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22/02/2002 | SUISSE | N°4P.246/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 février 2002, 4P.246/2000


«/2»

4P.246/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Nyffeler, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, représenté par Me Eric Ramel, avocat à Lausanne,

contre

le jugement rendu le 25 janvier 2000 par la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui oppose
le recourant à B.____

____, représenté par Me Nicolas Perret,
avocat à Lonay.;

(arbitraire; procédure cantonale)

Vu les pièces du dossie...

«/2»

4P.246/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Nyffeler, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, représenté par Me Eric Ramel, avocat à Lausanne,

contre

le jugement rendu le 25 janvier 2000 par la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui oppose
le recourant à B.________, représenté par Me Nicolas Perret,
avocat à Lonay.;

(arbitraire; procédure cantonale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Au printemps 1993, A.________, C.________ et
D.________, à l'époque poseurs de sol pour le même
employeur,
ont conçu le projet de créer une société afin d'exploiter
une
entreprise dans le domaine du revêtement de sol. Un tiers,
B.________, a accepté de financer l'opération en libérant
intégralement le capital-actions de la société anonyme à
constituer, divisé en 100 actions nominatives de 1 000 fr.
La
société a été fondée le 22 juillet 1993, sous la raison so-
ciale X.________ S.A. Elle comprenait quatre actionnaires:
B.________ (97 actions), D.________ (1 action), A.________
(1 action), C.________ (1 action). A une date inconnue, les
quatre ont signé une "convention d'actionnaires" qui pré-
voyait ceci :

"Monsieur B.________ s'engage à vendre ses titres à leur
valeur nominale aux autres actionnaires de la société dans
la
proportion suivante:

Monsieur D.________ 29 actions
Monsieur C.________ 29 actions
Monsieur A.________ 29 actions."

Comme C.________ et D.________, A.________ a signé
une reconnaissance de dette datée du 1er août 1993. Chacun
admettait devoir 30 000 fr. à B.________, montant payable
par
mensualités de 1 000 fr. ou selon accord.

La faillite de X.________ S.A. a été prononcée le
17 novembre 1994. La procédure de faillite, suspendue faute
d'actifs, a été clôturée le 21 février 1995.

B.- Le 12 juillet 1995, B.________ a fait notifier
à A.________ un commandement de payer 30 000 fr. avec inté-
rêts. Le poursuivi a fait opposition. La mainlevée
provisoire

de l'opposition a été prononcée à concurrence de 1 500 fr.,
intérêts en sus.

Par demande du 11 juin 1996, A.________ a ouvert
action en libération de dette devant le Juge de paix du
cercle de Lausanne, qui, incompétent, a transmis d'office le
dossier à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de
Vaud. Dans leur dernier état, les conclusions du demandeur
tendaient en substance à ce qu'il soit dit qu'il n'était pas
débiteur envers B.________ de la somme de 1 500 fr., au
maintien de l'opposition formée au commandement de payer
dirigé contre lui, et à la condamnation de son prétendu
créancier à lui verser 827 fr. 95 avec intérêts, soit le
montant des honoraires d'un agent d'affaires breveté. Le
défendeur a conclu au rejet de la demande. Reconventionnelle-
ment, il a requis la condamnation du demandeur à lui verser
30 000 fr. avec intérêts et la mainlevée définitive de l'op-
position formée par ce dernier, à qui il réclamait encore
les
sommes de 4 000 fr. et de 393 fr. 20, respectivement à titre
de remboursement d'une avance de salaire et de frais d'inter-
vention d'un agent d'affaires breveté. Le demandeur a conclu
à libération.

Par jugement du 25 janvier 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné A.________ à
payer à B.________ 30 000 fr., intérêts en sus. Elle a pro-
noncé la mainlevée de l'opposition à concurrence de
23 000 fr., avec intérêts.

C.- Parallèlement à un recours en nullité cantonal
et à un recours en réforme au Tribunal fédéral, A.________
interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre le jugement du 25 janvier 2000. Il conclut à l'annu-
lation de celui-ci, la cause étant renvoyée à l'instance can-
tonale pour nouvelle décision.

La Cour civile du Tribunal cantonal se réfère à ses
considérants.

La Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois
a écarté le recours en nullité par arrêt du 1er mars 2001.

D.- Par décision du 31 octobre 2001, la Ie Cour
civile du Tribunal fédéral a rejeté la demande d'assistance
judiciaire déposée par le recourant pour les procédures de-
vant le Tribunal fédéral.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il convient d'examiner le recours de droit pu-
blic en premier lieu.

b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF
127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524
consid. 1c, 534 consid. 1b; 125 I 492 consid. 1b p. 495).

2.- Le Tribunal cantonal a retenu que l'article
premier de la convention d'actionnaires et la reconnaissance
de dette venant le compléter constituaient un contrat de ven-
te au sens de l'art. 184 al. 1er CO, l'intimé, vendeur,
s'obligeant à livrer les actions au recourant, acheteur, et
à
lui en transférer la propriété, moyennant un prix que le de-
mandeur s'engageait à lui payer. Les parties ayant décidé
que
la vente ne serait pas opérée en bloc, mais à raison d'une
action par mois, contre paiement du prix de 1 000 fr., il
s'agissait d'une vente par livraisons successives. Cette
qualification n'est aujourd'hui plus contestée. Le litige

porte sur la question de savoir si le recourant peut refuser
de payer le prix de vente, dans la mesure où les actions
n'ont jamais été transférées entre les parties. Le Tribunal
cantonal a tranché par la négative: d'une part le recourant
n'a pas soulevé l'exception "non adimpleti contractus" au
sens de l'art. 82 CO; d'autre part, il ne peut tirer
argument
de la faillite de la société X.________ S.A. que ce soit en
se prévalant des règles sur la garantie des défauts des art.
197 ss CO, ou en invoquant un cas d'impossibilité objective
subséquente réglé par l'art. 119 CO.

3. Dans la présente procédure, le recourant sou-
tient que les juges cantonaux sont tombés dans l'arbitraire
en considérant qu'il n'avait pas soulevé valablement l'excep-
tion "non adimpleti contractus". Il s'estime victime d'un
procès inéquitable, et invoque formellement les art. 9, 29
al. 1 Cst. et 6 ch. 1 CEDH.

a) L'art. 82 CO stipule que celui qui poursuit
l'exécution d'un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou of-
frir d'exécuter sa propre obligation, à moins qu'il ne soit
au bénéfice d'un terme d'après les clauses ou la nature du
contrat. Il en résulte que le débiteur peut refuser sa pres-
tation tant que le créancier n'a pas exécuté ou offert celle
qu'il doit. Si le créancier agit en justice, il appartient
au
débiteur de faire valoir le droit que lui confère l'art. 82
CO. L'exception "non adimpleti contractus" ne doit pas être
mise en oeuvre d'office par le juge (ATF 76 II 298 consid.
3,
arrêt du Tribunal fédéral C.240/1985 du 8 octobre 1985, re-
produit in SJ 1986 p. 382). La forme selon laquelle l'excep-
tion doit être invoquée relève du droit de procédure, c'est-
à-dire du droit cantonal. En général, elle peut être présen-
tée aussi longtemps que les allégués nouveaux sont admissi-
bles (ATF 76 II 298; Rolf H. Weber, Commentaire bernois, n°
219 ss ad art. 82 CO). Dans le canton de Vaud, la jurispru-
dence veut que l'exception soit soulevée, avant la clôture
de

l'instruction préliminaire, par une déclaration expresse et
précise consignée dans la procédure écrite (JT 1962 III 109
ss).

b) En l'espèce, le recourant fait tout d'abord va-
loir qu'il a expressément allégué, dans sa demande en libé-
ration de dette, que l'intimé n'avait jamais transféré ses
titres aux autres actionnaires comme il s'y était engagé, ou
en tout cas qu'il ne lui avait pas remis, à lui, les 29 ac-
tions qui auraient dû lui revenir (allégués 11 et 12). L'ar-
gument doit être écarté. L'exception de non-exécution du
contrat constitue un moyen permettant au débiteur de
refuser,
provisoirement, de remplir sa prestation, tant que le créan-
cier n'a pas effectué ou offert d'exécuter la sienne (cf.
Weber, op. cit., n° 202 ad art. 82 CO). Alléguer que le
créancier n'a pas effectué sa prestation est une condition
nécessaire, mais pas suffisante, à la mise en oeuvre de
cette
exception. En retenant qu'il ne suffisait pas d'alléguer et
de prouver l'absence de livraison, mais qu'il convenait de
soulever expressément l'exception, la cour cantonale n'a pas
versé dans l'arbitraire.

c) Le recourant invoque encore divers allégués de
sa réplique, où il aurait exposé qu'il aurait dû acquérir
les
29 actions prévues par la convention d'actionnaires en un
peu
plus de deux ans, que cet accord serait resté lettre morte
et
qu'à aucun moment l'intimé ne lui aurait proposé de lui
transférer la propriété ne serait-ce que d'une seule action.
Là également, le recourant invoque de simples allégués de
fait concernant l'inexécution des obligations de l'intimé,
mais dans lesquels on ne peut voir la manifestation claire
de
la volonté de se prévaloir de l'art. 82 CO. Sous cet angle
aussi, le recours est mal fondé.

d) Finalement, le recourant se prévaut de son mé-
moire de droit du 28 juin 1999, dans lequel il se serait en

particulier expressément référé à l'art. 82 CO. Il soutient
qu'il serait choquant et insoutenable de faire dépendre le
sort du procès du seul fait que, dans la procédure écrite,
on
devrait trouver une "déclaration formelle invoquant l'excep-
tion non adimpleti contractus", alors qu'il a régulièrement
allégué et prouvé, auparavant, que les actions ne lui
avaient
jamais été transférées ni même offertes. Juger du contraire
reviendrait à paralyser, par la voie d'une règle de
procédure
désuète, l'exercice d'un droit reconnu par la législation fé-
dérale. Cette façon de raisonner serait arbitraire.

Le recourant ne conteste pas que lorsqu'il a invo-
qué précisément l'art. 82 CO, l'instruction préliminaire
était formellement terminée. La jurisprudence cantonale sur
ce point était claire et bien établie. Dans ces conditions,
il n'y a nul arbitraire de la part de la cour cantonale à
l'avoir respectée. Le recourant n'établit pas que la procé-
dure vaudoise soit extraordinairement sévère par rapport aux
autres procédures cantonales, et on ne voit pas en quoi elle
pêcherait par formalisme excessif. Tous les ordres de procé-
dure fixent des limites au-delà desquelles il n'est plus
possible d'invoquer de nouveaux moyens de fait ou éventuel-
lement de droit, de manière à assurer l'égalité des armes et
éviter le risque de procès interminables. L'argument est
sans
fondement.

4.- Le recourant reproche en vain à la cour canto-
nale une application insoutenable de l'art. 119 CO, ou
encore
d'avoir arbitrairement ignoré l'art. 185 CO. Ce sont des
questions de droit fédéral susceptibles d'être déférées au
Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme, de sorte
que le recours de droit public est irrecevable sur ces
points
(art. 84 al. 2 OJ).

5.- Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesu-
re où il est recevable. Vu le sort de la cause, le recourant

supportera les frais de justice. L'intimé n'a pas apporté la
preuve qui lui incombait (Messmer/Imboden, Die eidgenös-
sischen Rechtsmittel in Zivilsachen, n.20 p. 23 ss, et la
note de pied de page n° 17) qu'il a mis en temps utile à la
poste ses observations sur le recours de droit public, par-
venues tardivement au Tribunal fédéral. Il n'a donc pas
droit
à une indemnité à titre de dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge du recourant;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.
_______________

Lausanne, le 22 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:

Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.246/2000
Date de la décision : 22/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-22;4p.246.2000 ?
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