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21/02/2002 | SUISSE | N°4C.301/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 février 2002, 4C.301/2001


«/2»

4C.301/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

S.________, demandeur et recourant, représenté par Me Sylvie
Challande, avocate à Genève,

et

dame F.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Serge Rouvinet, avocat à Genèv

e;

(contrat de travail; salaire afférent aux vacances; paiement
du treizième salaire)

Vu les pièces du dossier d'où resso...

«/2»

4C.301/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Favre, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

S.________, demandeur et recourant, représenté par Me Sylvie
Challande, avocate à Genève,

et

dame F.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Serge Rouvinet, avocat à Genève;

(contrat de travail; salaire afférent aux vacances; paiement
du treizième salaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- S.________ a travaillé au service de dame
F.________ en qualité de sertisseur du 1er décembre 1994 au
31 décembre 1996 sur la base d'un contrat oral. Les fiches
de
paie de l'intéressé mentionnaient un "salaire à la pièce,
vacances et 13em. salaire compris".

En 1997, S.________ a été engagé par l'atelier de
sertissage P.________, il résulte d'une fiche de salaire de
cet employeur pour le mois de juillet 1997 que les vacances,
calculées au taux de 8,33% du salaire versé, étaient men-
tionnées séparément de la rémunération mensuelle brute.

S.________ a de nouveau travaillé pour le compte
de dame F.________ du 1er août 1998 au 16 septembre 1999,
date à laquelle il a donné son congé immédiat. Aucun contrat
de travail n'a été signé entre les parties. Pendant cette
période, S.________ a également été payé à la pièce, ses
bulletins de salaire faisant toujours état d'un "salaire à
la
pièce, vacances et 13em. salaire compris". Le travailleur a
toutefois perçu en plus une prime mensuelle de 500 fr.;
selon
dame F.________, cette gratification était destinée à compen-
ser les vacances, alors que, d'après S.________, il s'agis-
sait d'une prime qui lui était accordée pour la gestion de
l'atelier de sertissage.

S.________ n'a jamais signé les bulletins de salai-
re de dame F.________, qui n'indiquaient pas séparément le
salaire afférent aux vacances ni le treizième salaire.

La fiduciaire de dame F.________ a établi le 25 no-
vembre 1999 les décomptes de salaire de S.________ pour ses
deux périodes d'engagement; il en résulte qu'il recevait un

salaire "selon production", des indemnités de vacances cal-
culées au taux de 8,33 % du salaire précédent, plus, en 1998
et 1999, un "fixe" de 500 fr. par mois (art. 64 al. 2 OJ).

B.- Après avoir fait notifier une poursuite à
dame F.________, S.________ a déposé le 27 mars 2000 devant
le Tribunal des prud'hommes de Genève une demande en
paiement
à son encontre, lui réclamant au total 41 148 fr.80 en capi-
tal. Le demandeur a conclu au paiement du salaire de septem-
bre 1999, par 3000 fr., aux salaires afférents aux vacances
pour les années 1995, 1996, 1998 et 1999, par respectivement
8636 fr.80, 3815 fr.05, 1346 fr.50 et 3169 fr.40, ainsi
qu'au
versement du treizième salaire pour les quatre mêmes années,
par respectivement 8636 fr.80, 5086 fr.75, 3231 fr.70 et
4225 fr.80.

La défenderesse a conclu à libération, au motif que
les parties étaient convenues que le salaire relatif aux va-
cances et le treizième salaire étaient inclus dans la rémuné-
ration globale prévue ou dans le salaire à la pièce.

Par jugement du 30 août 2000, le Tribunal des
prud'hommes a admis le congé donné par le demandeur avec ef-
fet immédiat le 16 septembre 1999 et condamné la
défenderesse
à lui verser 3000 fr. plus intérêts à titre de salaire pour
la période du 1er septembre au 16 septembre 1999, la main-
levée de l'opposition au commandement de payer étant pronon-
cée à due concurrence. Le Tribunal des prud'hommes a en re-
vanche refusé d'allouer au demandeur des montants à titre de
vacances et de treizième salaire, au vu de l'usage dans la
profession de sertisseur de verser aux travailleurs des sa-
laires à la pièce comprenant lesdites indemnités.

Statuant sur l'appel du demandeur, la Cour d'appel
de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, par
arrêt du 19 juin 2001, a confirmé le jugement critiqué. Elle

a considéré que le système du salaire global incluant les va-
cances est inadmissible et illégal, spécialement lorsque le
travailleur est payé à la tâche. Toutefois, comme le deman-
deur savait en tout cas depuis juillet 1997 que, dans la
branche du sertissage, les vacances étaient calculées au
taux
de 8,33 % comme l'indiquait sa fiche de paie émise par l'ate-
lier P.________, il pouvait calculer, même avec effet rétro-
actif, la part de son salaire mensuel qui représentait les
vacances. Dès lors, a poursuivi la cour cantonale, par appli-
cation de la théorie de la confiance, il y a lieu de déroger
au principe de la spécification du salaire afférent aux va-
cances et de débouter le demandeur de ses prétentions en
paiement d'indemnités de vacances pour les années 1995 à
1996
et 1998 à 1999. A propos des treizièmes salaires, après
avoir
retenu que les parties s'étaient mises d'accord sur le prin-
cipe d'une telle rémunération, l'autorité cantonale, par ana-
logie avec son raisonnement au sujet des indemnités de vacan-
ces, a jugé que le demandeur pouvait aisément procéder au
calcul rapide de la part du treizième mois sur la base des
fiches de paie de la défenderesse, de sorte que ses conclu-
sions en paiement de cette part de rémunération devaient
être
entièrement rejetées.

C.- S.________ saisit le Tribunal fédéral parallè-
lement d'un recours de droit public et d'un recours en réfor-
me. Dans son recours en réforme, il reprend ses conclusions
de première instance, hormis en ce qui concerne le salaire
du
mois de septembre 1999, que la défenderesse, devant la Cour
d'appel, s'est engagée à lui verser.

L'intimée propose le rejet du recours et la confir-
mation de l'arrêt déféré.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sur-
sis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme
jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. La juris-
prudence déroge toutefois à cet ordre de priorité dans des
situations spéciales, qui justifient l'examen préalable du
recours en réforme. Il en va notamment ainsi lorsque la dé-
cision sur le recours de droit public n'a aucune incidence
sur le sort du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid.
1;
122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1), ce qui sera notam-
ment le cas lorsque le recours en réforme apparaît irreceva-
ble (ATF 117 II 630 consid. 1a) ou, inversement, si le re-
cours en réforme paraît devoir être admis même sur la base
des constatations de fait retenues par l'autorité cantonale
et critiquées dans le recours de droit public (ATF 120 Ia
377
consid. 1; 114 II 239 consid. 1b; 112 II 330 consid. 1). En-
fin, il convient de déroger à l'ordre de priorité précité
lorsque le recourant, à l'appui de son recours de droit pu-
blic, invoque une violation du droit fédéral qui pourrait
être retenue dans l'examen du recours en réforme, de sorte
que le premier recours perdrait son objet (ATF 107 II 499
consid. 1; 99 II 297 consid. 1).

Dans le recours de droit public qu'il a déposé pa-
rallèlement au présent recours, le recourant reproche tout
d'abord à la cour cantonale d'avoir admis implicitement que
la défenderesse a prouvé avoir effectivement inclus dans le
salaire à la pièce un supplément de 8,33 % correspondant à
la
rémunération afférente aux vacances. Pourtant, comme on le
verra ci-dessous, la Cour d'appel n'a pas procédé à une
telle
constatation pour rejeter les prétentions du demandeur en
paiement du salaire des vacances, mais a fondé son raisonne-
ment sur l'admission, en vertu du principe de la confiance
(art. 2 al. 1 CC), de la connaissance d'un élément par le

recourant, question qui est soulevée en instance de réforme
et pourra y être examinée, dès lors qu'elle a trait à un
principe de droit fédéral. En ce qui concerne le grief du
demandeur pris de la motivation contradictoire de l'arrêt
cantonal sur le refus de lui accorder le paiement d'un trei-
zième salaire, il ne concerne en réalité pas le droit d'être
entendu, mais bien la violation de l'art. 322 CO - disposi-
tion à laquelle le recourant fait d'ailleurs expressément
référence -, point qui touche à l'application du droit fédé-
ral et qui sera débattu avec le recours en réforme. Enfin,
lorsque le recourant fait valoir que l'autorité cantonale a
commis un déni de justice à défaut d'avoir motivé l'arrêt
déféré sur le problème de l'inclusion de l'indemnité de va-
cances dans le salaire global, il se prévaut d'un moyen qui
n'a pas de portée propre, car la motivation de l'arrêt can-
tonal était suffisante pour qu'il puisse la comprendre,
comme
l'attestent les critiques pertinentes fondées sur la trans-
gression de l'art. 329d CO qu'il a présentées à l'appui de
son recours en réforme.

Partant, en dérogation à la règle de l'art. 57 al.
5 OJ, le recours en réforme sera examiné avant le recours de
droit public.

2.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-

vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où une partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui
viennent
d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte
(ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le re-
cours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation
des
preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF
126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la qualification juridique des faits constatés
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

3.- Le recourant soutient que la Cour d'appel a
enfreint l'art. 329d al. 2 CO. Il fait valoir que le respect
par l'employeur de l'exigence de spécifier explicitement le
salaire des vacances contraint celui-ci à établir qu'il a
fourni au travailleur des éléments lui permettant de connaî-
tre la part en chiffres ou en pourcentage du salaire destiné
à rémunérer les vacances. En cas de silence de l'employeur,
ce ne serait pas à l'employé de rechercher, par des déduc-
tions logiques ou la consultation d'ouvrages juridiques de
référence, le montant qui représenterait le salaire des va-
cances.

a) L'employeur accorde au travailleur, chaque année
de service, au moins quatre semaines de vacances (art. 329a
al. 1 CO), pendant lesquelles l'employeur doit lui verser le
salaire total y afférent (art. 329d al. 1 CO). A teneur de
l'art. 329d al. 2 CO, tant que durent les rapports de tra-
vail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des
prestations en argent ou d'autres avantages. Selon la juris-
prudence, cette disposition prohibe, en particulier, les
clauses stipulant que le salaire relatif aux vacances n'est
pas versé au moment où celles-ci sont prises, mais compris
dans le salaire global (ATF 118 II 136 consid. 3b; 116 II
515
consid. 4a; 107 II 430 consid. 3a). L'interdiction de rempla-
cer les vacances par d'autres prestations, qui a pour but
d'assurer que les vacances servent bien au repos (ATF 118 II
136 ibidem), est une norme qui s'applique en principe impéra-
tivement aux parties au contrat de travail (art. 361 CO).

L'inclusion de l'indemnité de vacances dans le sa-
laire total est toutefois admissible dans des situations par-
ticulières; tel sera par exemple le cas si un employé à
temps
partiel a un travail très irrégulier, s'il est question d'un
travail intérimaire (cf. ATF 118 II 136 consid. 3b p. 137;
107 II 430 consid. 3a), ou encore si le travailleur a en
même
temps différents employeurs (Rehbinder, Commentaire bernois,
n. 15 ad art. 329d CO). Encore faut-il que le contrat de tra-
vail et les décomptes de salaire mentionnent clairement la
part du salaire global destinée à l'indemnisation des vacan-
ces (ATF 118 II 136 consid. 3b; 116 II 515 consid. 4a; arrêt
4C.18/1992 du 6 août 1992, SJ 1993 p. 355 s., consid. 2a).
Le
Tribunal fédéral doit en effet être en mesure de contrôler
si
la part convenue du salaire afférent aux vacances garantit
l'entier du salaire dû pour cette période (ATF 118 II 136
consid. 3b).

La prétention du travailleur sera néanmoins rejetée
si l'employeur parvient à démontrer que l'employé - en fai-

sant preuve de l'attention que l'on est en droit d'attendre
de lui tant au moment de la conclusion du contrat que lors
de
la réception de chaque décompte de salaire
- connaissait ou
devait connaître le supplément, en chiffres ou en pour-cent,
servant à la rémunération des vacances; il s'agit d'un cas
d'application du principe de la bonne foi objective (art. 2
al. 1 CC; ATF 116 II 515 consid. 4b et les références).

b) Il convient tout d'abord de vérifier si la cour
cantonale a constaté que les parties, qui n'ont jamais passé
de contrat écrit, avaient la volonté commune, au cours des
deux périodes où le demandeur a été au service de la défen-
deresse, d'inclure le salaire afférent aux vacances dans le
salaire à la pièce convenu (art. 18 al. 1 CO).

aa) Selon la jurisprudence, déterminer la commune
et réelle intention des parties est une question de fait,
qui
ne peut être revue par le Tribunal fédéral saisi d'un
recours
en réforme. Si cette volonté ne peut être établie, c'est une
question de droit - que le Tribunal fédéral peut revoir li-
brement dans un tel recours - que de rechercher, selon le
principe de la confiance, le sens que chacune des parties
pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de
volonté de l'autre, en tenant compte des termes utilisés
ainsi que du contexte et de l'ensemble des circonstances
dans lesquelles elles ont été émises (ATF 127 III 444
consid.
1b; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa).

bb) In casu, la cour cantonale n'a posé aucune
constatation à propos de la volonté réelle des plaideurs
d'inclure l'indemnité de vacances dans le salaire du deman-
deur. La Cour d'appel a seulement relevé incidemment que
l'intimée a déclaré que la gratification mensuelle de
500 fr., versée au salarié en plus de son salaire à la
pièce,
était destinée à compenser les vacances; toutefois, dans sa
réponse au recours en réforme (cf. p. 5 ch. 9 et p. 11 al.

2), la défenderesse ne fait plus valoir ce point de vue et
affirme désormais que cette prime était octroyée certains
mois où le travail ne pouvait pas être fourni en suffisance.

L'intégration du salaire des vacances dans la ré-
munération globale du demandeur pourrait donc tout au plus
résulter d'un accord normatif, dès l'instant où le travail-
leur n'a jamais protesté contre le libellé de ses bulletins
de paie, qui mentionnaient un "salaire à la pièce, vacances
et 13em. salaire compris". Cette question souffre toutefois
de rester indécise. En effet, même si l'on devait admettre
un
tel consentement normatif, l'accord, comme on le verra ci-
dessous, est contraire à la norme impérative ancrée à l'art
329d al. 2 CO et donc frappé de nullité, conformément aux
art. 19 et 20 CO.

c) Le principe de l'inclusion du salaire afférent
aux vacances dans le salaire global n'est admissible que
dans
des situations particulières, notamment si le travailleur
est
simultanément au service de plusieurs employeurs, s'il
assure
un intérim, ou si son taux d'occupation est soumis à de for-
tes fluctuations.

On peut se demander si les rapports de travail
noués entre les parties avaient le caractère d'exception
requis par la jurisprudence pour que le salaire des vacances
puisse être inclus dans le salaire global du travailleur.
Comme ce point n'a en l'occurrence aucune incidence concrète
sur la solution du litige, ainsi que les motifs qui suivent
le démontreront, il n'est nul besoin d'y apporter une ré-
ponse.

d) Il appert en effet que l'exigence jurispruden-
tielle selon laquelle l'indemnité de vacances doit être
clairement spécifiée, tant dans le contrat de travail que

dans les décomptes de salaire, n'a absolument pas été res-
pectée.

Il est tout d'abord constant que les parties n'ont
pas conclu de contrat écrit.

D'après les constatations souveraines de l'arrêt
critiqué (art. 63 al. 2 OJ), les bulletins de salaire ne men-
tionnaient pas séparément la part du salaire afférent aux va-
cances. La cour cantonale croit pouvoir faire une exception
au principe susmentionné, au motif que la fiche de salaire
du
tiers qui a employé le demandeur entre ses deux périodes
d'engagement pour la défenderesse indiquait, séparément du
salaire pour le travail effectué, que le 8,33% de la rémuné-
ration correspondait à l'indemnité de vacances.

Il est exclu de suivre l'autorité cantonale dans
cette voie. La Cour d'appel oublie d'abord que le droit aux
vacances est modulé chez chaque employeur en fonction de
l'âge, voire de l'ancienneté, ce qui ne permet pas d'extra-
poler dans une branche d'activité le régime des vacances en
vigueur chez un employeur donné.

De toute manière, on ne voit pas comment une fiche
de paie établie en juillet 1997 par un tiers aurait pu per-
mettre au demandeur de connaître avec précision le
supplément
destiné à rémunérer des vacances relatives à des rapports de
travail avec un autre employeur ayant pris fin depuis plus
de
six mois.

S'agissant de la seconde période d'engagement du
demandeur (du 1er août 1998 au 16 septembre 1999), les juges
genevois n'ont pas retenu, même s'ils en ont envisagé la
possibilité, l'existence d'une pratique constante dans la
branche de la bijouterie de rémunérer les vacances par un

supplément de 8,33% du salaire convenu (cf., sur l'existence
d'un usage, ATF 113 II 25 consid. 1a).

Quant aux décomptes de salaire dressés par la fidu-
ciaire de l'intimée, ils ne sauraient jouer aucun rôle en
l'occurrence, dès lors qu'ils sont postérieurs à la fin des
rapports de travail qui ont lié en dernier lieu les parties.

e) Selon l'art. 329a al. 1 CO, la durée minimale
des vacances est fixée à quatre semaines par année de
service
pour les travailleurs de plus de vingt ans. Le demandeur a
ainsi droit à une indemnité équivalant à 8,33% du salaire
qu'il a reçu chez la défenderesse, d'une part entre le 1er
décembre 1994 et le 31 décembre 1996, d'autre part entre le
1er août 1998 et le 16 septembre 1999
(Brunner/Bühler/Waeber,
Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n. 3 ad art. 329d
CO, p. 125). Les constatations de l'arrêt déféré, qui sont
totalement muettes sur le salaire versé au recourant durant
les périodes précitées, ne permettent pas au Tribunal
fédéral
de procéder à ce calcul, qui incombera donc à l'autorité can-
tonale après annulation de l'arrêt attaqué et renvoi de l'af-
faire par application de l'art. 64 al. 1 OJ.

4.- Le recourant prétend que l'autorité cantonale
a mal appliqué l'art. 322 al. 1 CO. A le suivre, il n'est
pas
contesté que les plaideurs sont convenus, pendant toute la
durée des rapports de travail, du versement d'un treizième
salaire. Les magistrats genevois auraient ainsi dû admettre
que le recourant disposait d'une créance, puisqu'il est
avéré
que les treizièmes salaires n'ont pas été payés au demandeur.

L'art. 322 al. 1 CO dispose que l'employeur paie au
travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un
contrat-type de travail ou par une convention collective.

Le treizième salaire ne constitue pas une indemnité
spéciale accordée en plus du salaire au sens de l'art. 322d
al. 1 CO; il s'agit d'un élément du salaire annuel dont
l'échéance est différée. Autrement dit, le treizième mois,
comme le salaire proprement dit, est la contrepartie de la
mise à disposition par le salarié de sa force de travail
(consid. 3b non publié de l'ATF 127 III 86; ATF 109 II 447
consid. 5c; Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag,
2e
éd., n. 7 ad art. 322d CO; Staehelin; Commentaire zurichois,
n. 12 ad art. 322 CO et n. 6 ad art. 322d CO).

En l'espèce, la cour cantonale a constaté que les
parties avaient eu la volonté réelle d'octroyer au demandeur
un treizième salaire, que ce soit pour la première ou pour
la
seconde période de leurs rapports contractuels, ce qui lie
le
Tribunal fédéral (ATF 126 III 25 consid. 3c). Elle a encore
retenu que la défenderesse n'avait pas prouvé avoir inclus
le
treizième mois dans le salaire mensuel versé au demandeur,
de
sorte qu'elle restait débitrice de ces parts de salaire. La
Cour d'appel a toutefois débouté le recourant de l'entier de
ses prétentions y relatives, parce que le travailleur
pouvait
aisément faire un calcul rapide de la part de rémunération
en
cause sur la base de ses fiches de paie.

Ce raisonnement ne résiste pas à l'examen. Confor-
mément à l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur est tenu de verser
au recourant le salaire convenu, y compris le treizième
mois,
qui, comme on l'a vu, est un élément dudit salaire. La nais-
sance de la créance en paiement du treizième mois, qui résul-
te du travail que le salarié a consacré au service de l'em-
ployeur, ne saurait être soumise à une condition qui n'est
pas prévue par le droit fédéral.

Partant, il appartiendra également à l'autorité
cantonale, à laquelle la cause est retournée, d'allouer au
recourant un treizième mois pour les deux périodes pendant

lesquelles il a été engagé par la défenderesse. Il paraît
encore utile de préciser que, lorsque les salaires mensuels
varient en cours d'année comme cela doit être le cas pour
des
salaires à la pièce, le treizième salaire se calcule d'après
la moyenne des rémunérations mensuelles (cf. Brunner/Bühler/
Waeber, op. cit., n. 3 ad art. 322d CO).

5.- Comme le recours doit être partiellement admis
et l'arrêt attaqué annulé pour insuffisance de l'état de
fait
en application de l'art. 64 al. 1 OJ, le grief selon lequel
cet arrêt n'est pas conforme à l'art. 51 OJ n'a plus de
portée.

La valeur litigieuse dépassant 30 000 fr., la pro-
cédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 CO). Le recourant
obtient gain de cause sur le principe de son action. Il se
justifie donc de faire supporter les frais et dépens de la
présente procédure à l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours, annule l'arrêt
attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour
nouvelle
décision dans le sens des considérants;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimée;

3. Dit que l'intimée versera au recourant une in-
demnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction
des
prud'hommes du canton de Genève (Cause n° C/6973/2000-1).

_____________

Lausanne, le 21 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.301/2001
Date de la décision : 21/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-21;4c.301.2001 ?
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