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21/02/2002 | SUISSE | N°C.152/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 février 2002, C.152/01


«AZA 7»
C 152/01

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 21 février 2002

dans la cause

Service de l'emploi, première instance cantonale de recours
en matière d'assurance-chômage, rue Marterey 5, 1014 Lau-
sanne, recourant,

contre

R.________, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- R.________, journaliste, exerçait deux emplois à
mi-temps en qualité de rÃ

©dacteur, l'un pour le journal
X.________ édité par Y.________, l'autre pour le mensuel
sportif Z.________. Ayant perdu sa première a...

«AZA 7»
C 152/01

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 21 février 2002

dans la cause

Service de l'emploi, première instance cantonale de recours
en matière d'assurance-chômage, rue Marterey 5, 1014 Lau-
sanne, recourant,

contre

R.________, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- R.________, journaliste, exerçait deux emplois à
mi-temps en qualité de rédacteur, l'un pour le journal
X.________ édité par Y.________, l'autre pour le mensuel
sportif Z.________. Ayant perdu sa première activité, il
s'est annoncé à l'assurance-chômage le 1er décembre 1998,
en indiquant qu'il était prêt et disposé à exercer un tra-
vail salarié à 100 %; les revenus qu'il a continué à ré-

aliser auprès du mensuel Z.________ ont été pris en consi-
dération comme gain intermédiaire.
Le 10 mars 2000, l'Office régional du placement de
Prilly (ci-après : l'ORP) a enjoint l'assuré à adresser par
écrit sa candidature à W.________ pour un poste de journa-
liste. Le 15 mars 2000, cet employeur a informé l'ORP que
R.________ ne s'était pas présenté et que le poste mis au
concours n'était plus vacant.
Invité à donner les raisons pour lesquels il n'avait
pas donné suite à l'assignation, le prénommé a expliqué
qu'il avait bien la volonté de postuler et que s'il ne
l'avait pas fait jusqu'à présent, c'était parce qu'il at-
tendait que l'offre paraisse dans la presse; il lui sem-
blait en effet préférable de répondre à une annonce plutôt
que de dévoiler son statut de chômeur. L'ORP a alors rendu
une décision, le 24 mars 2000, par laquelle il a suspendu
le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une du-
rée de 31 jours au motif que ce dernier n'avait pas fait
tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour trou-
ver un travail convenable.
R.________ a déféré la décision du 24 mars 2000 au
Service de l'emploi du canton de Vaud (ci-après : le ser-
vice de l'emploi), première instance cantonale de recours
en matière d'assurance-chômage, qui a rejeté son recours
(décision du 21 janvier 2001).

B.- Saisi d'un recours de l'assuré, le Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud l'a admis et réformé la déci-
sion du service de l'emploi en ce sens qu'il a réduit la
durée de la suspension prononcée par l'ORP de 31 à 3 jours
(jugement du 25 avril 2001).

C.- Le service de l'emploi interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annu-
lation, en concluant à la confirmation de sa décision du
21 janvier 2001.

Le tribunal administratif a présenté des observations
et conclu au rejet du recours, appuyé en cela par
R.________. De son côté, le Secrétariat d'Etat à l'économie
a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Selon la jurisprudence, le juge des assurances
sociales ne doit pas se limiter à examiner l'objet du re-
cours en ne prenant en compte que les questions de droit
soulevées par les parties. Il peut admettre ou refuser un
recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le re-
courant ou examinés par l'instance inférieure (art. 114
al. 1 in fine en relation avec l'art. 132 OJ; ATF 124 V 340
consid. 1b et les arrêts cités).

2.- L'ORP a suspendu le droit de l'intimé à l'indemni-
té de chômage pour une durée de 31 jours en application de
l'art. 30 al. 1 let. c LACI («ne fait pas tout ce qu'on
peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail
convenable»). Pour sa part, le service de l'emploi a con-
firmé tant le principe que la quotité de la suspension pro-
noncée par l'ORP, en retenant toutefois que le comportement
de l'intimé était assimilable à un refus d'accepter un tra-
vail convenable et, partant, tombait sous le coup de
l'art. 30 al. 1 let. d LACI. Quant aux premiers juges, on
ne voit pas très bien sur quelle disposition ils se sont
fondés pour admettre l'existence d'un motif de suspension
selon l'art. 30 al. 1 LACI; en tout état de cause, ils ont
réduit à 3 jours la durée de la suspension considérant,
d'une part, que l'inaction de l'intimé résultait bien plus
d'un malentendu que d'une volonté délibérée de refuser le
travail assigné par l'ORP et, d'autre part, qu'une candida-
ture même rapide aurait eu d'emblée peu de chances d'abou-
tir, le poste ayant été repourvu à peine 5 jours après la
date de l'assignation.

3.- a) L'assuré est tenu d'accepter le travail conve-
nable qui lui est proposé (art. 17 al. 3 LACI). Par ail-
leurs, l'art. 16 al. 1 LACI prévoit qu'en règle générale,
l'assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de
diminuer le dommage. Son droit à l'indemnité est suspendu
lorsqu'il est établi qu'il n'observe pas les prescriptions
de contrôle du chômage ou les instructions de l'office du
travail, notamment en refusant un travail convenable qui
lui est assigné (art. 30 al. 1 let. d LACI, 1ère phrase).
Les éléments constitutifs d'un refus de travail convenable
sont également réunis lorsque le chômeur ne se donne pas la
peine d'entrer en pourparlers avec l'employeur ou le fait
tardivement, bien qu'un travail lui ait été proposé par
l'office du travail (DTA 1986 no 5 p. 22 consid. 1a; cf.
Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], ch. 704 p. 258).

b) En l'occurrence, le travail assigné à R.________
doit être qualifié de convenable. Aucune des circonstances
prévues par l'art. 16 al. 2 LACI ne se trouve en effet
réalisée dans le cas particulier, ce que l'intimé n'a
d'ailleurs jamais contesté. Il était donc dans l'obligation
d'entreprendre immédiatement toutes les démarches utiles
pour présenter sa candidature et, le cas échéant, accepter
le travail. Or, du 10 mars 2000 (date à laquelle il a pris
connaissance de l'assignation) au 20 mars 2000 (date à la-
quelle l'ORP a repris contact avec lui), il est resté inac-
tif. Que l'intimé souhaitait, comme il l'affirme, attendre
l'annonce du poste dans la presse ne saurait justifier le
fait qu'il ait laissé passer 10 jours - voire plus s'il
n'avait été interpellé par l'ORP - sans contacter directe-
ment W.________, ni chercher à obtenir davantage d'informa-
tions auprès des autorités de chômage. D'une part, la pro-
position d'emploi de l'ORP l'enjoignait de manière expli-
cite et non équivoque à offrir ses services à
W.________ - on ne voit pas, à cet égard, ce qui aurait pu
prêter à un malentendu comme le retiennent les premiers

juges. D'autre part, l'intimé ignorait si le poste vacant
allait faire l'objet d'une parution dans la presse - ce qui
n'est de loin pas toujours le cas -, de sorte qu'il a plei-
nement accepté le risque d'agir trop tard. En réalité, son
attitude dénote, sinon un désintérêt pour le travail propo-
sé, à tout le moins un manque de motivation sérieux. Dans
ces conditions, c'est à bon droit que le service de l'em-
ploi a retenu que les éléments constitutifs d'un refus de
travail convenable sont réunis en l'espèce (art. 30 al. 1
let. d LACI).

4.- A cet égard, les objections formulées par les pre-
miers juges quant à l'exigence d'un lien de causalité entre
le comportement fautif de l'assuré et le préjudice subi par
l'assurance-chômage dans l'application de l'art. 30 al. 1
LACI ne sont pas pertinentes.
Le droit à l'indemnité de chômage a pour corollaire un
certain nombre de devoirs qui découlent de l'obligation gé-
nérale des assurés de réduire le dommage (ATF 123 V 96 et
les références citées). En font notamment partie les pres-
criptions de contrôle et les instructions de l'office du
travail prévues à l'art. 17 LACI. Lorsqu'un assuré ne les
respecte pas, il adopte un comportement qui, de manière gé-
nérale, est de nature à prolonger la durée de son chômage.
Afin justement de prévenir ce risque, l'art. 30 al. 1
let. d LACI sanctionne en particulier l'assuré qui n'obser-
ve pas les prescriptions de contrôle ou les instructions de
l'office du travail par la suspension de son droit à l'in-
demnité de chômage. Jurisprudence et doctrine s'accordent à
dire qu'une telle mesure constitue une manière appropriée
et adéquate de faire participer l'assuré au dommage qu'il
cause à l'assurance-chômage en raison d'une attitude con-
traire à ses obligations (ATF 125 V 199 consid. 6a,
124 V 227 consid. 2b, 122 V 40 consid. 4c/aa et 44 con-
sid. 3c/aa; Riemer-Kafka, Die Pflicht zur Selbstverantwor-
tung, p. 461, Nussbaumer, op. cit., ch. 691 p. 251, Ger-
hards, Kommentar zum AVIG, tome 1, ad. art. 30).

Pour autant, la suspension du droit à l'indemnité de
chômage n'est pas subordonnée à la survenance d'un dommage
effectif. Une telle condition ne ressort nullement du texte
légal et ne se laisse pas non plus déduire d'une interpré-
tation de celui-ci. En effet, l'art. 30 al. 1 let. d LACI
sanctionne des comportements dont les conséquences préjudi-
ciables pour l'assurance-chômage sont, pour certains, dif-
ficiles à quantifier. Ainsi, voit-on mal comment il serait
possible de déterminer le dommage causé par un assuré ne se
rendant pas à un entretien de conseil ou ne participant pas
à une réunion d'information. En outre, s'il fallait suivre
les premiers juges, il en résulterait des inégalités de
traitement difficilement justifiables entre assurés n'ayant
pas donné suite à une assignation selon que le poste propo-
sé serait repourvu à plus ou moins brève échéance par l'em-
ployeur. Or, indépendamment des chances de succès effecti-
ves des démarches qu'ils avaient à accomplir, ces assurés
ont tous pareillement violé leurs obligations en ce sens
qu'ils ont laissé s'échapper une possibilité concrète de
retrouver une activité lucrative. Autre est la situation
dans laquelle le poste proposé n'est plus vacant à la date
de l'assignation ou encore celle de l'assuré qui accepte,
concomitamment à une assignation du chômage, un autre em-
ploi convenable (cf. DTA 1990 no 20 p. 132); il n'y a alors
pas matière à suspension en vertu de l'art. 30 al. 1 let. d
LACI puisque dans le premier cas, l'assignation est dépour-
vue d'objet, tandis que dans le second, l'assuré a concré-
tisé son obligation principale d'accepter un travail. En-
fin, on peut encore ajouter que si l'administration était
tenue d'établir pour chaque violation des devoirs énoncés à
l'art. 17 LACI la nature du dommage encouru à l'assurance-
chômage, cela poserait des problèmes pratiques insurmonta-
bles qui iraient à l'encontre de l'objectif de prévention
de la suspension.
Dans le cas particulier, ce qui dès lors est décisif
au regard de l'art. 30 al. 1 let. d LACI (en particulier du
refus d'un travail convenable ou des circonstances qui lui

sont assimilables), c'est que pendant plus de 10 jours,
l'intimé s'est abstenu de donner suite à l'injonction de se
présenter à W.________ alors que le poste était vacant au
moment de l'assignation - aucun élément au dossier ne per-
met d'en douter -, et qu'objectivement rien ne l'empêchait
de le faire; peu importe si, rétrospectivement, il s'est
avéré que le poste en question a été repourvu assez rapi-
dement.

5.- La durée de la suspension est proportionnelle à la
gravité de la faute de l'assuré et ne peut excéder, par mo-
tif de suspension, 60 jours (art. 30 al. 3 LACI). Selon
l'art. 45 al. 2 OACI, la durée de la suspension est de 1 à
15 jours en cas de faute légère, 16 à 30 jours en cas de
faute de gravité moyenne et 31 à 60 jours en cas de faute
grave. L'art. 45 al. 3 OACI dispose qu'il y a faute grave
lorsque l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans
être assuré d'obtenir un nouvel emploi ou lorsqu'il refuse
un emploi réputé convenable sans motif valable.
Dans un arrêt DTA 2000 no 8 p. 42, le Tribunal fédéral
a laissé la question ouverte de savoir si, en cas d'un re-
fus de travail convenable au sens de l'art. 30 al. 1 let. d
LACI, l'administration et le juge des assurances peuvent
s'écarter de la règle posée par l'art. 45 al. 3 OACI lors-
que des circonstances particulières le justifient (eu
égard, notamment, au type d'activité proposé, au salaire
offert ou à l'horaire de travail), et fixer une suspension
d'une durée inférieure au minimum prévu par cette disposi-
tion. Il n'est toutefois pas besoin de la trancher ici. En
effet, les «raisons stratégiques» invoquées par l'intimé
pour expliquer son manque de diligence ne sauraient consti-
tuer une circonstance particulière au sens de la jurispru-
dence précitée. Par ailleurs, en fixant la durée de la sus-
pension à 31 jours - minimum de l'échelle prévue pour la
faute grave -, l'ORP a adéquatement tenu compte de l'ensem-
ble de circonstances.

Le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal
administratif du canton de Vaud du 25 avril 2001 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud et au Secréta-
riat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 21 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.152/01
Date de la décision : 21/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-21;c.152.01 ?
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