterminer le revenu d'invalide
(ATF 126 V 75 et les arrêts cités). Le recours aux salaires
statistiques est d'autant plus approprié, lorsque l'assuré
n'a pas - comme en l'espèce - repris d'activité profession-
nelle.

c) En l'occurrence, le salaire de référence est celui
auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activi-
tés simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir
4268 fr. par mois (Enquête 1998, tabelle 1; niveau de qua-
lification 4). Ce salaire mensuel hypothétique représente,
compte tenu du fait que les salaires bruts standardisés se
basent sur un horaire de travail de quarante heures, soit

une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans
les entreprises en 1998 (41,9 heures; La Vie économique
1999/8 annexe p. 27, Tabelle B 9.2) un revenu d'invalide de
4470 fr. par mois (4268 x 41,9 : 40).
Même si l'on procédait à une déduction globale de 20 %
pour tenir compte de certains empêchements propres à l'in-
timé (ATF 126 V 78 ss. consid. 5) - qu'il conviendrait de
justifier strictement -, il en résulterait un revenu d'in-
valide de 3576 fr. (4470 fr. x 20 %). Or, si l'on tient
compte du revenu d'invalide de 3450 fr. retenu par la CNA,
la comparaison avec le revenu sans invalidité aboutit à un
taux d'invalidité de 24,1 %, alors que ce taux est de 19 %
par rapport aux données statistiques ci-dessus. Il ne se
justifie toutefois pas de réformer dans ce sens la décision
litigieuse.

7.- a) Selon la jurisprudence, l'uniformité de la no-
tion d'invalidité, qui doit conduire à fixer pour une même
atteinte à la santé un même taux d'invalidité, règle la
coordination de l'évaluation de l'invalidité dans les
différentes branches de l'assurance sociale (ATF 126 V 291
consid. 2a). Des divergences ne sont toutefois pas à exclu-
re d'autant que le caractère uniforme de la notion d'inva-
lidité ne libère pas les divers assureurs sociaux de
l'obligation de procéder chacun de manière indépendante à
l'évaluation de l'invalidité dans chaque cas concret.
Si un assureur ne peut en aucune manière se contenter
de reprendre, sans plus ample examen, le taux d'invalidité
fixé par un autre assureur, une évaluation entérinée par
une décision entrée en force ne peut pas rester simplement
ignorée. Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle
évaluation lorsqu'elle repose sur une erreur de droit ou
sur une appréciation insoutenable (ATF 119 V 471 con-
sid. 2b) ou encore lorsqu'elle résulte d'une simple tran-
saction conclue avec l'assuré (ATF 112 V 175 s. con-
sid. 2a). A ces motifs de divergence déjà reconnus anté-
rieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des

mesures d'instruction extrêmement limitées et superfi-
cielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante
ou entachée d'inobjectivité (RAMA 2000 U 406 402).

b) En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers
juges se sont écartés du taux d'invalidité de 100 % retenu
initialement par l'AI. En effet, cette décision est fondée
exclusivement sur l'incapacité de travail attestée par le
médecin traitant. L'OAI qui n'a procédé qu'à une instruc-
tion limitée, n'a pas tenu compte de l'ensemble des avis
médicaux, ni cherché à déterminer les activités exigibles,
si bien qu'aucune comparaison des revenus n'a été effectuée
pour déterminer le taux d'invalidité.
Par ailleurs la décision du 8 octobre 1999 par laquel-
le l'OAI a fixé le taux d'invalidité à 60,6 % ne saurait
lier la CNA dès lors qu'elle fait l'objet d'un recours de
l'assuré.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être
admis.

8.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ). Par ailleurs, les conditions de l'assistance
judiciaire gratuite sont réunies. Le requérant est cepen-
dant rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la
caisse du tribunal, s'il devient ultérieurement en mesure
de le faire (art. 152 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal adminis-
tratif du canton de Genève du 28 novembre 2000 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée à l'intimé. Les
honoraires de Me Manuel Mouro sont fixés à 2500 fr. et
seront supportés par la caisse du tribunal.

IV. Le présent arrêt sera
communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.510/00
Date de la décision : 22/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-22;u.510.00 ?
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