La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2002 | SUISSE | N°U.189/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 février 2002, U.189/00


«AZA 7»
U 189/00 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 20 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Maître Monica Kohler,
avocate, rue Marignac 9, 1211 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) P.________ était assuré contre le r

isque
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA) et travaillait en qualité de manoeu-
vre. ...

«AZA 7»
U 189/00 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 20 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Maître Monica Kohler,
avocate, rue Marignac 9, 1211 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) P.________ était assuré contre le risque
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA) et travaillait en qualité de manoeu-
vre. En 1976, il a été victime d'une chute avec réception
sur la main, entraînant une probable fracture scaphoïdien-
ne, elle-même à l'origine d'une arthrose importante et
douloureuse du poignet gauche (rapport du docteur
A.________, médecin d'arrondissement de la CNA, du 18 mars

1996). En 1990, l'assuré s'est blessé au bras gauche en
soulevant un couvercle qui est retombé sur ce bras. Au
cours des années 1993 à 1995, il a subi diverses opéra-
tions, consistant notamment en une dénervation du carpe et
une arthrodèse du poignet gauche, que la CNA a accepté de
prendre à sa charge. Au terme du traitement médical, il est
apparu que l'assuré, gaucher, était désormais incapable
d'utiliser son membre supérieur gauche, si bien qu'il ne
pouvait plus reprendre ses anciens métiers de manoeuvre, de
manutentionnaire, ou d'ouvrier en boulangerie industrielle
(rapport du docteur A.________, précité).
Lors de l'évaluation de l'invalidité de l'assuré, la
CNA a tenu compte de cinq «Descriptions du poste de tra-
vail» (DPT). Elle a ainsi estimé que l'assuré pourrait,
malgré son handicap, travailler en qualité d'employé et de
patrouilleur scolaire au service de la ville de V.________
(DPT 788), d'employé de cafétéria à W.________ (DPT 798),
d'employé de bureau au service clients de X.________ (DPT
817), d'employé manutentionnaire et contrôleur des invendus
chez X.________ (DPT 816), ou de nettoyeur d'ateliers et de
machines auprès de Y.________ (DPT 765). De telles activi-
tés lui procureraient un gain mensuel de 3250 fr. (part du
treizième mois comprise). Comparé au gain mensuel de
4600 fr. qu'il réaliserait sans l'accident, la perte de
gain serait de l'ordre de 30 %.
Quant à l'atteinte à l'intégrité, le docteur
A.________ l'a évaluée à 10 % (second rapport du 18 mars
1996), compte tenu de la table 5 d'évaluation de telles
atteintes et du fait que l'accident s'était produit en
1976.

b) Par décision du 7 avril 1998, la CNA a alloué une
rente d'invalidité de 30 % à son assuré à partir du 1er fé-
vrier 1997, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'inté-
grité d'un taux de 10 %.
L'assuré s'est opposé à cette décision, en soutenant
que son état de santé justifiait le versement d'une rente

d'invalidité de 100 % et d'une indemnité pour atteinte à
l'intégrité de 50 %. Dans le cadre de l'instruction de
l'opposition, la CNA a produit quatre autres DPT : chargé
de support informatique, employé commercial à W.________
(DPT 791), surveillant de magasin à W.________ (DPT 799),
surveillant de parking à W.________ (DPT 1641), et employé
de parking, caissier essence chez Z.________ (DPT 2524).
La CNA a rejeté l'opposition, par décision du 21 mai
1999.

B.- P.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant
à l'allocation d'une rente d'invalidité de 100 % dès le
1er février 1997, ainsi qu'au versement d'une indemnité
pour atteinte à l'intégrité de 50 % dès la même date.
Par jugement du 21 mars 2000, la juridiction cantonale
a admis partiellement le recours et annulé les décisions
des 7 avril 1998 et 21 mai 1999 dans la mesure où elles
portaient sur le taux de la rente d'invalidité. Les pre-
miers juges ont renvoyé la cause à la CNA afin qu'elle pro-
cède à une enquête économique complémentaire.

C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
L'assuré intimé conclut au rejet du recours, avec
suite de dépens. Il sollicite le bénéfice de l'assistance
judiciaire. L'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte uniquement sur le montant du reve-
nu d'invalide de l'intimé et, par voie de conséquence, sur
son taux d'invalidité (art. 18 LAA). Non contesté, le juge-
ment attaqué est donc entré en force dans la mesure où le

Tribunal administratif a confirmé le degré de l'indemnité
pour atteinte à l'intégrité (art. 24 et 25 LAA).

2.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide
à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invali-
dité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de
gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de
longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un ac-
cident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle
de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).
A cet égard, le revenu d'invalide doit être évalué
avant tout en fonction de la situation professionnelle
concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effecti-
vement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu
d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques
salariales (ATF 126 V 76-77 consid. 3b), singulièrement à
la lumière de celles figurant dans l'enquête suisse sur la
structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la
statistique (ATF 124 V 321). La mesure dans laquelle les
salaires ressortant des statistiques doivent être réduits,
dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au
handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie
d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte
d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'apprécia-
tion. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments
qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc).

3.- a) Le Tribunal administratif a considéré que la
documentation (DPT) de la CNA est en principe pertinente
pour évaluer le revenu d'un invalide, à la condition toute-

fois qu'un choix de cinq places de travail exigibles, au
minimum, soit proposé.
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont admis que
seules trois descriptions, parmi les neuf communiquées par
la recourante, correspondaient au profil requis pour l'in-
timé. Ils en ont déduit que l'enquête économique était la-
cunaire et qu'un complément d'instruction s'imposait, cette
tâche devant être dévolue à la CNA (consid. 8 pp. 11-12 du
jugement attaqué).

b) C'est toutefois à tort que la juridiction cantonale
a renvoyé le dossier à la CNA pour compléter l'enquête éco-
nomique. En effet, dès lors qu'elle considérait que, parmi
les postes de travail figurant sur les DPT, certains
n'étaient pas adaptés et/ou pas exigibles, il lui apparte-
nait soit d'interpeller d'office la CNA pour qu'elle pro-
duise d'autres DPT, soit de faire usage des salaires sta-
tistiques figurant sur l'enquête suisse sur la structure
des salaires pour effectuer la comparaison des revenus (cf.
ATF 124 V 321; arrêt C. du 8 mai 2001, U 402/99).
Ainsi que le relève à juste titre la recourante, le
salaire mensuel s'élève, selon la table TA1 de l'enquête de
1996, à 4294 fr. pour des activités simples et répétitives
(niveau 4) exécutées par des hommes dans le secteur privé,
durant 40 heures de travail. Ce salaire mensuel hypothé-
tique, qui se base sur une durée hebdomadaire de travail
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises, doit
être ajusté à 41,9 heures par semaine, de sorte qu'il faut
retenir un salaire mensuel de 4498 fr. Même si l'on appli-
quait un facteur de réduction - maximal - de 25 % (ATF
126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc), on parviendrait à un revenu
d'invalide de 3373 fr. 50 (soit 40 482 fr. par année) qui
serait supérieur à celui de 3250 fr. que la CNA avait re-
tenu dans sa décision litigieuse. En le comparant au revenu
annuel de 55 200 fr. (12 x 4600 fr.) réalisable sans inva-
lidité, la perte de gain serait ainsi de 26,6 %, inférieure
au taux que la recourante avait pris en compte dans sa

décision du 7 avril 1998. Le résultat serait sensiblement
le même s'il était fait référence à la table TA13, car
celle-ci retient un salaire mensuel moyen de 4308 fr. pour
une activité de niveau 4 exercée par un homme dans la ré-
gion lémanique; la perte de gain serait alors de 26,4 %.
Quant aux données ressortant de l'enquête de 1998,
publiées entre-temps (TA1 : 4268 fr.; TA13 : 4354 fr.),
elles ne diffèrent pas sensiblement de celles de 1996, de
sorte qu'elles n'ont pas d'incidence sur la solution du
présent litige.
Comme les premiers juges disposaient de tous les élé-
ments nécessaires pour établir le revenu d'invalide de
l'intimé, le renvoi de la cause pour complément d'instruc-
tion était injustifié. Le recours est bien fondé.

4.- a) Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence,
les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite
sont en principe remplies si le requérant est dans le be-
soin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du
moins indiquée (ATF 125 V 202 consid. 4a, 372 consid. 5b et
les références).

b) En l'espèce, l'intimé remplit ces conditions, de
sorte que l'assistance judiciaire lui sera octroyée pour
l'instance fédérale. L'intimé est toutefois rendu attentif
au fait qu'il devra rembourser la caisse du tribunal s'il
devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 152
al. 3 OJ; ATF 124 V 309 consid. 6).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève du 21 mars 2000 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) de Me Kohler
sont fixés à 2500 fr. pour la procédure fédérale et
seront supportés par la caisse du tribunal.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.189/00
Date de la décision : 20/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-20;u.189.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award