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20/02/2002 | SUISSE | N°I.64/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 février 2002, I.64/01


«AZA 7»
I 64/01 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Métral

Arrêt du 20 février 2002

dans la cause

R.________, recourant, représenté par ses parents,
A.________ et B.________,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- R.________ est atteint du syndrome polymalformatif
con

génital de Simpson-Golabi-Behmel. Il a ainsi présenté
dès la naissance, entre autres affections, une fente labio-
maxillo palatine ...

«AZA 7»
I 64/01 Tn

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Métral

Arrêt du 20 février 2002

dans la cause

R.________, recourant, représenté par ses parents,
A.________ et B.________,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- R.________ est atteint du syndrome polymalformatif
congénital de Simpson-Golabi-Behmel. Il a ainsi présenté
dès la naissance, entre autres affections, une fente labio-
maxillo palatine droite, un reflux vésico-urétéral, une
hypotonie et une hyporéflexie ainsi qu'une anomalie cardia-
que (communication interauriculaire).
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud (ci-après : l'office AI) lui a alloué des mesures

médicales en vue de traiter ces infirmités. Il a notamment
pris en charge, jusqu'à la deuxième année de l'enfant, une
physiothérapie selon Bobath, afin de soigner l'hypotonie
musculaire dont il souffrait. Par lettre du 26 août 1998,
la mère de R.________ a requis la prolongation de cette
mesure au-delà de l'âge de deux ans; la physiothérapie
suivie était en effet essentielle au développement psycho-
moteur de son fils, selon le pédiatre de ce dernier, le
docteur C.________ (rapport du 25 août 1998). Cette demande
fut rejetée le 29 octobre 1999 par l'office AI.

B.- Le 28 juillet 2000, le Tribunal des assurances du
canton de Vaud rejeta le recours formé par l'assuré contre
cette décision.

C.- R.________ interjette un recours de droit admini-
stratif contre ce jugement. Il conclut en substance à ce
que soit reconnu son droit à la prise en charge, par l'as-
surance-invalidité, de la physiothérapie suivie postérieu-
rement au 31 août 1998. L'office AI conclut au rejet du
recours, ce que propose également l'Office fédéral des
assurances sociales (ci-après : OFAS).

Considérant en droit :

1.- Est litigieux le point de savoir si le recourant
peut prétendre, postérieurement à l'accomplissement de sa
deuxième année de vie, la prise en charge par l'assurance-
invalidité d'une physiothérapie, puis d'une ergothérapie.

2.- Aux termes de l'art. 13 LAI, les assurés ont droit
aux mesures médicales nécessaires au traitement des infir-
mités congénitales jusqu'à l'âge de 20 ans révolus (al. 1).
Le Conseil fédéral établira une liste des infirmités pour
lesquelles ces mesures sont accordées; il pourra exclure la
prise en charge du traitement d'infirmités peu importantes

(al. 2). La liste des infirmités congénitales prévue dans
cette disposition fait l'objet d'une ordonnance spéciale
(art. 3 RAI). Selon cette ordonnance, sont réputées infir-
mités congénitales au sens de l'art. 13 LAI les infirmités
présentes à la naissance accomplie de l'enfant (art. 1
al. 1 OIC) et qui figurent dans la liste annexée à l'OIC
(art. 1 al. 2 1ère phrase OIC); le Département fédéral de
l'intérieur (ci-après : DFI) peut également qualifier
d'infirmités congénitales au sens de l'art. 13 LAI les
infirmités congénitales évidentes qui ne figurent pas dans
cette liste (art. 1 al. 2 2ème phrase OIC).

3.- Les premiers juges ont considéré que ni le syndro-
me de Simpson-Golabi-Behmel, ni l'hypotonie musculaire ne
figuraient dans la liste des infirmités congénitales. Sur
ce point, le jugement entrepris n'est pas critiquable. En
particulier, le chiffre 390 de cette liste, invoqué par le
recourant, qualifie d'infirmités congénitales au sens de
l'art. 13 LAI les paralysies cérébrales congénitales, en
précisant qu'elles doivent se manifester sous la forme de
troubles spastiques, athétosiques ou ataxiques. Tel n'est
pas le cas de l'hypotonie musculaire, comme l'admet la
doctoresse D.________ (rapport du 21 mars 2000, auquel se
réfère le recourant) et comme le retiennent la pratique
administrative (chiffre 390.2 de la circulaire de l'OFAS
concernant les mesures de réadaptation de l'AI, ci-après :
CMRM) et la jurisprudence (arrêts non publiés A. du 7 no-
vembre 1997 [I 125/96] consid. 2, G. du 11 février 1997
[I 60/96] consid. 1, F. du 22 octobre 1990 [I 227/90]
consid. 4b).

4.- Le recourant soutient que, sur le plan médical, le
syndrome de Simpson-Golabi-Behmel dont il souffre est indu-
bitablement d'origine congénitale, ce qui suffit à lui
ouvrir droit aux prestations de l'assurance-invalidité. Il
fait par ailleurs valoir que les symptômes liés à son
manque de tonus musculaire sont comparables à ceux que pré-

sente une personne souffrant de paralysie cérébrale congé-
nitale au sens de l'art. 390 OIC, de sorte que cette dispo-
sition devrait à tout le moins lui être appliquée par ana-
logie, afin d'éviter toute inégalité de traitement.

a) aa) Le Tribunal fédéral des assurances examine en
principe librement la légalité des dispositions d'applica-
tion prises par le Conseil fédéral. En particulier, il
exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes) qui
reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci
donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation,
le tribunal doit se borner à examiner si les dispositions
incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation
de compétence donnée par le législateur à l'autorité exécu-
tive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à
la loi ou à la Constitution. Dans l'examen auquel il pro-
cède, le juge ne doit toutefois pas substituer sa propre
appréciation à celle de l'autorité dont émane la réglemen-
tation en cause (ATF 127 V 7 consid. 5a, 126 II 404 con-
sid. 4a, 573 consid. 41, 126 V 52 consid. 3b, 365 con-
sid. 3, 473 consid. 5b et les références).

bb) Dans le cadre de ce contrôle, le Tribunal fédéral
des assurances n'examine qu'avec une grande retenue le
contenu du catalogue annexé à l'OIC. En effet, l'art. 13
al. 2 LAI confère au Conseil fédéral une large compétence
de déterminer, parmi les infirmités congénitales au sens
médical, celles pour lesquelles les prestations de
l'art. 13 LAI doivent être accordées (infirmités congéni-
tales au sens de la LAI; ATF 105 V 22 consid. 1b). Le cata-
logue dressé à cette fin par le Conseil fédéral, parfois en
tenant légitimement compte d'impératifs de praticabilité
(arrêt cité), présente un caractère technique marqué; il a
été établi en collaboration avec la Commission fédérale des
questions de réadaptation médicale dans l'AI, sur la base
des propositions de groupes de travail ad hoc composés de
médecins spécialisés (OFAS, La révision de l'ordonnance

concernant les infirmités congénitales de l'assurance-inva-
lidité, valable dès le 1.1.86 in : Bulletin des médecins
suisses no 9/86, tirage à part, p. 1). Cette procédure, à
l'instar de celle mise en oeuvre pour établir l'Ordonnance
sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins
en cas de maladie (OPAS), est de nature à assurer au conte-
nu de la liste en cause une certaine homogénéité, qu'il est
difficile de conserver lorsque le juge complète cette liste
sur la base d'expertises mises en oeuvre de cas en cas (cf.
ATF 125 V 30 sv. consid. 6a et ATF 124 V 195 sv. con-
sid. 6).
Par ailleurs, dans la mesure où le DFI peut corriger
la liste à bref délai en y ajoutant des infirmités congéni-
tales évidentes (art. 1 al. 1 2ème phrase OIC), le système
mis en place permet de tenir raisonnablement compte des
progrès de la science médicale.

b) aa) Comme l'ont exposé de manière exacte les pre-
miers juges, le syndrome de Simpson-Golabi-Behmel, à l'ins-
tar d'autres pathologies entraînant des symptômes multiples
- par exemple le syndrome de Down (cf. ATF 114 V 26) -, ne
peut pas être traité directement dans son ensemble, de
sorte qu'il n'est pas susceptible de figurer comme tel dans
la liste des infirmités congénitales. D'après la jurispru-
dence, il est conforme à la loi que, pour de telles affec-
tions polysymptomatiques, le traitement des divers troubles
dont souffre l'assuré soit à charge de l'assurance-invali-
dité uniquement si ces troubles, considérés isolément,
correspondent à l'une ou l'autre des infirmités congéni-
tales énumérées dans l'annexe à l'OIC (chiffre 6 et 10
CMRM; VSI 1999 174 consid. 4a et les références). Partant,
le syndrome de Simpson-Golabi-Behmel ne saurait ouvrir
droit, comme tel, aux prestations litigieuses.

bb) Il est vrai que, selon le rapport du 21 mars 2000
de la doctoresse D.________, les troubles présentés par le
recourant sont peu spécifiques et se retrouvent aussi dans

d'autres contextes, comme par exemple l'ataxie congénitale.
Toutefois, la liste des infirmités congénitales est exhaus-
tive et ne saurait être étendue par le juge - serait-ce à
l'aide d'un raisonnement par analogie (cf. ATF 125 V 30 sv.
consid. 6a) -, sous réserve de son pouvoir de contrôler la
légalité et la constitutionnalité de l'OIC. Or, à cet
égard, le seul fait que les symptômes liés à l'hypotonie
musculaire soient relativement proches de ceux que présente
une personne souffrant d'ataxie n'obligeait pas le Conseil
fédéral à traiter de la même manière ces affections d'ori-
gines différentes, compte tenu du large pouvoir d'apprécia-
tion qui lui a été reconnu. C'est donc à juste titre que la
juridiction cantonale a nié le droit du recourant à la pri-
se en charge du traitement litigieux au titre de l'art. 13
LAI.

5.- Le recourant soutient qu'à défaut de le mettre au
bénéfice de l'art. 13 LAI, l'intimé devait lui allouer les
mesures médicales demandées en vertu de l'art. 12 al. 1
LAI.

a) La disposition invoquée confère à tout assuré le
droit aux mesures médicales qui n'ont pas pour objet le
traitement de l'affection comme telle, mais sont directe-
ment nécessaires à la réadaptation professionnelle et sont
de nature à améliorer de façon durable et importante la
capacité de gain ou à la préserver d'une diminution nota-
ble. L'art. 13 LAI confère des droits plus étendus, en ce
sens qu'il permet également la prise en charge par l'assu-
rance-invalidité du traitement de l'affection comme telle,
indépendamment des possibilités de réadaptation; il limite
toutefois le cercle des bénéficiaires de ces prestations
aux assurés de moins de vingt ans atteints d'infirmité
congénitale. Il est donc possible qu'un assuré ne remplis-
sant pas les conditions restrictives posées à l'art. 13 LAI
- par exemple parce que l'affection dont il souffre n'est
pas une infirmité congénitale au sens de cette disposi-

tion - puisse cependant prétendre des prestations limitées
à des mesures médicales de réadaptation au sens de
l'art. 12 LAI (arrêt non publié J. du 30 décembre 1994
[I 196/94], consid. 1b).

b) En règle générale, la guérison ou l'amélioration
d'un phénomène pathologique labile constitue un traitement
de l'affection comme telle, que l'art. 12 al. 1 LAI exclut
de prendre en charge à titre de mesure médicale de réadap-
tation. A cet égard, seules entrent en considération, en
principe, les mesures médicales qui visent directement à
éliminer ou à corriger des états défectueux stables, ou du
moins relativement stables, ou des pertes de fonction si
ces mesures permettent de prévoir un succès durable et
important (cf. ATF 120 V 279 consid. 3a et les références).
Les assurés mineurs qui n'exercent pas d'activité
lucrative doivent être considérés comme invalides lorsque
l'atteinte à leur santé aura pour conséquence probable, à
l'avenir, une incapacité de gain (art. 5 al. 2 LAI). Dès
lors, selon la jurisprudence, des mesures médicales appli-
quées à de jeunes gens peuvent tendre de manière prédomi-
nante à la réadaptation professionnelle - et être prises en
charge par l'assurance-invalidité malgré le caractère
encore momentanément labile de l'affection - lorsque, à
défaut de ces mesures, il n'y aurait qu'une guérison impar-
faite, ou qu'il subsisterait un état stabilisé défectueux
qui entraverait la formation professionnelle ou la capacité
de gain, voire toutes les deux (ATF 105 V 20). A cet égard,
peu importe que les mesures ordonnées soient des mesures
d'urgence (opération chirurgicale, par exemple) ou des
mesures d'une certaine durée, telles que la physiothérapie
ou l'ergothérapie (RCC 1984 525 consid. 3). Mais des mesu-
res médicales illimitées dans le temps en vue d'empêcher la
survenance d'un état pathologique définitif ou d'en atténu-
er les conséquences n'ont pas un caractère prépondérant de
mesures de réadaptation; elle constituent plutôt un traite-
ment de l'affection comme telle, de sorte qu'elles ne sont

pas à charge de l'assurance-invalidité (ATF 102 V 42 sv.,
100 V 43 sv. consid. 2a, 100 V 107 sv.; VSI 1999 p. 130;
RCC 1984 524 sv. consid. 1 et 2).

c) Selon le docteur E.________, médecin chef de la
Division autonome de génétique médicale du Centre hospita-
lier X.________, la possibilité pour R.________ de suivre
correctement l'école, puis d'avoir un métier, dépend essen-
tiellement d'une stimulation appropriée pendant son jeune
âge; selon ce praticien, cette dernière passerait notamment
par une physiothérapie intensive (rapport du 23 novembre
1999). Par ailleurs, d'après les documents médicaux pro-
duits à l'appui du recours, une ergothérapie stimulant la
motricité globale et fine de l'assuré permettrait d'augmen-
ter son autonomie dans la vie quotidienne et d'influencer à
long terme ses capacités d'intégration scolaire et d'ap-
prentissage (rapports des 3 et 15 novembre 2000 ainsi que
du 19 janvier 2001 du Service d'ergothérapie Y.________).
Tant le docteur E.________ que les médecins du Service
d'ergothérapie Y.________ semblent donc considérer qu'une
physiothérapie, puis une ergothérapie sont susceptibles de
permettre au recourant de suivre ultérieurement une forma-
tion scolaire et d'améliorer
sa capacité de gain. Toute-
fois, si le docteur E.________ insiste sur la nécessité
d'intervenir pendant le jeune âge de l'assuré déjà, il
n'indique pas si les mesures préconisées pourront par la
suite être levées, de manière prévisible. Les autres pièces
médicales figurant au dossier ne permettent pas davantage
de se prononcer sur ce point. Aussi la cause sera-t-elle
retournée à l'intimé pour qu'il rende une nouvelle déci-
sion, après instruction complémentaire sur le caractère
permanent ou non des mesures de physiothérapie et d'ergo-
thérapie préconisées pour le recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis; le jugement du
28 juillet 2000 du Tribunal des assurances du canton
de Vaud et la décision du 29 octobre 1999 de l'Office
de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud sont
annulés, la cause étant renvoyée à cet office pour
instruction complémentaire au sens des motifs et
nouvelle décision.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.64/01
Date de la décision : 20/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-20;i.64.01 ?
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